Écho de notre page FB : février 2023

27 février 2023

Tu jugeras avec justice (Lv 19, 15)

Il faut aussi introduire l’humilité dans l’esprit. On se heurte souvent à des esprits diversement non humbles :

Les jugeurs : catégorie de gens qui jugent volontiers toutes choses facilement et tout haut : la valeur, l’esprit, la vertu de leurs confrères, la direction de la maison, l’esprit du milieu, l’enseignement. Leur autorité est souvent mince, mais l’âme des auditeurs en est souvent troublée : il faut faire attention au milieu. Très souvent c’est un défaut d’humilité : l’âme humble juge peu, discrètement, sobrement, sans prévention, elle inclinera plus volontiers vers les jugements favorables. – Il faut bien juger les gens comme ils sont. – Mais c’est fort difficile. Applications tirées du séminaire. Les jugements sont dictés par une secrète infatuation : on croit avoir les qualités qu’on blâme les autres de ne pas avoir. Il y a des petits esprits qui se choquent d’une foule de choses, les grands esprits sont plus portés à tout accepter.

(P. Lagrange, o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014)

23 février 2023

 

« Le Fils de Dieu n’est pas venu juger, mais sauver. Aux tentations du jugement, penser à ses propres fautes, et si de fait on se trouve en présence d’une faute réelle, et qu’il y ait besoin d’expiation, s’offrir comme une victime, bien indigne. »

(P. Marie-Joseph Lagrange, O.P. Journal intime, Cerf, 2014, p. 208.)

 

22 février 2023

« Mon Dieu ! Vous avez été trop bon pour moi ! J’ai oublié que j’étais coupable, que mon pardon était le prix de votre Sang : disciplina pacis nostræ super eum, et livore ejus sanati sumus » « Le châtiment qui devait nous procurer la paix est tombé sur lui et nous avons été guéris par ses meurtrissures ‘Isaïe 53, 5’ ». (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel, Artège, 2014, p. 263.)

Illustrations : Saint Pierre, le pénitent, par Gerard Seghers (17e)

P. Lagrange en 1896

 

20 février 2023

L’amour de Jésus est la racine de la sainteté

Santa Teresa de Jesus

Santa Teresa de Jesus

Il me semble que le résultat de l’étude de St Thomas (de Incarnatione) et de notre pèlerinage d’Albe doit être de me rapprocher bien davantage de la Très Sainte Humanité de Jésus. Je ne m’en suis jamais écarté, je crois, de parti pris, quoique j’aie été tenté de le faire : cette pensée me fait horreur. Mais je n’ai certes pas fait assez d’efforts pour converser familièrement avec Jésus : « L’amour de Jésus est la racine de la sainteté. »

Ce doit être le point principal de la dévotion à Marie Immaculée.

 

Salamanque, 1880

 

 

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, Cerf, 2014, 20 février 1881, p. 125.)

18 février 2023

Un Sauveur crucifié

« Que peut donner l’homme en échange de son âme ? Celui qui aura rougi de moi et de mes paroles, dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi rougira de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père, avec les saints anges. » (Marc 8, 38)

(R. P. M.-J. Lagrange, o. p. Évangile selon saint Marc, 4e édition, Lecoffre-Gabalda, 1935.)

Les choses étaient si bien disposées pour le triomphe du Christianisme et la constitution de l’Église qu’ils semblent sortir du monde comme une fleur de sa tige : mais les moyens de Dieu, la Croix, est [sic] si contraire à l’esprit du monde, la résistance fut si atroce, que le triomphe du Christianisme apparaît clairement comme la marque de la force de Dieu. Sa sagesse se manifeste dans la préparation, sa force dans l’exécution de ce grand dessein. Souvent on exagère en sens opposé : on noircit ce qui précède pour faire ressortir la victoire du Christ ; ou bien, on exalte le paganisme pour diminuer la valeur des idées divines. Mais St Paul parle de la plénitude des temps : plénitude d’ignominie et d’abaissements ; l’humanité ainsi brisée, Dieu a pitié d’elle, et de ces fragments épars construit son Église. Sentant sa honte, l’humanité se reportait au beau temps de sa jeunesse, quand elle était sortie des mains de Dieu radieuse d’innocence, et soupirait après l’âge d’or : elle attendait le retour de cette félicité perdue. Dieu trompa et surpassa son attente ; il lui donna la Croix, un Sauveur Crucifié.

Les Juifs ont donné la tradition, l’histoire, la lettre ; les Grecs, la langue et la philosophie ; les Romains, le droit, l’administration, la hiérarchie, l’architecture, l’histoire.

(P. M.-J. Lagrange, o. p. Journal spirituel, 4 décembre 1880, Cerf, 2014, p.110)

 

15 février 2023

 

 

Les convictions et les sentiments qui doivent animer une vie religieuse : le P. Lagrange au P. Vincent, o.p.

« En termes paternels mais persuasifs, il me rappelait quelles convictions et quels sentiments devaient animer ma vie religieuse et mon labeur : foi intense, humilité sincère, ardent amour de Jésus, désir agissant d’être utile aux âmes suivant les directives de son Église, énergie résolue devant les épreuves, abandon aux desseins mystérieux de Notre Père qui est au ciel. » (L.-H. Vincent, o. p. Le père Marie-Joseph Lagrange. Sa vie et son œuvre. Parole et Silence, 2013, p. 604.)

 

 

14 février 2023

Saint Cyrille et saint Méthode – Apôtres des slaves – Copatrons de l’Europe

Fils de l’Orient, byzantins de patrie, grecs d’origine, romains par leur mission, slaves par leurs fruits apostoliques, ces deux saints frères constituent un exemple classique de ce que l’on indique aujourd’hui par le terme d’« d’inculturation » (Benoît XVI, 17 juin 2009).

L’Église catholique a mis plus d’un siècle pour répondre aux défis auxquels fut confronté le père Lagrange à la fin du 19esiècle ; il est remarquable de noter que bien des éléments de son intuition de départ se retrouvent aujourd’hui dans les solutions proposées par les documents magistériels relatifs à la pratique de l’exégèse biblique dans l’Église catholique ; à  savoir : ne renoncer en rien à la scientificité de l’étude du texte biblique, mais dans le même temps, ne renoncer en rien à la dimension théologale de l’étude du texte biblique – théologale, c’est-à-dire qui puisse rendre possible la rencontre de Dieu en Jésus-Christ.

(Olivier Artus, Exégèse et Fidélité « Le Père Lagrange dans l’histoire de l’Exégèse biblique catholique, extrait ». Journées Lagrange, 25-26 octobre 2015. Angelicum, volume 92, année 2015, fascicule 4.)

10 février 2023 

Jour-anniversaire du dies natalis du père Marie-Joseph Lagrange O. P.

P. Marie-Joseph Lagrange o.p. (1855-1938)

La messe mensuelle est célébrée par Fr. Manuel Rivero, o.p., pour la béatification du P. Lagrange auquel nous confions nos intentions personnelles à son intercession. Ce mois-ci une intention particulière pour Murielle est demandée. C’est la veille de la fête de Notre-Dame de Lourdes et la Journée mondiale des malades. Pensons à eux. Prenons soin d’eux. Le P. Lagrange savait ce qu’était la maladie, il fut souvent hospitalisé en raison d’une santé fragile.

Dans l’une de ses recensions concernant le P. Lagrange, Claude Savart (professeur d’histoire) écrit « Malgré sa volonté tenace de stricte obéissance, le Père Lagrange est ballotté jusqu’à la fin de ses jours dans les remous de la crise moderniste ou de ses séquelles. Il laisse néanmoins un magnifique exemple à la fois d’intelligence et de sainteté, qui n’a pas fini de porter des fruits ».

Avec la prière pour la glorification du P. Lagrange, « demandons au Père de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie ». Prière sur le site https://www.mj-lagrange.org

9 février 2023 

Souvenirs des Journées Lagrange. Rome octobre 2015

Fr. Manuel Rivero O.P.
La cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem
« Journées Lagrange », Institut français/Angelicum, Rome, les 23-24 octobre 2015
En commençant cette présentation de la cause de béatification du père Lagrange, je tiens à remercier Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, pour sa proposition de ces Journées à Rome dans le but de faire connaître le fondateur et le maître de l’École biblique de Jérusalem dans les milieux intellectuels et académiques romains. En effet, des congrès et des colloques ont eu lieu à Jérusalem et en France, tandis que cette figure pionnière de l’exégèse est restée dans l’ombre dans les universités de la ville éternelle. Il s’agit ici de montrer l’apport du père Lagrange à l’intelligence de la foi, la sainteté de sa vie et l’intérêt de le mettre sur les autels comme modèle de foi chrétienne dans l’harmonie de la foi et de la raison.
Brève biographie
Qui est le père Lagrange ? Albert Lagrange est né à Bourg-en-Bresse le 7 mars 1855 en la fête de saint Thomas d’Aquin. Le Docteur Angélique restera sa référence théologique tout au long de son parcours d’exégète. Sa mère, Marie-Élisabeth Falsan, marquera spirituellement l’évolution de son fils par son sens de la miséricorde envers les pauvres et par sa ferveur mariale. D’origine lyonnaise, elle a transmis à Albert la dévotion à la Vierge Immaculée, qui deviendra la patronne de l’École biblique. Son père, Claude-Pierre Lagrange, notaire à Bourg-en-Bresse, donnera à Albert le sens du travail consciencieux et de la droiture ainsi que l’amour de la patrie française. Son parrain de baptême, Albert Falsan, oncle maternel et géologue, éveillera chez Albert l’intérêt pour les couches géologiques. Plus tard, il s’intéressera aux couches rédactionnelles. Élève au petit séminaire d’Autun, étudiant en droit à Paris, Albert Lagrange reçoit l’habit de saint Dominique au couvent royal de Saint-Maximin (Var) le 6 octobre 1879 des mains du prieur provincial, le frère Hyacinthe-Marie Cormier, qui assumera par la suite la charge de Maître de l’Ordre et qui sera béatifié par le saint pape Jean-Paul II en 1994. Ses reliques continuent d’apporter des grâces en cette université pontificale « Angelicum ». Ordonné prêtre à Zamora (Espagne) le 22 décembre 1883 pendant l’exil de la Province de Toulouse, le père Lagrange, en religion frère Marie-Joseph, fonde l’École biblique le 15 novembre 1890, en la fête de son saint patron de baptême. Un mot-clé apparaît déjà dans son discours inaugural : « progrès dans la vérité ». Pour le père Lagrange, Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité. Toute sa vie sera consacrée à l’étude et à l’enseignement de la Parole de Dieu. Malade à la fin de sa vie, il aimait citer Dante en italien pour évoquer son retour « au bercail où il avait été agneau », c’est-à-dire au couvent de Saint-Maximin, d’où il partira vers le Père le 10 mars 1938.
Un goût passionné pour la Parole de Dieu
Alors que le modernisme menace de réduire la Bible à un texte simplement humain à étudier comme les autres ouvrages de la littérature mondiale, sans aucune dimension surnaturelle, le père Lagrange manifeste dès le premier numéro de la Revue biblique en janvier 1892 sa vision de la révélation : « L’Écriture sainte, comme substance divine, comme manne de l’intelligence, dans son dogme et dans sa morale, dans ses conseils pratiqués par les religieux, et par conséquent connus dans leur saveur intime, est vraiment pour l’Église catholique, après l’Eucharistie, le Verbe de Dieu qui nourrit » . Comment ne pas penser aux enseignements de l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini sur la sacramentalité de la Parole de Dieu ?
Le but de tous ses travaux sera de montrer comment la Bible a le Saint-Esprit pour auteur tout en passant par la médiation des langues et cultures du peuple d’Israël. Aussi s’investit-il dans la connaissance des langues anciennes (hébreu, grec, araméen, latin, arabe, égyptien…) et modernes (allemand, anglais, italien, espagnol). École pratique d’études bibliques, l’École biblique de Jérusalem conjoint les recherches sur les documents et les monuments.
Dans son encyclique « La joie de l’Évangile », le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear » , c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires. Dans son souci permanent du salut des âmes, le père Lagrange a enseigné en tirant du trésor de la Parole de Dieu du neuf et de l’ancien . Aussi s’est-il heurté à des incompréhensions voire des suspicions et des interdictions. Ayant commencé par le commentaire de l’Ancien Testament, il a vu son article sur le déluge typographié et tout prêt pour sa publication dans la Revue biblique arrêté et condamné à l’attente dans un carton . Ses réflexions sur l’universalité du déluge et sur la conception de l’histoire chez les Hébreux ont dû faire peur à certains. Le père Lagrange y apporte sa traduction à partir de l’hébreu et son commentaire riche en connaissance des religions et des civilisations orientales, pour aboutir au terme d’une étude technique du texte à des enseignements pour la vie spirituelle où « la miséricorde succède au temps de la justice » : « Enfin les Pères, prenant à la lettre l’universalité du déluge ont fait de l’Arche le symbole de l’Église, et les théologiens aiment à y voir le type de la Conception Immaculée de Marie. Toutes ces vérités demeurent ; quoi qu’il en soit de nos conclusions en matière de critique littéraire ou d’histoire, elles demeurent comme l’objet des méditations de tous les chrétiens, à commencer par les exégètes ».
L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction
Il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait parce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai » . C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence » .
Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.
Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyé à Pie X le 10 juin 1911 , ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.
C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem sans explication particulière après dix mois passés en France.
Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.
Ses idées développées dans « La Méthode historique » (1903), dans ses livres et articles passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu en 1943 et dans Dei Verbum (1965) du concile Vatican II.
Témoignages en faveur de l’œuvre du père Lagrange
Parmi les très nombreux soutiens aux intuitions et aux publications du père Lagrange, méritent d’être cités plusieurs papes . Léon XIII (+20 juillet 1903) brille dans l’histoire de l’Église comme promoteur des études bibliques. Il avait pensé faire de la Revue biblique l’organe officiel de la Commission biblique qu’il avait fondée. C’est lui aussi qui approuva la fondation de l’École biblique de Jérusalem. Pie XI (+ 1939) sera un fidèle abonné de la Revue biblique.
Le bienheureux pape Paul VI lui a rendu hommage lors de son discours aux membres de la Commission biblique pontificale le 14 mars 1974 : « Pour vous défendre des fausses pistes dans lesquelles l’exégèse risque de se fourvoyer, Nous allons emprunter les paroles d’un grand maître de l’exégèse, d’un homme dans lequel ont brillé de façon exceptionnelle la sagacité critique, la foi et l’attachement à l’Église : Nous voulons dire le père Lagrange » .
Le saint pape Jean-Paul II a fait ressortir son discernement dans des moments difficiles et sa critique saine : « Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu’il fallait rejeter des conclusions historiques, sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs » .
Les Maîtres de l’Ordre des prêcheurs ont aussi soutenu le père Lagrange dans sa mission . Lors de l’ « exode » du père Lagrange vers Dieu le Père le 10 mars 1938, le frère Martin-Stanislas Gillet, maître de l’Ordre, envoya une forte et émouvante lettre à tout l’Ordre pour mettre en lumière la trajectoire intellectuelle et spirituelle du fondateur de l’École biblique : « Tout le monde sait qu’il fut un exégète incomparable, un savant d’une rare culture, un esprit très fin, un travailleur acharné, mais la plupart ignorent qu’il fut en même temps et resta toute sa vie un saint religieux » .
Plus récemment, le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, ancien recteur de l’Institut biblique de Rome, archevêque émérite de Milan, a manifesté sa reconnaissance envers le père Lagrange dont « la prière était feu » : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures » .
Une multitude de témoignages furent rédigés en hommage au père Lagrange. Ses élèves l’aimaient. Parmi eux figurent le cardinal Eugène Tisserand et Jean Guitton.
Le rayonnement spirituel du père Lagrange
Outre son influence sur l’exégèse, le père Lagrange a impressionné son entourage par son exemple au quotidien : vie de prière intense, combat spirituel, travail acharné, magnanimité dans les conflits, humilité… Ses disciples l’ont vénéré aussi comme un maître spirituel : le frère Louis-Hugues Vincent O.P., le cardinal Eugène Tisserant , le philosophe et académicien Jean Guitton…
Parmi les témoignages d’admiration porteurs de symboles bibliques, je voudrais citer ici celui d’un frère dominicain espagnol, ancien élève du père Lagrange, le frère Vicente Berecibar : « Voici la silhouette du Maître vénéré, qui le 10 mars 1938 monta au Ciel, nous laissant comme un nouvel Élie, le riche héritage du merveilleux manteau de ses œuvres et de son esprit » ; ainsi que le témoignage du poète Paul Claudel, qui malgré son approche si éloignée de l’exégèse littérale, comparait le père Lagrange à Néhémie restaurant les murs de Jérusalem au retour de l’exil, avec le concours du grand-prêtre Elyashiv .
La sainteté du père Lagrange apparaît dans sa fidélité au travail. Par son travail, il a sanctifié l’exégèse ; il s’est sanctifié dans l’exégèse et il a sanctifié les autres par l’exégèse. C’est ainsi qu’il a incarné dans son existence la prière du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». Le Nom de Dieu a été sanctifié en lui et par lui à travers le labeur jour après jour de l’interprétation de la révélation biblique.
Son attachement à l’Immaculée Conception et à la prière du Rosaire ont touché le cœur de ses contemporains. Il vivait en présence de la Vierge Marie. Très souvent il commençait la rédaction de chaque feuille de travail en inscrivant en haut de la page, dans le milieu : « Ave Maria ». Au couvent Saint-Étienne de Jérusalem, le père Lagrange priait chaque après-midi le rosaire à genoux dans le silence de la basilique, ce qui édifiait ses confrères.
Sa vie spirituelle transparaît nos seulement dans ses Souvenirs personnels rédigés en 1926 et dans ses journaux spirituels mais aussi dans ses commentaires exégétiques au service de la vérité de la foi chrétienne sans oublier son ouvrage de vulgarisation qui a illuminé le chemin de foi de beaucoup de prêtres et de laïcs L’Évangile de Jésus-Christ et qu’il serait bon de rééditer avec la synopse des pères Lagrange et Lavergne . La Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium enseigne que « la vraie dévotion procède de la vraie foi » .
Récemment le journal italien L’Avvenire l’appelait « le mystique de la Bible » à l’occasion de la présentation de son Journal spirituel inédit . L’exégèse, la théologie, la prédication, la morale et la mystique trouvaient en cet homme complet unité et harmonie.
Étudiant en théologie au couvent de Salamanque, le père Lagrange aimait se rendre en pèlerinage à Alba de Tormes pour vénérer les reliques de la grande mystique espagnole, sainte Thérèse d’Avila. C’est à ses enseignements qu’il devait sa formation à l’oraison et son initiation aux voies de la contemplation.
Nous venons de célébrer à Rome le 18 octobre 2015 la canonisation des parents de la petite Thérèse Martin. Dans son journal spirituel, le père Lagrange s’émerveille de la simplicité de Thérèse et il lui confie des intentions de prière : « Lu la vie de Ste Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets… on se sent si loin de S. Augustin ou de Ste Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ‟ ama et fac quod vis ” (‟Aime et fais ce que tu veux ”, saint Augustin). Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de choses qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… » . Le père Lagrange, si sobre et scientifique dans ses propos, est entré par connaturalité dans l’âme mystique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
De nombreux témoignages venus des cinq continents arrivent à l’Association des amis du père Lagrange dont le siège est au couvent de Nice. Des personnes appartenant à des milieux sociaux différents rendent grâce au Seigneur pour des grâces reçues dans leur vie spirituelle, familiale, professionnelle, ecclésiale. Nous aurions tort d’imaginer que les grâces attirées par le père Lagrange ne concernent que l’approche de la Bible ou l’adhésion au Christ, ce qui est déjà capital. Son témoignage de droiture et de fidélité éclaire aujourd’hui la conscience des employés devant de possibles injustices dans leur entreprise ou le choix à faire par des conjoints en crise. Il arrive que des malades témoignent des améliorations sans que cela ait pu devenir des cas de miracles reconnus par la science.
Où en est sa cause de béatification ?
L’intérêt pour sa cause de béatification a été exprimé par le chapitre général d’Avila en 1986. Le procès du diocèse de Fréjus-Toulon a été clôturé le 18 novembre 1992 et la Congrégation pour la cause des saints l’a validé en date du 3 décembre 1993. La Positio du père Lagrange a bénéficié des recherches du père Bernard Montagnes pour la biographie critique ; du père Maurice Gilbert, jésuite, pour le rapport théologique sur tous ses textes bibliques et théologiques et de Mgr Joseph Doré pour le rapport théologique sur ses vertus.
Que manque-t-il pour obtenir la béatification ? Un miracle évidemment. Il reste aussi un travail à accomplir pour actualiser et compléter la Positio sur le père Lagrange de manière qu’elle puisse passer après approbation à la Congrégation pour la cause des saints où sa vie et son œuvre seront examinées par des théologiens et des historiens.
Appelé « le nouveau saint Jérôme », des exégètes et des théologiens voient dans le père Lagrange non seulement un bienheureux et un saint mais aussi un docteur de l’Église.
Saint-Denis de La Réunion, le 7 octobre 2015, en la fête de Notre-Dame-du-Rosaire.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange

9 février 2023 

 

« Ô mon Jésus, toutes les fois que j’ai voulu mettre du mien, j’ai mis obstacle à votre amour. C’en est fait, je vous abandonne ma volonté : tua voluntas fiat, non seulement parce que vous êtes mon maître absolu, mais encore parce que je vous ai abandonné ma volonté, parce que je vous aime et que tout mon bonheur est d’agir selon votre bon plaisir. »

(Marie-Joseph Lagrange o.p. 7 février 1881. Journal spirituel, Cerf, 2014).

Photo : Jésus et Jean-Icône de Sœur Marie-Paul-moniale bénédictine du mont des Oliviers-Jérusalem.

 

 

 

7 février 2023

 

 

« Ô Marie Immaculée, vous êtes ma bonne mère : je compte donc absolument sur vous, mais, en revanche, je ne puis rien vous refuser. Je vous promets donc d’être très fidèle à la grâce. Vrai pot sans couvercle ! »

(Marie-Joseph Lagrange o.p. 7 février 1881. Journal spirituel, Cerf, 2014).

Photo : Vierge de Miséricorde-Vincenzo Tamagni (15e)

 

 

4 Février 2023

« Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde »

“C’est vous qui êtes le sel de la terre. Mais, si le sel s’affadit, avec quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes (Mt 5, 13). »

C’est peut-être à cette occasion, peut-être dans le sermon sur la montagne, que Jésus a fait du sel le symbole de l’action que devaient exercer ses disciples. Le sel conserve et assaisonne : cette seconde fonction est de beaucoup la principale, et c’est d’elle qu’il s’agit ici. « Le sel est bon », dit le Maître, et de fait, en arabe, le mot « salé » est employé constamment dans le sens de « bon ». Si par impossible il perdait sa saveur : aucun autre élément ne pourrait la lui rendre : c’est sa qualité propre, c’est lui qui donne de la saveur à toutes choses, rien ne peut lui en donner. Plutarque a même écrit que la vertu du sel donnait une âme aux viandes mortes qu’il faudrait sans cela jeter dans le fumier. Les disciples doivent être pénétrés de cette saveur, une haute valeur morale qui est l’âme de la vie humaine. S’ils venaient à la perdre, qui pourrait la leur rendre ? Personne ! Qu’ils soient donc animés de cette vertu active, un peu âpre, mais salutaire, et que néanmoins ils restent en paix les uns avec les autres. C’est le dernier mot de toute instruction dans saint Marc.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, extrait, Artège, 2017, pp. 307-308.)

Illustration : Ste Catherine de Sienne-Citation :

« Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier. »

3 février 2013 

« Le Seigneur est ma lumière et mon salut » (Ps 26 (27).

« Mon Jésus, vous êtes ma seule lumière, car sans vous rien ne me contente et ma raison succomberait

P. Lagrange priant
Photo EBAF

bientôt aux énigmes du monde et de l’homme. Vous êtes mon seul appui, le seul être qui m’aime vraiment et puisse vraiment me sauver. Vous m’avez créé pour quelque chose, et ce quelque chose est vous connaître et vous aimer. Vous m’avez fait prêtre pour vous faire connaître. »

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Illustration Ps 26. Diocèse de Luçon.

2 février 2023

Présentation du Seigneur au Temple

Le cantique de Syméon

« Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël » (Luc 2, 29-32)

Les plus éclairés des païens imaginaient qu’au moment de la mort, l’âme, bientôt affranchie des liens du corps, entrait plus avant dans la connaissance des choses divines. Cet espoir fut cette fois réalisé par la grâce de l’Esprit. Siméon voit plus loin que Zacharie, dont le regard s’arrêtait aux frontières d’Israël. Prenant l’enfant dans ses bras, ce véritable héritier d’Isaïe salue celui qui répandra le salut sur tous les peuples, étant la lumière des nations, sans cesser d’être la gloire d’Israël. Mais cette lumière ne percera pas toutes les ténèbres. Selon la force du terme légal, dès cette heure le premier-né de Marie est sanctifié à Dieu. C’est le terme dont Jésus se servira à la veille de sa Passion : « Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’ils soient aussi sanctifiés en vérité (Jn 17-19) » Or la consécration au Dieu saint se fait par le sacrifice. Les premiers-nés de l’homme ne sont pas immolés, et Jésus lui-même est racheté pour cinq sicles au jour de sa Présentation, mais l’immolation l’attend dans l’avenir. Le vieillard Siméon en eut le pressentiment comme du résultat final de la contradiction qui devait conduire Jésus à la mort, une mort salutaire à tant d’autres. Et parce que l’enfant paraissait endormi dans la passiveté de son âge, c’est au cœur de sa Mère qu’il adresse le trait douloureux de sa prophétie : « Voici qu’il est placé pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël et pour être en butte à la contradiction, et ton âme sera transpercée d’un glaive. » Première douleur profonde de la Mère, frappée la première en attendant d’être associée à la Passion de son Fils.

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, extrait, Artège, 2017)

Illustration : Présentation du Seigneur. (Portrait) Fra Angelico

Méditations des mystères du Rosaire par Soeur Sandrine, O.P.

 

Mystères glorieux
1er mystère La Résurrection de Jésus
« Va trouver mes frères et dis leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » Jn
2ème mystère L’ascension de Jésus
« Comme Il les bénissait, Il se sépara d’eux et fut emporté au ciel » Lc
3ème mystère La descente du Saint Esprit –La Pentecôte
« Nul ne connaît ce qui concerne Dieu sinon l’Esprit de Dieu » 1Co
4ème mystère L’assomption de Marie
« Un signe grandiose apparût au ciel : une Femme ! Le Soleil l’enveloppe » Ap
5ème mystère Le couronnement de Marie
« Réjouis-toi comblée de Grâce, Le Seigneur est avec Toi » Lc

Mystères Joyeux (1)
1er mystère L’annonciation
« Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole »
2ème mystère Visite de Marie à sa cousine Elisabeth – La visitation
« Bénie es-Tu entre les femmes et béni le fruit de ton sein»
3ème mystère La naissance de Jésus – La nativité
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre, paix aux hommes objets de sa complaisance ! »

4ème mystère La présentation de Jésus au temple
« Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples »
5ème mystère Le recouvrement de Jésus
« Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »

Mystères Joyeux (2)
Méditation avec le psaume 62
1er mystère L’annonciation
« Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube»
2ème mystère Visite de Marie à sa cousine Elisabeth – La visitation
« Mon âme a soif de Toi»
3ème mystère La naissance de Jésus – La nativité
« Après toi languis ma chair, terre aride, altérée sans eau »
4ème mystère La présentation de Jésus au temple
« Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire »
5ème mystère Le recouvrement de Jésus
« Ton amour vaut mieux que la vie. Tu sera la louange de mes lèvres »

Mystères douloureux (1)
1er mystère L’agonie de Jésus
« Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse » Lc 22
2ème mystère La flagellation
« Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient » Lc 22
3ème mystère Le couronnement d’épines
« Les soldats s’avançaient vers lui et disaient « Salut Roi des Juifs » » Jn 19
4ème mystère Le portement de croix
« Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleure plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants »
5ème mystère Le crucifiement
« Père, pardonne-leur ils ne savent ce qu’ils font »

Mystères douloureux (2)
Méditation avec le psaume 21
1er mystère L’agonie de Jésus
Ne sois pas loin : l’angoisse est proche, je n’ai personne pour m’aider.
2ème mystère La flagellation
Des fauves nombreux me cernent, des taureaux de Basan m’encerclent.
3ème mystère Le couronnement d’épines
Des lions qui déchirent et rugissent ouvrent leur gueule contre moi
4ème mystère Le portement de croix
Je suis comme l’eau qui se répand, tous mes membres se disloquent
5ème mystère Le crucifiement
Mon cœur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles.

Mystères douloureux (3)
Méditation avec le psaume 68
1er mystère L’agonie de Jésus
Je descends dans l’abîme des eaux, le flot m’engloutit
2ème mystère La flagellation
Plus abondants que les cheveux de ma tête ceux qui m’en veulent sans raison
3ème mystère Le couronnement d’épines
C’est pour toi que j’endure l’insulte, que la honte me couvre le visage
4ème mystère Le portement de croix
Réponds-moi, Seigneur, car il est bon ton amour
5ème mystère Le crucifiement
Et moi humilié, meurtri, que ton salut Dieu me redresse

Mystères Lumineux
1er mystère Le baptême de Jésus
« Tu es mon fils. Moi aujourd’hui je t’ai engendré » Lc 3
2ème mystère Les noces de Cana
« Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée » Jn 1
3ème mystère L’annonce du royaume
« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi » Jn 7
4ème mystère La transfiguration
« Et il advint, comme il priait, que l’aspect de son visage devint autre et son vêtement d’une blancheur fulgurante » Lc 9
5ème mystère L’institution de l’eucharistie
« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous » Lc 22

EPIPHANIE DU SEIGNEUR
Mystères glorieux
1er mystère La Résurrection de Jésus
« Debout Jérusalem ! Resplendis ! Elle est venue ta lumière et la Gloire du Seigneur s’est levée sur Toi » Is 60
2ème mystère L’ascension de Jésus
« Les nations marcheront vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton aurore » Is 60
3ème mystère La descente du Saint Esprit –La Pentecôte
« Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations » Is 60
4ème mystère L’assomption de Marie
« Voici que l’étoile qu’ils avaient vu à l’orient les précédait » Mt 2
5ème mystère Le couronnement de Marie
« Quand ils virent l’étoile , ils se réjouirent d’une très grande Joie » Mt 2

BAPTEME DU SEIGNEUR
Mystères Lumineux
1er mystère Le baptême de Jésus
« Aujourd’hui, le ciel s’est ouvert, l’Esprit descend sur Jésus, et la voix du Père domine les eaux : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ! » Acclamation évangile baptême
2ème mystère Les noces de Cana
« Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière ni détourné de moi son amour ! » Ps 65
3ème mystère L’annonce du royaume
« Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance » Is61
4ème mystère La transfiguration
« Voix du Seigneur dans sa force, voix du Seigneur qui éblouit » Ps 28
5ème mystère L’institution de l’eucharistie
« Je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations » Is 42

Les enjeux du « dimanche de la Parole de Dieu », le 22 janvier 2023. Fr. Manuel Rivero O.P.

Les enjeux du « dimanche de la Parole de Dieu », le 22 janvier 2023
Fr. Manuel Rivero O.P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem
Le pape François vient d’instituer « le dimanche de la Parole de Dieu » qui aura lieu le 3e dimanche du Temps ordinaire, en 2020, ce sera le 26 janvier. Il a choisi la mémoire liturgique de saint Jérôme (350-419), traducteur et commentateur de la Bible, pour mettre en lumière la Parole de Dieu révélée aux hommes : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », enseignait-il.
Jean Guitton (+1999) , philosophe invité par le saint pape Paul VI au concile Vatican II, membre de l’Académie française, me disait lors d’un entretien à Paris sur le père Lagrange : « Nos contemporains ne croient pas en la dimension surnaturelle de la Bible ; c’est pourquoi il convient de mettre sur les autels le père Marie-Joseph Lagrange, le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, pour relier la foi et la science. » Disciple du père Lagrange à Jérusalem, Jean Guitton vénérait la figure de ce maître en exégèse.
Le cardinal Carlo Maria Martini (+2012), exégète et grand apôtre de la lectio divina, souhaitait aussi la béatification du père Lagrange, dont « la prière était feu », de manière à relier le renouveau de l’exégèse catholique au XIXe siècle avec la sainteté .
Le pape cite l’Évangile de saint Luc pour montrer que les disciples ont eu besoin que Jésus ouvre leur esprit à l’intelligence des Écritures. Jésus qui avait ouvert les oreilles des sourds et les yeux des aveugles ouvre l’esprit fermé des disciples afin qu’ils reçoivent la lumière de la Révélation divine transmise par les Saintes Écritures. Il s’agit d’un miracle encore plus grand que les guérisons physiques. La présence de Jésus ressuscité ne suffit pas. Les disciples déconcertés et apeurés après le Vendredi saint ont besoin de recevoir le sens des événements par la catéchèse de Jésus qui a accompli les prophéties de l’Ancien Testament dans sa mort et dans sa résurrection : « en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem ».
Jésus, l’exégète du Père, est venu expliquer le mystère de Dieu. Le Prologue de l’Évangile de saint Jean utilise le mot grec qui a donné en français « exégèse » pour manifester l’œuvre du Fils de Dieu qui par sa prédication « fait voir » et comprendre l’amour du Père que personne n’a jamais vu. Les explications de Jésus s’avèrent indispensables pour enraciner la Parole de Dieu dans les cœurs, autrement le diable parviendrait à arracher cette semence de vie divine restée à la surface.
Sorti vivant du tombeau, Jésus rappelle aux disciples le sens de la croix et de la Passion. La croix devient la clé qui déverrouille les mystères fermés de l’existence humaine frappée par la souffrance, l’injustice, le mal et le Malin. Le récit des disciples d’Emmaüs converge vers cette phrase de Jésus : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? ». Pour entrer dans la gloire de la résurrection il n’y a qu’un seul chemin, le chemin de la croix. Saint Jean de la Croix (+1591), le grand mystique espagnol, faisait remarquer que nombreux sont ceux qui veulent arriver dans la gloire de Dieu en évitant les souffrances. Un proverbe canadien dit le même message d’une autre manière : « Tous veulent aller au paradis mais personne ne veut mourir. »
L’originalité de la foi chrétienne se trouve précisément dans la présence de Jésus au cœur des épreuves et de la mort. Folie et scandale de la croix, s’exclamait saint Paul devant des auditoires sceptiques voire révoltés à l’idée d’un Dieu qui souffrirait. Quand Jésus parle du besoin de la croix, il s’agit de la logique de l’amour. Saint Augustin prêchait : « Donnez-moi quelqu’un qui aime et il comprendra ce que je dis. » L’amour rend humble et petit. Ceux qui aiment sont prêts à souffrir et même à donner leur vie pour la personne aimée : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » , enseigne Jésus. Par amour, le Très-Haut est devenu le très-bas, le Tout-Puissant s’est abaissé jusqu’à la faiblesse et la fragilité, Dieu grand s’est présenté comme un petit bébé à Bethléem. C’est dans l’abaissement et l’humilité que Dieu se révèle amour et qu’il nous apprend à aimer. Les grands saints ont aimé prié au pied de la croix pour y découvrir l’art d’aimer de Dieu.
Des sages humanistes proposent parfois aux chercheurs de Dieu de choisir la religion qui les rend meilleurs. À la lumière de l’Évangile de Jésus, non violent qui aime jusqu’à la mort, le chrétien pourrait affirmer : « Choisis la religion où Dieu soit Amour et qu’Il te donne la grâce d’aimer sans domination. » Quel homme a osé dire « venez à moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes » ? Dieu ne se trouve pas dans la recherche du sentiment de puissance. Dieu est Amour tel que le décrit saint Paul : « L’amour ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal (…), il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. L’amour ne passe jamais » .
Il arrive que des croyants d’autres religions que le christianisme disent aux chrétiens : « votre religion et la mienne, c’est la même chose. Il n’y a qu’un seul Dieu ». C’est vrai qu’il n’y a qu’un seul Dieu mais la manière d’aimer de Dieu n’est pas la même selon les religions. Aux antipodes de toute domination, Jésus révèle l’amour de son Père. Selon les différentes visions de Dieu il y aura diverses manières d’aimer.
La souffrance, la peur de souffrir et la mort font peur. Tout homme essaie d’y échapper. Combat naturel qui correspond à la volonté de Dieu qui ne veut pas la mort des hommes. Il n’a pas créé la mort. Celle-ci est entrée dans le monde par la jalousie du diable .
Paul Claudel (+1955), poète catholique, réagissait aux questions sur le mal en disant : « Jésus n’est pas venu expliquer le mal mais l’habiter et le vaincre ». Jésus est mort pour mettre à mort la mort. Sa mort a agi comme une arme fatale contre les pouvoirs de la mort. La puissance de l’Amour de Jésus s’est manifestée dans sa résurrection.
Le contraire de la foi n’est pas à proprement parler l’athéisme mais la solitude. Chacun a peur de la solitude de l’échec, de la prison et de la mort. La spécificité de la foi chrétienne apparaît dans la présence aimante de Jésus dans la maladie, l’injustice, l’échec et la mort. Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont témoigné de cette communion au Christ dans la persécution et la douleur. La foi chrétienne ne consiste pas à penser que Dieu existe. Par la foi, le chrétien contemple Jésus vivant et il s’unit à ses souffrances dans l’espérance de partager sa gloire. Nous comprenons alors le grand nombre de témoignages de ces baptisés qui nous partagent leur expérience heureuse de communion avec Dieu dans des circonstances où tout ferait penser au vide et à l’absurde. Des malades témoignent des grâces reçues dans la maladie. Des personnes détenues injustement témoignent des grâces vécues dans le froid des cellules de prison. Le père Pedro Arrupe (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, se souvenait des journées passées injustement dans une prison japonaise, cœur à cœur avec Jésus, en le contemplant dans sa Passion, à Gethsémani, dans sa garde à vue dans la maison du grand-prêtre, flagellé, abandonné, insulté, couronné d’épines, crucifié. Le père Arrupe considérait ces jours de tristesse humaine comme de grands moments de sa vie mystique : « Il n’y avait rien dans ma cellule de prison ; j’étais seul avec le Christ ». Là où le mal avait abondé, la grâce avait surabondé.
La Parole de Dieu engendre la foi. Le chrétien découvre alors son identité de fils de Dieu et de frère de Jésus. La Parole de Dieu révèle le mystère de la Trinité et elle révèle aussi l’homme à lui-même : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire qu’à la lumière de Jésus » (concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22). Le christianisme ne fait pas partie des religions du livre, même s’il vénère les Saintes Écritures. Le Verbe fait chair est vivant. Le texte des bibles devient vivant par l’Esprit de Jésus ressuscité. Sans la grâce intérieure de l’Esprit Saint répandue dans le cœur des croyants, les enseignements des textes bibliques n’apporteraient pas la connaissance ni la vie de Dieu .
La Parole de Dieu établit « un dialogue constant de Dieu avec son peuple » . Le mot « dialogue » comprend le mot « logos » qui dans le grec de l’Évangile selon saint Jean désigne le Verbe de Dieu : intelligence divine et Parole. Dans l’Ancien Testament, le mot hébreu « davar » qui signifie « parole » représente un événement. La Parole de Dieu ne saurait pas être réduite à un simple souffle mais elle est créatrice et marque l’histoire.
Ce n’est pas sans raison que les chrétiens cherchent le dialogue avec les religions et les cultures. Dieu est dialogue dans l’altérité et l’unité. Le Père engendre le Fils et le Fils fait le Père. Sans Fils il n’y a pas de Père. Le Père s’entretient avec son Fils et le Fils rend grâces au Père dans la communion de l’Esprit Saint. Ce dialogue de Dieu « ad intra », dans le mystère de la sainte Trinité, se trouve à la source du dynamisme des dialogues religieux et philosophiques « ad extra » dans l’histoire de l’humanité.
Seul Dieu parle bien de Dieu. Jésus, le Verbe fait chair, emprunte nos mots humains les plus justes pour manifester le mystère de Dieu. Le théologien espagnol Cabodevilla aimait à dire que « la Parole de Dieu s’est faite chair dans des mots » . L’Incarnation du Fils de Dieu ne se réduit pas à la chair humaine de Jésus, à l’Enfant de la crèche, elle comprend la culture et la langue d’Israël. Les mots humains n’expriment pas toute la richesse des pensées et des sentiments mais ils demeurent la médiation indispensable pour la communication. Dieu est Esprit. Les mots de nos langues et les expériences humaines restent bien en-deçà de la grandeur de Dieu. Pourtant, les mots de la Bible et leur renvoi à la terre et aux travaux des hommes peuvent éveiller l’intelligence à la compréhension de Dieu. C’est ce que fait Jésus dans l’Évangile en parlant des vignes, des mariages, des bergers, des trésors… Dans les Saintes Écritures, les mots sont 100% de Dieu et 100% des hommes. Le pape François rappelle l’enseignement du concile Vatican II dans la Constitution Dei Verbum sur le principe de l’Incarnation.
« Cœurs brûlants »
« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures » ? La Parole de Dieu fait grandir dans l’amour de Dieu. Il ne sert à rien de se plaindre de l’égoïsme des gens. La conversion passe par un long chemin où la Parole de Dieu joue un rôle fondamental. Les disciples d’Emmaüs marchaient tristes et découragés, le visage sombre. La catéchèse de Jésus à partir de la Loi, des Prophètes et des Psaumes, a rempli leurs cœurs de la joie pascale.
Les catéchistes d’aujourd’hui accomplissent eux aussi une mission extraordinaire, source d’allégresse. J’aime à dire que catéchiste est le plus beau métier du monde. Métier, ministère, service, qui peut illuminer la route des adultes et des enfants à jamais. En tant qu’aumônier de prison, je récolte les fruits de la catéchèse. Souvent les personnes détenues ne se sont pas confessées depuis leur Première Communion mais les enseignements de la catéchèse gardés dans « le disque dur » de la mémoire remontent lors des événements douloureux.
L’homélie
Le pape François met en valeur l’homélie qui nourrit la foi des chrétiens, « elle possède un caractère presque sacramentel ». L’homélie n’est pas une conférence ni un cours. Dans l’homélie, le prêtre actualise l’Évangile. « Aujourd’hui s’accomplit cette parole », s’était exclamé Jésus en refermant le rouleau du prophète Isaïe dans la petite synagogue de Nazareth. Dans les anciennes basiliques chrétiennes, l’existence de deux ambons, l’un pour l’Ancien Testament et l’autre pour le Nouveau Testament, mettait en évidence la différence et la relation entre eux pour les unir dans le mystère du Christ . Le pape François commente l’accomplissement de l’Ancien Testament par le Christ : « L’Ancien Testament n’est jamais vieux une fois qu’on le fait entrer dans le Nouveau, car tout est transformé par l’unique Esprit qui l’inspire . »
Le pape évoque « le caractère performatif de la Parole de Dieu » , c’est-à-dire qu’elle réalise ce qu’elle dit. Dans la liturgie de la Parole, l’Esprit Saint agit. D’où le symbole de la colombe dans les chaires de nos églises. L’Esprit Saint descend sur l’assemblée pendant la liturgie de la Parole de Dieu en prière pour faire grandir la foi et l’amour. Cette épiclèse fait des fidèles réunis « un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Canon eucharistique n°III).
Victoria, ma sœur aînée, professeur des écoles pendant toute sa vie, appréciait particulièrement les homélies d’un prêtre de Bilbao qui commençait par une question et qui finissait par une question. Dieu s’adresse à l’intelligence. L’homélie cherche à éveiller l’intelligence. Dans l’Évangile, Marie se pose des questions : « comment » , « pourquoi ». L’homélie éclaire les interrogations de l’homme l’orientant vers des choix d’amour à faire dans la liberté. Chesterton (+1936), écrivain catholique anglais, disait avec humour : « Quand on rentre dans une église on est prié d’enlever son chapeau mais pas sa tête ! »
La sonorisation et l’articulation
Pour que l’homélie porte ses fruits, il s’avère indispensable de disposer d’une bonne sonorisation. L’une des premières dépenses à prévoir dans une paroisse concerne la sonorisation. Trop souvent les fidèles se plaignent de ne pas entendre ou de ne pas comprendre les lectures ou l’homélie à cause des défauts dans le système de sonorisation. Pour les nouvelles générations habituées à la perfection technique des media, une sonorisation défectueuse discrédite la valeur sacrée de la Parole de Dieu.
Il convient aussi de former les laïcs à l’utilisation des micros. J’aime à dire sous forme de boutade que « les micros sont comme les personnes il faut leur parler et non pas les frapper. Si on les frappe on les abîme ». Pourtant je continue de voir les habitués des paroisses taper sur les micros.
La lecture de la Parole de Dieu suppose aussi une préparation soignée. L’expérience prouve que les formations à la respiration, à l’articulation et à la lecture publique portent des fruits merveilleux et assez rapides. Les comédiens étudient cet art dont les églises ont bien besoin. Il serait bon d’organiser des sessions de formation avec des professionnels du théâtre, par exemple.
La Vierge Marie et la Parole de Dieu
Marie, la mère de Jésus, est louée dans l’Évangile pour sa foi en l’accomplissement de la Parole de Dieu en elle (cf. Lc 1, 45). Pour le pape François, cette béatitude de la foi précède les autres béatitudes sur la pauvreté, l’humilité, les artisans de paix…
Saint Ambroise de Milan (+397) partageait son expérience et celle d’une multitude de croyants quand il affirmait que dans la lecture priante de la Parole de Dieu l’homme se promène avec Dieu dans le paradis. Lire les Saintes Écritures équivaut à écouter Dieu qui parle au cœur. Dialogue d’amour qui fait grandir la foi. Le bonheur de Marie a été précisément d’écouter et de prier la Loi, les Psaumes et les Prophètes. La foi ne consiste pas à penser que Dieu existe. Le diable le pense aussi. La foi jaillit de l’âme en réponse à la révélation de l’amour de Dieu dans les Saintes Écritures et dans la prédication. La grandeur de Marie se trouve dans sa foi. Le pape François de citer saint Augustin qui met en lumière Marie comme disciple de Jésus qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu.
Modèle de foi, Marie n’a pas tout compris. Saint Luc commente le recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem, quand il a expliqué à Marie et à Joseph qu’ « il devait être dans la maison de son Père » (cf. Lc 2, 49), en soulignant que ni Marie ni Joseph « ne comprirent cette parole ». La foi illumine la route des hommes mais elle comporte aussi un côté obscur qui fait penser à « la nuit de la foi » chantée par saint Jean de la Croix. Le père Marie-Joseph Lagrange a consacré son existence à la traduction et au commentaire de la Bible en reconnaissant aussi que « la Parole de Dieu pouvait être obscure ». Sans cette limite dans la connaissance de Dieu, la foi ne serait plus la foi mais la claire vision.
Saint Luc, l’évangéliste, montre Marie « qui garde fidèlement dans son cœur » (cf. Lc 2, 51) les événements et les paroles de son fils Jésus.
La prière plutôt qu’une action apparaît comme un état dans la vie de Jésus et des apôtres. À l’image de l’amour qui unit ceux qui aiment même s’ils n’y pensent pas, celui et celle qui prie vit en communion avec Dieu. Marie vivait en état de prière par sa foi. Saint Luc fait appel à deux mots importants de la vie spirituelle de Marie, mère et disciple de son Fils Jésus : « garder » et « fidèlement ».
Une mère porte son enfant dans son sein pendant neuf mois. Cette relation unit la mère et le fils d’une manière unique et définitive. Les généticiens disent que chaque enfant laisse dans le corps de sa mère quelques cellules. La mère qui a donné son corps à l’enfant garde quelque chose du corps de celui-ci en elle. Marie garde fidèlement les événements de la vie de Jésus dans son esprit. « Fidèlement » vient de « foi». Il s’agit de la même étymologie. Toute l’existence de Marie ressemble à un pèlerinage de foi.
Le pape émérite Benoît XVI dans son Exhortation post-synodale Verbum Domini sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église « exhorte les chercheurs à approfondir le plus possible le rapport entre la mariologie et la théologie de la Parole ». Marie, « Mère du Verbe de Dieu » et « Mère de la foi » apparaît comme un modèle d’écoute de la Parole de Dieu. À l’Annonciation, Marie écoute avec son cœur l’annonce de l’ange Gabriel. Le livre du Deutéronome présente l’écoute de la Parole de Dieu comme le premier des commandements et le fondement de l’amour de Dieu à vivre par le Peuple de Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir» (cf. Dt 6, 4).
Un proverbe africain dit « que la femme est fécondée par l’oreille ». Manière de relier l’écoute, l’amour et le don de la vie.
En Marie, femme juive, première chrétienne, l’Ancien Testament passe dans le Nouveau Testament pour s’accomplir en Jésus, née d’une femme (cf. Ga 4, 4) : « Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres ; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie » . La Parole de Dieu devient matrice d’une nouvelle manière de penser, de prier, de parler et d’agir.
Marie et la Trinité
La Vierge Marie, temple de la sainte Trinité, rayonne de la lumière de Dieu. Fille du Père, source de la vie, Marie n’est pas une déesse mais une créature aimée et sauvée par Dieu. Mère du Verbe fait chair, Image du Père, Marie manifeste au monde l’infinie richesse de la connaissance de Dieu révélée par Jésus.
Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin (+1274) montre comment le Verbe s’est manifesté dans le mystère de l’Incarnation : « Rien n’est plus semblable au Fils de Dieu que le verbe que notre intelligence conçoit sans le proférer par les lèvres. Or, nul ne connaît le verbe tant qu’il demeure dans l’intelligence de l’homme si ce n’est celui qui le conçoit ; mais dès que notre langue le fait entendre, il est connu de nos auditeurs. Ainsi le Verbe de Dieu, aussi longtemps qu’il demeurait dans l’intelligence du Père, était connu seulement de son Père ; mais une fois revêtu d’une chair, comme le verbe de l’homme se revêt du son de sa voix, il s’est alors manifesté au dehors pour la première fois et s’est fait connaître. Selon cette parole de Baruch (3, 38) : « Ainsi il est apparu sur la terre et il a conversé avec les hommes. » Voici le deuxième exemple. Nous connaissons par l’ouïe le verbe proféré par la voix, et cependant nous ne le voyons pas et nous ne le touchons pas ; mais si ce verbe nous l’écrivons sur un papier, alors nous pouvons le toucher et le voir. Ainsi le Verbe de Dieu s’est fait lui aussi, et visible et tangible, lorsqu’il s’inscrivit en quelque sorte dans notre chair. Et de même que le papier sur lequel est inscrite la parole du roi, nous l’appelons la parole du roi, de même l’homme auquel est uni le Verbe de Dieu dans une seule personne, nous le nommons le Fils de Dieu ». Ici l’Incarnation du Verbe est comparé au papier. La Vierge Marie a été cette page blanche sur laquelle Dieu a écrit l’histoire du Salut. La page blanche évoque la disponibilité de Marie et l’absence de péché en elle. Par Marie, Dieu s’est rendu visible à nos yeux. La Vie de Dieu s’est manifestée en Jésus. Qui voit Jésus voit le Père. De même qu’un récit fait voir l’histoire racontée comme si elle se déroulait devant nos yeux. Par l’Esprit Saint, la Parole de Dieu rend visible le visage du Christ dans la lumière de la foi : « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme ».
Loin d’être une mère possessive, Marie conduit toujours à Jésus comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (cf. Jn 2, 5). Épouse de l’Esprit Saint, don de Dieu qui fait grandir l’Église, Marie contribue par son intercession à la croissance de la foi et du Corps du Christ, l’Église.
La maternité divine de Marie ne s’arrête pas à Noël. Elle se déploie jusqu’au Calvaire où Jésus la donne comme mère spirituelle à Jean, le disciple bien-aimé qui représente l’Église, et à la Pentecôte où l’Esprit Saint descendra sur les apôtres en prière au Cénacle et sur une multitude de croyants rassemblés à Jérusalem.
Sur le Calvaire, une épée a transpercé l’âme de Marie (cf. Lc 2, 35). Les icônes de la Mère de Dieu placent une étoile sur son front et sur ses épaules, symboles de la virginité avant, pendant et après la naissance. En revanche, sur le Calvaire, Marie a connu la déchirure de l’âme. La foi et la maternité spirituelle de Marie ne sont pas allées sans souffrance.
L’annonce de la Parole de Dieu pour que les âmes naissent à la vie de Dieu passe par la déchirure de l’accouchement. Sœur Inés de Jesús O.P., (+1993) moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Burgos, Espagne), a écrit que « les accouchements des âmes provoquent des déchirures » (Journal spirituel inédit, 28 août 1973). La maternité spirituelle qui favorise la nouvelle naissance des âmes à la vie de Dieu passe par les souffrances de l’accouchement de la nouvelle création comme l’enseigne saint Paul .
Glorifiée en son corps et en son âme la Vierge Marie, la Mère de Dieu, continue d’œuvrer aux côtés de son Fils pour la croissance du Christ total, la Tête, Jésus, et les membres, les baptisés et ceux qui croient en lui. Bossuet définissait l’Église comme le Christ répandu et communiqué.
Mère du Verbe fait chair en elle, Marie grandit dans sa mission de faire connaître et aimer son Fils qu’elle a accueilli et donné au monde. D’où son rôle dans l’évangélisation. De très nombreuses Congrégations religieuses missionnaires ont choisi le patronage de la Vierge Marie, la Mère de la Parole de Dieu. Sur environ 400 congrégations féminines de vie apostolique 130 portent un nom marial . Personne n’a aimé autant le Verbe fait chair que Marie. Nul n’a accueilli avec autant de foi et d’amour la Parole de Dieu que Marie.
Dans la vie d’un chrétien, il y a un va-et-vient entre la prière et l’approfondissement de la Parole de Dieu. Plus la Parole de Dieu est écoutée et priée et plus le fidèle a soif de chercher la richesse des sens de l’Écriture. Trésor inépuisable, source d’eau vive jamais éteinte, comme le dit saint Ephrem cité par le pape François au début de cette lettre apostolique Aperuit illis.
Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), avait inauguré l’École biblique de Jérusalem avec une grande vision du sens et du futur de l’interprétation de la Parole de Dieu : « Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité ».
Le but de ce nouveau « dimanche de la Parole de Dieu » est de faire aimer davantage la révélation divine et de la mettre en pratique. En effet, la liturgie porte la Parole de Dieu à l’instar d’un écrin qui contient un bijou.
Le fondamentalisme représente un péché contre l’intelligence. La vérité évangélique ne ressemble pas à une statue en béton. La Vérité est Chemin et Vie en la personne de Jésus. La Parole de Dieu ne cesse de grandir dans le cœur des chercheurs de Vérité qui l’écoutent et la lisent. La Parole de Dieu fait toutes choses nouvelles . Elle éveille le désir et l’amour. C’est pourquoi la Bible s’achève avec l’Apocalypse en priant : « Maranatha ! Viens Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20).

Chemin de croix, avec les membres des Équipes Notre-Dame de La Réunion

Chemin de croix, avec les membres des Équipes Notre-Dame de La Réunion

Janvier 2023

Première station : Jésus est condamné à mort

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 19, 4-6

De nouveau, Pilate sortit dehors et leur dit : « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »

Jésus sortit donc dehors portant sa couronne d’épines et le manteau de pourpre.

Et Pilate leur dit : « Voici l’homme ».

Alors les grands-prêtres et les gardes vociférèrent : »Crucifie-le ! Crucifie-le ! ».

Et Pilate leur répondit : « Prenez-le et crucifiez-le vous-même… »

Quelle lâcheté ! Condamner un homme que l’on sait innocent, en faisant croire à la foule qu’on respecte la justice populaire pour sauvegarder son pouvoir et se laver les mains des conséquences.

N’est-ce pas la marque de l’hypocrisie, qui nous anime les uns les autres quand notre autorité, notre pouvoir sont mis en jeu ?

Jésus lui, reste authentique. Il ne dément pas les paroles qu’Il a prononcées et qui sont l’objet de son jugement devant le tribunal.

La question du « pouvoir » concerne tout homme. Chacun l’exerce selon ses principes et ses possibilités.

Nous pouvons imaginer que dans cette foule, certains n’étaient pas d’accord avec cet usage de l’autorité. Mais ils ont suivi l’opinion de la majorité. Toute proportion gardée dans le couple, chaque conjoint exerce son pouvoir. Mais il convient de se demander s’il s’harmonise avec les principes de l’Évangile.

Court temps de silence

Seigneur, prends pitié de nous ! Seigneur, prends pitié !

Ô Christ, prends pitié de nous ! Ô Christ, prends pitié !

Prions :

Seigneur, l’homme est faible. Notre vie ne dépend pas seulement de nos moyens ni de l’organisation du pouvoir humain. Ô doux Jésus, envoyé par le Père pour nous sauver de tout péché, donne-nous la grâce du discernement et du dialogue. Nous te confions tous les couples, qui assument des responsabilités au sein de ton Église, et plus particulièrement ceux des Équipes Notre-Dame.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. Amen.

Chant :

Mon Père, mon Père, je m’abandonne à Toi

Fais de moi ce qu’il te plaira.

Quoi que tu fasses, je te remercie,

Je suis prêt à tout, j’accepte tout,

Car tu es mon Père,

Je m’abandonne à Toi,

Car tu es mon Père, je me confie en Toi.

 

Deuxième station – Jésus est chargé de la Croix

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc : 8, 34-35

Jésus, appelant à lui la foule en même temps que ses disciples, leur dit :

« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi et de l’Évangile, la sauvera. »

Seigneur, ces paroles, tes contemporains ont dû avoir du mal à les comprendre.

Et nous qui arrivons après ta résurrection, quel sens en tirons-nous ?

Aller à la suite de Jésus, oui, nous le voulons bien ! Se renier ? Seigneur, à cette idée, notre nature résiste, voire se rebelle. Quant à porter la croix…

Et pourtant. Méditons sur cet engagement qu’est le mariage chrétien et remplaçons le mot croix par « Amour du Christ » Alors oui, peut-être comprendrons-nous mieux l’absolu de cet engagement : ce reniement de soi-même pour mieux aimer l’autre.

Court temps de silence

Seigneur, prends pitié de nous ! Seigneur, prends pitié !

Ô Christ, prends pitié de nous ! Ô Christ, prends pitié !

Prions :

Seigneur, le mariage peut parfois devenir une croix. Entends nos cris, vois notre détresse quand la coupe déborde. Aide-nous à puiser au fond de notre cœur, là où tu te tiens, l’Amour qui nous unit si profondément à toi par le sacrement de mariage.

Chant :

Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle ;

Changez de vie, croyez que Dieu vous aime !

 

Troisième station : Jésus tombe pour la première fois

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons,

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Première épitre de saint Pierre 2, 21-23

« … le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces, lui qui n’a pas commis de faute et il ne s’est trouvé dans sa bouche aucun mal ; lui qui insulté, ne rendait pas l’insulte, souffrant, ne menaçait pas, mais s’en remettait à Celui qui juge avec justice. »

La vie conjugale et familiale n’est pas un long fleuve tranquille. Nous chutons. Les épreuves sont multiples : l’amour propre, les fins de mois difficiles, les grossesses non désirées ou qui n’arrivent pas, la maladie, l’infidélité sous toutes ses formes…

Mais le couple tombe souvent, faute de véritable dialogue, à cause des non-dits et rancœurs accumulées.

Court temps de silence :

Seigneur, prends pitié de nous ! Seigneur, prends pitié !

Ô Christ, prends pitié de nous ! Ô Christ, prends pitié !

Prions :

Seigneur, les évangiles ne parlent pas de tes chutes pendant la passion. Tu as pris sur Toi tous nos péchés. Nous tombons dans les tentations par la fatigue, la routine, par découragement et par manque de vigilance. Nous sommes pauvres. Donne-nous le désir et la force de vivre des temps de dialogue bienveillant dans le couple.

Chant :

N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ,

Laisse-toi regarder, car il t’aime (bis)

 

Quatrième station : Jésus rencontre sa mère

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons !

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 2, 33-35

Siméon dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction. Et toi, ton âme sera traversée d’un glaive (…) ainsi seront dévoilées les pensées intimes de bien des cœurs ».

À peine s’est -il relevé de sa première chute que Jésus rencontre sa Mère sur le chemin du Calvaire. Avec un amour immense leurs regards se croisent. Chaque cœur communie à la douleur de l’autre. Marie ne peut retenir ses larmes. Dans la foule, personne n’a compris ce qui se passe, sauf Jésus. Marie qui a conçu Jésus du Saint-Esprit, est la seule à saisir ce mystère. Femme de foi, elle reste fidèle, présente. Le cœur de Marie est transpercé par la douleur. La prophétie de Siméon s’accomplit: « un glaive transpercera ton âme ».

Court temps de silence

Prions :

Seigneur, nous te prions pour toutes les mamans qui, à l’image de Marie, ont répondu oui à la volonté de Dieu et au don de la vie.

Qu’elles puisent dans la prière familiale la force et la grâce d’être femme, épouse et mère dans les joies comme dans les peines.

Je vous salue Marie

Chant :

Mon Père, mon Père, je m’abandonne à Toi,

Fais de moi ce qu’il te plaira.

Quoi que tu fasses, je te remercie,

Je suis prêt à tout, j’accepte tout.

Car tu es mon Père,

Je m’abandonne à Toi,

Car tu es mon Père, je me confie en Toi.

 

Cinquième station : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons !

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 15, 21

« Les soldats romains réquisitionnent, pour porter la croix de Jésus, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. »

L’obligation de porter la croix de Jésus devient le symbole de tous les actes de solidarité envers les personnes qui sont opprimées et qui peinent. Simon de Cyrène représente ainsi la multitude des personnes généreuses, souvent anonymes, qui se penchent sur les hommes en détresse humaine. Les épaules de Simon de Cyrène se courbent sous le poids de la croix : « Portez les fardeaux les uns des autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ » nous dit saint Paul. Simon de Cyrène demeure un bel exemple pour chaque couple.

Court temps de silence

Prions :

Seigneur, Simon de Cyrène a consenti à aider Jésus. Donne-nous la même grâce pour consentir à rendre service quand mes proches dans le besoin me le demandent.

Notre Père

Chant :

Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle ;

Changez de vie, croyez que Dieu vous aime !

 

Sixième station : Véronique essuie le visage de Jésus

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons !

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,7

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ! ».

La figure de Véronique n’est pas citée dans les évangiles, mais elle apparaît dans le Chemin de Croix comme modèle de miséricorde. En voyant le visage tuméfié et ensanglanté de Jésus qui porte sa croix, Véronique a frémi dans ses entrailles. C’est bien l’étymologie du mot latin miséricorde (miseria-cordis) : avoir un cœur sensible au malheur d’autrui. Dans l’Ancien Testament, c’est le mot hébreurahamin qui désigne l’utérus de la femme, ses entrailles et, par extension, la miséricorde. Dieu a des entrailles maternelles de miséricorde.

Sur le chemin du Calvaire, une femme, prenant un linge, essuie la sainte Face de Jésus. En reconnaissance, Jésus imprime son visage sur ce linge béni.

Dans le couple, les conjoints sont appelés à devenir des « Véroniques » qui essuient les larmes et prennent soin des blessures de l’autre. En reconnaissance, Jésus imprime son visage mieux que dans un linge, dans l’âme des époux miséricordieux. Ce que le conjoint donne revient vers lui dans la grâce du mariage. Le cœur des conjoints est alors rempli d’amour et de vérité.

Court temps de silence

Prions

« Heureux les époux miséricordieux car Dieu les comble de sa miséricorde ». C’est dans la prière conjugale que cette miséricorde se vit et qu’elle grandit.

Je vous salue Marie

Chant :

Je cherche le visage,

Le visage du Seigneur ;

Je cherche son Image visage,

Tout au fond de vos cœur.

 

Septième station : Jésus tombe pour la deuxième fois

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons !

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Du livre des Psaumes, psaume 6, versets 3.4.5.8-10

Pitié pour moi Seigneur, je suis à bout de force,

Guéris-moi, Seigneur,

Mon âme est toute bouleversée.

Reviens, Seigneur, délivre mon âme.

Sauve-moi en raison de ton amour.

Mon œil est rongé de pleurs,

Insolence chez tous mes oppresseurs.

Loin de moi tous les malfaisants !

Car le Seigneur entend la voix de mes sanglots ;

Seigneur, entends ma supplication, et accueille ma prière.

Délivre-moi de tous ceux qui me persécutent !

Dans cette épreuve, Jésus supporte ses douleurs, dans un silence divin, bien au-delà du silence des profondeurs marines. Il crie : Père, j’ai mal : J’ai mal !

Où donc es-tu passé ? Je n’arrive pas à t’entendre ! Comment dire : « Que ta volonté soit faite » ?

Les couples connaissent aussi des vendredis saints sur le calvaire. Quand le poids de la croix nous met par terre, heureux sommes-nous de sentir la main de notre conjoint nous relever avec amour.

Court temps de silence

Prions :

En te regardant porter ta croix Seigneur, tu nous dis : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. ». Oui Seigneur, ta croix tu l’as portée jusqu’au calvaire pour nous sauver.

Aide-nous à persévérer dans la prière d’oraison pour pouvoir puiser dans ce cœur à cœur quotidien, la Foi, l’Espérance et la Charité.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit

Chant :

N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ,

Laisse-toi regarder, car il t’aime (bis)

Huitième station : Jésus console les filles de Jérusalem

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons !

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 23,27-28

« Une grande masse du peuple suivait Jésus, ainsi que quelques femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Mais, se retournant vers elles, Jésus dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! »

Plutôt que de nous lamenter sur les malheurs du monde, nous avons à nous regarder nous-mêmes et à regretter nos fautes.

Saint Ignace de Loyola précise que nous avons à demander la grâce de la honte pour nos péchés. La honte suppose que les actes mauvais commis nous affectent et nous font peur. C’est à partir de cette honte intérieure que nous demandons à Dieu le pardon qui relève et libère.

Le pardon accordé par Dieu passe par la reconnaissance des péchés et par la prise de conscience de la gravité de nos fautes. La demande de pardon assume le passé et engage l’avenir.

Dans le couple, la vie commune comporte des incompréhensions et des blessures. Pour continuer à vivre ensemble, les conjoints ont à dire deux phrases : « Tu m’as fait mal » et « Je te prie de m’excuser ». Le non-dit agit à la manière des cellules cancéreuses qui se reproduisent. La souffrance doit être exprimée pour qu’elle ne devienne pas agressivité et haine. Le conjoint à qui est reproché une faute doit réagir dans la vérité et l’amour : « Je te prie de m’excuser car j’ai eu tort ou je n’ai pas fait attention … ».

Le sacrement du pardon rend les relations familiales plus sincères, paisibles et aimantes.

Le par-don représente le don par-dessus tout, qu’il s’agisse du pardon de Dieu ou du conjoint. Quel beau cadeau !

Court temps de silence

Prions

« Seigneur, crée pour moi un cœur pur (…), rends-moi la joie d’être sauvé. » (Psaume 50, 12.14).

Je vous salue Marie

Chant :

Pardon, Seigneur, pardon pour notre orgueil, nos résistances

Viens enlever nos suffisances et chasser notre arrogance

Ô relève-nous, nous sommes tombés si bas,

Ô relève-nous par ta grâce et ton pardon,

Aie pitié de nous, nous nous humilions devant toi.

 

Neuvième station : Jésus tombe pour la troisième fois

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 14, 65

« Les soldats romains se mirent à cracher sur lui, lui couvrirent son visage d’un voile, et le giflèrent, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des coups. »

La vie conjugale ressemble parfois à un champ de bataille, où les violences sur fond d’alcool ou de drogue, sont fréquentes. Elles peuvent aboutir à l’irréparable, le meurtre. La domination par la manipulation sur l’autre, le manque de respect entraînent toutes sortes d’agressions contraires à ce que notre Seigneur souhaite pour nous. L’amour prend patience, plein de bonté, il n’est pas envieux, il ne jalouse pas, il ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; l’amour pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. » (1 Corinthiens 13,4-7)

Court temps de silence

Seigneur, prends pitié de nous ! Seigneur, prends pitié !

Ô Christ, prends pitié de nous ! Ô Christ, prends pitié !

Prions :

Seigneur, tu veux que les couples soient renouvelés par une nouvelle sensibilité d’amour, de courage et de respect contre toute forme de violence. Aide-nous à briser le mal par l’écoute et le dialogue afin de vivre nos devoirs de s’asseoir comme des rendez-vous d’amour. Merci Seigneur pour l’amitié et la fraternité dans les Équipes Notre-Dame qui proposent une spiritualité de couple, et une expérience de vie en petite communauté d’Église.

Chant :

N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ,

Laisse-toi regarder car il t’aime ! (bis)

 

Dixième station : Jésus est dépouillé de ses vêtements

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 19, 23-24

« Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas.

Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : « Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats. »

Jésus tu es mis à nu devant nous. Tu ne bouges pas. Tu ne te défends pas. Les soldats n’ont plus rien à tirer de cet homme à l’agonie. Ainsi donc ils dépouillèrent le Dieu incarné de tout ce dont ils pouvaient le dépouiller : ses vêtements bien sûr, mais encore sa dignité et sa gloire. Lui, le Roi des rois, le créateur de toutes choses subit sa passion dans un dénuement total. Tu dis NON à la violence. Mais ce corps de misère deviendra corps de gloire.

La vie de couple est un chemin de sainteté. La marche vers la sainteté n’exclut en rien les difficultés et les souffrances de toutes sortes. Lors de la prière conjugale, chacun laisse tomber ses masques. Il renonce à ses paroles ou ses pensées blessantes et aux non-dits, qui nuisent à l’épanouissement et au progrès du couple.

Prions : 

Seigneur, accorde-nous la grâce de te donner nos péchés lors du sacrement de réconciliation et de nous accepter en vérité dans notre relation conjugale, à prier ensemble et à grandir humblement sous ton regard.

Notre Père

Chant :

Source de vie, de paix, d’amour,

vers toi je crie la nuit le jour,

guide mon âme sois mon soutien,

remplis ma vie, toi, mon seul, bien.

 

Onzième station : Jésus est cloué sur la croix

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc chapitre 23, versets 33-34

« Lorsqu’on fut arrivé au lieu-dit le crâne, ou calvaire, on mit Jésus en croix avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Jésus est conduit en dehors de la ville pour être exécuté. Avec une violence atroce, ses bourreaux clouent ses mains et ses pieds sur la croix. Jésus souffre énormément mais il ne cesse de prier. Puis les bourreaux tirent la croix avec une corde pour la redresser et l’élever de terre. Voici l’Agneau pascal sacrifié pour les péchés de tous les hommes. La Sainte Croix est dressée au milieu du monde comme l’arbre de vie.

Aussi dans les couples et les familles déstructurées par la violence, le pardon doit-il restaurer les liens et remettre la famille debout.

Court temps de silence  

 

Seigneur, prends pitié de nous !

Ô Christ, prends pitié !

Prions :

Seigneur, crucifié par l’injustice et la jalousie, tu deviens par amour le signe de la réconciliation possible et de la paix pour chacun d’entre nous.

Chant :

Pardon, Seigneur, pardon, pour tant de paroles mauvaises ;

Viens adoucir nos mots, nos lèvres, et que nos querelles s’apaisent.

Oh, relève-nous, nous sommes tombés si bas,

Oh, relève-nous, par ta grâce et ton pardon,

Aie pitié de nous, nous nous humilions devant toi.

 

Douzième station : Jésus meurt sur la croix

Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 27, 45-46

« À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lema sabactani ? », ce qui veut dire : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Par ce cri « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Jésus manifeste qu’il a pris dans son corps le péché du monde. Ce péché est absence de Dieu, rejet, vide. Il a aussi partagé nos souffrances, celles de chaque homme.

Mais en fait par ce cri, Jésus partage nos souffrances, celles de chaque homme. Et non, il ne doute pas, mais oui, Jésus garde confiance en son Père, jusqu’au bout. Par fidélité à sa mission de Salut, il accepte la mort pour la vaincre dans la résurrection.

Court temps de silence

Prions :

Seigneur, nous te confions toutes les personnes qui se sentent abandonnées, ou rejetées. Que l’écoute de ta Parole les guide et les réconforte.

Notre Père

Chant :

Entre tes mains, je remets, Seigneur, mon esprit,

entre tes mains, je remets ma vie.

Il faut mourir afin de vivre.

Entre tes mains, je remets ma vie.

 

Treizième station – Jésus est descendu de la Croix

Nous t’adorons , ô Christ et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 23, 50-53

Et voici un homme nommé Joseph, membre du Conseil, homme droit et juste. Celui-ci n’avait pas donné son assentiment au dessein ni à l’acte des autres. Il était d’Arimathie, ville juive, et il attendait le royaume de Dieu. Il alla trouver Pilate et réclama le corps de Jésus. Il le descendit de la croix, le roula dans un linceul et le mit dans une tombe taillée dans le roc, où personne encore n’avait été placé.

Qu’aurait pu faire Marie, seule au pied de la croix ? Elle n’aurait pas eu la force de dépendre son fils. Intervient Joseph, défini comme homme bon et juste. Il ne se contente pas d’aller voir les autorités, il aide concrètement Marie et les femmes qui étaient là.

Lors de l’épreuve ultime qu’est la mort, nous sommes appelés à vivre l’entraide dans le deuil avec amour. Comme Joseph nous pouvons préparer les funérailles, veiller avec la famille pour soulager son chagrin.

Court temps de silence

Prions :

Seigneur, l’entraide fraternelle est au cœur du sacrement de mariage. Entraide matérielle, spirituelle, morale et affective. Seul, nous ne pouvons pas faire grand-chose, donne-nous la grâce de choisir comme règle de vie d’être attentif aux autres dans les moments joyeux ou éprouvants de nos vies.

Je vous salue Marie

Chant :

Seigneur, fais de nous des ouvriers de paix,

Seigneur, fais de nous des bâtisseurs d’amour.

 

Quatorzième station : Jésus au tombeau

Nous t’adorons , ô Christ et nous te bénissons

Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 27, 45-46

« Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. »

Par l’offrande de la myrrhe, Jésus est reconnu dans son humanité comme au jour de sa naissance par les rois mages. La royauté de Dieu est totalement différente de la royauté humaine. Jésus n’est pas venu pour dominer, mais pour servir et donner sa vie. Jésus-Christ, le Fils de Dieu, ne s’est pas présenté avec les signes extérieurs de pouvoir mais avec celui de réaliser des signes d’Amour, de guérison, de libération. La royauté de Jésus : c’est l’amour !

Aussi dans le couple, chacun doit prendre soin l’un de l’autre par des gestes d’amour, par une écoute attentive, ainsi qu’une entraide réciproque. C’est pourquoi aux Équipes Notre-Dame, les couples « veulent que leur amour, sanctifié par le sacrement de mariage, soit une louange à Dieu »

Court temps de silence

 Prions :

Seigneur, comme Nicodème qui honore le corps de Jésus, donne-nous d’honorer au quotidien, nos proches dans nos relations affectives en les considérant pour ce qu’ils sont : le temple de l’Esprit Saint.

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit.

Chant :

Source de vie, de paix, d’amour, vers toi je crie la nuit le jour,

Guide mon âme, sois mon soutien,

Remplis ma vie, Toi mon seul, bien.

Écho de notre page Facebook : janvier 2023

 

31 janvier 2023

Psaume 22 (21) v. 26-32

 

« Ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent ! »

« Tout concourt au bien de ceux qui cherchent Dieu », enseigne l’apôtre Paul. Le père Lagrange en était convaincu. Il avouait que l’obéissance et ses contraintes l’avaient conduit à donner le meilleur de lui-même, au-delà de ce qu’il aurait pu faire s’il avait agi en toute liberté : « L’obéissance m’a fait donner beaucoup plus que je n’aurais donné en ayant libre disposition de moi-même, sans compter le crédit sauveur d’un ordre de théologiens » (Marie-Joseph Lagrange, O.P. Journal spirituel, 15 juillet 1922).

 

 

28 janvier 2023

Saint Thomas d’Aquin (1225-1274)

Jour du triple jubilé de la canonisation, de la mort et de la naissance de saint Thomas d’Aquin, Dominicain.

Il existe une parenté intime entre le père Lagrange et saint Thomas d’Aquin. Pas plus que saint Thomas d’Aquin le père Lagrange « n’a travaillé dans la paix, mais dans le conflit et dans la hâte ». À lui aussi, on peut transposer ce que Maritain écrivait de saint Thomas, « si anxieux de savoir qu’il allait poser son front sur l’autel pour avoir la lumière (…). C’est qu’il était responsable de la plus lourde des tâches (…) ; la moindre faute aurait tout perdu » (1). En travaillant à arracher l’arme de la critique aux adversaires pour la retourner au bénéfice des croyants, le P. Lagrange s’engageait dans un combat acharné, où les coups les plus douloureux ne venaient pas du dehors. Sciens et prudens manum misi in ignem, répétait-il après saint Jérôme (2) : en toute connaissance de cause, j’ai plongé la main dans le brasier. N’évoquait-il pas sa propre expérience lorsque, dans les conférences de Toulouse, il rappelait Thomas d’Aquin condamné par Étienne Tempier et par Robert Kilwardby ?

« Nous ne pouvons plus nous représenter les saints sans leur auréole, et leur doctrine nous apparaît toujours comme un rayon bienfaisant qui a lui sur un monde charmé.

Ils ont eu leurs difficultés, et la lutte contre les ennemis du dehors n’a pas toujours été le principal objet de leurs secrètes angoisses.

Ils ont passé par ces épreuves sans y succomber » (3).

Sans y succomber, comprenons sans renoncer ni l’un ni l’autre à leur grand dessein, recommandé par saint Augustin (4), de ravir aux Égyptiens leurs vases d’or : ce que Thomas d’Aquin avait réalisé pour la philosophie d’Aristote, M.-J. Lagrange l’a accompli pour la critique biblique, au profit des enfants de Dieu (5).

(Montagnes Bernard o.p. Le thomisme du père Lagrange)

Pour lire l’article en entier : Le thomisme du père Lagrange

In Ordo sapientiae et amoris, Image et message de saint Thomas d’Aquin à travers les récentes études historiques, herméneutiques et doctrinales, Hommage au professeur Jean-Pierre Torrell o. p. à l’occasion de son 65e anniversaire, Fribourg (Suisse), 1993, p. 487-508.

(1) J. Maritain, Court traité de l’existence et de l’existant, Paris, 1947, p. 232-233.

(2) Praefatio Hieronymi in librum Isaïe, PL 28, 826 B, cité par Lagrange dans ses lettres au maître de l’ordre du 10.6.1900 et 3/7/1901.

(3) La Méthode historique, éd. 1966, p. 25.

(4) De doctrina christiana II, 60 (Bibl. augustinienne, 11, Le magistère chrétien, p. 330-331), texte cher à saint Thomas, allégué par le P. Lagrange dans les textes de 1898 : B. Montagnes, Premiers combats du Père Lagrange : le congrès de Fribourg (1897), dans Archivum Fratrum Praedicatorum 59 (1989) 297-369, citation p. 345 et p. 356.

(5) « Les répugnances et les timidités conservatrices de l’heure actuelle s’expliquent par le mal vraiment effrayant qu’a fait la critique exégétique et par l’absence d’une critique modérée qui seule pourrait réparer ce mal. C’est exactement la position de l’Église vis-à-vis d’Aristote avant saint Thomas d’Aquin. La solution sera la même. » RB 13 (1904) 131. Ce texte du Bulletin, en janvier 1904, n’est pas signé, mais il n’est pas difficile de reconnaître dans les p. 130-132 les idées comme la plume du P. Lagrange.

Illustration : L’Apothéose de St. Thomas d’Aquin par Francisco de Zurbaran (1598-1664). Musée des Beaux-Arts, Séville, Espagne.

26 janvier 2023

« L’encre des savants est-elle l’équivalent du « sang » des martyrs ? » (J. Guitton de l’Académie Française).

MONTAGNES Bernard. Exégèse et obéissance. Correspondance Cormier-Lagrange 1904-1916. Paris, Gabalda et Cie, Éditeurs, 1989, 444 p. Préf. Jean Guitton. Coll. « Études bibliques », nouv. Série, n° 11).

Un document exceptionnel, bien servi par le présentateur, éditeur, commentateur : 287 pièces, essentiellement les lettres échangées entre deux dominicains, le P. Lagrange, fondateur et directeur de l’École biblique de Jérusalem, et le Maître général de l’Ordre, le P. Cormier, pendant les douze années de sa charge. En 1904, « la crise moderniste » couve dans l’Église catholique. Pie X a succédé à Léon XIII depuis un an et Loisy est en situation difficile ; en 1916, Benoît XV a remplacé Pie X, l’anti-modernisme et les suspicions perdurent, mais un nouveau climat est instauré.

Le titre dit bien l’objet de la correspondance et l’intention de l’éditeur : faire la lumière sur « l’âpreté des combats que Lagrange a dû soutenir afin de donner droit de cité dans l’Église catholique aux acquisitions modernes de la science historique » (Jean Guitton va plus loin : il inaugure une ère nouvelle celle où la critique, fidèle à elle-même, critique la critique ». L’éditeur cite une lettre du P. de Tonquédec, jésuite, en 1916 : « C’est vous qui avez dirigé sur la critique de M. Loisy presque les seuls coups qui aient véritablement porté » (p. 422, n° 171). La thèse en filigrane est ici celle même de Rivière (Le Modernisme dans l’Église, 1929). L’annotation est sobre, informée, généralement irréprochable : une qualité de travail trop rare pour ne pas être soulignée.

La cause de béatification du P. L. est maintenant ouverte. Voyant en lui « un type de saint inédit », J. Guitton se demande : « L’encre des savants est-elle l’équivalent du « sang » des martyrs ? »

(Émile Poulat) Persée. Archives des sciences sociales des religions. Année 1990, 72, p. 282.

22 janvier 2023

Comme l’a souhaité le Pape François en 2019 par le motu proprio Aperuit Illis, le troisième dimanche du temps ordinaire est aussi le dimanche de la Parole de Dieu, destiné à mettre en valeur toute la richesse et le caractère vivant des Saintes Écritures. La quatrième édition de cette initiative aura donc lieu ce dimanche 22 janvier, avec un verset que l’on trouve sous la plume de l’évangéliste saint Jean : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi » (1 Jn 1,3). (Vatican News)

En 2008, le 7 octobre, à Rome, au Synode de la Parole de Dieu, le Très Rév. P. Carlos Alfonso AZPIROZ COSTA, O.P., Maître Général de l’Ordre des Frères Prêcheurs (2001-2010) est intervenu en citant le P. Lagrange et la richesse de son travail. En voici la synthèse :

Le “primat” de la Sainte Écriture a son fondement dans la vie trinitaire elle-même.

C’est ce qu’ont bien compris les grands Docteurs médiévaux (saint Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin) pour lesquels la succession des personnes, dans l’unité de l’essence divine, est “la cause et la raison explicative de la succession des créatures elles-mêmes”.

Le Verbe, genitus Creator, a en effet du Père, ab aeterno, la volonté de s’incarner et de souffrir pour nous.

Dieu a voulu se révéler à l’humanité de manière humaine au travers des cultures, des personnes et des langages humains ainsi que de la vie même de Jésus. Si cette manière constitue pour nous une garantie de la valeur de notre nature, de l’histoire et des cultures humaines – avec leurs différents langages –, elle nous pose de délicats problèmes d’interprétation.

En effet, comme la réalité de la création n’est pas compréhensible rationnellement sans un fondement métaphysique adapté – l’Analogia entis –, de même la connaissance de la Sainte Écriture demande un approfondissement des cultures et des genres littéraires dans lesquels elle a été exprimée en vue d’une perception moins inexacte ou incorrecte de son sens littéral et d’une reconnaissance de la qualité analogique des termes qui y sont utilisés.

Toute l’Église, dans son annonce infatigable, continue à confier avec espérance à chaque culture la “Bonne Nouvelle” afin qu’elle soit accueillie, comprise avec une plus grande plénitude, vécue et annoncée à nouveau avec des accents enrichis.

Dans l’histoire récente de l’Église, on a mis en lumière, non sans difficultés, les nécessités de cette interprétation “critique” du texte et donc de la Sainte Écriture (frère Marie-Joseph Lagrange O.P., 1855-1938), qui met en évidence également son fondement historique et sa richesse ; le fait qu’elle est, justement, un chant à plusieurs voix.

La foi chrétienne, par ailleurs, en tant que “religion”, doit être tout d’abord considérée comme “religion de l’Esprit”, parce que le Nouveau Testament est principalement le même Esprit Saint qui produit en nous la charité, et seulement dans un second temps, également en tant que “lettre”, elle peut être considérée comme “religion du Livre”.

Ce processus de révélation et de salut est aussi un dévoilement de la veritas iustitiae de notre vie, de la justice de Dieu qui est fondement de la vérité de notre être et qui est, pour nous, avant tout, “justice justifiante”, c’est-à-dire fondée sur sa miséricorde qui est le fondement permanent de la justice divine parce qu’elle en constitue la racine première et son couronnement.

20 janvier 2023

 

 

 

Nous présentons toutes nos Félicitations au Fr. Olivier de Saint-Martin O.P. qui vient d’être réélu prieur de la Province de Toulouse https://www.dominicains.com/les-couvents-de-la-province/

 

 

 

20 janvier 2023

« Quand amour et vérité se rencontrent. Justice et paix s’embrassent » PS 84 (85).

« Manque d’humilité et de mortification, c’est le fond ; mais parce que je me fais illusion sur l’amour de la vérité, le désir du bien etc., il faut songer :

  1. que je n’ai pas toujours raison et qu’eussé-je raison en commençant, je déraisonne quand je veux à tout prix imposer mon sentiment ;
  2. que la plupart du temps il s’agit de niaiseries, ou de vérités ou de choses fort peu importantes : le jeu n’en vaut pas la chandelle, l’humilité perdue ;
  3. que s’il s’agit vraiment du bien des âmes, ou de la doctrine des saints, le meilleur moyen est d’être humble, doux et modeste. Quels sont ceux qui sont recherchés par les âmes, qui sont vraiment utiles ? Les pédants ou les saints ?

Revenir à Jésus : ô mon Maître, où étiez-vous ? »

(P. Lagrange. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Illustration : Ben (1935-) Les Psaumes.

19 janvier 2023

« Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté » Ps 39 (40).

« Ô mon Jésus, toutes les fois que j’ai voulu mettre du mien, j’ai mis obstacle à votre amour. C’est fait, je vous abandonne ma volonté : tua voluntas fiat, non seulement parce que vous êtes mon maître absolu, mais encore parce que je vous ai abandonné ma volonté, parce que je vous aime et que tout mon bonheur est d’agir selon votre bon plaisir. »

(P. Lagrange. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Illustration : St Jean l’évangéliste

 

14 janvier 2023

 

Ave Maria Bienheureuse Vierge Marie

« Ô divine Marie, ma Mère, prosterné à vos pieds, je vous rends grâces. »

(P. Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014)

 

 

 

 

12 janvier 2023

Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur (Ps 94. 95)

« Je ne puis voir très clairement les fautes du mois passé ; en somme je me sens beaucoup plus faible ; il faut prier, et pour prier en paix avoir la charité fraternelle ; ne jamais juger ; protester dès le matin contre tous les jugements de la journée ; me sanctifier par mes frères. »

Ô Marie, je vous donne mon cœur pour Jésus.

(Marie-Joseph Lagrange, O. P. Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 78.)

Illustration : Allégorie de La charité (détail) Zurbaran, 1655.

 

 

 

10 janvier 2023

Jour-anniversaire de la naissance au ciel du Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange desfrères Prêcheurs, fondateur, en 1890, de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et de la Revue biblique internationale, en 1892.

Fr. Manuel Rivero, o.p., vice-postulateur et président de l’association des amis du P. Lagrange célèbre la messe du jour aux intentions des amis de l’association, pour l’état de santé du Fr. François-Régis Delcourt, o.p., ainsi que pour la glorification du P. Lagrange qui a voué sa vie à faire connaître la Parole de Dieu. Son œuvre est immense. Sa Cause en béatification est en cours à Rome. Il manque un miracle pour que cette Cause soit publiquement reconnue. Sur la page FB du mois dernier un millier de personnes se sont jointes à cette prière. Continuons de prier sans cesse. Nous devons être encore plus nombreux pour faire entendre notre prière. Comme disait le P. Lagrange : « La prière instante, qui ne se lasse pas, est irrésistible. On sait bien que Dieu ne cèdera pas pour avoir la paix ; on apprend du Fils, qui connaît si bien le Père, qu’il ne paraît sourd à nos instances que pour nous obliger à persévérer dans la prière qui nous est si bonne » (L’Évangile de Jésus- Christ avec la synopse évangélique. Artège-Lethielleux, 2017.)

Prière en plusieurs langues : www.mj-lagrange.org

9 janvier 2023

La deuxième Épiphanie du Sauveur

Le Baptême de Jésus commenté à la lumière de la vie et de l’œuvre du père Lagrange

Fr. Manuel Rivero, o. p. Vice-postulateur de la Cause de béatification du père Lagrange

Évangile selon saint Matthieu 3, 13-17

Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. Celui-ci l’en détournait, en disant : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi ! » Mais Jésus lui répondit : « Laisse faire pour l’instant : car c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice. » Alors il le laisse faire. Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venue des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qu’il m’a plu de choisir. »

Vous souvenez-vous de la date de votre baptême ? Le père Lagrange faisait souvent mémoire dans la prière du 12 mars 1855, date où il avait été plongé dans les eaux baptismales dans la collégiale Notre-Dame de Bourg-en-Bresse. À l’autel de la Vierge noire, le nouveau-né avait reçu le prénom d’Albert en l’honneur de saint Albert le Grand, patron aussi de son oncle maternel. Le prêtre avait accompli un beau rite en plaçant son étole sur le nouvel enfant de lumière tout en lisant le Prologue de l’Évangile selon saint Jean : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. »

Le pape Pie XI aimait dire que le jour le plus heureux de la vie d’un pape est « le jour de son baptême ». Aussi est-il bon de garder en mémoire la date de son baptême, « première résurrection », et de le fêter. Il arrive aussi que certains parrains de baptême envoient une carte à leurs filleuls ce jour-là pour leur rappeler cet événement fondateur d’une nouvelle vie.

Pourquoi Jésus a-t-il rejoint la foule des pécheurs qui demandait à Jean le Baptiste le baptême de conversion et de pénitence ? Formé dans la foi juive par Marie et Joseph, Jésus n’avait pas de péché à confesser. Mais il a tenu à partager la démarche des pécheurs assoiffés de purification.

À la lumière de son expérience, le père Lagrange commente ainsi le comportement des meilleurs croyants :

« Mais comme il arrive encore, les plus prompts à se confesser n’étaient pas ceux dont la conscience était le plus chargée. Les plus saints avaient à cœur de prendre part à la pénitence générale qui devait avancer les jours du salut. Telle était cependant la réputation de piété de Jésus, la modestie de son maintien, la candeur aussi de son regard que Jean déjà averti par une voix intérieure, peut-être par une émotion remontant du fond de ses souvenirs d’enfant, lui dit comme nous lisons dans saint Matthieu (3,14) :  » C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et tu viens à moi ?  » [1] »

Jean le Baptiste aurait tremblé s’il avait discerné dès le départ en Jésus le Messie qui baptiserait dans l’Esprit Saint[2]symbolisé au Jourdain par la colombe. Lors de la création du monde le souffle de Dieu planait sur les eaux primordiales. Maintenant l’Esprit Saint descend sur Jésus pour annoncer la nouvelle création. Jean le Baptiste a dû comprendre ce signe du Ciel en écoutant la voix du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qu’il m’a plu de choisir. »

Au nom du sens littéral du texte, le père Lagrange rejette l’interprétation des exégètes libéraux protestants qui voient dans le baptême de Jésus la première prise de conscience de sa vocation messianique ou de sa filiation divine exceptionnelle. En recevant humblement le baptême des mains de son cousin, Jean le Baptiste, Jésus reçoit le signal de l’Esprit Saint qui le manifeste à la foule des pécheurs comme le Fils bien-aimé envoyé par le Père.

Ce baptême de Jésus reçu des mains du dernier et du plus grand des prophètes est le symbole du baptême de l’Esprit que les fidèles chrétiens recevront par leur foi en la mort et en la résurrection de Jésus. Le père Lagrange y voit une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation de la divinité du Christ que l’Église célèbre de manière solennelle dans le rayonnement de la fête de  Noël. En ce temps-là, des rois s’attribuaient une nature divine. Jésus ne se fait pas Dieu comme l’ont prétendu certains empereurs romains morts de façon malheureuse. En tant que Fils unique de Dieu, il reçoit l’Esprit Saint du Père. Au Jourdain, l’Esprit Saint relie le ciel et la terre puisqu’il est le nœud du Père et du Fils, dont toutes ses œuvres sont communion. En recevant le baptême, Jésus annonce l’union des pécheurs avec la divinité de son Père.

(Manuel Rivero, o.p. Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire, p. 79 s. Cerf, 2012, 154 p.)

[1]M.-J. LAGRANGE, L’Évangile de Jésus-Christ avec la Synopse évangélique traduite par le P. C. LAVERGNE, o.p., nouvelle édition, Paris, Librairie Lecoffre et J. Gabalda, éditeurs, 1954, p. 66. Les autres citations de cet article renvoient au Commentaire du baptême de Jésus (p. 66-69).

[2] Évangile selon saint Jean 1, 33.

7 est 8 janvier 2023
« Chercheurs de Dieu »
Prédication pour la fête de l’Épiphanie 2023
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion
Fr. Manuel Rivero O.P.
Introduction à la messe
Dans la lumière de Noël, nous célébrons l’Épiphanie, mot grec qui veut dire manifestation. « Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde » », nous enseigne le Prologue de saint Jean. Lumière universelle, amour catholique du Verbe pour toutes les nations.
En entrant dans notre eucharistie, rendons grâce au Seigneur pour la lumière du Verbe qui nous éclaire personnellement, et demandons pardon si nous avons pensé que cette lumière n’était pas catholique, universelle, voulue par le Verbe pour l’humanité entière.
Homélie
« Qu’est-ce que la vérité ? », s’est exclamé Pilate devant Jésus qui vient de lui déclarer : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37).
Des philosophes comme Aristote ou saint Thomas d’Aquin définissent la vérité comme l’ajustement de la chose avec le concept produit par l’intellect : «Adaequatio rei et intellectus ». Entre la réalité et la compréhension intérieure existe alors harmonie et correspondance. L’objet devient alors présent dans l’esprit de la personne tel qu’il est, sans erreur. Par exemple, je regarde la place de la cathédrale et je dis : « Au milieu de la place, il y a une fontaine ». Mon propos est vrai car la fontaine de la place est comprise par mon intelligence comme étant une fontaine et non une voiture.
Chacun de nous est ainsi habité par des images et des mots ou des définitions qui les représentent. La réalité découverte devient présente en nous. Ceci est vrai de ce que nous voyons ou entendons, de ce que nous étudions ou apprenons. Plus nos connaissances grandissent et plus les réalités analysées prennent place dans notre esprit. Un scientifique ou un technicien voient plus et mieux qu’une personne ignorante dans tel ou tel domaine.
Il en va de même dans la connaissance de Dieu. Dieu devient présent en nous : Créateur à travers sa création ; Sauveur dans sa révélation biblique ; Amour dans les sacrements.
Les mages d’Orient décrits dans l’évangile selon saint Matthieu ont cherché la vérité en étudiant les étoiles et les documents de la sagesse. Ils ont cherché en quittant leurs pays et ils ont trouvé. Éclairés par l’Esprit Saint, les rois mages ont adoré l’Enfant Jésus de la crèche de Bethléem, en se prosternant devant lui. Ils ont ouvert leurs cœurs et leurs coffrets qui contenaient de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Comme à Jacob et à Joseph, l’époux de Marie, Dieu a instruit les mages en songe sur les paroles trompeuses d’Hérode qui désirait la mort du Messie.
Dieu veut que nous le cherchions, non pas pour nous faire souffrir dans l’attente, mais afin d’élargir la capacité de notre cœur à recevoir la sagesse et la grâce divine.
Chesterton, l’écrivain catholique anglais, aimait à déclarer : « Quand on entre dans une église, il nous est demandé d’enlever le chapeau pas la tête ». Il y a une intelligence de la Vérité sur Dieu et sur l’homme qui relève du don de l’Esprit Saint, Esprit de sagesse et de discernement.
Le Pape Benoît XVI n’a pas hésité à dire que le fondamentalisme est un péché contre l’intelligence. Dieu est grand. La connaissance de Dieu ne cesse de progresser au cours de l’histoire. Nous connaissons mieux Dieu aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. « Dieu nous a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité », avait déclaré le père Marie-Joseph Lagrange en inaugurant l’École pratique d’études bibliques de Jérusalem le 15 novembre 1890. Et, en commentant la parole de Jésus dans l’évangile selon saint Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », le père Lagrange n’hésite pas à préciser que cette vérité de Jésus est en marche, en chemin, en progrès.
Aussi avons-nous à demander au Seigneur l’intelligence des Écritures, de la création et de la personne humaine. La réalité dépasse ce que nos yeux voient et ce que nos concepts définissent.
À l’exemple de Jésus, les chrétiens cherchent et vivent la vérité en dialogue. Le bienheureux frère dominicain, évêque d’Oran, martyr, Pierre Claverie, exhortait les fidèles à aller plus loin que la tolérance envers ceux qui ne pensent pas comme nous. Il écrivait : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Mgr Pierre Claverie O.P. n’était pas syncrétiste ni relativiste mais il croyait à l’enseignement du Prologue de saint Jean qui nous révèle l’amour du Verbe pour tout homme : « Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Le dialogue des chrétiens repose sur ce fondement, loin de toute « soupe religieuse réunionnaise » ou d’une « macédoine » de croyances.
Saint Thomas d’Aquin (+1274) enseigne qu’en rigueur de termes la Vérité n’existe qu’en Dieu seul. En effet, nous appelons des vérités des découvertes scientifiques appelées à être dépassées dans le temps. Pour la foi chrétienne, la Vérité est une personne : Jésus le Christ.
Il y a un autisme cérébral. L’autiste peut être intelligent et artiste mais il évolue dans son univers à lui. Il peut y avoir aussi un autisme spirituel où le croyant se replie sur lui-même, sur ses préjugés et ses habitudes, sur son monde à lui, en évitant la relation avec autrui, sans acceptation de l’altérité.
Saint Matthieu nous a parlé de la joie des Rois mages quand ils virent l’étoile s’arrêter au-dessus de la crèche de Bethléem où se trouvait l’Enfant Jésus avec Marie, sa mère.
Puissions-nous partager cette joie dans l’adoration de Jésus, Dieu-Vérité, Vérité de Dieu.

7 janvier 2023

La première Épiphanie du Sauveur (Mt 2, 1-12)

L’adoration des mages

Mt 2. Or, Jésus étant né à Bethléem de Judée au temps du roi Hérode, voici que des Mages venus de [l’] Orient arrivèrent à Jérusalem, disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son astre à l’orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »

L’ayant appris, le roi Hérode fut troublé. Et Jérusalem tout entière avec lui. Et ayant assemblé tous les princes des prêtres et les scribes du peuple, il s’informait auprès d’eux où devait naître le Christ. Ceux-ci lui dirent : « À Bethléem de Judée, car il est ainsi écrit par le ministère du prophète : 6 « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la plus petite parmi les princes de Juda ; car de toi sortira un chef, qui doit paître mon peuple Israël. »

Alors Hérode, ayant fait appeler les Mages secrètement, apprit d’eux exactement le temps de l’apparition de l’astre. Et les ayant mis sur le chemin de Bethléem, il dit : « Allez, enquérez-vous exactement de l’enfant. Et lorsque vous l’aurez trouvé, annoncez-le-moi, afin que moi aussi j’aille me prosterner devant lui. » Sur ces paroles du roi, ils partirent. Et voici que l’astre qu’ils avaient vu à l’orient, les précédait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’Enfant. 10 À la vue de l’astre, ils se réjouirent vivement d’une grande joie. 11 Et entrés dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie sa mère. Et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Et, ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Et ayant été instruits en songe de ne pas revenir vers Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

Les mages entrent dans une maison. Une tradition très ancienne disait une grotte (Justin, Tryph. C. LXXVIII, 5 ; Protév. Jac. XVIII), et Origène s’appuyait même sur cette tradition locale pour prouver la nativité à Bethléem (Contra Cels. 1, 51). Cette grotte était d’ailleurs en parfaite harmonie avec l’étable de Lc 2, 6 s. On peut supposer qu’après la naissance de Jésus, Joseph a pu lui trouver un abri plus commode. Lc ne suggère en aucune manière que l’on ait quitté l’étable avant le quarantième jour. Et ceux qui veulent amener les mages dans une maison ne se rendent même pas compte de la facilité avec laquelle les Orientaux se logent dans une grotte, à proximité des animaux. En tout cas la tradition ancienne n’a voulu connaître que la grotte.

— « L’enfant avec Marie sa mère » pour nous rappeler la conception virginale. La tradition iconographique des catacombes a retenu ce trait avec soin, quelquefois en faisant planer l’étoile au-dessus de la tête de l’enfant. Il n’est pas dit que les mages aient été mis au courant de la virginité de Marie, mais elle prenait ainsi sa place privilégiée comme la Mère qui présente aux hommages son Jésus. Le prosternement est fortement exprimé par deux verbes ; c’est l’acte le plus important ; mais les artistes ont préféré représenter les mages offrant les présents, scène plus variée et d’une allure plus agréable. Des présents étaient l’accompagnement obligé d’un hommage rendu à un grand, surtout à un roi. L’or et l’encens sont réunis dans Is 60,6, cf. Ps 71,15 l’or d’Arabie, Jr. 6,20, l’encens de Saba ; la myrrhe et l’encens, Ct 3,6. C’est une grave raison de faire venir les mages d’Arabie, car chacun apporte les présents de son pays (Gn 43,11).

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile selon saint Matthieu. Lecoffre-Gabalda, 1941, extraits p. 29 s.)

5 janvier 2023

Jésus entre en Galilée (Jean 1, 43-51)

Le lendemain, Jésus résolut de partir pour la Galilée.

Et il va trouver Philippe. Et Jésus lui dit : « Suis-moi. » Or Philippe était de Bethsaïda, de la ville d’André et de Pierre.

Philippe va trouver Nathanaël et lui dit : « Celui de qui ont écrit Moïse dans la Loi, et les prophètes, nous l’avons trouvé ! C’est Jésus, fils de Joseph, [Jésus] de Nazareth. » Et Nathanaël lui dit : « De Nazareth peut-il venir quelque chose de bon ? » Philippe lui dit : « Viens et vois. »

Jésus vit Nathanaël venant à lui. Il dit à son sujet : « Voici un véritable Israélite, en qui il n’y a pas d’artifice ! » Nathanaël lui dit : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répondit : « Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » Nathanaël lui répondit : « Rabbi, tu es le fils de Dieu, tu es le roi d’Israël ! » Jésus lui répondit : « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu au-dessous du figuier, tu crois ? Tu verras de plus grandes choses que celles-là. » Et il lui dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant au-dessus du Fils de l’homme. »

Nathanaël objecte à Philippe : « De Nazareth peut-il venir quelque chose de bon[1] ? » Il cède cependant au désir de son ami, et Jésus lui montre à la fois qu’il pénètre le secret des cœurs et qu’il ne lui sait pas mauvais gré de sa défiance : « Voici un véritable Israélite, en qui il n’est point d’artifice. » Il est loisible à chacun de faire un compliment. Nathanaël se défie toujours : « D’où me connais-tu ? » Et Jésus lui dit : « Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » Que faisait-il sous le figuier ? Rien de répréhensible assurément, puisque c’était un bon Israélite. Peut-être rêvait-il de la rédemption d’Israël. Frappé de cette vue qui pénétrait à travers les clôtures, il s’écrie : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël ! » Il entend par là le Messie mais, cependant cette fois il va trop vite. Jésus le lui laisse entendre, et s’adressant à ceux qui étaient là, ses premiers amis : « En vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant au-dessus du Fils de l’homme. »

Au pays d’Israël on savait qu’à Béthel, Jacob avait vu en songe une échelle suspendue au ciel, le long de laquelle les anges montaient et descendaient[2]. C’était un gage pour le voyageur, obligé de quitter la terre promise, que Dieu serait avec lui : « Car je ne t’abandonnerai point que je n’aie fait ce que je t’ai dit. »

Ce que Dieu avait promis au patriarche, Jésus affirmait qu’il le tiendrait pour lui, et avec tant d’évidence que les disciples, en voyant ses œuvres, devaient être convaincus de sa mission, non point sous l’impression passagère d’une surprise mais par l’évidence des faits surnaturels.

Cette conversation avait donc une grande portée, et l’on comprend que l’évangéliste en ait fait le point de départ d’une période de trois jours avec laquelle on se trouva à Cana, au pays de Nathanaël.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 106 ss.)

[1] Jo 1, 16.

[2] Gn 28, 10-17.

 

3 janvier 2023

Saint Nom de Jésus

Le témoignage rendu en désignant Jésus (Jean 1, 29-34).

« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. »

Quelques extraits du commentaire du P. Lagrange dans son livre : L’Évangile selon saint Jean. Lecoffre-Gabalda, Paris, 1941, p.39 ss.

C’est de beaucoup le plus important, celui que la tradition a interprété par un geste du Baptiste montrant Jésus du doigt, dans la liturgie (indice prodis) et dans la peinture (Léonard de Vinci). On est au même lieu, et Jésus, déjà baptisé, s’approche de Jean, sans qu’on ne sache le motif, mais cette approche donne au langage du Précurseur un accent ému, avec la joie de posséder et de répandre le secret du salut. Léonard de Vinci a mis un tel enivrement dans les yeux du Baptiste que d’anciens catalogues le prenaient pour un Bacchus ! Le confident de l’Esprit Saint exulte en voyant de ses yeux le Fils de Dieu. […] Jean avait donc comme mission de manifester le Messie, ce qui supposait qu’on le lui ferait connaître. Il n’a pas encore dit comment ; c’est ce qu’il fait ici. […] Le signe était la descente de l’Esprit en forme de colombe […] Jean ajoute que la colombe demeura (cf. Isaïe 11, 2), ce qui était plus significatif, et indiquait aussi que pour le moment l’Esprit n’était pas donné à d’autres. Jean a bien indiqué le signe, mais comment en a-t-il compris la portée et le sens ? C’est ce qu’il explique maintenant, en accentuant de nouveau son ignorance antérieure, dissipée par la révélation de celui qui l’a envoyé pour baptiser, mais seulement dans l’eau. Nouvelle insistance pour amener le trait définitif, celui du baptême dans l’Esprit Saint.

Illustration : Saint Jean le Baptiste par Léonard de Vinci (1515) Louvre

1er janvier 2023

Vénérer la Vierge Marie

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin :

« La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance (1). »

L’histoire de l’Église montre aussi comment la fréquentation de la Vierge Marie dans la prière loin d’éloigner les fidèles du Christ les a rapprochés avec justesse de son mystère.

Aussi, le concile Vatican exhorte-t-il les chrétiens à vénérer la Vierge Marie, avec amour, en lui adressant des prières d’invocation, et en cherchant à imiter sa foi (2).

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens ayant subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ médiateur entre Dieu et les hommes.

Mère de Dieu, Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait aux noces de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2,5.) Manuel Rivero o.p. Extrait de l’article « Sainte Marie, Mère de Dieu ».

(1) Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16 novembre 1880. P. 104.

(2) Concile Vatican II. Lumen gentium. Chapitre VIII. « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église », n° 66-67.

Illustration : Vierge et l’enfant dormant (détail). Giovanni Battista Salvi da Sassoferrato 17e

1er janvier 2023

 

 

 

 

 

Écho de notre page Facebook : décembre 2022

 

29 décembre 2022

Le Nunc dimittis, (Lc 2, 22-35)

La beauté du plan divin : lumière qui éclaire les nations, le peuple de Dieu.

Le P. Lagrange dans son livre L’Évangile selon saint Jean, publié chez Lecoffre-Gabalda, 1941, commente l’évangile de ce jour dont voici quelques extraits :

— Trois stiques, mais seulement deux idées. Siméon est délivré parce qu’il a vu le signe promis, et qui sera le salut pour les peuples et pour Israël. Ce cantique semble avoir été chanté le soir dans l’Église ; il a la mélancolie d’un adieu : « c’est le soir d’un beau jour ». Siméon va maintenant décrire le salut ; le verset 31 affirme seulement qu’il est préparé pour tous les peuples, c’est-à-dire qu’il leur est destiné. L’idée est isaïenne (Is II, 1 s.) même sans le symbole de la lumière. Mais c’est surtout comme une lumière qu’Isaïe avait envisagé le salut, lumière qui éclaire les nations opposées ici à Israël, le peuple de Dieu. Siméon en viendra à l’attitude des hommes ; pour le moment il est en extase devant la beauté du plan divin ; son cantique respire le plaisir des yeux en présence de la lumière. Le verset 33 marque combien avait été spontané l’action du vieillard. Il s’était emparé de l’enfant sans s’informer auprès de ses parents, et avait manifesté sa gloire. Ils ne pouvaient qu’être étonnés de cette évidente intervention de Dieu dans l’esprit du voyant. L’objet prochain de cet étonnement ce sont naturellement les paroles du vieillard sur l’enfant. Si l’on voit dans cet étonnement la preuve que l’auteur ne connaissait pas la conception miraculeuse, il faut ajouter qu’il ne savait rien non plus de l’apparition de l’ange à Marie, ni de l’épisode des bergers. Siméon les bénit, ce qui peut s’entendre dans le sens propre ; ce privilège appartenait à son âge. Il s’adresse à Marie par instinct prophétique ; d’ailleurs les épreuves des enfants ne touchent-elles pas surtout le cœur des mères ? Ce qui expliquerait le mieux comment Siméon, après avoir dit que Dieu avait préparé l’enfant pour la gloire d’Israël, a pu ajouter qu’Israël, en partie du moins, ne le comprendrait pas. C’est la première révélation, dans le N.T., du véritable rôle du Messie, sous une forme très énigmatique, mais très appropriée à la circonstance, puisque la prophétie s’adresse à Marie, les souffrances du Christ n’étant marquées que par le glaive qui doit traverser le cœur de sa Mère. Ce ne sont point là les caractères d’une prophétie faite après coup.

Illustration : Marie et Joseph présentent Jésus à Siméon (détail) Fra Angelico.

Siméon manifeste la gloire de l’enfant (détail) Fra Angelico.

28 décembre 2022

Les Saints Innocents

« Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus (Jr 31,15) (Mt 2,18). »

La fête des Saints Innocents manifeste la cruauté des hommes ambitieux et esclaves du pouvoir. Hérode a mis à mort des enfants innocents. Innocent veut dire du point de vue étymologique « non nuisible ». Ces enfants, sans force, ont été éliminés de manière expéditive au nom de la sauvegarde de la royauté et des intérêts personnels.

La fête des Saints Innocents manifeste aussi la grâce du Christ Jésus venu sauver tous les hommes. Ces enfants n’ont pas parlé en faveur du Christ ni manifesté leur foi en lui. Ils ont été sauvés par l’amour gratuit de Dieu.

Leur mort est célébrée comme martyre, car dans leur innocence ils ont témoigné de Jésus, l’Agneau pascal, qui enlève le péché du monde. Leur mort annonçait déjà la mort de Jésus innocent, le Vendredi saint. Sauvés par une grâce, qui vient de la croix de Jésus et de sa glorification, ces enfants sont morts à la place de Jésus qu’Hérode cherchait à éliminer.

Dans la paix de Noël, la violence n’est pas loin. La croix jette son ombre sur la crèche illuminée par la présence du Fils de Dieu fait homme.

Si l’on nous demandait de choisir un animal pour symboliser Dieu, lequel choisirions-nous ? Le taureau, par sa puissance ? Le dragon ? Pourtant, c’est un Agneau que Dieu a choisi pour symboliser le mieux son être d’amour et de paix, sans violence. Non violent, artisan de paix, Jésus est symbolisé par un Agneau immolé. Ces enfants sanctifiés par Jésus dévoilent au monde la puissance de l’amour de Dieu.

S’il fallait résumer toute la Bible en un seul mot à mettre sur un timbre-poste, lequel choisirions-nous ? L’Esprit Saint nous révèle dans la première épître de saint Jean que Dieu est Amour (I Jn 4,8). L’amour dit le cœur de Dieu. L’amour de Dieu enseigne aux hommes que le mystère de leur vie ne se comprend que dans cet amour divin.

C’est l’amour puissant de Jésus qui accorde aux enfants morts à Bethléem une nouvelle naissance dans la gloire de Dieu.

Manuel Rivero, o.p. Extraits de « Une nouvelle naissance pour les enfants innocents » « Je vis ma foi ».

Illustration : Le triomphe des Saints Innocents et la fuite en Égypte de William Holman Hunt (19e)

L’Agneau immolé. Mathias Grünewald (16e). Musée Unterliden. Colmar.

27 décembre 2022

Saint Jean, fils de Zébédée (l’an I)

— Le quatrième évangile indique qu’il est l’œuvre d’un disciple de Jésus, et du disciple que Jésus aimait. Le disciple que Jésus aimait se retrouve au pied de la Croix, et Jésus lui confie le soin de sa Mère (19,26). Il y était encore quand un soldat ouvrit le flanc de Jésus. À ce moment où tout est consommé, il rend enfin témoignage à la réalité des faits et se donne comme témoin oculaire, afin que d’autres croient.

Nous retrouvons le disciple que Jésus aimait en compagnie de Pierre à la recherche du Christ ressuscité (20,2). Enfin il adresse la parole à Pierre, lors de l’apparition au lac de Tibériade (21,7), ayant le premier reconnu le Seigneur. Jésus ressuscité ne s’occupe en particulier que de ces deux disciples, et de leurs destinées futures. Il est suggéré assez clairement que Pierre a déjà été martyr au moment où le livre est écrit : en même temps ils sont garants eux-mêmes que son témoignage est vrai.

Jean n’a pas craint de se nommer dans l’Apocalypse, après sa confession publique du nom de Jésus. Maintenant il n’est plus un prophète investi d’une mission propre ; il est évangéliste, il s’efface, et les autres, sachant combien il est grand, disent bien haut qu’il mérite d’être cru.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile selon saint Jean, coll. Études bibliques, chap. I. L’auteur du quatrième évangile (extraits). Lecoffre-Gabalda, 1941.)

Illustration : Le maître saint Pierre et l’élève saint Jean par Giovanni Agostino da Lodi (1470-1519) Pinacoteca di Brera. Milan.

26 décembre 2022

Saint Étienne, diacre, protomartyr

Chargé par les apôtres du soin des pauvres et des veuves, le diacre Étienne ne devait pas tarder à prendre dans l’esprit du peuple de Jérusalem une place qui le mît en vue, aux yeux des ennemis du Christ, comme à ceux de ses fidèles.  Objet de suspicion, puis de haine pour les scribes et les pharisiens, il fut bientôt appelé au tribunal des Princes des Prêtres, accusé d’impiété et mis en demeure de défendre sa tête. Peu soucieux de sa vie, mais empressé à glorifier son Maître, il le montra dans la lumière des prophéties, promis au peuple d’Israël comme l’unique rédempteur auquel il fallait croire pour être sauvé dans le temps et dans l’éternité.

Un arrêt de mort punit son courage. Traîné hors de la ville par la populace dont Saul excitait la rage, il fut lapidé à quelques pas de la porte de Damas, et mourut en pardonnant à ses bourreaux, les yeux au ciel, où il voyait Jésus dans la gloire de son Père.

En Palestine mieux qu’ailleurs, l’activité du présent se relie dans les desseins de Dieu aux souvenirs du passé : entre le sol et les faits de l’histoire il a établi une harmonie. Ce n’est donc pas sans une sage disposition de la Providence qu’une école biblique a été fondée au lieu du martyre de saint Étienne. Il ne suffisait pas du culte religieux à ce confesseur de la foi. Ceux qui sont charger de l’honorer par la prière publique doivent aussi hériter de son amour pour la vérité, et de son zèle à la prêcher sans crainte.

Étienne parlant à des Juifs puisait tous ses arguments dans l’Écriture Sainte dont l’Esprit Saint lui avait fait connaître le sens divin. De nos jours, cette prédication est encore la plus opportune de toutes, comme nous l’enseigne Léon XIII, dans l’encyclique Providentissimus Deus, sans parler de la nécessité de résister aux ennemis de notre foi, qui font de la Bible le but principal de leurs attaques.

L’Écriture Sainte a Dieu pour auteur, mais il a plu à Dieu de se servir pour l’écrire d’instruments humains ; la pensée divine avant d’arriver à l’homme a dû, par conséquent, passer par l’esprit et par le cœur d’autres hommes

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem, éd. Picard, 1894)

Illustration : Le Martyr de Saint Étienne. Paolo Uccello (1435) (fresque)

Statue de saint Étienne. École biblique de Jérusalem.

25 décembre 2022

Gloria !

« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-la-Paix » (Isaïe 9, 5).

« Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (Jean 1, 14).

Le Christ historique est précisément le Fils unique de Dieu : il n’y a pas à distinguer en lui le Verbe et une autre individualité. C’est le Verbe qui est ce Fils de Dieu qu’adorent les chrétiens en Jésus-Christ. (Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile selon saint Jean, 1, 14)

Illustration : Gloria de Domenico Ghirlandaio (15e) (détail)

Enfant Jésus dans les bras de sa mère (détail) L’adoration des bergers, Georges de La Tour (1593-1652), vers 1644, Musée du Louvre.

24 décembre 2022

Sainte et Joyeuse fête de la Nativité du Seigneur ! Prince de la Paix !

Que la paix soit dans toutes les familles et sur toute la terre !

C’est dans une grotte qui servait d’abri pour les personnes et pour le bétail que Marie a mis au monde son enfant premier-né sous le regard aimant de Joseph. Saint Luc, l’évangéliste, met en valeur la prière de contemplative de Marie qui conservait ces événements les méditant dans son cœur. Le verbe grec qui exprime la garde de ces choses dans le cœur est bien « soumbalo » qui a donné « symbole » en français. Le symbole « met ensemble ». Marie rassemblait les paroles de l’ange Gabriel et la nuit de Bethléem. Les paroles et les faits historiques de son existence s’éclairaient mutuellement. La source du Rosaire se trouve dans cette démarche priante de Marie qui donne sens à l’histoire en rapprochant les différentes sources de la connaissance, à l’image d’une table de mixage qui parvient à unifier les voix, les musiques et les murmures de la rue. Le chant des anges et la musique céleste résonnent dans le cœur de Marie faisant resplendir son regard sur Jésus. C’est pourquoi le père Lagrange perçoit dans le cœur de Marie « l’écho le plus fidèle de toutes ces paroles, la pénétration la plus intime de toutes ces choses où convergeaient tous les desseins de Dieu ». Le Cœur Immaculé de Marie, si cher à la dévotion du père Lagrange, brille comme le lieu de la rencontre de Dieu et de l’humanité, lieu fécond d’où sortira le salut du monde.

(Fr. Manuel Rivero, o.p. Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du rosaire. La naissance de Jésus, Cerf, 2012, p.63)

Illustration :  Nativité. « A natividade » (det.) | Bicci di Lorenzo | Museu Wallraf-Richartz, Colónia, Alemanha.jpg.

Ange musicien de Melozzo da Forli, (15e).

23 décembre 2022

 

« Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, petit d’une ânesse. » (Zacharie 9,9)

 

22 décembre 2022

Magnificat ! Portrait de l’âme de Marie entièrement tissé de fils de l’Écriture Sainte, de fils extraits de la Parole de Dieu. Profondément pénétrée par la Parole de Dieu, elle peut devenir la mère de la Parole incarnée (28. Verbum Domini).

« Marie adorait Dieu dans les Écritures. La source était limpide dans son cœur. Une nouvelle révélation la fit jaillir, et ce fut le Magnificat…. Nous ne comprenons pas assez à quel point le Magnificat exprime les sentiments suggérés par la Révélation ancienne, embrassée dans son esprit, au moment où elle va se dépasser elle-même par l’amour du salut, dans un tressaillement de joie. Ses paroles, celles du Magnificat surtout, sont comme une aurore de l’Évangile… »

(Extraits de Marie à Nazareth par Fr. Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Écriture en Église, coll. Lecto Divina 142, Cerf, 1990.)

Illustration : Magnificat de la Vierge Marie. Fra Angelico. Musée San Marco. Florence.

 

21 décembre 2022

 

« J’entends mon Bien-aimé ;

C’est lui, il vient ! (Cantique des Cantiques 2, 8)

 

 

20 décembre 2022

« Rien n’est impossible à Dieu » Or Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il m’arrive selon ta parole. »  Et l’ange la quitta (Luc 1, 37-38).

Ce petit verset est presque une citation de Gn 18, 14 [Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ?]

Il a plu à Dieu d’attendre le consentement de Marie pour réaliser ce mystère (cf. 2, 21) ; c’est sans doute à ce moment qu’il s’est opéré.

Note du P. Lagrange : Sur les tentatives d’expliquer la conception surnaturelle comme une légende païenne, on peut voir RB 1914, p. 60-71 ; 188-208.

(M.-J. Lagrange o.p., extrait de L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

Illustration : Le consentement de Marie par Pompeo Batoni (18e)

 

18 décembre 2022

Joseph assume la paternité légale de Jésus

« Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit ‘Dieu-avec-nous’.

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. » (Matthieu 1, 23-24)

Et le P. Lagrange de commenter :

Tandis que les Apôtres seront longtemps sans comprendre le vrai rôle du Messie, Joseph est averti comme Zacharie qu’il sera le Libérateur du péché ; puis selon la coutume, dont nous avons ici le premier exemple, l’évangéliste fait allusion à la prophétie de l’Emmanuel dans Isaïe, la plus claire sur l’enfant-Dieu : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ». […]

Un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph. Il l’interpella comme Fils de David, insinuant déjà par là qu’il s’agissait du Messie dont il devait paraître le père, afin de lui transmettre, par le fait du mariage les droits de la maison de David. L’ange ajoutait : ‘Ne crains pas de prendre chez toi Marie ta femme’, c’est-à-dire de donner à tes fiançailles la sanction légale définitive ‘car ce qui est conçu en elle est un ouvrage de l’Esprit Saint’.

Réveillé de son sommeil, digne par sa confiance des confidences de Marie, Joseph prit sa femme chez lui, et, quand il eut un fils, il lui donna le nom de Jésus. C’est donc lui qui introduisit Jésus dans le monde comme descendant de David. (Lire l’article entier dans Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, éd. Artège, 2017, pp. 55-58.)

Illustration : Le songe de Joseph de la Ste Famille de Bordeaux. Vie contemplative.

16 décembre 2022

« Jean était la lampe qui brûle et qui luit : vous avez voulu vous réjouir un moment de sa lumière ; mais j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean : car les œuvres mêmes que je fais rendent pour moi témoignage que le Père m’a envoyé. » (Jean 5, 35-36)

Quelques extraits du commentaire du P. Lagrange.

C’est une allusion au zèle brûlant du Baptiste pour la pénitence, en même temps qu’à la révélation qu’il avait communiquée sur le Christ. Ce n’est pas sans dessein que Jésus ne parle plus ensuite de la chaleur de la flamme, mais seulement de la lumière. Cette lumière a attiré les Juifs ; ils s’en sont approchés avec joie, espérant qu’elle annonçait le réveil de leurs espérances. Mais leur joie a été de courte durée. Ils n’ont pas laissé à cette parole ardente le temps de les pénétrer intérieurement ; ils y ont pris plaisir un moment, puis ils ont pensé à autre chose. L’hommage rendu au Baptiste est en contact avec le témoignage que ses propres œuvres rendent au Christ ; parmi ces œuvres la résurrection des morts et aussi la bonne nouvelle aux pauvres. Ici les œuvres ne sont pas énumérées, c’est toute la mission du Christ. Jésus dit que ces œuvres lui ont été données, et cependant qu’il les fait. C’est la vraie preuve qu’il a été envoyé par son Père. Le fondement de l’argumentation est dans l’opinion reçue de tous : tant valent les œuvres, tant vaut l’homme.

(Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile selon saint Jean, Lecoffre-Gabalda, 1936.)

Illustration : Vitrail de lumière de Kim En Joong, o.p.

14 décembre 2022

Saint Jean de la Croix (1542-1591), Confesseur, Docteur de l’Église Universelle, réforma avec l’aide de Thérèse de Jésus l’ordre des Carmes.

18 oct[obre 1928]. Premier jour de la retraite prêchée par le R. P. Petitot sur la doctrine de S. Jean de la Croix

25 [octobre 1928] soir. Fin de la retraite prêchée par le R. P. Petitot, 15 ans à Saint-Étienne, sur S. Jean de la Croix.

La bonne résolution c’est d’être fidèle à une méditation de 11.10 à 11.40 ….. et à une lecture spirituelle, le soir.

Miserere nostri Jesu benigne. O Domina mea Sancta Maria … Confirma hoc Deus quod operatus es in nobis (Ayez pitié de nous, Bon Jésus. Ô ma Dame Sainte Marie … Dieu, confirmez ce que vous avez opéré en nous.)

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel, Éd. Cerf, 2014, pp. 445 et 451)

Doctrine de Jean de la Croix

Le but de la vie est de retrouver la présence de Dieu en son cœur, de s’y unir et de connaître ainsi une paix intérieure fondée sur la certitude de son amour. Dès la première phrase du prologue de La Montée du Carmel, Jean de la Croix propose au croyant d’  « arriver à la divine lumière de l’union parfaite avec Dieu par amour, autant qu’elle est possible en cette vie. » Source : Le Carmel en France.

Illustration : Saint Jean de la Croix (source. Carmel de Lisieux)

13 décembre 2022

Sainte Lucie de Syracuse (+ v. 305)

Méditation du P. Lagrange

Aucun droit sur des âmes marquées du sang de l’agneau – c’est grâce à ces persécutions que les chrétiens ont pu faire les derniers sacrifices […], une Lucie, tant d’autres et ce sont-elles qui ont vaincu ; les apologistes, bravo, mais on a vu une puissance divine dans l’histoire. Des petits, des faibles, grandir vraiment victorieux.

(Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 352.)

Illustration : Sainte Lucie (détail) Francesco del Cossa (1436-1477)

 

12 décembre 2022

De qui Jésus tient-il son autorité ?

« Le baptême de Jean, d’où venait-il ? Du Ciel ou des hommes ? » (Mt 23, 25.)

Méditation du P. Lagrange :

Le baptême de Jean était-il du ciel ou des hommes ? » Et comme ses adversaires se taisaient, manifestement décontenancés, Jésus insiste : « Répondez-moi ! » – Qu’auraient-ils répondu ? Que ce baptême venait du ciel ? Mais la réplique était prête : « Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui ? » Il leur seyait bien vraiment de s’enquérir sur la mission des prophètes, si c’était pour ne pas les croire quand ils parlaient au nom de Dieu ! Selon leur cœur, ils auraient répondu : « Des hommes ». Mais Jean, surtout depuis son martyre, avait l’auréole des grands prophètes dressés à la façon d’Élie contre les rois infidèles ; le peuple gardait pieusement son souvenir, et il n’eût pas été prudent, surtout en ce moment, de braver sa colère. Affectant un air dégagé, comme si la question n’était pas pertinente, ils répondirent : « Nous ne savons pas ». Or Jésus les avait prévenus ; il tint parole : « Moi non plus je ne vous dis pas par quelle autorité j’agis ». Ainsi il refusait de se laisser prendre dans leur piège, et du même coup guidait le bon sens populaire. Il avait soudé sa cause à celle de Jean que le peuple tenait pour un prophète. Et, cependant, les chefs de la nation s’obstinaient à le méconnaître ! De quel droit prétendaient-ils encore barrer la route à Jésus, surtout si c’était lui dont Jean avait annoncé la venue ?  (L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p.476-477.)

Illustration : Jésus enseignant dans le Temple. Marko’s Monastery in the Republic Macedonia, env. 1375.

10 décembre 2022

Bienheureuse Vierge Marie de Lorette

Jour-anniversaire de la naissance au Ciel du P. Lagrange

En union de prière avec Fr. Manuel Rivero o.p.

La messe qu’il célèbre ce jour est pour vos intentions personnelles ainsi que pour la béatification du Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange o.p.

« Être les amis de Jésus. – S’habituer à vivre avec soi-même, ses mauvais instincts, comme on se résigne au voisinage putride d’un marais non sans se boucher le nez. »

(Journal spirituel. 10 décembre 1880. Lorette.)

Illustration : Bienheureuse Vierge Marie. Portrait.

Chapelle Notre-Dame de Lorette. Haut-lieu de mémoire.

8 décembre 2022

Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie

« Vierge Immaculée, ma Mère, je vous remercie de m’avoir amené à vos pieds, revêtu de l’habit que vous m’avez inspiré de prendre il y a sept ou huit ans à pareil jour. Donnez-moi l’humilité, l’esprit de prière, afin que je devienne pur devant vous comme la neige tombée ce matin. »

Le père Lagrange est un mystique au sens noble du terme. Nous savons que rien ne ressemble autant à un diamant vrai qu’un diamant faux. Le père Marie-Joseph vivait le mystère de Dieu intensément à partir de la Parole de Dieu révélée à Israël. En lui la Sainte Écriture, la philosophie, la théologie et la prédication s’harmonisent au service du « salut des âmes », expression qu’il citait souvent dans l’esprit des Constitutions de l’Ordre des prêcheurs.

La Vierge Marie, l’Immaculée Conception, occupe une place privilégiée2 qui fait penser à la spiritualité du bienheureux pape Jean-Paul II. Habituellement ses feuilles manuscrites, même dans l’étude des langues orientales, commencent par la prière « Ave Maria » en haut de la page, signe de la présence de la Mère de Dieu dans son âme.

Laus Immaculatae !

(Journal spirituel, Cerf, 2014.)

5 décembre 2022

Mémoire du Bienheureux abbé Jean-Baptiste Fouque, proclamé bienheureux par le pape François, le 30 septembre 2018.

Lorsque le Bienheureux P. Jean-Baptiste Fouque (1851-1926), fondateur de l’hôpital Saint-Joseph de Marseille, et le Serviteur de Dieu, le P. Marie-Joseph Lagrange o.p. (1855-1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem se rencontrent :

C’est malade à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille, fondé par l’abbé FOUQUE de sainte mémoire, que le père LAGRANGE formule en 1926 le vœu de rédiger une Vie de Jésus s’il retrouve ses forces et sa santé[1].

Le père Louis-Hugues VINCENT, o.p., frère dominicain de l’École biblique de Jérusalem, accompagne le 6 novembre 1926 le père Lagrange à l’hôpital Saint-Joseph, où il restera jusqu’au 6 janvier 1927. Dans son Journal spirituel, le père Lagrange note de manière sobre mais cela lui semble important : « Vu le chanoine FOUQUE avant sa mort »[2].

Il commence la rédaction le 22 juillet, en la fête de sainte Marie-Madeleine, et ses commentaires évangéliques avancent à grands pas dans un climat de prière.

Il tourne ses yeux et son cœur vers la Vierge Marie, Notre-Dame des commencements[3], en implorant son intercession : « Très douce Mère, Marie Immaculée, Reine du très Saint Rosaire, c’est pour vous plaire que je commence, et par vous, à votre Fils : aidez-moi. Faites-le-moi mieux connaître, donnez-moi de l’aimer et étant devenu uni à ses sentiments, d’avoir pour vous son amour, sa tendresse, et comme étant aussi votre esclave, la docilité et le dévouement d’un bon serviteur … Suppléez à tout ! S. Joseph, priez pour moi, S. Dominique, aidez votre enfant. Ave Maria ! »[4].

Dans sa déclaration du 22 septembre 1936 au couvent de Saint-Maximin (Var. France), à ouvrir après son décès, le père Lagrange déclare : « La petite croix du P. FOUQUE de Marseille, que je porte sur moi, serait pour le Père VINCENT. »[5]

Le père Lagrange n’évoque pas l’origine de cette croix à laquelle il tient au point de la porter sur lui. L’a-t-il reçu directement de l’abbé FOUQUE ? S’agit-il d’un souvenir-relique offert au père LAGRANGE par les sœurs dominicaines qui travaillent comme infirmières à l’hôpital Saint-Joseph ? Peu importe. Cette petite croix marque bien le lien spirituel entre le « Vincent de Paul marseillais » et le fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

Dans son adolescence, le père Lagrange faisait partie d’une conférence de Saint-Vincent-de-Paul à Autun où il servait les pauvres à domicile. Il écrivait dans ses Souvenirs personnels : « Parmi les moyens les plus efficaces pour toucher le cœur des enfants, lutter contre leur égoïsme, contre l’attrait du plaisir, avant bien des instructions publiques ou privées, je pense encore qu’il faut placer la visite des pauvres à domicile, à leur propre foyer. Il existait au petit séminaire une conférence de Saint-Vincent-de-Paul, très assidue à cet office, et c’était un honneur d’en faire partie. »[6]

L’abbé Jean-Baptiste FOUQUE qui sera béatifié à Marseille le 30 septembre 2018 et le père Marie-Joseph LAGRANGE, dont la cause de béatification est en cours, se sont rencontrés non seulement dans les locaux de l’hôpital Saint-Joseph de Marseille mais surtout ils se sont retrouvés et reconnus dans la même passion pour le salut des âmes. L’abbé FOUQUE en innovant dans le domaine social et en créant des institutions qui se sont développés dans le temps ; le père Lagrange en innovant dans l’exégèse biblique et en créant l’École pratique d’études bibliques à Jérusalem au service de l’intelligence de la foi en la Parole de Dieu.

L’abbé FOUQUE s’est investi dans les milieux populaires marseillais où il a apporté soutien matériel, soins médicaux et éducation chrétienne. Le père Lagrange a tenu à vulgariser ses recherches scientifiques en publiant « L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique »[7] qu’il voulait accessible aux ouvriers.

L’Église a reconnu la sainteté de l’abbé FOUQUE. L’Église par le biais des papes a mis en lumière aussi le labeur du père LAGRANGE pour nourrir la foi des fidèles.

Le père Lagrange avait dédicacé en 1928 « L’Évangile de Jésus-Christ » au pape Léon XIII, apôtre du Rosaire. Plus tard, le 25 mars 1930, le cardinal Pacelli, secrétaire d’État du pape Pie XI, futur pape Pie XII, remercia chaleureusement le père Lagrange pour « le beau travail » en lui accordant au nom du pape Pie XI une Bénédiction apostolique particulière.

Le bienheureux pape Paul VI et le saint pape Jean-Paul II ont mis en lumière l’œuvre du père Lagrange, pionnier de l’exégèse catholique, dans le contexte difficile du modernisme qui privait la Bible de sa dimension surnaturelle en tant que révélation divine dans l’Histoire.

La Commission biblique pontificale dans son document, publié le 21 septembre 1993, « L’interprétation de la Bible dans l’Église », préfacée par le cardinal J. Ratzinger, devenu ultérieurement le pape Benoît XVI, a rendu hommage à l’œuvre du père Lagrange le citant comme un bibliste de référence dans l’histoire de l’exégèse catholique à la suite d’Origène et de saint Jérôme. D’ailleurs, le père Lagrange a souvent été appelé « le nouveau saint Jérôme » à tel point qu’il apparaît comme un docteur dans l’interprétation fidèle, scientifique et innovante des Saintes Écritures.

L’abbé FOUQUE et le père LAGRANGE représentent deux modèles de sainteté, fondées sur l’amour de Dieu et du prochain, et unis dans l’attachement à Jésus-Christ, leur unique Seigneur. Toujours d’actualité, toujours jeunes de la jeunesse de la charité qui ne passe pas.

Fr. Manuel RIVERO O.P., Président de l’Association des amis du père Lagrange

http://www.mj-lagrange.org/

[1] LAGRANGE, (M.-J) (2014), des frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Paris. Éditions du Cerf. P. 439.

 [2]LAGRANGE, (M.-J) (2014), des frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Paris. Éditions du Cerf. P. 438.

[3] Voir RIVERO, (M) (2012), Le père Lagrange et la Vierge Marie, méditations des mystères du Rosaire. Paris. Cerf.

[4] LAGRANGE, (M.-J) (2014), des frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Paris. Éditions du Cerf. P. 440.

[5] MONTAGNES (B.) (2004), Marie-Joseph LAGRANGE, une biographie critique. Paris. Éditions du Cerf. P. 520.

[6] Le Père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 254.

[7] LAGRANGE (M.-J), (2017), L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas LAVERGNE O.P.. Préface de Jean-Michel POFFET, O.P. ; Présentation de Manuel RIVERO O.P.. Paris. Éditions Artège-Lethielleux. 2017.

4 décembre 2022

2e dimanche de l’Avent

Épître de saint Paul apôtre aux Romains (versets 5 et 6)

« Et que le Dieu de la patience et de la consolation vous donne d’avoir les mêmes sentiments les uns envers les autres selon le Christ Jésus, afin que d’un même cœur, d’une seule bouche, vous glorifiiez le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ. »

Le verset 6 commande toute la période, en indiquant la cause finale. Les chrétiens sont une société religieuse, groupée pour rendre gloire à Dieu comme une seule voix, et par conséquent d’un seul cœur sous peine de la plus fâcheuse discordance entre la bouche et le cœur ? Pour cela il faut qu’ils aient tous les mêmes sentiments, de façon à rester unis […]. Cette union ne peut être qu’un don de Dieu, aussi Paul a-t-il recours à la prière.

(P. Lagrange, o.p. L’Épître de saint Paul aux Romains. Lecoffre-Gabalda, 1931.)

Illustration : Assidus à la prière (Fr. Enard)

 

3 décembre 2022

Fête de saint François-Xavier, patron des missions et du diocèse de La Réunion

Fr. Manuel Rivero O.P.

En ce 3 décembre, l’Église catholique célèbre saint François-Xavier, jésuite, patron des missions avec sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et patron du diocèse de La Réunion.

Né, en 1506, en Navarre (Espagne), François-Xavier a fait ses études à Paris où il rencontre saint Ignace de Loyola avec qui il fondera la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre à Venise en Italie, François-Xavier sera envoyé par Ignace aux Indes pour remplacer un autre jésuite prévu pour cette mission mais qui était tombé malade. Saint François-Xavier était poussé vers l’Asie dans un grand élan de générosité et de foi. Parti de Lisbonne, il sillonna les océans dont l’océan Indien pour rejoindre Goa, Singapour, l’Indonésie, le Japon. Son rêve était de parvenir en Chine mais il mourra sur l’île de Sangchuan aux portes du continent chinois le 3 décembre 1552. Il avait 46 ans.

Saint François-Xavier a été canonisé en même temps que saint Ignace de Loyola et sainte Thérèse d’Avila en 1622 par le pape Grégoire XV. Ce fut une grande fête populaire.

À Rome, dans l’église du Gesù un reliquaire conserve le bras droit de saint François-Xavier qui a baptisé tant et tant de personnes. Dans cette même église jésuite sont vénérées les reliques du fondateur, saint Ignace de Loyola. Plus récemment, les restes du père Pedro Arrupe (+1991), ancien Général de la Compagnie de Jésus, missionnaire au Japon, y ont pris place pour honorer son élan missionnaire. Sa cause de béatification est en cours dans le diocèse de Rome.

Le discernement des vocations

Dès leur fondation, les Jésuites mettent à l’épreuve ceux qui demandent à rentrer dans la Compagnie de Jésus en exigeant trois étapes : un mois d’Exercices spirituels, un mois de service auprès des malades dans un hôpital et un mois de pèlerinage à pied et sans argent afin de mettre leur espérance en Dieu. Saint Ignace, ancien soldat, a connu la discipline militaire, l’austérité et le combat, la maladie et la soif de Dieu. Pour persévérer dans la Compagnie, congrégation missionnaire, tout candidat doit faire preuve d’endurance et d’esprit de sacrifice, en renonçant au confort et à la sécurité. Pendant ces trois mois d’examen, le candidat est appelé à s’enraciner dans la foi en Dieu, la pauvreté et l’humilité. La pauvreté n’est pas vécue pour elle-même mais comme condition pour la mission. L’apôtre est enfanté à la mission dans la pauvreté, « sa mère ». En partageant les souffrances des prisonniers et des malades, le novice rejoint la miséricorde de Jésus. C’est au service des pauvres que le jeune religieux imite la compassion de Jésus tout en découvrant sa propre misère. La contemplation de la passion du Christ pour les pécheurs et les pauvres plonge le chrétien dans l’expérience de son péché et de sa vulnérabilité. La miséricorde divine se déploie dans la misère humaine. L’apôtre témoigne de l’amour du Christ pour l’humanité au cœur de sa propre faiblesse comme premier bénéficiaire de la miséricorde divine.

Quand j’étais en Haïti de 2008 à 2011, j’avais rencontré un père maître des novices d’une congrégation religieuse, ancien médecin, qui pratiquait ce qu’il appelait  « la sélection naturelle des vocations ». Il donnait rendez-vous en ville aux candidats qui lui demandaient ce qu’il fallait faire pour entrer dans sa congrégation internationale. C’est à pied qu’ils se rendaient dans la maison de formation en milieu populaire où il n’y avait pas de voitures ni de domestiques. Devant cette pauvreté, certains candidats renonçaient rapidement à leur désir.

Saint François-Xavier, qui était aussi nonce apostolique, servait les malades lors de ses voyages missionnaires. Homme de prière, souvent silencieux, il était habité par la passion de connaître et de faire connaître Jésus-Christ.

Les enfants missionnaires

Saint François-Xavier aimait les enfants et les enfants l’aimaient. Il raconte dans ses lettres à saint Ignace de Loyola leur soif d’apprendre des prières : « Quant aux enfants, ils ne me laissaient ni réciter l’office divin, ni manger ni me reposer tant que je ne leur avais pas enseigné une prière. Alors j’ai commencé à saisir que le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent ».

Les enfants devenaient ses premiers collaborateurs car ils évangélisaient leurs parents et leurs voisins en détruisant parfois des idoles.

Combat contre Satan

Cœur brûlant du feu de l’Esprit Saint, saint François-Xavier a bien eu besoin de la force du Ressuscité dans ses combats contre le diable. Le démon lui était apparu en faisant des grimaces effrayantes. Une fois, le Satan lui donna des coups.

Sur sa route apostolique où il passait un jour sur trois en mer, il devait faire face à l’hostilité des païens, au contre-témoignage des colons européens mais aussi aux attaques du diable.

Le Satan, le « diviseur », le « jaloux », cherche à posséder l’homme et à l’éloigner de l’amitié avec Dieu.

En tant qu’aumônier de prison, il m’est arrivé aussi de constater l’action du diable capable de transformer l’expression du visage d’une personne détenue au point de le rendre tout à coup monstrueux, effrayant, avec des grimaces impossibles à faire de façon naturelle.

Mort de saint François-Xavier, modèle des missionnaires

Il mourut un samedi, avant l’aurore, le 3 décembre 1552, sur l’île de Sancian, malade et pauvre, dans une cabane de paille.

Sa vie et son œuvre continuent d’éveiller des vocations missionnaires. Par exemple, le frère Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, aimait à rappeler qu’il avait choisi saint François-Xavier comme saint patron pour recevoir le sacrement de Confirmation, le 19 mai 1867. Dans son Journal spirituel, il avait écrit à Jérusalem le 13 août 1893 une belle prière au Seigneur : « Je vous rends grâce d’avoir réalisé les aspirations de ma jeunesse à la vie missionnaire, hors de ma patrie »[1].

Aujourd’hui d’aucuns s’exclament : « La mission est en France ! Pourquoi vouloir aller au loin, en Afrique ou en Asie ? »

Déjà au XVIIe siècle en Italie, les chrétiens disaient en parlant des missions et du manque d’évangélisation dans le monde rural : « Les Indes sont aussi ici ! » En réalité, il y avait des besoins en Europe et en Asie. Les missions dangereuses en Asie étaient menées de pair avec des missions populaires en Europe. Plutôt que d’y voir un dilemme, le chrétien discerne le même appel à témoigner de Dieu. Il s’agit de partager sa foi aussi bien dans le vieux monde que dans des pays inconnus et lointains.

Que le Seigneur bénisse la mission de l’Église, ses missionnaires, enfants et adultes !

[1] Marie-Joseph LAGRANGE, des frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de frère Manuel Rivero O.P., Paris, éditions du Cerf, 2014, p. 282.

 

1er décembre 2022

Saint Charles de Foucauld (1858-1916), ermite, prêtre, missionnaire, linguiste.

Lagrange et le père de Foucauld. Lorsque deux grands hommes de Dieu se rencontrent.

Charles de Foucauld avait toujours aimé les déguisements, il passa sa vie à changer d’apparence. La dernière apparence, celle qu’il préférait, ce fut celle du mendiant, de l’extravagant, du « pauvre diable ». Mais, de même qu’il était difficile sans doute au Christ de se déguiser en Jésus le Nazaréen (car le Christ savait bien toujours dans le fond de son être qu’il était Dieu), il était sans doute difficile au vicomte de Foucauld déguisé en mendiant d’oublier qu’il était vicomte.

Il m’arrivait souvent à Jérusalem de comparer en esprit Lagrange à Foucauld. Leurs deux obsessions étaient en effet comparables. L’un et l’autre avaient le désir de vivre sur les lieux mêmes où Jésus avait vécu. L’un et l’autre avaient juré de pousser le paradoxe jusqu’à son extrémité : d’être des adorateurs muets, inconnus, méconnus au milieu du peuple mahométant qui plusieurs fois par jour adore le Dieu unique dans les mosquées. En ce moment de l’histoire où j’écris et où nous sommes encore hantés par un demi-siècle de conflits au Proche-Orient et par les rapports des juifs, des musulmans et des chrétiens, je me souviens d’un dialogue avec le père Lagrange :

– L’avez-vous reçu, mon père, au couvent de Saint-Étienne, ce grand initiateur ?

– Je l’ai reçu ; je l’ai vu ; je l’ai entendu. Je ne l’ai pas reconnu. Je ne l’ai pas connu. Que de fois dans la vie on ne reconnaît pas ceux qui nous aiment.

– Vous étiez faits l’un pour l’autre.

– Ceux qui sont faits l’un pour l’autre doivent vivre l’un sans l’autre.

– Le père de Foucauld a retrouvé en Galilée et en Judée la poésie qu’il avait évoquée dans son récit sur sa Reconnaissance au Maroc. Comme vous, Foucauld songeait à une fondation biblique. L’École biblique et toutes les communautés où on lit vos livres sur la Bible sont analogues à des monastères tel qu’il les imaginait.

(Jean Guitton, Portrait du P. Lagrange. Celui qui a réconcilié la science et la foi. Éd. Robert Laffont, Paris 1992, pp. 139-140.)

Illustration : Icône de Charles de Foucauld dans une chapelle de l’billin en Galilée-@MAB/CTS-Terre-Sainte01.jpg

Photo : P. Lagrange en 1880.

Écho de notre page Facebook : novembre 2022

 

30 novembre 2022

Saint André, apôtre

Lettre de saint Paul apôtre aux Romains (10, 9-18) avec le commentaire du P. Lagrange

9) Frère, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé.
10) Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut.

11) En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte.

12) Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent.

13) En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

14) Or, comment l’invoquer, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?

15) Comment proclamer sans être envoyé ? Il est écrit : Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles !
16) Et pourtant, tous n’ont pas obéi à la Bonne Nouvelle. Isaïe demande en effet : Qui a cru, Seigneur, en nous entendant parler ?

17) Or la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. 18) Alors, je pose la question : n’aurait-on pas entendu ? Mais si, bien sûr ! Un psaume le dit : Sur toute la terre se répand leur message et leurs paroles, jusqu’aux limites du monde.

À quelles conditions cette parole suffit au salut ? c’est ce qui nous est expliqué au verset 9.

9) L’ordre naturel est de croire, et ensuite de manifester sa croyance ; Paul y reviendra au verset 10 ; mais ici il suit l’ordre des termes mosaïques qu’il a empruntés ; c’est la raison donnée par tous. De plus il voulait répondre aux deux questions des vv. 6 et 7, dans l’ordre du temps, où l’Incarnation précède la Résurrection. Or la foi en l’Incarnation consistant à croire que Jésus est Seigneur [… prédicat], cette formule appelait l’idée d’une confession extérieure, car c’est par le culte public que s’est établi pour Jésus le titre de Seigneur […]. Il n’est pas question d’une confession de la foi devant des persécuteurs, mais de l’adhésion formulée au christianisme. Le deuxième article est la résurrection du Christ. Moyennant cela le salut est assuré.

10) Paul revient ici à l’ordre naturel. La foi est, comme toujours, une démarche qui conduit à la justice, qui obtient la justice, car elle procède du cœur, c’est-à-dire que la foi intellectuelle en Jésus est aussi une disposition de tout l’homme intérieur […].

(8-10) Ces trois versets ont été rattachés très justement par Aug[ustin] à ce qui est dit plus haut […] d’un côté des œuvres entassées sans profit, de l’autre la foi et le salut.

(11-13) Ces versets forment une chaîne de propositions liées qui traitent de la justice de la foi ou plutôt du salut qu’elle assure sous l’aspect de l’universalité. D’après le contexte, ce n’est pas un appel aux gentils, mais plutôt aux Juifs qui doivent aussi embrasser la nouvelle économie du salut.

11) Paul reprend le texte d’Isaïe (XXVI, 16) qu’il a cité plus haut et entendu du Christ, pierre de scandale pour les Juifs. […] Le nouveau régime est celui de la foi, et d’une foi qui confère à tous les mêmes droits au salut.

12) En affirmant qu’il n’y a pas de différence entre les Juifs et les Grecs ou les gentils, Paul combat la prétention des Juifs au privilège, quoique moins ouvertement que dans III, 29. Alors il disait que le même Dieu est le Dieu des gentils aussi bien que des Juifs ; maintenant il affirme qu’ils ont le même Seigneur, c’est-à-dire Jésus Christ […].

13) Aussi Paul n’hésite-t-il pas à appliquer au culte du Christ ce que Joël avait dit du culte de Iahvé (Joël III, 5) […] qui devient le nom du Christ. Rien de plus fort pour prouver la divinité de Jésus, l’existence d’un culte nouveau, l’obligation des Juifs de se joindre aux gentils dans l’union d’une même foi et d’un même culte rendu au Seigneur. Si ce Seigneur n’était clairement celui de l’A. T., on pourrait même parler d’une religion absolument nouvelle. Mais c’est bien toujours le Seigneur, que Joël avait dit qu’on invoquerait dans les derniers jours, le Christ descendu du ciel, issu d’Israël selon la chair.

(14-28) Les Juifs refusent de croire à l’Évangile

[…] Les Juifs ont méconnu la justice de Dieu et cependant elle était à leur portée, n’exigeant que la foi (vv. 6-13) ; il faut maintenant prouver qu’ils auraient pu faire cet acte de foi, et que s’ils ne l’ont pas fait, c’est manifestement leur faute. La foi exige une prédication autorisée (vv. 14-15a), mais elle a eu lieu, comme le prouve le texte d’Isaïe (v. 15b). Seulement tous n’ont pas obéi (vv. 16-17). Mais comme ils avaient entendu (v. 18) et compris (vv. 19-20), c’est leur faute s’ils n’ont pas cru (v. 21).

(14-15a) Gradation ascendante, qui procède ici par interrogations. L’interrogation est une autre figure de rhétorique (avec des subjonctifs), plutôt qu’une objection. L’ensemble est clair : le point de départ est l’invocation, dont la nécessité pour le salut est constatée au v. précédent. Pour invoquer il faut croire, pour croire il faut avoir appris ; on apprend par la prédication, et la prédication autorisée exige la mission de qui de droit ; dans ces conditions, on a tort de ne pas croire.  […] Donc Paul se demande comment on peut croire au Christ sans l’avoir entendu. Et c’est précisément parce qu’il sait bien que très peu de personnes encore vivantes l’ont entendu, qu’il demande ultérieurement comment on a pu entendre sans quelqu’un pour prêcher. Il fallait pour cela des prédicateurs envoyés : allusion aux apôtres envoyés par le Christ. C’est donc bien à lui comme Révélateur que remonte notre foi dont il est d’ailleurs l’objet ; c’est son témoignage qui nous sert de règle.

15b) Suit une citation d’Isaïe LII, 7, plutôt d’après l’hébreu que d’après les LXX, simple renvoi écourté à un passage bien connu : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager de bonne nouvelle qui proclame la paix, qui annonce la bonne nouvelle, qui proclame le salut ! qui dit à Sion : Ton Roi règne. » Paul se contente de la bonne nouvelle, et met le messager au pluriel, parce qu’il pense aux apôtres. Mais dans quel but cette citation ? Est-ce seulement pour prouver que le régime des messagers du salut était déjà prévu par l’A. T. ou est-ce pour affirmer dans les termes du prophète Isaïe la réalisation du fait dont la convenance vient d’être établie. La seconde opinion est préférée […].

16) L’affirmation de 16a est tout à fait générale, mais, d’après l’ensemble, il s’agit des Juifs. Il en coûte tant à Paul de constater leur situation qu’au lieu de dire : « peu ont cru », il dit par une figure qui adoucit la triste vérité : « tous n’ont pas cru ». […] La citation était très bien choisie pour prouver qu’un message envoyé par Dieu n’obtient pas toujours la foi, d’autant que ce message avait pour objet le serviteur de Dieu souffrant, objet de scandale pour les Juifs ; cf. Jn XII, 37.

17) […]. Isaïe, prophète, avait une mission, il a prêché, on eût dû le croire. On peut donc conclure de son texte la confirmation de ce qui a été dit plus haut sur la chaîne des actes qui conduisent à la foi : la foi dépend de la prédication, la prédication de la mission, et, en fait, la mission dont il s’agit vient du Christ. […] Plusieurs l’entendent d’un mandat, d’une commission, d’un ordre donné par le Christ, comme Lc V, 5. Je crois plutôt que c’est la parole révélée par le Christ (cf. v. 14). La parole « au sujet du Christ » serait en dehors du contexte.

18) Le début n’est pas une objection, mais bien plutôt Paul prévient l’objection. Diront-ils qu’ils n’ont pas entendu ? Allons donc ! […] La preuve est faite dans des termes empruntés au Ps XVIII (XIX), 5, d’après le grec qui rend bien l’hébreu. Ces termes signifient que les cieux annoncent partout la gloire de Dieu. Paul le sait sans doute et ne cite par l’Écriture comme autorité, ni pour le sens littéral, ni dans un sens prophétique typique précis. Il a dû y voir cependant je ne sais quel pressentiment. Cette belle phrase, dont l’expression métaphorique – les paroles des éléments inanimés ! – doit s’entendre proprement à propos de prédicateurs, les montrait faisant rayonner la gloire de Dieu jusqu’aux extrémité du monde. L’emprunt d’une phrase toute faite et la transposition du sens primitif suggèrent de ne pas prendre les choses trop à la lettre quant à l’étendue de la prédication. Le christianisme était en train de se répandre partout dans le bassin de la Méditerranée, les Juifs ne pouvaient décemment affecter l’ignorance.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Saint Paul. Épître aux Romains. Coll. « Études bibliques » Lecoffre Gabalda, cinquième mille, édition 1931.)

Photo : Saint Paul. Hora est jam et Saint Paul par El Greco

29 novembre 2022

La Révélation attendue est accordée aux disciples (Lire Luc 10, 23-24)

[…] Le contexte de Luc donne plus de profondeur aux paroles de Jésus. Ce qu’ils [les disciples] voient, ce ne sont pas seulement des miracles, c’est le secret du Fils, révélé à qui il veut, qui est placé sous leurs yeux, et c’est vers ce mystère que convergeait toute l’histoire d’Israël. […] Jésus prend ses disciples à part, puisqu’il s’agit d’un privilège, du moins momentané. […] Les disciples sont précisément ces enfants auxquels un mystère a été révélé, et ils doivent entendre que c’est la connaissance du Père et du Fils, manifestée par les actes et les paroles de Jésus. […] Jésus envoie ses disciples annoncer que le règne de Dieu est proche. Il est même commencé, puisque la prédication amène la chute de Satan. Cependant le Maître confirme expressément leur pouvoir, parce qu’ils en auront besoin dans leur lutte contre les puissances du mal, avant d’être admis dans le ciel. Puis il remercie le Père d’avoir révélé son secret aux humbles, secret qui n’est pas le jour du grand avènement, mais la connaissance mutuelle du Père et du Fils, révélée à ceux que le Fils choisit, et qui sont précisément ses disciples. Ils voient donc, ils entendent dès à présent ce que les prophètes ont tant désiré de voir et d’entendre, c’est-à-dire que le messianisme est inauguré et mis en acte par Jésus et par ses disciples. Dès à présent le Fils est là. La glorification du Fils de l’homme ne peut rien ajouter à ce qu’est le Fils par rapport au Père, puisqu’il a déjà tout reçu. C’est vraiment la théologie de l’Incarnation, rattachée à l’attente d’Israël, désormais réalisée. Théologie, mais sans expressions métaphysiques, telle qu’elle pouvait être enseignée aux « enfants ».

(Extrait du commentaire du P. Lagrange dans son étude l’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

27 novembre 2022

1er dimanche de l’Avent

Le temps presse ; il faut se mettre à l’œuvre (Lettre de saint Paul, apôtre. Épître aux Romains (13, 11-14)

Vous savez en quel temps nous sommes : c’est désormais l’heure de vous réveiller du sommeil, – car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi ; – la nuit est avancée, et le jour est proche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière. Marchons avec une tenue irréprochable, comme il sied en plein jour ; plus de festins licencieux ni d’ivresse, de coucheries ni de débauche, de querelles ni de jalousie. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ, et ne prenez pas [tant] de soin de la chair, [qui vous conduirait] à ses convoitises.

Note du P. Lagrange pour le verset 14 :

Il faut revêtir Jésus-Christ. C’était déjà fait par le baptême (Gal. III, 27), mais il dépend du chrétien de collaborer à ce qu’a fait la grâce, et ce travail doit durer toujours. Néanmoins il y a dans l’expression une allusion à la profession récente du christianisme, qui s’accorde parfaitement avec l’explication donnée plus haut du v. 13. Anciens et nouveaux convertis, les Romains doivent oublier les vices du paganisme et revêtir Jésus-Christ.

Revêtez le Christ, c’est une autre manière de dire : vivez dans son Esprit, ne vivez pas selon la chair (VIII, 12 ss).

[…] Le jour du salut est une splendeur qui éclaire la vie morale des chrétiens et qui doit l’éclairer toujours davantage. Déjà l’aurore luit… L’avènement du Christ correspond-il au lever du soleil ? on le croirait d’abord (12a) ; mais on voit bien que les chrétiens vivent en pleine lumière. Sera-ce donc midi ? Mais en vérité cette inquisition est superflue. Paul ne fixe point de moments sur le grand chronomètre du Cosmos. Pour lui la consommation du salut absorbe tous les degrés intermédiaires de perspective ; elle est proche, elle éclaire déjà l’horizon, elle fait rayonner nos armes. Ne comptez pas les jours et les années, cela est d’un autre ordre.

(Marie-Joseph Lagrange, Épître aux Romains, Lecoffre-Gabalda, 1931.)

 

25 novembre 2022

Signes de la proximité du règne de Dieu (Luc 21, 29-33)

[Jésus] leur dit une parabole : « Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils bourgeonnent déjà, à cette vue vous connaissez par vous-mêmes que déjà l’été est proche. De même aussi, lorsque vous verrez arriver ces choses, sachez que le règne de Dieu est proche. En vérité je vous dis que cette génération ne passera pas avant que tout ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.

Pour le P. Lagrange, saint Luc reproduit la parabole du figuier. Il a donc entendu cette parabole de l’aurore du règne de Dieu sur la terre. Le figuier a ses premières feuilles aux jours du printemps. Cette saison existe à peine en Palestine. L’été succède presque aussitôt à l’hiver. Or, l’été, pour saint Luc, c’est le Règne de Dieu. Cette génération n’aura pas tout à fait disparu, que déjà seront intervenus le règne et la délivrance : « Le ciel et la terre passeront », dit Jésus, « mais mes paroles ne passeront pas », ces paroles qui furent la prédication du règne, qui sont encore vivantes et efficaces, et qui le seront toujours. […] Luc dit clairement « sachez que le règne de Dieu est proche ».

(L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, pp. 524-525.)

24 novembre 2022

L’Avènement du Fils de l’homme (Luc 21, 25-27)

« Et il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre : une angoisse des nations inquiètes du bruit de la mer et de son agitation, les hommes expirant de terreur et d’anxiété sur ce qui arrive au monde habité. Car les puissances du ciel seront ébranlées. Eh bien, c’est alors qu’ils verront le Fils de l’homme venant dans une nuée, avec grande puissance et grande gloire. »

Le P. Lagrange commente :

Après cette détresse, qui sera surtout un débordement des forces mauvaises dans l’ordre religieux et moral, la nature elle-même entrera en branle. Le soleil sera obscurci, la lune ne donnera plus sa lumière, les astres tomberont du ciel, les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. Images grandioses, traditionnelles dans la prophétie, reprises dans les apocalypses, et qui ne se donnent pas comme des prédictions techniques, pas plus que l’abomination de la désolation. Ce n’est pas dans un cas où il se sert de termes consacrés que Jésus peut être censé s’être éloigné de sa pratique constante de ne pas parler des éléments en théoricien des systèmes du monde. À ces signes, il ajoute seulement « le signe du Fils de l’homme dans le ciel [cf. Mt 24,30] », où l’on peut reconnaître sa Croix, symbole de supplice, mais ensuite trophée de sa victoire. Enfin on verra le Fils de l’homme – et cela encore est une image traditionnelle depuis Daniel [cf. Dn 7,13] –, « venant dans les nuées, avec grande puissance et gloire. Et alors il enverra ses anges et rassemblera ses élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel ».

Le Fils de l’homme – quel disciple l’ignorait ? – c’était Jésus lui-même venant inaugurer le règne de Dieu à la fin des temps.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, pp. 523-524)

 

22 novembre 2022

Sainte Cécile, vierge et martyre, patronne des musiciens

Pensée du P. Lagrange :

« Ste Cécile, chantez maintenant pour Dieu seul ; obtenez-nous la grâce d’être purs de cœur et de corps, afin que cette grâce en attire une autre : que pouvons-nous demander à Dieu ? Gratiam pro gratia » (Grâce après grâce, Jn 1, 16).

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

20 novembre 2022                       

Le Christ, Roi de l’Univers, Roi de la Paix

Dans l’Évangile de ce jour saint Luc nous parle des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que Jésus.

« Or l’un des malfaiteurs qui étaient crucifié l’insultait, disant : « N’es-tu par le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi. » Mais l’autre prenant la parole pour le faire taire, lui dit : « Tu n’as donc pas même la crainte de Dieu, toi qui endures le même supplice ? Et pour nous, c’est justice, car nos actes avaient mérité le châtiment que nous recevons ; mais lui n’a rien fait de mal. »  Et il ajoutait : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans [l’éclat] de ton règne ! » Et Jésus lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 39-43)

Le P. Lagrange commente : Le bon larron accepte sa condamnation et son supplice. La foi qu’il va témoigner à Jésus vient d’une âme repentante. Il est assez nature qu’un compagnon d’infortune se recommande à celui dont il pressent les brillantes destinées. Mais Jésus allait mourir, et le bon larron ne suppose pas qu’il va faire le miracle qu’on lui demande insolemment. Il voit que Jésus est innocent, et il croit qu’il est vraiment destiné à être le roi du royaume de Dieu, le sien. […] La leçon signifie « dans la possession, dans l’éclat de ton règne ». On dirait que le bon larron, sûrement un juif, pensait à l’avènement du Messie à la résurrection. […] Jésus accorde plus que le larron n’implore. C’est le jour même, au moment de sa mort, qu’il retrouvera le Christ. Plutôt que de chercher expressément ce qu’est ce paradis, si le bon larron est descendu aux limbes etc., Il faut se souvenir des paroles de saint Ambroise : Vita est enim esse cum Christo ; ideo ubi Christus, ibi vita, ibi regnum (La vie, c’est être avec le Christ, donc là où est le Christ, là est la vie, là est le royaume – trad. du rédacteur FB). Le mot « jardin délicieux » évoquait pour le bon larron l’image d’un lieu de bonheur.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile selon Saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, p. 591.)

Photo : Le Christ, Roi de l’Univers, Roi de la paix (source Diocèse de Belley-Ars – Diocèse de naissance du P. Marie-Joseph Lagrange o.p.)

Le bon larron avec Jésus par Bradi Barth (1922-2007)

En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous sommes invités à fêter le Christ, Roi de l’Univers. Mais de quelle royauté s’agit-il ?

Son institution : L’encyclique Quas Primas

Pour bien comprendre le sens de la fête, il est important de revenir aux intentions ce celui qui l’a voulue.

Un remède contre le « laïcisme »

Le Pape Pie XI, au terme de l’année sainte 1925 (11/12/25), au cours de laquelle on avait fêté les 1 600 ans du concile de Nicée (dont le Credo nous fait dire chaque dimanche : « et son règne n’aura pas de fin »), a institué la fête du Christ-Roi. Il l’a voulu comme moyen de favoriser la paix dans le monde en montrant à tous celui qui peut conduire toute l’humanité (nous sommes au lendemain de la Grande Guerre), et comme remède à la maladie du « laïcisme » qui tend à exclure le Christ de la vie des personnes, des familles et des sociétés. La foi doit avoir un rayonnement social.

Un titre biblique

Dans sa lettre, le Pape démontre combien ce titre du Christ est important. Dès l’Annonciation, Marie est prévenue que le règne de son fils n’aura pas de fin (Lc 1, 33-34). Au terme de sa prédication, Jésus lui-même se désigne comme roi jugeant le monde (Mt 25, 31-40). Dans sa Passion, il répond à Pilate que son Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18, 36-37). Et après sa Résurrection, il peut affirmer que tout pouvoir lui a été remis au Ciel et sur la terre (Mt 28, 18). Et encore, l’Apocalypse le désigne comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Ap 19, 16).

Un avertissement pour les « rois » de la terre

Il explique ensuite l’opportunité de mettre en valeur la royauté de Jésus. En rappelant que le Royaume du Christ n’est pas seulement spirituel (Roi des cœurs), mais aussi temporel (sauf que Jésus s’est abstenu d’exercer cette royauté pour la confier aux gouvernants), le Pape veut mettre en lumière la dignité de l’autorité temporelle comme venant du Seigneur. Il aide à faire prendre conscience, à ceux qui l’exercent, de l’exigence de vertu et de sagesse qu’elle implique, se souvenant qu’ils sont là pour servir et non pour être servis. Ils ne doivent donc pas s’opposer au règne du Christ ni empêcher l’Église d’accomplir sa mission. En effet, toute société bâtie sur des lois contraires à celle de l’Évangile tend à son écroulement, et alors, il vaut mieux se soumettre à Dieu qu’aux hommes.

Sa célébration

Les éléments de la célébration de la fête peuvent encore nous aider à en comprendre la portée.

Sa place dans l’année

Primitivement placée le dimanche avant la Toussaint (le Roi par son triomphe ouvre les portes du Royaume aux saints), la fête du Christ-Roi est célébrée, dans le calendrier issu de la réforme du concile Vatican II, le 34e et dernier dimanche de l’année (les lectures de cette période nous rappelant la fin des temps où le Christ triomphera de son dernier ennemi, la mort). Son culte est traditionnellement lié au culte eucharistique et au Sacré-Cœur (adoration solennelle, procession…).

Les lectures

Les évangiles lus sont successivement, l’année A, la parabole du jugement dernier (Mt 25, 31-46) qui montre la venue du Fils de l’homme, pasteur, roi et juge de l’univers, l’année B, la comparution de Jésus devant Pilate (Jn 18, 33b-37) où il déclare que sa Royauté n’est pas de ce monde, et l’année C, la Crucifixion (Lc 23, 35-43) nous montrant un roi couronné d’épines qui inaugurera son Règne dans la Résurrection.

Merci au P. Roch Valentin du diocèse de Belley-Ars pour ce partage.

19 novembre 2022

« Que les morts ressuscitent, Moïse lui aussi l’a fait entendre à l’endroit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous en effet, vivent pour lui. » Quelques-uns des scribes prirent la parole et dirent : « Maître, tu as bien parlé. » Car ils n’osaient plus l’interroger sur rien. (Luc 20, 37-40.)

Commentaire du P. Lagrange :

C’est ainsi que raisonne Jésus. « N’avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, à l’endroit du buisson ardent » – le buisson ardent du Sinaï – « comment Dieu lui parla, disant : Je suis le Dieu d’Abraham, et Dieu d’Isaac, et Dieu de Jacob ? Il n’est pas Dieu des morts mais des vivants. Vous êtes grandement dans l’erreur. »

Ces grands ancêtres, aux yeux de Dieu, sont toujours des vivants ; l’existence affaiblie des ombres est-elle vraiment une vie ? Est-ce donc là la récompense que Dieu donne à ses amis ? Ils ont soupiré après sa présence, lui aussi veut les avoir auprès de lui. S’ils ne sont pas ressuscités, ils vivent assez pour l’être un jour, et ils ne seront pas frustrés de la vie éternelle.

(Voir le texte en entier dans Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 492.)

Illustration : Le Christ dans le buisson bénit Moïse. Livre de prières d’Hildegarde de Bingen, vers 1190.

12-13 novembre 2022                       

Pensée du jour du P. Marie-Joseph Lagrange : « Rendre d’immenses actions de grâces à Jésus et à Marie, qui m’ont accordé tant de grâces, soutenu dans les tentations, accordé la persévérance. » (Journal spirituel, Cerf, 2014.)

10 novembre 2022  – Jour-Anniversaire    

Aujourd’hui nous prions particulièrement et nous confions à l’intercession du P. Lagrange, le frère François-Régis Delcourt o.p., victime d’un nouvel incident cardiaque. 

Il y a 84 ans, le 10 mars 1938, à Saint-Maximin (Var), le Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange « entrait pieusement et doucement dans la vie éternelle » au couvent royal de Saint-Maximin (Var) entouré de toute la communauté dominicaine.

Depuis quelques années, chaque mois, en ce jour-anniversaire, une messe est célébrée par Fr. Manuel Rivero, o.p., vice-postulateur. Cette messe nous unit à ce grand religieux auquel nous sollicitons son intercession pour obtenir les grâces dont nous avons besoin.

Avec la prière pour la glorification du P. Lagrange, « demandons au Père de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie ». Aujourd’hui, il ne manque qu’un miracle pour que sa Cause avance. Prière sur le site https://www.mj-lagrange.org

Pensée du P. Lagrange : Ô Marie Immaculée, ma Mère, vous seule avez tout conduit : je vous donne mon cœur, gardez-moi pur, et donnez-moi celui que nous attendons, le fruit béni de vos entrailles, Jésus. (Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Illustration : P. Lagrange 1924 et Vierge avec l’Enfant (15e) Ferrara. Master of the winking-eyes. Collection Grimaldi-Fava. National Museum.

Comme le tableau de Pontormo, la Vierge à l’Enfant (vers 1450) du Maître des yeux clignotants souligne le tempérament affectueux de Marie et son rôle de mère. Dans cette scène joviale, Mary chatouille son fils alors que son voile bleu couvre leurs deux têtes. Leurs expressions joyeuses et leur proximité physique saisissent la tendresse de la scène, tandis que le fond doré résume davantage l’interaction légère et ludique. En dépeignant de manière humaniste la Vierge riant avec son bébé, le Maître des yeux clignotants dépeint Marie comme une mère à laquelle on peut s’identifier, mettant en valeur son humanité. Son voile, drapé sur les deux têtes, symbolise la nature humaine que le Christ a héritée de sa mère ainsi que leur lien d’amour.

8 novembre 2022

Les serviteurs inutiles (Luc 17, 10)

« De même vous, lorsque vous aurez fait tout ce qui vous aura été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire. »

Commentaire du P. Lagrange : Si la parabole était exactement balancée, nous aurions ici une vue sur les sentiments de Dieu. En effet, quoique les serviteurs ne représentent pas les hommes, ni le maître Dieu à la façon d’une allégorie, cependant il est fait application des rapports entre maître et serviteurs à ceux des hommes envers Dieu, et comme la parabole insiste surtout sur les procédés et les sentiments du maître, on s’attendait à apprendre que Dieu traite ses serviteurs de telle ou telle manière. Mais une fois de plus nous constatons que les paraboles ne procèdent point avec cette rigueur. C’est sans doute pour adoucir la transition : est-ce que ce serviteur regarde comme une faveur de sa part à lui d’avoir fait ce qui a été commandé. Au lieu donc de toucher le sujet du côté de Dieu, de dire comment il récompense ou ne récompense pas ses serviteurs, la parabole se dirige nettement vers le sujet de l’humilité. Le Sauveur ne refuse pas d’admettre qu’on ait observé tous les commandements.

Il ne dit pas non plus que ce soit peu de chose, encore moins qu’on demeure pécheur malgré cela. Il invite simplement les Apôtres à s’établir dans des sentiments d’humilité, exprimés par la formule : « nous sommes des serviteurs inutiles ».

[…] Le mot ne doit pas être analysé en toute rigueur, ni surtout comme un verdict de la part de Dieu. Les serviteurs de la parabole n’avaient point été inutiles dans la rigueur du terme, mais ils devaient s’estimer inutiles, et comme l’humilité doit avoir un fondement réel, ce fondement est indiqué : « nous avons fait ce que nous devions faire ».

(Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile selon saint Luc, Gabalda, 1941, pp. 455-457.)

5 novembre 2022

Parabole de l’économe infidèle (Jn 16, 9-15)

Commentaire : Ce qui résulte clairement des enseignements du Sauveur, c’est qu’on ne peut s’élever vers Dieu sans dégager son cœur de l’argent. Quand on ne possède pas de grandes richesses, le renoncement est plus facile. S’il est des pauvres dévorés de convoitise et des riches pauvres en esprit, à considérer l’ensemble des faits, la richesse n’est pas une bénédiction divine ; il est plus facile aux pauvres d’être les bénis et les amis de Dieu.

Or cette morale, déjà suggérée par beaucoup de psaumes, n’était pas enseignée par l’ancienne Loi, qui est le fort des scribes. Convention faite avec tout un peuple, qui n’a pas de destinées éternelles, la Loi avait promis les biens de la terre à Israël s’il observait les préceptes du Seigneur. Il est encore très vrai que la pratique des commandements de Dieu est pour une nation une cause de prospérité, même matérielle. Les pharisiens s’appliquaient individuellement cette morale sociale. Ainsi que les amis de Job, ils étaient persuadés que Dieu récompense toujours la vertu ici-bas, et spécialement par la richesse. Un serviteur de Dieu ne peut être longtemps condamner à souffrir, il ne doit pas mourir dans la souffrance. C’est encore le grand argument de l’Islam contre le christianisme : l’envoyé de Dieu n’a pas dû être rejeté et mis à mort, parce que Dieu a toujours raison, et sa raison, c’est la victoire.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 413.)

Illustration : Jacob Adriensz Bellevois 1620-1676.

2 novembre 2022

Commémoration de tous nos parents défunts, nos amis connus ou inconnus, qui malgré leur absence restent autour de nous.

« Pour eux, [ils sont heureux,] en prière pour nous. Peu à peu, le ciel se peuple des âmes que j’ai connues et aimées : le moment viendra de les rejoindre. » (M.-J. Lagrange o.p., Journal spirituel, Artège, 2014.)

« Je suis la voie, et la vérité, et la vie ; personne ne vient au Père si ce n’est par moi (Jn I, 6).

[…] Le premier terme seul est expliqué ici authentiquement : il est la voie parce que nul ne parvient auprès de son Père que par lui, ce qui doit s’entendre de la foi (III, 15) qu’on a en Lui, en lequel on connaît le Père (7). Les deux autres termes s’entendent avec le secours de passages du même ordre. Il est la vérité, parce que pour voir le Père comme il le voit (I, 18 ; VI, 46), et pour rendre ainsi un témoignage véritable, il faut être dans son sein et participer à sa nature qui est vérité, et lumière (I Jn I, 5). Il est la vie (I Jn I, 2) car, avant le temps, la vie était en lui (I, 4) ; et devenu homme il est vie et source de vie (XI, 25), étant le pain vivant (VI, 51) qui donne la vie éternelle. La doctrine de la voie est d’ailleurs la même que celle de la porte (X, 7-9), mais exprimée d’une façon plus sublime, au contact de ces termes non métaphoriques de vérité et de vie.

(M.-J. Lagrange o.p., Évangile selon saint Jean, Gabalda, 1941, p. 375.)

1er novembre 2022

Belle fête de tous les saints !

 

 

 

 

 

Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Elles sont précédées d’une introduction à tout le discours : 1-2 : « Voyant la foule, il monta sur la montagne. Et quand il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Et ouvrant la bouche il les enseignait, disant : »

Les Béatitudes sont comme le thème de tout l’enseignement de Jésus. Si donc elles figurent ici comme un prélude au sermon sur la montagne, elles forment aussi un corps distinct. Le thème « heureux celui qui » était connu par les psaumes (I, 1, etc.) ; mais ce qui est propre à Jésus, c’est d’avoir esquissé en même temps le bonheur du royaume des cieux et les conditions pour y parvenir, dans des phrases courtes et simples. Quelquefois la disposition morale exigée et la récompense sont sur le même plan : la faim est rassasiée, la miséricorde obtient miséricorde ; mais cette coïncidence n’est pas systématiquement poursuivie. Il y a comme un laissez-aller dans l’ordre et la correspondance des termes qui exclut tout arrangement trop rigoureux. Quand on reproche à Jésus de ne s’être pas expliqué sur le royaume des cieux, on oublie simplement les béatitudes. Explication qui ne pouvait être qu’une série d’indications analogiques sur le bonheur le plus complet que les hommes puissent concevoir, le bien le plus parfait qu’ils puissent posséder, une dignité plus haute que celle qu’ils pouvaient rêver. Et si ces termes n’étaient pas assez clairs pour donner l’idée d’un royaume divin, entièrement opposé aux espérances messianiques temporelles, les conditions imposées achèvent de faire pleine lumière : la soif de la justice, la miséricorde, la pureté du cœur trouveraient-elles la récompense qu’elles ambitionnent ailleurs que dans le Dieu de miséricorde et de sainteté ? Ces béatitudes sont le grand coup d’ailes qui place l’enseignement de Jésus au-dessus de tout ce qui est bonheur purement humain, gloire humaine, et qui engage les disciples à regarder vers la lumière de Dieu. Il n’est pas douteux que le règne de Dieu ne soit transcendant, celui que Judaïsme avait déjà entrevu, et qu’il ne soit proposé comme une récompense individuelle, promise à tous ceux qui seront pénétrés des dispositions requises. Ceux-là sont heureux, mais en espérance, cette espérance étant déjà pour eux un motif de béatitudes, surtout pour ceux qui sont déjà exaucés.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile selon saint Matthieu, Gabalda, 1941, p. 80. Lire aussi L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 166-169.)

Illustration : Le Sermon sur la montagne par Ole Henrik Benedictus Olrik (24 May 1830 – 2 January 1890) Sankt Matthæus Kirke, Copenhagen, Denmark.

Echo de notre page Facebook : octobre 2022

30 octobre 2022

Dans l’évangile de ce jour : Zachée 19, 1-10 :

Jésus n’appuie pas son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu.

Ce récit évangélique se distingue des autres manifestations de la charité de Jésus envers les pécheurs par la condescendance encourageante du Maître

Jésus n’appuie son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu. C’est la mise en action des paraboles du ch. XV.

Dans les termes il n’y a rien de plus que de la curiosité, mais une curiosité mise en éveil par le bruit des miracles. Zachée voulait savoir comment était un homme qui avait la réputation de Jésus.

Il suffisait d’un peu d’avance pour grimper sur les branches basses d’un sycomore. […] Dans un pareil ébranlement du populaire, Zachée ne compromettait pas sa dignité. On devait plutôt applaudir la dextérité du petit homme. Un grand n’aurait pas grimpé si vite.

Sans doute Jésus aurait pu entendre parler de Zachée, demander son nom etc., mais le sens paraît bien être que le Maître a connu par sa science à lui le nom de l’hôte que son Père lui destine. Zachée doit descendre bien vite, pour le recevoir le jour même ; il aura le temps de le voir.

[…] Cette fois ce ne sont pas comme précédemment (v, 30 ; XV 2) les Pharisiens qui murmurent ; c’est la foule, et le détail a son intérêt. Ce n’est pas par un sentiment de jalousie puisque ceux de la foule ne pouvaient avoir tant de prétention ; on trouve mauvais qu’au lieu de descendre chez une personne de piété et de doctrine, Jésus demande l’hospitalité à un pécheur, puisque c’est un terme presque synonyme de celui de publicain (cf. encore VII, 34).

[Zachée] est simplement debout parce qu’il reçoit le Christ entrant chez lui, et il ne veut pas lui laisser la pensée pénible qu’il est auprès d’un homme sans probité. Ce qu’il a peut-être été, il ne veut plus l’être. Il y a plus, connaissant par la voix publique la doctrine du Sauveur sur les richesses, ou s’y conformant d’instinct par un mouvement intérieur, il fait un nouvel usage de sa fortune. Lui prêter qu’il a l’habitude déjà de donner la moitié de ses biens aux pauvres, serait transformer le publicain en Pharisien. C’est désormais, et par suite de la démarche de Jésus, que son cœur touché de reconnaissance et de repentir accomplit ce sacrifice. Cette première part n’est nullement présentée comme une restitution ; c’est la part des pauvres, un sage emploi des bien de ce monde (XVI, 9). Zachée n’a même pas la conscience d’avoir fait tort […], mais d’après le v. 10 on ne peut le tenir pour très scrupuleux. […] Zachée s’engage à réparer, et qu’il traite comme des « furta manifesta », punis par la loi romaine de l’amende du quadruple. […] Zachée fait donc les choses largement.

Le discours de Jésus s’adresse à tous les assistants. […] Il y est question non pas seulement de Zachée, mais de toute sa maison qui entre par sa décision dans une nouvelle voie, celle du salut, ou de la vie éternelle, promise aux pieux enfants d’Abraham.

Jésus en effet n’appuie pas son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu. C’est la mise en action des paraboles du chapitre XV.

Zachée, même s’il ne quitte pas son office était désormais un fidèle du Seigneur. Les Clémentines en font un compagnon de saint Pierre qui l’aurait établi évêque de Césarée, où il aurait eu pour successeur Cornelius, d’après les Constitutions apostoliques (VII, 46). D’après Clément d’Alexandrie, quelques-uns le nommaient Matthias. La France lui a rendu un culte spécial à Rocamadour (Lot) ; voir « Acta Sanctorum » au 23 août.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Luc, Gabalda, 1941.)

Illustrations : Zachée, descends vite ! et La Vierge noire de Rocamadour (12e)

26 octobre 2022

Appel à la Pénitence

« Et on viendra de l’orient et du couchant, et du nord et du midi, pour s’asseoir à table dans le royaume de Dieu. Et voici que [quelques-uns] des derniers seront les premiers, et que des premiers seront les derniers. » (Évangile de saint Luc 13, 29-30)

En effet, aux patriarches viennent se joindre des personnes appelées de tous les points cardinaux, qui ne sont point nécessairement ou seulement des Juifs dispersés (Is XLIII, 6 ss.), mais aussi les gentils comme dans Mt 7, 29.  Comment entreront-ils, puisque la porte est fermée ? Luc est plus attentif à conserver le texte de la parole de Dieu qu’à narrer avec l’aisance d’un inventeur. Il a pu supposer que la porte s’ouvrira à ces personnes, car la parabole ne met pas tant en lumière la nécessiter d’arriver avant le moment fatal, que de se présenter de façon à être admis. Aussi bien ce menu détail disparaît dans la solennité de la dernière mise en scène.

C’est une sorte de proverbe, dont l’application peut changer selon les circonstances. Dans Mc X, 31 et Mt XIX, 30, il s’agit de l’ordre du rang, dans Mt XX, 16, de l’ordre du temps.

Ici la situation est retournée en ce sens que d’ordinaire les premiers entrent et les derniers non ; ici il y a des derniers qui entrent, des premiers qui ont le lot réservé d’ordinaire aux derniers. […] Les catégories ne sont donc pas absolues, la règle ne s’applique pas à tous les individus, et en effet les patriarches venus les premiers sont demeurés tels. L’opposition est entre les Juifs contemporains et les gentils, car si ces deux groupes sont substitués par la pensée aux termes vagues de la parabole, il est clair que les Juifs étaient les premiers par l’appel de Dieu, par opposition aux gentils.

Si l’on cherchait une application aux circonstances de l’Église primitive, on aurait la perspective d’un royaume de Dieu d’où les Juifs s’étaient exclus par leur infidélité, tandis que les gentils y entraient de toute part. Dans cette voie on en viendrait à trouver une allusion à la résurrection du Christ. Mais ce serait transformer insensiblement le sens de tout ce passage et l’altérer par trop de précision, car il ne serait plus possible de trouver les patriarches et les prophètes dans l’Église chrétienne, où les Juifs ne demandaient pas à entrer. La véritable perspective est celle du jugement dernier, qui condamne les impénitents et admet au royaume de Dieu des hommes dignes d’être associés aux patriarches et aux prophètes, quelle que soit leur origine. Avis aux Juifs qui se croient et sont en quelque façon les premiers, de ne pas se réduire à n’être plus que les derniers, ceux auxquels d’ordinaire on ferme la porte. Si les images ne sont pas rigides, le sens est très clair, et la leçon redoutable. À la question sur le nombre de ceux qui peuvent se perdre, fussent-ils parmi mes compatriotes et mes familiers. Si l’inconnu était un pharisien, Jésus retourne contre ses Maîtres leur tableau des fins dernières : In mundo futuro mensam ingentem vobis sternam, quod gentes videbunt et pudefient (Schoettgen, hor. heb. p. 86, cité par Pl.) D’ailleurs plusieurs docteurs avaient des vues plus larges sur le salut des gentils.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, Paris, 1941. pp. 391-392.)

25 octobre 2022

Blog de Guy Musy

Le secret d’une vie. Le P. Lagrange. Augustin Laffay 09/01/21

https://dominicains.ch/blog-du-frere-guy-musy/marie-joseph-lagrange-350591

25 octobre 2022

Dans l’évangile de ce jour, Jésus disait : « À quoi le règne de Dieu est-il comparable, à quoi vais-je le comparer ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre, et les oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches. » Il dit encore : « À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ? Il est comparable au levain qu’une femme a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Luc 13, 18-21)

Le grain de sénevé : [le sénevé ou brassica nigra peut mesurer jusqu’à deux mètres de hauteur.] Les chardonnerets surtout, qui paraissent être très friands des grains de sénevé, viennent en foule se percher sur les branches de cet arbre » […], la pointe de la parabole est dans le contraste entre les humbles débuts et l’extension future du règne […]. Le règne de Dieu est encore petit, mais il deviendra grand. La graine, plantée dans le jardin du semeur, est peut-être allégorique pour indiquer la parole dans la Terre du peuple de Dieu. Peut-être aussi Luc a-t-il pensé que les oiseaux figuraient les gentils ? D’ailleurs la comparaison était traditionnelle (Ez 31, 6) pour un grand empire, qui abrite beaucoup de monde (Ez 17, 23 ; Dn 4, 9. 18).

Le levain […] L’allégorie consisterait à regarder les trois mesures de farine comme trois provinces de Palestine, ou comme trois parties du monde. Ce serait encore de l’allégorie de comparer le levain à la foi semée dans l’esprit de l’homme et dans ses trois puissances, ou la femme à l’Église etc. […] Jésus a parlé du feu qu’il est venu jeter sur la terre : tout indique que le levain signifie son action par la parole et par les miracles. Et c’est sans doute le sens du grain de sénevé. Pourquoi le Sauveur ne se serait-il pas occupé du développement sur la terre de la semence qu’il avait jetée ? […] On peut seulement dire que le contexte accentue dans le sénevé et le levain le caractère de grâce offerte, dont Jésus affirme, en face de l’aveuglement d’Israël, qu’elle fera son effet. (Marie-Joseph Lagrange o.p., Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, pp. 385-387)

25 octobre 2022

La mission dominicaine au cœur d’un Brésil encore inconnu

Dans son Journal spirituel, le P. Lagrange écrit : « Départ du P. Vilanova et du P. Carrérot pour le Brésil ». C’était le 20 septembre 1887. Ils étaient tous deux frères dominicains de la province de Toulouse.

Mais qui était le P. Carrérot ? Le P. Dominique Carrérot (1863-1933), fut un compagnon de noviciat du P. Lagrange, : « Il était parmi nous, et aussi attaché qu’aucun autre à la prière, cet héroïque père Gil Vilanova, l’explorateur intrépide des forêts du Brésil, poursuivant vainement les Indiens pour les amener à la foi, ou pour endurer de leurs mains le martyre. Et quand il les eut enfin atteints, il sut les grouper, véritable fondateur d’une bourgade nouvelle Conceiçâo, la petite cité de l’Immaculée-Conception… C’est aussi de Salamanque que sortit le futur évêque de la Mission dont la figure ouverte, presque avec des traits d’enfant, ne révélait pas alors l’indomptable énergie, et aussi leurs collaborateurs, les pères Blatgé, Wolztyniack, Llech, dont la vie entière, s’est passée au Brésil, le père Hyacinthe Lacomme qui, durant plusieurs années, a dirigé la mission. Le père Hilarion Tapie était à Salamanque professeur de philosophie et sous-maître des novices. Lui aussi se rendit au Brésil comme visiteur et en rapporta un livre fort agréable sur la vie des colons et des indigènes. Durant plusieurs années, et dans des temps très difficiles, il assura la direction de la Province et sut sauvegarder une existence alors très précaire. » (L’Écriture en Église. Souvenirs de Salamanque, Cerf, 1990.)

A l’occasion du centenaire de l’ordination épiscopale de Mgr Carrérot dans son homélie du 11 octobre 2012, Fr. Timothée Lagabrielle retrace le parcours de ce frère parti, en 1887, avec le P. Sébastien Thomas pour une mission dominicaine au cœur du Brésil inconnu

« Aujourd’hui, j’aimerais nous emmener faire un petit voyage dans le temps et revenir 100 ans en arrière, en 1912.

Nous sommes alors dans une époque troublée : notre église de la rue Espinasse est encore sous scellés depuis les expulsions de 1903, des ouvrages du Père Lagrange sont interdits dans les séminaires et au milieu de ces évènements difficiles, notre Province de Toulouse a aussi vécu une belle page d’histoire puisque c’est à ce moment, le jeudi 10 octobre 1912 … c’était hier ! – qu’a eu lieu dans la cathédrale Saint-Étienne, l’ordination épiscopale du fr. Dominique Carrérot.  C’est à propos de cette belle figure que je voudrais dire quelques mots.

Mgr Carrérot a été un ouvrier de la première heure : né à Pamiers en 1863, il entre à 14 ans à l’école apostolique que nos frères tenaient à Mazères. Là, comme tant d’autres jeunes garçons, sa ferveur va être habilement cultivée pour qu’il porte un beau fruit de grâce.

En 1880 il rentre au noviciat à Saint-Maximin mais les lois antireligieuses entraînent l’exil de la communauté et c’est à Salamanque qu’il va suivre toutes ses études jusqu’à l’ordination presbytérale.

Sitôt l’ordination reçue, il est envoyé au Brésil où il participe à la fondation de la troisième maison de la mission, à Porto Nacional. Dès son arrivée au Brésil il aura donc connu la vie la plus difficile : au cœur de la brousse et dans une communauté en formation.

En 1900, il quitte Porto Nacional pour aller encore plus avant dans les terres et rejoindre le père Gil Villanova à Conceição do Araguaya, l’embryon de ville qu’il a fondée en vue de l’évangélisation des Indiens. Fr. Dominique sera le compagnon puis le successeur de Frai Gil. Il va voir mourir tour à tour les trois frères qui l’avaient devancé à Conceição do-Araguaya. Aucun d’ailleurs ne mourra dans son lit, puisqu’ils seront emportés par les fièvres ou les eaux du Tocantins lors de tournées apostoliques.

En 1911, fr. Dominique est élu Délégué au chapitre provincial. Il quitte donc les rives de l’Araguaia, traverse la moitié du Brésil seul en pleine saison des pluies et rejoint la France qu’il n’a pas revue depuis 15 ans.

C’est là qu’il aura la surprise d’apprendre sa nomination comme premier prélat de Conceição. Son ordination épiscopale faisait de lui l’évêque d’un diocèse grand comme la France et pourvu en tout et pour tout de quatre prêtres (l’évêque y compris), tous Dominicains.

Au moment où les fêtes de son sacre battaient leur plein et où le Père Tapie, notre provincial, promenait fièrement « son » évêque dans une tournée de conférences, fr. Dominique ne pensait qu’à rentrer dans son couvent pour y reprendre la tâche apostolique avec encore plus de ferveur. Dans son discours après l’ordination, il mentionnera avec beaucoup de chaleur ses compagnons « encore à la peine, travaillant avec modestie et silence et qui ne se doutent guère de ce qui se passe [alors à Toulouse] « , ce qui est vrai puisque les nouvelles mettent environ trois mois à arriver à Concéição où on n’apprendra la nomination qu’un mois après son sacre !

De retour au Brésil, Mgr Carrérot continuera à travailler à l’évangélisation des Indiens et des autres habitants de son immense diocèse. En 1920, il quitte Conceição pour devenir le premier évêque de Porto Nacional où il poursuivra la même activité jusqu’à sa mort des suites d’une insolation lors d’une randonnée apostolique en 1933.

Le Père Audrin qui a passé de nombreuses années à ses côtés le décrivait par deux qualités : humilité et volonté.

Mgr Carrérot était humble, toujours prêt à obéir et à servir chacun, surtout les plus petits. Devenu évêque, il continuera simplement à suivre la vie des frères dans le couvent dominicain. Humble aussi parce qu’il se défiait de lui-même et était toujours insatisfait de ses œuvres.

Mais il a aussi été plein d’énergie et de volonté quand il le fallait, notamment, pour entreprendre ses nombreuses tournées apostoliques dans la brousse. Comme Notre Père S. Dominique, il savait aussi demeurer ferme dans les décisions qu’il prenait après un long temps de discernement.

Avec Mgr Carrérot, nous revivons les plus belles pages de l’âge apostolique quand nous le voyions accomplir par barque ou à dos de cheval de longues tournées pour visiter toutes les communautés chrétiennes de ses immenses diocèses, endurant pluie, chaleur, maladie, et toutes sortes de privations.

Que son souvenir et son exemple nous stimule encore ! Et confions à son intercession les diocèses de Conceição et Porto Nacional et leurs pasteurs.

Photo tiré du livre de R. Tournier, o.p., Plages lointaines de l’Araguaya, Missions dominicaines, 1934.

23 octobre 2022

La Prière, un cœur à cœur avec Dieu

Ainsi que le publicain dans l’Évangile de ce dimanche, « dans ses écrits, le père Lagrange nous dévoile sa relation avec Dieu dans la prière souvent à la suite des enseignements reçus au cours de retraites spirituelles. C’est à juste titre que le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, archevêque de Milan, parlait de « la prière de feu » du fondateur de l’École biblique de Jérusalem qui avait marqué les débuts de ses études d’exégèse. Le Journal laisse transparaître ce cœur à cœur avec Dieu qui fut la racine, le moteur et le but de la recherche biblique du « nouveau saint Jérôme » comme aiment l’appeler les biblistes et théologiens qui voient en lui un « docteur » que l’Église écoute et vénère. » (Journal spirituel du P. Lagrange, Avant-propos Manuel Rivero, o.p., Cerf, 2014)

« Je suis dans les choses spirituelles comme un pauvre idiot qui vient chaque jour présenter son écuelle pour avoir sa soupe : je dois tendre à Dieu mon écuelle avec confiance. La confiance ! Elle renferme toutes les qualités de la prière ; c’est elle surtout que Jésus nous recommande dans l’Évangile. C’est de confiance qu’on manque le plus parce qu’on ne sent pas toujours l’effet sensible de la prière. Et encore, quand prie-t-on avec courage, sans en sentir l’effet ! La fin de la prière vient mieux que le commencement, dit l’Esprit Saint. Il faut envisager avec courage les commencements de la prière, qui souvent ne sont pas sans amertume. L’aridité vient, ou de la fatigue, il n’y a qu’à se résigner ; ou de la tiédeur, il faut prier, crier, supplier ; ou d’une épreuve de la bonté divine, il faut en rendre grâce, et se rappeler toujours que la prière est invincible, que la prière est la voie royale du salut et le plus sûr moyen de glorifier Dieu comme Dieu. » M.-J. Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 7.)

22 octobre 2022

Bienheureuse Vierge Marie. Magnificat !

« La communication de Marie avec Dieu est le secret du Roi qu’il garde pour Lui seul.

Nous devons cependant penser qu’il en est d’elle comme de Jésus : au seuil de la vie divine du Sauveur, même dans son âme humaine, nous nous tenons prosternés en silence. Mais quand il a parlé, puisque ce fut toujours dans l’intérêt de nos âmes, nous écoutons sa voix, nous essayons de la comprendre. De même pour Marie dans son rang d’associée à l’œuvre de son Fils.

Ses paroles, celle du Magnificat surtout, sont comme une aurore de l’Évangile. Elles nous laissent apercevoir ce que fut la préparation dirigée par l’Esprit Saint en vue d’elle-même, et aussi des bons Israélites qui devaient suivre le Sauveur.

Trop souvent notre attention se détourne de ces âmes d’élite, parce que nos informations sont courtes. Ce qui nous émeut, c’est de voir le peuple d’Israël, le peuple de Dieu, sous la pression de ses chefs et dans son ensemble, méconnaître le Sauveur, le Messie qui lui avait été envoyé. Nous cherchons les causes de ce résultat lamentable d’une pédagogie que nous confessons divine. Elles ne peuvent être que dans l’aveuglement et l’obstination du peuple. Mais alors Dieu n’avait donc pas pris les bons moyens ? Sa révélation contenue dans l’Écriture n’était donc pas assez claire ? Il ne s’est donc trouvé personne pour justifier Dieu au chétif tribunal des humains ?

Assurément si, puisque son œuvre s’est faite. Mais elle ne s’est pas faite en dehors d’Israël. Le peuple chrétien est, d’après saint Paul, le véritable dépositaire des promesses faites à Abraham dans la personne de son fils, Isaac, figure de l’héritier de la promesse, le Christ et ceux de ses frères qui ont cru en Lui. Les premiers furent les apôtres, tous israélites, même saint Paul. Ce sont eux qui ont reçu cette lumière et qui l’ont transmise, qui ont été embrasés de cette charité pour tous les hommes et qui l’ont communiquée ? Au-dessus d’eux, avant eux, unie à Jésus, Marie est non le type, mais la vraie mère de ces âmes saintes, de cette élite exquise, que la révélation et la grâce avaient préparée, à laquelle il fut donné de la comprendre et de la suivre par une volonté droite et une fidélité inaltérée. C’est en Marie, à Nazareth, dans ces journées qui n’étaient remplies de rien, que cette harmonie s’était réalisée, que cette grande aurore avait brillé. » (Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile en Église, Marie à Nazareth, Cerf, 1990, pp. 150-151.)

Photo : Franz Anton Maulbertsch, Visitation of Virgin Mary (detail), Cathedral Vác, Hungary, 1771-1772

 

18 octobre 2022

Saint Luc (Evangéliste)

 

Dès le commencement ! Quel témoin a connu le commencement de l’évangile dont Jésus Christ était le sujet ? Une seule personne, Marie sa mère, dont Dieu a voulu avoir le consentement, avant de réaliser l’œuvre de la bonne nouvelle. Et lorsque Luc souligne, par deux fois (Lc 2, 19 ; 2, 51), que Marie conservait dans son cœur tout cela, paroles et faits, selon le sens compréhensif du terme hébreu, n’est-ce pas une manière délicate de nous dire qu’il reproduit les confidences de Marie, peut-être déjà écrites par un très ancien ami parmi les âmes choisies de Nazareth ou de l’entourage de Zacharie ?

C’est donc à saint Luc et par lui à Marie, que les âmes dominicaines doivent les cinq mystères joyeux qu’elles s’attachent à contempler. Une fois entrées en communication avec cet écrivain si éclairé sur ces mystères elles reconnaîtront dans le troisième évangile les mêmes touches émues et délicates qui attendrissent le cœur et le remplissent d’une immense espérance dans son Sauveur. (Marie-Joseph Lagrange, o.p., L’Écriture en Église, « Comment lire la sainte Écriture ? », « Lectio Divina » 142, Cerf, 1990, p. 195.)

 

13 octobre 2022

Le père Lagrange, un des pionniers de l’exégèse historico-critique.

Dies diem docet (Psaume 19, 2).

En 1991, Jean-Georges Heintz*, dans sa « Chronique d’Ancien Testament. Ancien Orient et Israël antique : des textes sémitiques aux traditions prophétiques en période d’exil », rappelait que « les perspectives ouvertes par les publications récentes nous avaient incité à souhaiter une approche plus systématique, en même temps que plus originale, de la cohérence narrative des cycles historiques, ainsi que de la densité thématique et de la signification métaphorique des oracles prophétiques ».

Et, en conclusion de son important article, J.-G. Heintz notait : « malgré la richesse des plus récentes perspectives de recherche ici évoquées, le meilleur « sommaire » s’en trouve sans doute déjà dans « le discours prononcé le 15 novembre 1980 pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem », par le P. Lagrange.

Voici un extrait de son exorde, donné dans le cadre de l’ancien abattoir – réhabilité ! – de la ville, la première salle de cours de la célèbre institution qui a su heureusement conserver l’esprit de cette « kénose » primitive :

« Il y a en histoire, en philologie, en archéologie, en morale, des problèmes qui ne seront pas de longtemps résolus, et qui nous touchent de si près que leur intérêt ne faiblit pas. Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité ». (cf. aussi M.-J. Lagrange, L’Écriture en Église, in coll. « Lectio Divina », Vol. 142. Paris, Éd. du Cerf, 1990, p. 104.)

Dans cette perspective, … Dies diem docet ! (Jean-Georges Heintz)

(Enseignement au jour le jour.)

* Jean-Georges Heintz (1939-), docteur ès sciences religieuses, professeur émérite d’Ancien Testament à l’université de Strasbourg.

11 octobre 2022

Saint Jean XXIII, le 11 octobre 1962, Jean XXIII ouvrait solennellement le concile Vatican II

Le P. Lagrange, précurseur du concile Vatican II

Une façon de saisir l’actualité du P. Lagrange aujourd’hui est de relire le Message du dernier synode sur la Parole de Dieu, qui s’est tenu à Rome du 5 au 26 octobre 2008. À titre d’exemple, on peut faire ressortir deux points particulièrement importants de cet examen. D’abord, on observe que le synode est animé par un souci constant d’éviter l’écueil du fondamentalisme. Il propose un voyage spirituel qui, partant de l’éternité et de l’infinité de Dieu, nous conduit « jusqu’à nos maisons et le long des rues de nos cités » ; avant tout, il réaffirme clairement que Jésus Christ est la Parole de Dieu faite chair, homme et histoire (I, 3). Le P. Lagrange ne disait pas autre chose.

En fait, l’orientation préconisée en exégèse par le P. Lagrange n’a été avalisée qu’après sa mort par le pape Pie XII, dans l’encyclique Divino afflante Spiritu, en 1943. Elle fut plus tard confirmée par le concile Vatican II, et le synode ne fait que reprendre cet enseignement. La Bible est chair, dit le synode, « elle exprime dans des langues particulières, dans des formes littéraires et historiques, dans des conceptions liées à une culture antique, elle conserve la mémoire d’événements souvent tragiques. […] Elle nécessite une analyse historique et littéraire, qui s’actualise à travers les diverses méthodes et approches offertes par l’exégèse biblique » (II, 5).

De plus, le synode encourage ouvertement une forme de dialogue œcuménique dont le P. Lagrange, avec ses limites, qui étaient réelles, fut à sa manière un précurseur. Ce deuxième point est lié au premier dans la mesure où il s’agit de regrouper toutes les forces s’opposant à un fondamentalisme qui nie l’incarnation. Confronté à la réalité d’un monde sécularisé, le synode rappelle que « dans la maison de la Parole, nous rencontrons aussi les frères et sœurs des autres Églises et communautés ecclésiales », et il conclut : « Ce lien doit toujours être renforcé par […] le dialogue exégétique, l’étude et la confrontation des différentes interprétations des Écritures » (III, 10).

(Un extrait de la recension de Pierre Gendron de l’ouvrage de Bernard Montagnes OP, Marie-Joseph Lagrange, Une biographie critique, Cerf, 2004. Source : Spiritualité 2000. Livre du mois : Décembre 2008. Responsable de la chronique : Jacques Sylvestre OP.)

Voir le texte entier https://www.mj-lagrange.org/?p=12312

Témoignage du P. Jacques Loew, dominicain

Étudiant Vatican II dans ses textes, j’ai été à nouveau saisi, ressaisi par la hauteur, et la largeur, et la profondeur du Mystère de notre foi, selon les mots de saint Paul. Nous avons là le pain quotidien de notre joie. Et j’ai parfois envie, sur chacune des colonnes de l’édifice de Vatican II, d’écrire le nom de ceux qui ont préparé ces grandeurs : un père Lagrange pour la Bible, un chanoine Cardijn pour l’apostolat, les grands liturgistes allemands et français des années 1930-1960.

(Jacques Loew. Le bonheur d’être homme. Entretiens avec Dominique Xardel, coll. « Les entretiens », éd. Centurion, 1988, Paris, p. 174.)

 

10 octobre 2022 – Jour-anniversaire

Comme chaque mois, le 10, https://www.mj-lagrange.org, la messe est célébrée pour le père Lagrange et pour ceux qui se confient à son intercession. Nous sommes nombreux à intervenir sur le site Facebook ce jour-là, (500 en juillet, 1050 en septembre) mais nous sommes peu nombreux à nous manifester pour préciser, par écrit, à manuel.rivero@free.fr nos demandes d’intentions ou de grâces reçues. Or cela est très important pour conforter le dossier du Postulateur Fr. Massimo Mancini o.p. à Rome.

Lors des « Journées Lagrange » à Rome, les 23 et 24 octobre 2015, la figure du P. Lagrange, ce pionnier de l’interprétation de la Bible, était considérée dans l’histoire comme un modèle dans l’harmonie de la foi et de la raison, de la culture et de la foi. Au terme de cette journée, lors de son homélie, Mgr Louis Bruguès, o.p., bibliothécaire et archiviste du Vatican, a relié la figure du père Lagrange à l’aventure de la foi et de la présence de Dieu célébrée dans la messe. Ce moment n’est-il pas le plus favorable pour nous exprimer ?

8 octobre 2022

La foi de Marie demeure un modèle et une référence pour le P. Marie-Joseph Lagrange o.p. :

« Si Jésus sur la Croix a dû subir l’abandon de son Père, pourquoi l’âme de Marie n’aurait-elle pas connu des épreuves mystérieuses qui la plongeaient dans une sorte d’obscurité ? Peut-être ? Cependant Luc n’aurait pas écrit cette phrase, si l’on n’en avait recueilli l’expression de la bouche de Marie. Au moment où la Mère de Jésus rappelait aux premiers chrétiens les souvenirs qu’elle avait conservés dans son cœur, elle pouvait bien dire que dans ces premiers et heureux temps elle n’avait pas compris tout ce que comportaient la nature et la mission de son Fils. Pourquoi avait-il dû se séparer d’eux pour être chez son Père ? Première douleur imposée à la Mère, qui en présageait bien d’autres. » Un extrait du Journal spirituel mentionné dans : Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire, Cerf, 2012, p. 38.)

Marie, Reine de la Paix, priez pour nous !

7 octobre 2022

Fête de la Bienheureuse Vierge Marie du Rosaire

Dans une conférence donnée aux laïcs dominicains et publiée à Saint-Maximin, le frère Lagrange définissait ainsi la prière du Rosaire la reliant à la lecture de la Bible dans une dialectique féconde, un renvoi permanent de la prière du Rosaire à la Bible et de l’étude de la Bible ou de la lectio divina à la prière du Rosaire :

« Le révélateur de la foi, la source de la grâce, c’est Jésus, mais on a recours pour s’unir à lui à l’intercession de sa très Sainte Mère. Vous entendez bien que c’est là tout le Rosaire. Le Rosaire est un résumé de l’Évangile, nous orientant vers la fin que nous font espérer l’Incarnation et la Passion de Notre-Seigneur Jésus Christ. (…) Mais alors le Rosaire supplée à la lecture de l’Écriture, et la rend inutile ? Disons plutôt qu’il la fait désirer, qu’il nous la rend même nécessaire, si nous voulons réellement avoir devant les yeux les mystères que nous devons méditer. » (M.-J. LAGRANGE, « Comment lire la sainte Écriture », « La Vie dominicaine », n°2, Saint-Maximin, 1936.)

6 octobre 2022

La vertu d’humilité du P. Lagrange dans son Journal spirituel

« Une humilité spéculative n’est pas difficile, les lumières de la raison suffisent. Dieu nous a donné l’être, l’intelligence, la volonté, la santé. Nous savons que nous n’avons pas à nous en glorifier. La vanité du cent-garde est puérile. Qui n’a vu maints enfants pleurer d’être petits ? Dieu nous a donné ces choses et nous les conserve, d’une façon positive, il entretient le flambeau de l’intelligence. On le sait, et cette humilité spéculative est facile, les philosophes y arrivent : misère de l’homme. L’humilité de N. S. est autre, c’est un acte de la vie. […] L’humble de cœur désire être aux yeux des hommes ce qu’il est aux yeux de Dieu. […] Il faut épouser l’humilité comme saint François a épousé la pauvreté, par un vrai mariage mystique. » Journal spirituel, 21 février 1879, Cerf, 2014, p. 15.

« Humilité, esprit de prière, s’humilier en tout ; la vraie humilité est magnanime, elle s’appuie sur l’amour de Dieu pour nous ; devenir enfant. » Journal spirituel, 16 mars 1880, Cerf, 2014, p.60.

« Humilité, douceur, charité, prière continuelle : se laisser guider par Marie. » Journal spirituel, 1er juin 1880, Cerf, 2014, p. 71.

« Ô mon Jésus, donnez-moi pour ceinture la chasteté angélique, pour souliers une humilité profonde, pour manteau nuptial la charité, pour couronne la dévotion à votre Mère, pour dot la vraie pauvreté et votre Croix. Ô Jésus, mon fiancé ! Mon grand Dieu, vous avez voulu me faire miséricorde ! Donnez-moi aussi, car je n’ai rien, la prière continuelle pour robe. » Journal spirituel, 26 septembre 1880, Cerf, 2014, p. 89.

« Ô combien grande devrait être mon humilité ! Et ma reconnaissance envers Jésus qui m’a pris du sein de la dégradation la plus complète pour me régénérer dans son sang et me faire vivre d’une vie nouvelle. » Journal spirituel, 19 avril 1882, Pâques, Cerf, 2014, p. 89.

« Il faut constater en moi ce défaut des vieillards : l’irascibilité. On se croit intelligent, et la comparaison poursuivie durant ma longue vie enracine ce contentement de soi. On a incontestablement acquis de l’expérience. Alors on juge avec dureté : c’est idiot, quel crétin ! Défaut où les jeunes ne tombent pas de la même manière : leur présomption est moins obstinée.

Il faut lutter, se montrer doux, et surtout l’être. D’autre part la vie, en effet, enseigne l’indulgence ; surtout une vie comme la mienne.

Que serais-je, ô mon Jésus, si vous n’aviez pas pris le soin de m’humilier ! » Journal spirituel, 15 juillet 1922, Cerf, 2014, p. 419.

1er octobre 2022

Belle fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus en ce 1er octobre 2022.
Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+1897)
Fr. Manuel Rivero O.P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange, dominicain.
Dans son Journal spirituel , le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».
L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».
Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir ’ . ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’. »
C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.
Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église. Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).
Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.
Neuvaine 2021 à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+30 septembre 1897)
Premier jour
« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)
Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance.
Deuxième jour
« J’allais derrière mon lit dans un espace vide qui s’y trouvait et qu’il m’était facile de fermer avec le rideau … et, là, je pensais. Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le bon Dieu m’instruisait en secret. » ; « Quelquefois j’essayais de pêcher avec ma petite ligne, mais je préférais aller m’asseoir seule sur l’herbe fleurie : alors, mes pensées étaient bien profondes et, sans savoir ce que c’était de méditer, mon âme se plongeait dans une réelle oraison. (…) La terre me semblait un lieu d’exil, et je rêvais le Ciel. » (sainte Thérèse)
L’oraison est le cœur à cœur avec Dieu. En silence, nous écoutons Dieu qui parle à notre âme. L’oraison est un mot d’origine latine qui veut dire « bouche ». Faire oraison équivaut à partager le souffle de Dieu, le bouche à bouche avec Dieu où nous recevons l’Esprit Saint. Véritable conversation avec Dieu, la prière représente une promenade avec Dieu dans le Paradis.
Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’oraison qui nous unit à Dieu.
Troisième jour
« Jésus a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette … J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes … Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le jardin de Jésus. » (Sainte Thérèse)
« Chacun va à Dieu par un chemin virginal », a écrit le poète espagnol Léon Felipe (+1968). Dieu aime l’unité mais pas l’uniformité.
Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de respecter et d’apprécier l’altérité, la différence des personnalités et des chemins pour arriver à Dieu.
Quatrième jour
« En sortant du confessionnal, j’étais si contente et si légère que jamais je n’avais senti autant de joie dans mon âme. Depuis je retournai me confesser à toutes les grandes fêtes et c’était une vraie fête pour moi à chaque fois que j’y allais. » (Première confession de sainte Thérèse à sept ans)
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de vivre le sacrement de la réconciliation.
Cinquième jour
Femme de miséricorde, sainte Thérèse intercède pour Pranzini, condamné à mort et exécuté le 31 août 1887. Juste avant sa mort, Pranzini saisit le crucifix présenté par l’aumônier. Thérèse y vit le fruit de sa prière. Elle appela ce condamné « son premier enfant ». Enfant de sa maternité spirituelle.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de la miséricorde et de la prière pour les pécheurs.
Sixième jour
Elle avait déclaré au chanoine Delatroëtte qui lui demandait « Pourquoi êtes-vous venue au Carmel ? » : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de vivre la miséricorde envers les prêtres et de prier pour eux.
Septième jour
En apprenant que son père est hospitalisé en psychiatrie, sainte Thérèse s’est exclamée : « Notre grande richesse ». Elle sait que cette maladie terrible demandera à la famille de s’unir davantage au Christ dans sa Passion. Il leur faudra davantage d’amour. Mais le Seigneur ne laisse pas les malades sans sa grâce.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, de discerner la présence du Christ Jésus dans les malades et de leur témoigner de notre foi et de notre solidarité dans la souffrance.
Huitième jour
Poème envoyé par sainte Thérèse à l’abbé Roulland parti missionnaire en Chine :
« Vivre d’amour, ce n’est pas sur la terre
Fixer sa tente au sommet du Thabor.
Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,
C’est regarder la Croix comme un trésor !
Au Ciel, je dois vivre de jouissance
Alors l’épreuve aura fui pour toujours
Mais exilée je veux dans la souffrance
Vivre d’amour. »
« À lui de traverser la terre,
De prêcher le nom de Jésus.
À moi, dans l’ombre et le mystère,
De pratiquer d’humbles vertus.
La souffrance, je la réclame,
J’aime et je désire la Croix …
Pour aider à sauver une âme
Je voudrais mourir mille fois. »
Poème envoyé le 16 juillet 1896, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, copatronne des missions avec saint François-Xavier, la grâce de devenir disciples-missionnaires de Jésus ressuscité.
Neuvième jour
Malade, Thérèse, à l’infirmerie, chante les miséricordes du Seigneur à son égard. Elle avoue à mère Agnès : « Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance : je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce d’une bonne mort dans la foi en sa miséricorde.

Écho de notre page Facebook : septembre 2022

25 septembre 2022

La parabole de Lazare et du mauvais riche (Luc 16, 19-31).

Extrait du commentaire par le P. Lagrange

Parabole ou histoire ? Quelques anciens Pères ont vu là le récit d’un fait arrivé, à cause du nom de Lazare : ordinairement les paraboles ne comportent pas de noms propres. (…)

Le pauvre mourut enfin, et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham, une place choisie auprès de l’ami de Dieu. Le riche fut enseveli, sûrement avec honneur, mais ce fut le dernier fruit qu’il tira de ses richesses. Il va sans dire qu’au séjour des morts il était dans les tortures. Au-dessus de cette zone les Juifs plaçaient une région lumineuse, d’où sortait une source claire. Le riche levant les yeux y vit Abraham, et Lazare dans son sein : « Père Abraham, aie pitié de moi, dis à Lazare qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et qu’il vienne rafraîchir ma langue, car je souffre dans cette flamme ». Abraham le nomme encore son enfant, mais il ne peut rien pour lui. Le changement des conditions est irrévocable, nul n’est autorisé à franchir l’abîme qui sépare les justes et les méchants. Alors le riche, moins en damné ne respirant que la haine, qu’en homme qui comprend désormais ce qu’est lla sa souffrance et ce qu’exige la justice de Dieu, tel enfin que le comportait l’aménagement de la parabole, prends pitié de ses cinq frères, vivant comme il avait vécu, menacés des mêmes châtiments. Si Lazare ne peut descendre auprès de lui, qu’il se rende au moins sur la terre ; ses frères, prévenus de ce qui se passe dans l’autre monde, ne manqueront pas de se convertir. « Non, père Abraham, si quelqu’un d’entre les morts va vers eux, ils feront pénitence. » Abraham ne le pense pas : rien ne ferait fléchir leur volonté obstinée : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts ils ne seront pas persuadés ».

Ce motif étonne. Qui se rangerait à une parole venue d’outre-tombe ? Pourtant on voit dans un des chefs d’œuvre de l’esprit humain, Hamlet s’entretenir avec l’ombre de son père et mettre ensuite en doute sa propre immortalité. L’impression produite par une apparition serait sans doute plus vive, plus troublante que l’enseignement de la foi. Mais cet ébranlement de l’imagination passerait sans pénétrer l’âme aussi sûrement que la méditation répétée de la parabole de Dieu. D’ailleurs les Juifs ne soutaient pas du monde à venir, ni de la justice qui y est exercée par Dieu. L’objet de la parabole était le devoir des riches d’assister les pauvres. La vision d’un pauvre méprisé, venant rappeler aux riches leur devoir, risquait d’être raillée par de gais compagnons comme un scrupule chimérique. Enfin, de toute façon, l’homme est maître de ses actes ; si, croyant en la Révélation, il refuse de lui obéir, il ne se laissera pas guider plus docilement par l’apparition d’un mort. Et en effet la Loi et les Prophètes recommandaient la charité, et d’une façon péremptoire.

Ainsi Jésus enseignait en Israël, tantôt avertissant ceux qui voulaient le suivre de la nécessité d’un détachement qu’il savait leur rendre facile, tantôt répondant à la mauvaise humeur des pharisiens. Parfois aussi il prenait à part des disciples qui lui étaient attachés, surtout les Apôtres, pour les instruire de leurs rapports entre eux ou avec Dieu.

Une petite parabole a trait à l’humilité.

Retrouver le texte entier dans L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, éd. Artège, 2017, pp. 415-418.

15 septembre 2022

Témoignage

Homélie prononcée le dimanche 18 novembre 1990 par le père Jean-Luc Vesco, o.p.

Messe du 33ème dimanche du temps ordinaire (Année A) célébrée depuis Bourg-en-Bresse (Ain)

Supplément à la Revue « Jour du Seigneur » n° 45

Proverbes XXXI, 10-13, 19-20, 30-31 ; I Thessaloniciens V, 1-6 ; Matthieu XXV, 14-30

Étrange parabole où il est dit : « à tout homme qui a on donnera encore mais à celui qui n’a pas on retirera même ce qu’il a ». Étrange maître aussi cet homme rude qui moissonne où il n’a pas semé et qui ramasse où il n’a pas répandu. Étrange parabole des talents. Que peut-elle signifier ?

Comme toute parabole, la parabole des talents a une pointe, c’est-à-dire qu’elle met l’accent sur une leçon précise que Jésus veut donner et qu’il nous faut comprendre. L’essentiel, nous dit-on, est de faire fructifier les talents reçus. Il ne faut surtout pas les laisser dormir, il ne faut surtout pas les cacher, il ne faut surtout pas les enfouir. Ce que nous avons reçu doit porter du fruit, la parabole insiste là-dessus. Nous avons tous reçu quelques talents, cinq, deux, un, peu importe le nombre. L’essentiel est de les faire fructifier.

P. Lagrange au Caire

L’actualité nous invite aujourd’hui à évoquer un homme qui sut faire fructifier les talents qu’il avait reçus, d’une manière exceptionnelle. Cet homme c’est le père Marie-Joseph LAGRANGE, dominicain, né ici à Bourg-en-Bresse, baptisé dans cette église et qui fonda il y a juste cent ans l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.

Cet homme avait reçu entre autres dons, deux talents principaux : une vive intelligence et un très esprit de foi. Il les mit tous les deux au service de la Bible et il les fit fructifier. Il conçut le projet nouveau pour son époque et quelque peu suspect, d’étudier l’Écriture sainte avec tous les moyens dont on peut disposer.

Il aborda la Bible, l’un des plus vieux livres de l’humanité, comme tout autre livre. Il le passa au crible de la critique, en précisa le temps et la géographie, la langue et la mentalité, la façon de parler et d’écrire l’histoire. Il se pencha sur son berceau, l’Orient dont il entreprit de mieux connaître les habitudes et les façons de vivre si différentes des nôtres. Par l’archéologie, il ressuscita des monuments anciens qui se mirent à parler Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et qu’il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité, LAGRANGE voulait que le savant catholique n’enfouisse pas ses talents mais qu’il acquière autant de compétence que les autres savants pour ne pas être disqualifié sur le plan scientifique.

LAGRANGE sut aussi reconnaître la Bible comme un livre divin. Il y découvrit la manière dont Dieu révèle sa Parole, à un peuple d’abord puis à l’humanité. Il sut lire la Bible en Église, dans la foi. Il croyait fermement que l’homme, la Vérité de Dieu, et comment s’est passée la rencontre des deux, longue histoire d’amour où Dieu découvre l’homme, où l’homme reconnaît son Dieu, de façon progressive, avec des réussites, des échecs et des tâtonnements, comme dans tout amour, avant de parvenir à un sommet, le Christ, qui dit enfin jusqu’où va l’Amour quand il est infini.

LAGRANGE admettait sans hésiter que Dieu a confié à la Bible une communauté vivante, l’Église. Sans cesse mêlée à l’histoire du monde, l’Église a pour fonction d’actualiser la Parole de Dieu et de la confronter à une société en perpétuelle évolution. Elle porte la responsabilité d’un message de salut offert à tous les hommes. LAGRANGE a été accusé de se montrer trop critique, il a été calomnié, réduit au silence, exilé. On lui demanda même un moment d’enfouir son talent. Mais il tint bon, convaincu que la recherche de la vérité ne doit jamais avoir peur de ce qu’elle va découvrir. LAGRANGE n’eut pas peur. Et l’Église aujourd’hui désire en faire un SAINT.

À nous aussi, frères et sœurs, la Parole de Dieu a été confiée, comme un talent, pour qu’elle fructifie. Nous ne serons pas tous exégète ou savant mais nous avons reçu chacun quelques talents et cette faim et soif d’une Parole qui fait vivre. Ne l’enfouissons pas ! Nos contemporains attendent eux aussi, une parole de vérité et de miséricorde, de justice et de paix, de réconfort. À nous de l’étudier, de l’annoncer et de la faire fructifier « dans toutes les nations à commencer par Jérusalem ». Jérusalem où le père LAGRANGE a voulu établir son École. Jérusalem aujourd’hui si meurtrie, où demeure caché depuis bien trop longtemps le message de paix. « Jérusalem, pour l’amour de mes frères et de mes amis, Chrétiens, Musulmans, Juifs, laisse-moi dire paix sur toi. »

15 septembre 2022 – Notre-Dame des Douleurs

Le P. Lagrange en créant l’École biblique de Jérusalem, puis deux ans après une Revue trimestrielle, la célèbre Revue biblique et un peu plus tard une collection de livres : Les Études bibliques, faisait remporter à l’Église la victoire sur le terrain même de la science. « Madame Sainte Marie a donné la victoire à son chevalier. » (P. Lagrange)

Une victoire suppose un combat, un combat, à son tour, des armes. Quelles étaient celles du P. Lagrange ? Un travail assidu, et le Rosaire, diront tous ceux qui l’ont connu, et en réalité, elles ne faisaient qu’un. Cette victoire … ce fut au prix de sa souffrance que le P. Lagrange l’acheta, et bien peu ont communié aussi réellement que lui au Mystère de Notre-Dame des Sept-Douleurs.

(extrait d’un texte du fr. Marie-Réginald Loew, o.p., disciple du père Lagrange, paru dans la Revue du Rosaire, n° 10-11, octobre-novembre 1939.)

Photo : Marie au pied de la Croix (détail by Rogier van der Weyden (c.1457 – c.1460).

14 septembre 2022 – L’entretien de Jésus avec Nicodème

Nicodème signifie « peuple vainqueur ». C’était un pharisien, notable juif, « maître en Israël ». Aujourd’hui Nicodème consulte Jésus de nuit, Jean 3, 1-10. Dans Jean 7, 50 s, il prend discrètement sa défense devant les membres du Sanhédrin et participe à son ensevelissement dans Jean 19, 39. (Dictionnaire des noms propres de la Bible, Cerf, 2002.)

L’Évangile d’aujourd’hui, commenté par le P. Lagrange (Jean 3, 13-17) :

Il suffit à Jésus de faire entrevoir à Nicodème le sort qui attend le Fils de l’homme, c’est-dire le révélateur qu’il est lui-même : il doit être élevé, et l’on pourrait croire que cette élévation le ramène au ciel d’où il est descendu. Mais non, il sera élevé comme le serpent d’airain dans le désert, attaché à un poteau : « et quiconque aura été mordu (par un serpent) et le regardera, conservera la vie (Nb 31, 8) ». Pourvu qu’il mette sa confiance en Dieu qui a voulu opérer sa guérison par ce signe. De même, lorsque le Fils de l’homme aura été élevé de cette manière, ce qu’on devait comprendre du supplice de la croix, ceux qui croiront en lui auront la vie éternelle.

Jésus a donc révélé à Nicodème les étapes encore inconnues de la vie surnaturelle. La naissance par le baptême et l’Esprit, la foi en celui qui est venu d’en haut, révélateur rédempteur, conduisant à la vie auprès de Dieu. Ce n’était là cependant qu’un premier germe jeté dans l’esprit d’un docteur. Puisqu’il était éclairé, de demander de nouvelles explications.

Nicodème se tut. Peut-être l’aurore pointait déjà, et il ne voulait pas être vu. Tout porte à croire que cette nuit fut pour lui le commencement de la lumière.

(L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, pp. 116-117.)

Photo : Jésus avec Nicodème par Crijn Hendricksz Volmarijn (1601, Rotterdam-1645, Rotterdam)

Dominique Ponneau commente le tableau de Crijn Hendricksz Volmarijn.

Le pharisien Nicodème est venu rencontrer Jésus. Il est venu de nuit. Par peur de son entourage, dit-on souvent. Peut-être. N’empêche qu’il est venu voir Jésus. Qu’il est présent à l’obscurité des débuts de son ministère, comme il sera présent…au tombeau… Peut-être vient-il de nuit par désir de lumière en celui qui, à la fin de leur entretien, lui dira : « Celui qui agit dans la vérité vient dans la lumière ». Nicodème vient, de nuit, à la lumière, parce qu’il agit dans la vérité. Il a devant lui, grand ouvert, le livre des Écritures, qu’en docteur d’Israël il scrute avec droiture, exigence, profondeur. Ce livre est tout resplendissant de la lumière qu’il contient. Jésus a, lui aussi, devant lui, le livre resplendissant. Mais ce livre est fermé. C’est que la Parole du livre, le resplendissement de la Parole du livre, c’est lui-même. Et c’est ce que, dans la nuit, ses mains, que regarde attentivement Nicodème, expliquent à celui-ci.

Entre Nicodème et Jésus brille d’une même lumière le candélabre des deux Testaments. Nicodème n’a plus besoin d’en contempler le reflet dans ses bésicles qu’il tient de sa main gauche. Sa main droite, posée sur son cœur, l’atteste, aussi gravement, aussi humblement que son regard : il accueille pleinement le langage spirituel que lui tient celui que remplit l’Esprit-Saint, l’Esprit du Père. Biblia n°34

Aujourd’hui 14 septembre : Fête de La Croix glorieuse. Quelle est son histoire ? http://nominis.cef.fr/…/Exaltation-de-la-sainte-Croix.html

10 septembre 2022 Jour-anniversaire de la « naissance au ciel » du père Marie-Joseph Lagrange o.p.

Ce jour, la messe de fr. Manuel Rivero o.p. est célébrée à l’intention des demandes de grâces confiées à l’intercession du P. Lagrange par nos amis de l’association et pour la prochaine béatification de ce grand serviteur de Dieu. www.mj-lagrange.org

Prière

Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu. À la lumière de la Loi de Moïse, des Prophètes et des Psaumes, il a scruté le mystère de Jésus Christ et son cœur est devenu brûlant. Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du rosaire. Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves.

Nous te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier : (préciser laquelle).

Nous te le demandons, Père, au nom de ton Fils Jésus Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen.

Envoyez vos demandes de grâces et celles obtenues à Fr. Manuel Rivero o.p., vice-postulateur :  manuel.rivero@free.fr

08 septembre 2022 : Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie

Dans son article « Marie à Nazareth » paru dans L’Écriture en Église, Cerf, 1990, le père Lagrange fait référence à la Bulle Ineffabilis du Bienheureux pape Pie IX pour la définition et la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1854 :

« Marie, dès le premier instant de sa Conception, était enrichie d’une grâce plus haute que celle des Séraphins… et c’est cette grâce qui habitait l’âme de cette enfant, gracieuse, mais vouée à l’obscurité ; de si grands dons dans une vie si ordinaire, disons si vulgaire. »

Voici le très beau texte du paragraphe de la Bulle Ineffabilis Deus : 8. Les expressions d’universelle et suréminente sainteté.

Viennent enfin les plus nobles et les plus belles expressions par lesquelles, en parlant de la Vierge, ils ont attesté que, dans sa Conception, la nature avait fait place à la grâce et s’était arrêtée tremblante devant elle, n’osant aller plus loin. Il fallait, disent-ils, avant que la Vierge Mère de Dieu fût conçue par Anne, sa mère, que la grâce eût fait son œuvre et donné son fruit ; il fallait que Celle qui devait concevoir le premier-né de toute créature fût elle-même conçue première-née. Ils ont attesté que la chair reçue d’Adam par la Vierge n’avait pas contracté les souillures d’Adam, et que pour cette raison la Vierge Bienheureuse était un tabernacle créé par Dieu lui-même, formé par le Saint-Esprit, d’un travail aussi beau que la pourpre, et sur lequel ce nouveau Béséléel (Exode XXXI, 2) s’était plu à répandre l’or et les plus riches broderies ; qu’elle devait être célébrée comme Celle qui avait été la première œuvre propre de Dieu, comme Celle qui avait échappé aux traits de feu du malin ennemi, et qui, belle par nature, ignorant absolument toute souillure, avait paru dans le monde, par sa Conception Immaculée, comme l’éclatante aurore qui jette de tous côtés ses rayons. Il ne convenait pas, en effet, que ce vase d’élection subît le commun outrage, puisqu’il était si différent des autres, et n’avait avec eux de commun que la nature, non la faute ; bien plus, comme le Fils unique a dans le ciel un Père, que les séraphins proclament trois fois saint, il convenait absolument qu’il eût sur la terre une Mère en qui l’éclat de sa sainteté n’eût jamais été flétri. Et cette doctrine a tellement rempli l’esprit et le cœur des Anciens et des Pères que, par un langage étonnant et singulier, qui a prévalu parmi eux, ils ont très souvent appelé la Mère de Dieu Immaculée et parfaitement immaculée, innocente et très innocente, irréprochable et absolument irréprochable, sainte et tout à fait étrangère à toute souillure de péché, toute pure et toute chaste, le modèle et pour ainsi dire la forme même de la pureté et de l’innocence, plus belle et plus gracieuse que la beauté et la grâce même, plus sainte que la sainteté, seule sainte et très pure d’âme et de corps, telle enfin qu’elle a surpassé toute intégrité, toute virginité, et que seule devenue tout entière le domicile et le sanctuaire de toutes les grâces de l’Esprit Saint, elle est, à l’exception de Dieu seul, supérieure à tous les êtres, plus belle, plus noble, plus sainte, par sa grâce native, que les chérubins eux-mêmes, que les séraphins et toute l’armée des anges, si excellente, en un mot, que pour la louer, les louanges du ciel et celles de la terre sont également impuissantes. Personne, au reste, n’ignore que tout ce langage a passé, comme de lui-même, dans les monuments de la liturgie sacrée et dans les offices de l’Église, qu’on l’y rencontre à chaque pas et qu’il y domine ; puisque la Mère de Dieu y est invoquée et louée, comme une colombe unique de pureté et de beauté ; comme une rose toujours belle, toujours fleurie, absolument pure, toujours immaculée et toujours sainte, toujours heureuse, et qu’elle y est célébrée comme l’innocence qui n’a jamais été blessée ; enfin, comme une autre Eve, qui a enfanté l’Emmanuel.

Photo : Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie par un artiste ukrainien inconnu.

2 septembre 2022 : Celui qui me soumet au jugement, c’est le Seigneur (Co 4, 4)

Un esprit superbe qui s’arroge le droit de tout critiquer : appliquer ici la grande parole : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé » ; non seulement à l’extérieur, mais à l’intérieur, ne jugez pas. Ne jugez pas parce que vous n’avez pas reçu le pouvoir de juger, c’est usurper sur les fonctions de N.S. : – ne jugez pas parce que vous ne connaissez pas la cause : delicta quis intellegit (1) ; quoi de plus relatif qu’une action, de plus embrouillé qu’une vie humaine ? – ne jugez pas, surtout en religion, parce que vous jugeriez ou des supérieurs, ou des frères : tout jugement, émanant de celui qui n’a pas autorité pour juger est une faute d’orgueil positive. (Marie Joseph Lagrange o. p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 40.)

(1) Mais qui s’avise de ses faux pas ? (Psaume 19 (18) 13).

 

 

Écho de notre page Facebook : août 2022

30 août 2022

Pensée du jour

Ô très douce Marie, ma Mère, grâces vous soient rendues : il me semble que vous m’avez rendu la paix du noviciat simple, un peu de détachement et un désir ardent de travailler pour votre gloire, d’aimer Jésus seul. Et pourtant je suis vraiment plus faible et plus engourdi que jamais : seule votre grâce Immaculée peut vivifier ces désirs de mort qui tendent toujours à la vanité. Vous avez été si bonne de me faire religieux ! Je suis venu pour vous, « Ave Maria ! » Je resterai pour vous si vous m’en faites la grâce : mais ne permettez pas que tout cela n’aboutisse qu’à une vie naturelle et scientifique ! Ce serait trop misérable ! Enflammez-moi de votre esprit : je me donne à vous, pour être votre chose et votre instrument. Gardez tous mes frères, donnez-nous l’amour de Jésus : qu’un souffle nouveau nous embrase, et soyez éternellement bénie !

(Marie-Joseph Lagrange, o. p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 168.)

 

24 août 2022

Jésus rentre en Galilée. La conversation entre Jésus et Nathanaël.

Jésus vit Nathanaël venant à lui. Il dit à son sujet : « Voici un véritable Israélite, en qui il n’y a pas d’artifice ! » Nathanaël lui dit : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répondit : « Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu ». » Nathanaël lui répondit : « Rabbi, tu es le fils de Dieu, tu es le roi d’Israël ! » Jésus lui répondit : « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu au-dessous du figuier, tu crois ? Tu verras de plus grandes choses que celles-là. » Et il lui dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant au-dessus du Fils de l’homme. » (Jn 1, 47-51.)

Dans son commentaire du verset 51, le père Lagrange écrit : Au pays d’Israël, on savait qu’à Béthel, Jacob avait vu en songe une échelle suspendue au ciel, le long de laquelle les anges montaient et descendaient (Gn 28, 10-17). C’était un gage pour le voyageur, obligé de quitter la terre promise, que Dieu serait avec lui : « Car je ne t’abandonnerai point que je n’aie fait ce que je t’ai dit. »

Ce que Dieu avait promis au patriarche, Jésus affirmait qu’il le tiendrait pour lui, et avec tant d’évidence que les disciples, en voyant ses œuvres, devaient être convaincus de sa mission, non point sous l’impression passagère d’une surprise mais par l’évidence des faits surnaturels.

Cette conversation avait donc une grande portée, et l’on comprend que l’évangéliste en ait fait le point de départ d’une période de trois jours avec laquelle on se trouva à Cana, au pays de Nathanaël

(Note : Jean ne nomme jamais Barthélemy, que les synoptiques associent toujours à Philippe. Il est très vraisemblable que le même personnage portait les deux noms. Ichodad (vers 850) le tient pour assuré.) (Marie-Joseph Lagrange o. p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 107.)

Photo : Le Songe de Jacob par Jose de Ribera (17e)

 

21 août 2022

« Et on viendra de l’orient et du couchant, et du nord et du midi, pour s’asseoir à table dans le royaume de Dieu. Et voici que quelques-uns des derniers seront les premiers, et que des premiers seront les derniers. » (Luc 13, 29-30)

Commentaires du P. Lagrange : Juifs réprouvés, Gentils sauvés.

29) En effet, aux patriarches viennent se joindre des personnes appelées de tous les points cardinaux, qui ne sont point nécessairement ou seulement des Juifs dispersés (Is, 53, 5 ss), mais aussi les gentils comme dans Matthieu. Comment entreront-ils, puisque la porte est fermée ? Luc est plus attentif à conserver le texte de la parole de Dieu qu’à narrer avec l’aisance d’un inventeur. Il a pu supposer que la porte s’ouvrira à ces personnes, car la parabole ne met pas tant en lumière la nécessité d’arriver avant le moment fatal, que de présenter de façon à être admis. Aussi bien ce menu détail disparaît dans la solennité de la dernière scène.

30) C’est une sorte de proverbe, dont l’application peut changer selon les circonstances. Dans Mc 10, 31 et Mt 19, 20, il s’agit de l’ordre du rang, dans Mt 20, 16, de l’ordre du temps.

Ici la question est retournée en ce sens que d’ordinaire les premiers entrent et les derniers non ; ici il y a des derniers qui entrent, des premiers qui ont le lot réservé d’ordinaire aux derniers. D’ailleurs il n’y a d’article. Les catégories ne sont donc pas absolues, la règle ne s’applique pas à tous les individus, et en effet les patriarches venus les premiers sont demeurés tels. L’opposition est entre les Juifs contemporains et les gentils, car si ces deux groupes sont substitués par la pensée aux termes vagues de la parabole, il est clair que les Juifs étaient les premiers par l’appel de Dieu, par opposition aux gentils.

Si l’on cherchait une application aux circonstances de l’Église primitive, on aurait la perspective d’un royaume de Dieu d’où les Juifs s’étaient exclus par leur infidélité, tandis que les gentils y entraient de toute part. Dans cette voie on en viendrait à trouver dans v. 25 une allusion à la résurrection du Christ. Mais ce serait transformer insensiblement le sens de tout ce passage et l’altérer par trop de précision, car il ne serait plus possible de trouver les patriarches et les prophètes dans l’Église chrétienne, où les Juifs ne demandaient pas à entrer. La véritable perspective est celle du jugement dernier, qui condamne les impénitents et admet au royaume de Dieu des hommes dignes d’être associés aux patriarches et aux prophètes, quelle que soit leur origine. Avis aux Juifs qui se croient et sont en quelque façon les premiers, de ne pas se réduire à n’être plus que les derniers, ceux auxquels d’ordinaire on ferme la porte. Si les images ne sont pas rigides, le sens est très clair, et la leçon redoutable. À la question sur le nombre de ceux qui seront sauvés, Jésus répond : Efforcez-vous de n’être pas parmi ceux qui peuvent se perdre, dussent-ils parmi mes compatriotes et mes familiers.

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. L’Évangile selon saint Luc. Lecoffre-Gabalda, 1941, pp. 387-392.)

Photo : Jugement dernier (détail) Fra Angelico. La ronde des élus.

15 août 2022

Belle fête de l’Assomption de la Vierge Marie

Magnificat !

La dévotion à Marie, dont le père Lagrange évoque volontiers les fêtes à chaque tournant important de sa vie, est une manifestation frappante de cette piété d’enfant, qui semblerait même puérile si elle n’était associée chez lui à une foi très adulte, dans un bel équilibre qui fait toute la richesse de son âme (Souvenirs personnels, préface de P. Benoit, O. P., Cerf, 1967, p. 15.)

La Vierge Marie, l’Immaculée Conception, occupe une place privilégiée dans la vie du père Lagrange. Ses feuilles manuscrites commencent toujours par la prière « Ave Maria » en haut de la page, signe de la présence de la Mère de Dieu dans son âme. (Manuel Rivero, O. P. Avant-propos dans l’édition du Journal spirituel, Cerf. 2014.

Aujourd’hui, dans l’évangile de saint Luc, v. 48) Marie accepte les louanges des générations à l’œuvre de Dieu en elle. Ce qui la remplit de joie est donc bien ce à quoi Élisabeth a fait allusion, la conception du Seigneur. C’est le thème du cantique, indiqué avec une extrême délicatesse, mais indiqué. […] v. 49) Marie ne prononce plus le nom de Dieu, mais donne une haute idée de sa nature et de son action. […] Le puissant est dit saint, parce qu’il est objet de crainte et de respect. L’idée de sainteté, dans le sens de Majesté suprême et redoutable est caractéristique des religions sémitiques. […] Plus haute est l’idée de Dieu, puis elle reconnaît son absolue perfection morale ; nouvelle raison pour que son nom soit révéré. Marie prélude à la première demande du Pater. V. 50) Cf. psaume (102, 17) indique bien la suite des idées dans le Magnificat. C’est parce que Dieu est puissant et dépasse l’homme de son infini qu’il éprouve pour lui de la pitié ou de la miséricorde. Ce sentiment s’exerce sur ceux qui le craignent, c’est-à-dire le reconnaissent et le servent. Cette crainte, en effet, n’exclut pas le sentiment filial ; même psaume, v. 13 : « comme un père a pitié de ses fils, le Seigneur aura pitié de ceux qui le craignent » ; cf. encore v. 11. On put donc nommer ceux qui s’attachaient au culte de Dieu, même s’ils n’étaient que prosélytes. V. 51-53) Les aoristes sont expliqués de plusieurs manières : 1) ils signifient ce que Dieu a fait dans le passé ; 2) ce qu’il fera dans l’avenir, au moment de la grande transformation messianique ; 3) ce qu’il a coutume de faire ; 4) ce qu’il a commencé en Marie selon son plan. […] Ce que Dieu fait d’ordinaire, il l’a fait spécialement dans la circonstance présente dont Marie comprend qu’elle est le début du règne de Dieu. […] v. 54-55) Ce qui suit est évidemment messianique de l’aveu de tous, et se rattache pour le rythme à ce qui précède. […] v. 56) On objecte la charité : aussi Marie reste-t-elle aussi longtemps que ses services sont utiles ; elle se retire lorsque d’autres doivent venir en aide à Élisabeth. […] [Dans le Magnificat] tout y coule de source, et l’Église admirera toujours le sentiment religieux de l’humble servante qui ne voit que Dieu dans la gloire qui l’attend. Elle a compris la bonté de Dieu pour les petits, et sa compassion pour les pauvres. Ce seront les sentiments de Jésus. (Marie-Joseph Lagrange, O. P. L’Évangile selon saint Luc, 1, 39-56. Lecoffre-Gabalda, 1941, pp. 41-54.)

10 août 2022

Vous souvenez-vous ? C’est le jour-anniversaire de la mort du P. Lagrange (10 mars 1938), ce grand Serviteur de Dieu auquel nous demandons son intercession et celle de la Vierge Marie pour nos intentions de prière portées par Fr. Manuel Rivero, O. P. au cours de la célébration de l’eucharistie. Prions également pour que la cause de béatification du P. Lagrange introduite à Rome aboutisse favorablement. La réputation de sainteté du P. Lagrange est celle d’un docteur dont le rayonnement spirituel s’exerce de manière plus discrète mais non moins fervente sur ses disciples et sur ses lecteurs.

N’hésitez pas à demander régulièrement des grâces, comme l’indique la prière. À nous informer des grâces reçues. À nous donner vos témoignages. Si vous vous êtes inscrit(e) sur ce site, c’est parce que vous vous intéressez à la vie et à l’Œuvre immense de ce grand savant et de ce grand spirituel qui a donné à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem l’élan de renommée internationale dont elle bénéficie aujourd’hui. Pour plus de détails : www.mj-lagrange.orget http://www.ebaf.edu/