Écho de notre page Facebook : février 2024

26 février 2024

L’Écriture et l’Église

L’Écriture est un moyen choisi par Dieu pour assister son Église, et pour assurer l’équilibre parfait de ses mouvements.

D’une part, l’Église, société vivante, se meut avec l’humanité, évolue, progresse, n’est jamais rivée, en dépit de la raison, à la lettre obvie d’un texte mal entendu. D’autre part, les textes demeurent, avec leur autorité. Une évolution aveugle est arrêtée par la salutaire barrière des Écritures, qui attestent fortement, et au nom de Dieu, la foi de l’Église primitive.

Aussi les théologiens qui étudient le dogme actuel ne doivent-ils jamais perdre de vue les textes où le dogme de l’ancienne Église se reflète avec sa sincérité génuine ; et, de leur côté, les exégètes gagneront beaucoup à ne jamais s’écarter de l’autorité de l’Église. C’est sur quoi je dois insister.

Il est d’abord constant pour tout le monde que la matière est mixte et qu’on ne peut avoir la prétention de traiter un livre qui contient des vérités de foi comme s’il s’agissait d’un livre ordinaire où le risque est médiocre et où chacun répond pour soi.

La raison en est que la foi que nous professons dépend d’une révélation contenue dans l’Histoire, et qu’il est impossible de les séparer tout à fait. (Voir la suite dans La méthode historique. La critique biblique et l’Église de Marie-Joseph Lagrange, p. 34. p. Cerf, 1966. Préface Jean de Vaux, o. p.)

14 février 2024
De retour lundi à La Réunion, je vous souhaite un bon Mercredi des cendres.
Avec ma prière à la messe de ce jour. Fr. Manuel.
Mercredi des cendres
Prédication, cathédrale de Saint-Denis/La Réunion
Fr. Manuel Rivero O.P.
Le mal existe, la sorcellerie existe, le diable existe. Jésus n’est pas naïf, il est innocent, c’est-à-dire non nuisible, bienfaisant.
Aujourd’hui Jésus nous fait du bien en nous montrant les valeurs religieuses ambivalents, parfois même ambiguës : la prière, le jeûne et l’aumône.
Ce sont des moyens et non des buts. La finalité, Jésus la manifeste par son enseignement et surtout par tout son être : Dieu le Père.
En entrant dans le Carême, il s’agit bien de tourner nos cœurs vers Dieu le Père, par Jésus, avec Jésus et en Jésus.
Un proverbe chinois dit : « Quand on montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». La prière cachée, secrète, a pour but d’atteindre le cœur de Dieu le Père. A La Réunion, nous savons que d’aucuns formulent des prières pour faire du mal à quelqu’un. La prière peut aussi se réduire à des demandes égocentriques au lieu de sortir de soi pour accomplir la volonté du Père. Prier veut dire entrer dans la prière de Jésus et la faire nôtre : « Abba ! Père ! Eloigne-moi cette coupe mais que ne soit pas ma volonté mais la tienne qui s’accomplisse ». Dans le Notre Père, nous demandons à faire la volonté du Père et non la nôtre. Le Mercredi des cendres nous fait entrevoir déjà le mystère pascal. Après Gethsémani, sur la croix, Jésus remet son esprit entre les mains du Père. Dans nuit de Pâques, le Père répond à la prière de Jésus en le relevant d’entre les morts.
Le jeûne ne vise pas la perte de poids ; il peut devenir aussi occasion d’orgueil, de mépris et d’arrogance envers les faibles. Nous savons que des personnes qui jeûnent peuvent exploiter les autres. Le jeûne selon Jésus fait rejoindre notre être profond, vulnérable, dans un sentiment de miséricorde envers les affames dont nous partageons l’expérience du manque, de la fatigue et de la douleur. C’est par la grâce de Jésus que le jeûne est vécu correctement et qu’il porte du fruit.
L’aumône pourrait donner bonne conscience ou sentiment de supériorité. L’aumône voulu par Jésus rappelle la destination universelle des biens. Le propriétaire de la terre, c’est Dieu, nous ne sommes que de simples gestionnaires de ses dons.
« Convertissez-vous et croyez à l’Évangile », entendrons-nous en recevant les cendres.
Que le Seigneur convertisse notre prière, notre jeûne et notre aumôner pour fêter Pâque, le cœur tout proche du Cœur de Jésus, comme saint Jean, le disciple bien-aimé, à la dernière Cène.

 

 

10 février 2024

En ce samedi 10 février, prière eucharistique au Seigneur pour la cause de béatification du père Lagrange et pour tous ses amis, attachés à la Parole de Dieu. Depuis l’UCM de Tananarive (Madagascar). Fr. Manuel.

Intention confiée : Please pray for my two adult daughters and my granddaughters to return to the Church and go to Masses. Thank you for praying for them. Lana Holub

Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu.

À la lumière de la Loi de Moïse, des Prophètes et des Psaumes, il a scruté le mystère de Jésus-Christ et son cœur est devenu brûlant.

Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du Rosaire.

Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son obéissance exemplaire dans les épreuves.

Nous Te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères et sœurs à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier :

…………………………………………… (préciser laquelle).

Nous Te le demandons, Père, au nom de ton Fils Jésus-Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen.

 

2 février 2024

« Tout premier-né masculin sera consacré au Seigneur » (Luc 2, 23)

Que disait l’Écriture ? « Tout premier-né sera saint pour le Seigneur. » Qu’est-ce à dire, sera saint ? L’enfant qui vient de naître est-il déjà saint ? Non, c’est le Seigneur seul qui est saint. Sa Sainteté, c’est sa perfection infinie, la plénitude en un seul attribut de toute sa puissance, sa sagesse et sa bonté, mais avec un aspect alors redoutable. Dieu est saint, et comme tel ne peut supporter le contact des choses impures, c’est-à-dire de tout ce qui n’est pas lui. Il est saint ; autant dire qu’il est comme un feu qui consume tout ce qui l’approche, à moins qu’on ne participe en quelque sorte à sa sainteté, à moins qu’on ne lui soit consacré. Les premiers-nés, comme tous les autres prémices, lui appartiennent, lui sont consacrés. Il ne les rend à leurs parents qu’en échange d’un sacrifice. Et c’est pour cela que Marie et Joseph apportaient deux colombes. Quand ce sang innocent aurait coulé, leur fils leur serait rendu. Telle était la loi sévère instituée par Dieu pour un peuple indocile qui devait être guidé par la crainte.

[…] Marie est désormais unie au sacrifice de Jésus, parce qu’elle s’est unie à sa consécration. Elle sait, ce que saint Paul dira si bien, que ce sacrifice sera un scandale pour les Juifs, une sottise pour les Gentils. Mais sait aussi que la Sagesse et la Vertu de Dieu seront les plus fortes et que Jésus sera malgré tout, pour les hommes de bonne volonté, la lumière des nations, un sujet de gloire pour le véritable Israël. Déjà les Mages s’approchent vers cette lumière, déjà Hérode va inaugurer la persécution. Mais, soit en Égypte, soit à Nazareth, son Jésus sera à elle, et elle plus entièrement à lui par cette seconde acceptation, celle du sacrifice. Et cet abandon à la volonté de Dieu est lui-même une source de joie.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. Extraits « La Présentation de Jésus au Temple ». La Vie spirituelle ascétique et mystique, 1931, Cerf.)

Prochaines dates à retenir : 9 et 10 mars 2024

 

 

 

Fr. Manuel Rosaire, radio Arc-en-ciel (Saint-Denis/La Réunion), le lundi 12 février 2024. par Fr. Manuel Rivero, o. p.

8 janvier 2024

Rosaire, radio Arc-en-ciel (Saint-Denis/La Réunion), le lundi 12 février 2024.

Mystères douloureux à la lumière des enseignements de Maître Eckhart.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Bonsoir chers amis du Rosaire. Nous allons méditer les mystères douloureux du Rosaire à la lumière des enseignements d’un grand mystique, frère prêcheur appelé aujourd’hui dominicain, au XIIIe siècle, Maître Eckhart. Il appartenait à l’École rhénane. Aujourd’hui nous nous adresserons au Christ Jésus aidés par les entretiens spirituels de Maître Echkart accordés aux novices dominicains d’Allemagne entre 1294 et 1298[1].

C’est à Paris, à Strasbourg et en Allemagne qu’il enseigne. Pour lui, Dieu demeure le Dieu caché annoncé par le prophète Isaïe et au-delà de tous les concepts, connus comme inconnus : Dieu indicible qui vient habiter en l’homme. Connaissance négative de Dieu, apophatisme, nous savons de Dieu ce qu’il n’est pas.

C’est l’amour qui unit Dieu aimant et l’humanité aimée. Mais pour cela, le disciple de Jésus le Christ doit vivre le détachement, le renoncement à sa volonté propre, à son ego, pour recevoir son vrai moi en grâce comme un don gratuit de Dieu.

Il en va des mystiques comme des diamants. Rien ne ressemble autant à un diamant vrai qu’un diamant faux. La mystique véritable participe au mystère de Dieu qui est charité. Nous reconnaissons la valeur des mystiques à leurs fruits. Un bon mystique porte de bons fruits. Il ne conduit pas à lui-même mais à Dieu. Il renonce à tout pour tout recevoir de Dieu, à l’image du mystère pascal de mort et de résurrection de Jésus. « Todo y nada », disait saint Jean de la Croix. Il faut passer par le rien, par la mort, pour parvenir à la résurrection. Le point de départ de la vie spirituelle, le point alpha, est bien le renoncement, le rien, pour atteindre le point oméga, dans le Christ ressuscité. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus s’était bien exclamée : « Tout est grâce ! ».

Cette vie mystique n’est pas réservée à quelques religieux hors du monde mais à tous les baptisés, plongés dans l’anéantissement de la mort du Christ et glorifiés dans sa résurrection. La vie mystique ne relève pas des lieux géographiques comme les monastères ni de connaissances académiques des théologiens érudits mais d’un état d’esprit : la foi agissant dans la charité, à la suite de Jésus.

C’est ainsi que tout chrétien monte vers le Père par Jésus, en parcourant le chemin de la croix et en exultant dans la nouvelle naissance de la résurrection spirituelle.

En ce sens, tout baptisé est appelé à devenir mystique, avec une vision chrétienne de l’homme et de l’histoire. Par son âme surnaturelle, l’homme s’ouvre à la vie de Dieu. Par sa foi en Dieu qui marche avec l’humanité, l’histoire n’apparaît pas comme un chaos mais comme une succession de morts et de résurrections où Jésus le Christ agit en synergie avec les croyants pour les élever  vers Dieu le Père.

Faisons le signe de la croix, signe de l’amour qui renonce jusqu’à la mort et qui porte du fruit comme le grain de blé tombé en terre qui devient épi.

Tous : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

Credo. Notre Père. 3 Ave Maria. Gloria.

Premier mystère douloureux : Gethsémani.

De l’Évangile selon saint Marc 14,32 s : « Arrivés à un domaine du nom de Gethsémani, Jésus dit à ses disciples : « Restez ici tandis que je prierai. » Puis il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à ressentir effroi et angoisse. Et il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir ; demeurez ici et veillez. » Étant allé un peu plus loin, il tombait à terre, et il priait pour que, s’il était possible,cette heure passât loin de lui. Et il disait : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ;  pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! ».

Prier ne veut pas dire réciter des prières mais entrer dans la prière de Jésus : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ;  pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! ». Prière d’abandon filial à la volonté de Dieu le Père dans le renoncement.

Nombreux sont ceux qui cherchent une prière efficace pour résoudre leurs problèmes insolubles, l’intercession d’un saint plus fort que les autres …

Maître Eckhart met en lumière la prière la plus efficace. Cette prière ne trouve pas sa force dans les mots mais dans l’esprit de celui qui prie. La prière la plus puissante est bien celle qui vient d’un esprit renoncé : « Plus l’esprit est renoncé, plus la prière et l’œuvre sont fortes, dignes, utiles, louables et parfaites. » (Enseignements aux novices dominicains).

Dieu écoute ceux qui ne cherchent pas leur intérêt personnel mais le bien de Dieu et du prochain, en se détachant des biens temporels. Quand le priant n’est lié à rien et qu’il sort de son égo pour accomplir la volonté de Dieu, il reçoit tout de la part de Dieu.

Il devient illusoire d’imaginer que c’est en changeant de lieu que l’on va trouver la paix et la plénitude. La libération et le salut ne relèvent pas de lieux géographiques mais de l’attitude profonde de l’esprit. Le défi lancé par Jésus dans l’Évangile consiste à se quitter soi-même. Inutile de rêver d’un bonheur qui se trouverait à l’étranger, dans un monastère ou dans un ermitage, déclare Maître Eckhart. L’insatisfaction surgit du vouloir propre, égocentrique. Les souffrances proviennent non pas des choses elles-mêmes qui entraveraient la liberté mais de la façon de vivre les réalités quotidiennes : « C’est toi qui t’entraves dans les choses ».

La paix ne réside pas dans les choses extérieures mais dans le renoncement à son orgueil et sa volonté propre. Ceux qui voyagent au loin dans la recherche de la paix ne font que s’éloigner du but dans la mesure où ils ne renoncent pas à leur volonté. Et Maître Eckhart de citer la première des béatitudes, socle de la vie chrétienne : « Bienheureux les pauvres en esprit » (Mt 5,3) et plus loin dans le même évangile de saint  Matthieu : « Celui qui veut me suivre, qu’il renonce d’abord à lui-même » (Mt 16,24). En un mot : « Quitte-toi ».

Dieu ne se donne qu’à ceux qui perdent pied, le total contrôle de leur existence, pour suivre Jésus dans la foi : « Dieu entre en toi avec tout son être, dans la mesure où toi, tu te dépouilles de toi-même en toutes choses ».

Se détacher des choses et des créatures pour s’attacher à Dieu et tout recevoir comme un don gratuit. Il ne s’agit pas de tomber dans le vide mais d’une disposition de l’esprit tourné entièrement vers Dieu comme source de la vie : « Celui qui s’attache à Dieu, Dieu et toutes vertus s’attachent à lui ».

Et ce don de soi-même à Dieu demeure une entreprise jamais achevée dans la vie spirituell, car un renoncement appelle de nouveaux renoncements pour atteindre la perfection dans la résurrection accordée aux morts qui meurent dans la foi.

Prions pour ceux qui cherchent Dieu et pour ceux qui l’ont mis de côté.

Prions pour que les chrétiens découvrent la richesse de la vie baptismale et les trésors des enseignements mystiques de l’Église catholique.

Prions pour ceux qui ont quitté l’Église, à la recherche d’expériences mystiques dans d’autres religions,sans avoir goûté à la Sagesse infinie et heureuse de la Bible, des Pères de l’Église et des mystiques chrétiens.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Deuxième mystère douloureux : Jésus devant le Sanhédrin.

De l’Évangile selon saint Marc 14, 63 : « Quelques-uns se mirent à cracher au visage de Jésus, à le gifler et à lui dire : « Fais le prophète ! » Et les valets le bourrèrent de coups. »

Les épreuves et les persécutions peuvent devenir occasion de perfectionnement pour la foi du chrétien, qui découvre la force de Dieu dans sa faiblesse. Maître Eckhart de citer saint Paul : « La vertu se perfectionne dans l’infirmité » (2 Co 12,9).

Mais Dieu demeure aimant au cœur de la douleur et de la contradiction : « Dieu est caché dans le fond de l’âme ». Et l’amour de Dieu grandit en proportion de la foi agissant par la charité. Sans confort, sans santé, sans succès, le chrétien n’est pas séparé de Dieu, sa consolation : « Les amis de Dieu ne sont jamais sans consolation ».

Prions pour les chrétiens persécutés à cause de leur foi.

Prions pour ceux qui désespèrent dans les épreuves.

Prions pour ceux qui sont attirés par le suicide, sans espérance.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

 Troisième mystère douloureux : Le couronnement d’épines.

De l’Évangile selon saint Marc 15,16s : « Les soldats emmenèrent Jésus à l’intérieur du palais, qui est le Prétoire, et ils convoquent toute la cohorte. Ils le revêtent de pourpre, puis, ayant tressé une couronne d’épines, ils la lui mettent. Et ils se mirent à le saluer : « Salut, roi des Juifs ! » Et ils lui frappaient la tête avec un roseau et ils lui crachaient dessus, et ils ployaient le genou devant lui pour lui rendre hommage. »

« Tout concourt au bien de ceux qui cherchent Dieu », enseigne saint Paul (Rm 8,28). Et Maître Eckhart d’ajouter à la suite de saint Augustin : « Oui, même les péchés ».

La mort n’a pas été créée par Dieu. Le chrétien n’est point masochiste. Dieu ne se manifeste pas sadique mais miséricordieux, sensible envers la personne en souffrance.

Jésus a subi l’injustice, les moqueries, les crachats, les coups de fouet, la crucifixion et la mort. Le disciple de Jésus n’est pas au-dessus de son Maître. Les épreuves de l’existence lui font ressembler à Jésus dans sa Passion. Configuré au Christ, le chrétien rejoint l’amour du Père, qui n’est jamaisloin.

La perfection du croyant ne dépend pas de la grandeur de ses œuvres mais de son vouloir, de son amour, dans le renoncement jusqu’à la mort.

« Le sang des martyrs, semence de chrétiens », déclarait Tertullien (+240), en Afrique du Nord, à Carthage, dans l’actuelle Tunisie.

Par la grâce pascale de Jésus, mort et ressuscité, les martyrs deviennent source de vie. Dans le témoignage absolu de la mort, le martyr participe à la fécondité de l’amour de Dieu.

La fécondité de nos vies passe par l’acte de foi et le renoncement à notre volonté propre. Maître Eckhart présente alors la foi de la Vierge Marie à l’Annonciation, comme la condition de sa maternité divine : « Aussitôt que Marie eut abandonné sa volonté, elle devint la vraie mère du Verbe éternel et conçut Dieu immédiatement (Lc 1,26s) ». Marie ne s’appartenait plus à elle-même mais à Dieu : « Plus nous nous appartenons, moins nous appartenons à Dieu ».

Si tous les chrétiens sont appelés à témoigner de leur foi, « tous les hommes ne peuvent pas suivre une seule voie ». Chacun annonce le Christ par son exemple et par sa parole de manière originale et personnelle. Il y a le renoncement du martyr dans sa mort, il y a aussi le témoignage du renoncement dans les petites choses : « Il t’est parfois plus pénible de taire un mot que de t’abstenir entièrement de toute parole », commente Maître Eckhart. Dieu regarde le cœur. Et les âmes sont pesées par lui au poids de l’amour. Ceux qui sont fidèles dans les petites choses le sont aussi dans les grandes. Le service quotidien et fidèle dans la vie familiale et professionnelle exige beaucoup d’amour et de sacrifices. Tous les hommes sont appelés à la sainteté dans la vie ordinaire vécue de manière extraordinaire.

Demandons à Dieu le Père par son Fils bien-aimé Jésus-Christ le discernement dans l’amour de l’Esprit Saint.

Demandons à Dieu la grâce d’un regard surnaturel sur notre existence  souvent difficile voire chaotique. Puissions-nous voir Dieu en toute chose et toute chose en Dieu.

Demandons à Dieu la grâce de mener une vie qui laisse son empreinte d’amour et de foi dans la mémoire des hommes.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Quatrième mystère douloureux : le portement de la croix.

De l’Évangile selon saint Marc 15, 21s : « Les soldats requièrent pour porter la croix de Jésus, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui passait par là, revenant des champs. Et ils amènentJésus au lieu-dit Golgotha, ce qui se traduit par lieu du Crâne. »

Simon de Cyrène a rencontré Dieu en la personne de Jésus souffrant sur le chemin du Calvaire. Il rentrait fatigué après le travail aux champs et voilà qu’il est choisi d’office par un soldat romain pour aider Jésus à porter sa croix. Ce qui paraissait aux yeux du monde, comme une corvée et un moment de malchance, s’est avéré un événement de grâce. Libéré du mal au contact de la sainteté de Jésus, son esprit a prié au rythme du Cœur sacré de Jésus. Il lui a adressé quelques mots qui font partie du secret au Ciel. Son cœur a été lavé de ses péchés par le regard de reconnaissance et d’amour de Jésus. Ses péchés ont été expiés par son acte de charité.

Le cœur de Simon de Cyrène s’est enflammé d’amour au contact physique et spirituel de Jésus, sous le dur bois de la croix. Ce faisant, Simon de Cyrène était plus proche de Dieu que jamais. Maître Eckhart distingue en Jésus ses forces supérieures qui lui faisaient posséder et jouir de la béatitude éternelle et ses forces intérieures qui restaient à la même heure dans les plus grandes souffrances. En Jésus se trouvaient unies et la béatitude divine et la douleur humaine. Les deux natures du Christ Jésus, divine et humaine, sont unies « sans confusion ni changement, sans division ni séparation », comme le définit le Concile œcuménique de Chalcédoine en l’an 451.  

Son geste de quelques minutes a reçu une valeur éternelle. Sans le savoir, il a participé à la Rédemption de l’humanité.

Cette rencontre a bouleversé sa vie. Il a découvert la présence divine en la personne d’un condamné épuisé de fatigue. Habité par la grâce, Simon de Cyrène a loué Dieu le Père en communion avec Jésus. Désormais il verra le monde à travers le regard de Jésus.

Prions pour les malades.

Prions pour tous ceux qui prennent soin des autres dans leurs souffrances : les parents envers leurs enfants, les éducateurs, les infirmières et les médecins.

Rendons gloire à Dieu pour tous les gestes d’humanité, de solidarité et de tendresse qui sont vécus chaque jour.

Cinquième mystère douloureux : La mort de Jésus.

De l’Évangile selon saint Marc 33s : « Quand il fut la sixième heure, l’obscurité se fit sur la terre entière jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure Jésus clama en un grand cri : « Élôï, Élôï, lama sabachthani », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Sur la croix, le corps de Jésus porte en lui les péchés de l’humanité entière. À l’image d’une éponge imbibée de vinaigre et de fiel, le saint corps de Jésus est imbibé du péché, c’est-à-dire du rejet de Dieu dans l’ignorance et l’orgueil. « Dieu l’a fait péché pour nous », écrit saint Paul ( 2 Co 5,21). C’est ce péché du monde pris par lui qui ressent l’abandon de Dieu bien au-delà des tortures physiques de la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Mais Dieu n’a pas abandonné son Fils bien-aimé, qui s’est dépouillé de la gloire qui était la sienne,dès avant la fondation du monde, pour accomplir la volonté aimante de Dieu le Père qui veut le salut de l’humanité.

« Dieu ne se donne qu’à sa propre volonté », enseigne Maître Eckhart. C’est pourquoi Dieu exalte son Fils Jésus dans la résurrection car il a accompli la mission confiée : « Tout est accompli ».

« L’homme doit apprendre en tous les dons à se désapproprier de lui-même et à ne rien garder en propre, ni rien chercher, ni utilité, ni plaisir, ni intimité ; ni douceur, ni récompense, ni royaume des cieux, ni volonté propre. Dieu ne s’est jamais donné et Il ne se donne jamais sans un vouloir qui lui soit étranger. Il ne se donne que suivant sa propre volonté. Mais là où Dieu trouve sa volonté, alors Il se donne et se laisse entrer en cette volonté avec tout ce qu’Il est. Plus nous nous désincorporons de nous-mêmes, plus véritablement nous nous incorporons à Lui », enseigne Maître Eckhart aux novices dominicains.

La mort représente le renoncement absolu à la vie ; le dépouillement total, la pauvreté sans limites. Loin d’être la dégringolade finale dans le vide et le néant,  la mort rapproche l’homme de sa résurrection. Elle est à célébrer comme l’acte majeur d’une vie et le sommet d’une existence, porte du passage à la Vie éternelle. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie », déclarait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Union de la volonté croyante des chrétiens avec la volonté de Dieu. Communion des volontés, transformante dans l’amour.

Prions pour que la mort soit célébrée dignement dans nos églises.

Prions pour que le Seigneur nous accorde de mourir en accomplissant sa volonté.

Prions pour ceux qui sont morts aujourd’hui ou qui vont mourir ce soir.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

………………………………………………………………………………….

Prière finale : Seigneur notre Dieu, que la splendeur de la Résurrection nous illumine, pour que nous puissions échapper à l’ombre de la mort et parvenir à la lumière éternelle dans ton Royaume. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

Bénédiction : Que le Seigneur qui nous a sauvés par sa croix soit pour nous la résurrection et la vie. Amen.

La prière de ce soir a été animée par ……………………………………………………………………………………………………………………….

Bonne nuit ! 

[1] Maître Eckhart, Conseils aux novices. Discours sur le discernement. Traduits par le frère A.-M. Festugière O.P., in La vie spirituelle, Paris, Cerf, n°648, 649, 650 et 652.

 

Traduction Google :

Rosary, radio Arc-en-ciel (Saint-Denis/Reunion), Monday February 12, 2024.

Sorrowful mysteries in the light of the teachings of Master Eckhart.

Fr. Manuel Rivero O.P.

8 janvier 2024

Rosary, radio Arc-en-ciel (Saint-Denis/Reunion), Monday February 12, 2024.Sorrowful mysteries in the light of the teachings of Master Eckhart.Fr. Manuel Rivero O.P.

Good evening dear friends of the Rosary. We will meditate on the painful mysteries of the Rosary in the light of the teachings of a great mystic, a brother preacher called today a Dominican, in the 13th century, Master Eckhart. He belonged to the Rhenish School. Today we will address Christ Jesus helped by the spiritual conversations of Master Echkart granted to Dominican novices in Germany between 1294 and 1298.

He teaches in Paris, Strasbourg and Germany. For him, God remains the hidden God announced by the prophet Isaiah and beyond all concepts, known as unknown: the unspeakable God who comes to live in man. Negative knowledge of God, apophaticism, we know about God what he is not.

It is the love that unites loving God and beloved humanity. But for this, the disciple of Jesus the Christ must experience detachment, the renunciation of his own will, of his ego, to receive his true self in grace as a free gift from God.

Mystics are like diamonds. Nothing looks like a real diamond like a fake diamond. The true mystic participates in the Mystery of God which is charity. We recognize the value of mystics by their fruits. A good mystic bears good fruit. He does not lead to himself but to God. He renounces everything to receive everything from God, like the paschal mystery of death and resurrection of Jesus. “Todo y nada”, said Saint John of the Cross. You have to go through nothing, through death, to achieve resurrection. The starting point of spiritual life, the alpha point, is indeed renunciation, nothing, to reach the omega point, in the resurrected Christ. Saint Thérèse of the Child Jesus exclaimed: “Everything is grace! « .

This mystical life is not reserved for a few religious people outside the world but for all the baptized, immersed in the annihilation of Christ’s death and glorified in his resurrection. The mystical life does not depend on geographical places like monasteries nor academic knowledge of learned theologians but of a state of mind: faith acting in charity, following Jesus.

This is how every Christian ascends to the Father through Jesus, traveling the path of the cross and exulting in the new birth of spiritual resurrection.In this sense, every baptized person is called to become a mystic, with a Christian vision of man and history. Through his supernatural soul, man opens himself to the life of God. Through his faith in God who walks with humanity, history does not appear as chaos but as a succession of deaths and resurrections where Jesus the Christ acts in synergy with believers to elevate them towards God the Father.

Let us make the sign of the cross, the sign of love which renounces even unto death and which bears fruit like the grain of wheat fallen into the ground which becomes an ear.

All: In the name of the Father and of the Son and of the Holy Spirit. Amen.

Credo. Our Father. 3 Ave Maria. Gloria.

First painful mystery: Gethsemane. From the Gospel according to Saint Mark 14.32 f: “Arriving at an area called Gethsemane, Jesus said to his disciples: “Stay here while I pray. » Then he takes with him Peter, James and John, and he begins to feel fear and anguish. And he said to them: “My soul is sad to death; stay here and watch.” Having gone a little further, he fell to the ground, and he prayed that, if it were possible; this hour passed away from him. And he said: “Abba (Father)! everything is possible for you: take this cup away from me; However, not what I want, but what you want! « .

Praying does not mean reciting prayers but entering into Jesus’ prayer: “Abba (Father)! everything is possible for you: take this cup away from me; However, not what I want, but what you want! « . Prayer of filial abandonment to the will of God the Father in renunciation.

Many people seek an effective prayer to resolve their insoluble problems, the intercession of a saint who is stronger than the others…

Master Eckhart highlights the most effective prayer. This prayer does not find its strength in words but in the spirit of the one who prays. The most powerful prayer is indeed the one that comes from a renounced spirit: “The more the spirit is renounced, the stronger, more worthy, more useful, more praiseworthy and more perfect the prayer and work. » (Teachings to Dominican novices).

God listens to those who do not seek their personal interest but the good of God and their neighbor, detaching themselves from temporal goods. When the praying person is not tied to anything and he leaves his ego to accomplish the will of God, he receives everything from God.

It becomes illusory to imagine that it is by changing place that we will find peace and fulfillment. Liberation and salvation do not depend on geographical locations but on the deep attitude of the spirit. The challenge thrown by Jesus in the Gospel is to leave oneself. No need to dream of happiness that would be found abroad, in a monastery or in a hermitage, declares Master Eckhart. Dissatisfaction arises from one’s own, egocentric desire. Suffering comes not from the things themselves which hinder freedom but from the way of living daily realities: “It is you who hinders yourself in things”.

Peace does not reside in external things but in the renunciation of one’s pride and self-will. Those who travel far and wide in search of peace only stray from the goal to the extent that they do not renounce their will. And Maître Eckhart cites the first of the beatitudes, the basis of Christian life: “Blessed are the poor in spirit” (Mt 5:3) and further in the same Gospel of Saint Matthew: “He who wants to follow me, let him first deny himself” (Mt 16:24). In a word: “Leave yourself”.

God only gives himself to those who lose their footing, total control of their existence, to follow Jesus in faith: “God enters you with his whole being, to the extent that you strip yourself of yourself by all things « .

Detach yourself from things and creatures to attach yourself to God and receive everything as a free gift. It is not a question of falling into the void but of a disposition of the mind turned entirely towards God as the source of life: “He who attaches himself to God, God and all virtue attaches to him”. And this gift of oneself to God remains an enterprise never completed in the spiritual life because a renunciation calls for new renunciations to achieve perfection in the resurrection granted to the dead who die in faith.

Let us pray for those who seek God and for those who have cast Him aside.

Let us pray that Christians will discover the richness of baptismal life and the treasures of the mystical teachings of the Catholic Church.

Let us pray for those who have left the Church in search of mystical experiences in other religions without having tasted the infinite and happy Wisdom of the Bible, the Fathers of the Church and Christian mystics.

Our father. Ave Maria. Gloria

Second painful mystery: Jesus before the Sanhedrin.

From the Gospel according to Saint Mark 14, 63: “Some began to spit in the face of Jesus, to slap him and to say to him: “Prophet!” » And the valets beat him. 

Trials and persecutions can become an opportunity for improvement in the faith of the Christian, who discovers the strength of God in his weakness. Master Eckhart quotes Saint Paul: “Virtue is perfected in infirmity” (2 Cor 12:9).

But God remains loving in the heart of pain and contradiction: “God is hidden in the depths of the soul”. And the love of God grows in proportion to faith acting through charity. Without comfort, without health, without success, the Christian is not separated from God, his consolation: “The friends of God are never without consolation”.

Let us pray for Christians persecuted because of their faith.

Let us pray for those who despair in trials.

Let us pray for those who are drawn to suicide, without hope.

Our father. Hail Mary. Gloria.
Third painful mystery: The crowning of thorns.

From the Gospel according to Saint Mark 15, 16f: “The soldiers took Jesus inside the palace, which is the Praetorium, and they summoned the whole cohort. They clothe him in purple, then, having woven a crown of thorns, they put it on him.

Fourth painful mystery: carrying the cross.

From the Gospel according to Saint Mark 15, 21f: “The soldiers required to carry the cross of Jesus, Simon of Cyrene, the father of Alexander and Rufus, who was passing by, returning from the fields. And they bring Jus to a place called Golgotha, which translates to the place of the Skull. »

Simon of Cyrene encountered God in the person of Jesus suffering on the road to Calvary. He came home tired after working in the fields and suddenly he was chosen by a Roman soldier to help Jesus carry his cross. What seemed to the world like a chore and a moment of bad luck turned out to be an event of grace. Freed from evil through contact with the holiness of Jesus, his spirit prayed to the rhythm of the sacred Heart of Jesus. He addressed a few words to him which are part of the secret in Heaven. His heart was cleansed of its sins by the look of recognition and love of Jesus. His sins were atoned for by his act of charity.

The heart of Simon of Cyrene was inflamed with love at the physical and spiritual contact of Jesus, under the hard wood of the cross. In doing so, Simon of Cyrene was closer to God than ever before. Master Eckhart distinguishes in Jesus his superior forces which made him possess and enjoy eternal beatitude and his interior forces which remained at the same time in the greatest

suffering. In Jesus were united both divine beatitude and human pain. The two natures of Christ Jesus, divine and human, are united “without confusion or change, without division or separation”, as defined by the Ecumenical Council of Chalcedon in the year 451.

His gesture of a few minutes received eternal value. Without knowing it, he participated in the Redemption of humanity.

This meeting turned his life upside down. He discovered the divine presence in the person of a tired and exhausted convict. Inhabited by grace, Simon of Cyrene praised God the Father in communion with Jesus. From now on he will see the world through the eyes of Jesus.

Let us pray for the sick.

Let us pray for all those who care for others in their suffering: parents to their children, educators, nurses and doctors.

Let us give glory to God for all the gestures of humanity, solidarity and tenderness that are experienced every day.

Our father. Hail Mary. Gloria.

Fourth painful mystery: carrying the cross.

From the Gospel according to Saint Mark 15, 21f: “The soldiers required to carry the cross of Jesus, Simon of Cyrene, the father of Alexander and Rufus, who was passing by, returning from the fields. And they bring Jus to a place called Golgotha, which translates to the place of the Skull. »

Simon of Cyrene encountered God in the person of Jesus suffering on the road to Calvary. He came home tired after working in the fields and suddenly he was chosen by a Roman soldier to help Jesus carry his cross. What seemed to the world like a chore and a moment of bad luck turned out to be an event of grace. Freed from evil through contact with the holiness of Jesus, his spirit prayed to the rhythm of the sacred Heart of Jesus. He addressed a few words to him which are part of the secret in Heaven. His heart was cleansed of its sins by the look of recognition and love of Jesus. His sins were atoned for by his act of charity.

The heart of Simon of Cyrene was inflamed with love at the physical and spiritual contact of Jesus, under the hard wood of the cross. In doing so, Simon of Cyrene was closer to God than ever before. Master Eckhart distinguishes in Jesus his superior forces which made him possess and enjoy eternal beatitude and his interior forces which remained at the same time in the greatest

suffering. In Jesus were united both divine beatitude and human pain. The two natures of Christ Jesus, divine and human, are united “without confusion or change, without division or separation”, as defined by the Ecumenical Council of Chalcedon in the year 451.

His gesture of a few minutes received eternal value. Without knowing it, he participated in the Redemption of humanity.

This meeting turned his life upside down. He discovered the divine presence in the person of a tired and exhausted convict. Inhabited by grace, Simon of Cyrene praised God the Father in communion with Jesus. From now on he will see the world through the eyes of Jesus.

Let us pray for the sick.

Let us pray for all those who care for others in their suffering: parents to their children, educators, nurses and doctors.

Let us give glory to God for all the gestures of humanity, solidarity and tenderness that are experienced every day.

Our father. Hail Mary. Gloria.

Fifth painful mystery: The death of Jesus. From the Gospel according to Saint Mark 33f: “When it was the sixth hour, darkness fell over the whole earth until the ninth hour. And at the ninth hour Jesus cried out with a loud cry: “Eloi, Eloi, lema sabachtani,” which translates: “My God, my God, why have you forsaken me? « .

On the cross, the body of Jesus carries within it the sins of all humanity. Like a sponge soaked in vinegar and gall, the holy body of Jesus is soaked in sin, that is, the rejection of God in ignorance and pride. “God made him sin for us,” writes Saint Paul (2 Cor 5:21). It is this sin of the world taken by him which feels the abandonment of God well beyond the physical tortures of the cross: “My God, my God, why have you abandoned me? « .

But God did not abandon his beloved Son who stripped himself of the glory that was his since before the foundation of the world to fulfill the loving will of God the Father who wants the salvation of humanity.“God only acts according to his own will,” teaches Master Eckhart. This is why God exalts his Son Jesus in the resurrection because he accomplished the mission entrusted to him: “It is finished”.

“Man must learn in all gifts to disappropriate himself and to keep nothing of his own, nor seek anything, nor utility, nor pleasure, nor intimacy ; neither sweetness, nor reward, nor kingdom of heaven, nor self-will.

God has never given himself and he never gives himself in a will that is foreign to him. He only gives himself to his own will. But where God finds his will, then he gives himself and lets himself enter into this will with all that he is. The more we disincorporate ourselves from ourselves, the more truly we incorporate ourselves into him,” Master Eckhart teaches the Dominican novices

Death represents the absolute renunciation of life; total deprivation, limitless poverty. Far from being the final fall into emptiness and nothingness, death brings man closer to his resurrection. It is to be celebrated as the major act of a life and the summit of an existence, the gateway to eternal Life. “I do not die, I enter life,” declared Saint Thérèse of the Child Jesus and the Holy Face. Union of the believing will of Christians with the will of God. Communion of wills, transforming in love.

Let us pray that death will be celebrated with dignity in our churches.

Let us pray that the Lord grants us to die fulfilling His will.

Let us pray for those who died today or who will die tonight.

Our father. Ave Maria. Gloria.

 

Final Prayer:

Lord our God, may the splendor of the Resurrection illuminate us, so that we may escape the shadow of death and attain eternal light in your Kingdom. Through Jesus, the Christ, our Lord. Amen.

Blessing:

May the Lord who saved us by his cross be to us the resurrection and the life. Amen.

Fr. Manuel Rivero, o.p.

 

 

 

Écho de notre page Facebook : janvier 2024

Prochain événement 9/10 mars 2024

 

 

28 janvier 2024

Fête de S. Thomas d’Aquin, op,

Thomisme de commande ou thomisme de conviction ?

La preuve n’est plus à faire que le thomisme du P. Lagrange n’est pas un thomisme de commande (imposé aussi bien qu’affecté), dont le vernis s’écaillerait à la première occasion, mais un thomisme de conviction, dont la certitude l’inspire en permanence. Y a-t-il rien de plus conforme à l’esprit de saint Thomas que la « confiance dans la force de la vérité » (1) ?

« Il me tarde, comme à vous, qu’on puisse étudier la question simplement pour découvrir la vérité, qui ne peut être contraire à ce qu’enseigne l’Église. Mais beaucoup veulent qu’on ne dise rien que ce qui va directement à l’édification, sans prendre garde que ce qui édifie le plus, ce qui est le propre de l’Église, c’est de rechercher toujours la vérité. La fidélité à saint Thomas a maintenu Lagrange et son École dans le droit fil de la vérité. Aussitôt après le décret Lamentabili (3.7.1907) et l’encyclique Pascendi (8.9.1907) dont Sylvain Leblanc, en 1931, affectait de croire que les condamnations frappaient autant Lagrange (ou Batiffol) que Loisy, le fondateur de l’École biblique pouvait constater :

« J’ai vu avec plaisir que pas une revue, même des plus antipathiques, n’a fait allusion à nous comme englobés dans les documents pontificaux. Je crois que nous le devons à notre fidélité à saint Thomas (24.11.1907). (Mgr Sevin) m’a toujours dit que mon attachement à la doctrine de saint Thomas m’avait préservé d’erreur (1.11.1912). (2) »

  • Rome, 1972. « Si l’on songe, par exemple, que tel ouvrage critique du R.P. Lagrange n’a pas osé voir le jour, comment espérer que ce même savant publie le récit détaillé et complet de ses détresses intimes, à la veille et au lendemain des Bulles pontificales qui ne le condamnaient pas moins qu’elles ne condamnaient M. Loisy ? » (p. 144, et encore p. 173-174)
  • MONTAGNES, Exégèse et obéissance. Correspondance Cormier Lagrange (1904-1916), Paris, 1989, p. 170, note 61 ; p. 372. De même, le 25.8.1909 : « Pour ma part, je tiendrais même à avoir toujours (à Saint-Étienne) un thomiste, ne fût-ce que pour bon conseil. Quand j’ai commencé à écrire, on m’accordait volontiers de bien connaître saint Thomas. Maintenant on trouve cette concession trop flatteuse, et on a persuadé le Saint-Père que je ne sais pas de théologie. Je suis toujours disposé à subir à Rome les examens que l’on voudra. » Ibid., p. 245.

Bernard Montagnes o.p. « Le thomisme du P. Lagrange. » https://mj-lagrange.org/wp-content/uploads/2014/03/Montagnes-Le-thomisme-du-père-Lagrange.pdf

23 janvier 2024 

« Qui sont ma mère et mes frères ? » Et jetant un regard sur ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, Jésus dit : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là qui est mon frère, et ma sœur, et ma mère ! » (Marc 3, 33-35)

 

Le P. Lagrange commente : Cette réponse contient donc un point essentiel de la doctrine : elle indique le caractère de la prédication de Jésus, l’appel le plus cordial aux bonnes volontés avec l’assurance de rencontrer en échange dans son Cœur ce que les affections humaines ont de plus tendre. Cela est mis en pleine lumière. D’autres considérations demeurent dans l’ombre. Les devoirs sacrés de la famille ne sont pas niés. Jésus ne renie pas sa Mère. On voit seulement qu’il attache plus de prix à ses sentiments envers Dieu qu’aux soins dont elle a bercé son enfance. L’Église en mettant Marie à la tête de la nouvelle famille spirituelle de Jésus, très haut au-dessus de tous les saints, a interprété sa pensée.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique. Préface de Jean-Michel Poffet o.p. Artège, 2017.)

 

10 janvier 2024

Charité, douceur et prière fervente et continuelle, voilà les deux moyens d’aimer Jésus. (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel.)

Jour-Anniversaire du « dies Natalis » du P. Marie-Joseph Lagrange, o. p., le 10 mars 1938 à Saint-Maximin (Var).

C’est le jour choisi par Fr. Manuel Rivero, o. p. président de l’association des amis du père Lagrange pour célébrer mensuellement une messe en son souvenir ; messe au cours de laquelle sont confiées les intentions de tous ceux qui prient pour sa béatification, demandent son intercession pour obtenir une grâce et pour la réalisation d’un miracle ; miracle nécessaire pour faire avancer sa Cause. Le pape François nous encourage à découvrir la force de la prière. Dans le livre « Prier 15 jours avec le père Lagrange » le lecteur est invité à mettre ses pas dans les pas de Jésus à la manière du père Lagrange. L’homme contemporain a besoin de modèles de sainteté qui soient imitables et en qui il puisse se reconnaître. Le parcours humain et intellectuel du fondateur de l’École biblique de Jérusalem peut aider à rapprocher l’Évangile l’homme moderne souvent désorienté et angoissé, en lui proposant non pas le rejet de sa culture mais sa transfiguration lumineuse par l’intelligence de la foi. Il en va dans l’aventure chrétienne comme dans la chimie : rien ne disparaît, tout se transforme. (Extrait du livre « Prier 15 jours avec le père Lagrange » par Fr. Manuel Rivero o.p. – Nouvelle Cité, 2008.)

Pour la glorification du serviteur de Dieu MARIE-JOSEPH LAGRANGE

Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu. À la lumière de la Loi de Moïse, des prophètes et des psaumes, il a scruté le mystère de Jésus-Christ et son cœur est devenu brûlant. Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du rosaire. Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves.

Nous te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier : (préciser lesquelles) ……………………………………

Nous te le demandons, Père au nom de ton Fils Jésus-Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen.

Vice-Postulation. Dominicains 9 rue Saint-François de Paule 06300 Nice – France

Pour faire part des grâces reçues : Association des amis du père Lagrange-Couvent des Dominicains-9 rue Saint-François-de-Paule – 06300 Nice-France ou manuel.rivero@free.fr ou directement sur Facebook

3 janvier 2024

Le Saint Nom de Jésus

Le Sauveur promis et annoncé à Israël, né dans Israël, devait se présenter comme l’héritier de la promesse faite à Abraham sanctionnée par l’institution religieuse de la circoncision. La Loi de Moïse avait conservé ce rite. Les parents de Jésus, sa mère et son père adoptif, n’ayant reçu du ciel aucune autre instruction, ne pouvaient que se conformer à cette loi, en pieux israélites. Jésus fut donc circoncis le huitième jour, et on lui donna le nom de Jésus, indiqué par l’ange à Marie et à Joseph. (Marie-Joseph Lagrange, OP. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 65.)

En donnant à l’enfant le nom de Jésus, [Joseph] montre qu’il est instruit du plan divin et qu’il y entre librement. Ayant pris Marie pour femme, il accepte la paternité légale de Jésus, qui en réalité est conçu du Saint-Esprit. Le miracle ne devait se produire qu’une fois, mais il suffisait pour que Marie fut désormais et à jamais épouse du Saint-Esprit. Les situations étaient fixées. (Marie-Joseph Lagrange, OP. L’Évangile selon Saint Matthieu, Lecoffre-Gabalda, 1941, p. 18.)

 

1er janvier 2024 : Heureuse et Sainte Année à tous nos adhérents que nous remercions pour leur soutien !

En chemin avec Marie, Mère de Dieu.

La Vierge Marie conduit Marie-Joseph Lagrange à Jésus et Jésus le conduit à sa Mère : « Je viens à vous, ô Marie, accablé sous le poids de mes péchés et de mes défauts, de mes vices. Puisque vous m’avez voulu – dessein insondable de miséricorde – sauvez-moi, donnez-moi à Jésus, donnez-moi Jésus » (Journal spirituel, 9 décembre 1880). « Mon Seigneur Jésus, donnez-moi à Jésus, donnez-moi Jésus. » (JS 27 septembre 1898). « Mon Seigneur Jésus donnez-moi la Très sainte Vierge pour Mère. » (JS 8 septembre 1880). Il cherche à aimer Jésus comme sa mère l’a aimé. La foi de l’Église est la foi de Marie. Qui a connu et aimé Jésus comme sa mère Marie ? Avec Jésus, le père Lagrange aspire à aimer Marie comme son Fils l’a aimée. C’est pourquoi il a osé se lancer dans la rédaction de l’Évangile de Jésus-Christ. (JS, 1926). (Extrait du livre de Fr. Manuel Rivero, o.p., Le père Lagrange et la Vierge Marie, Méditations des mystères du Rosaire, Cerf, 2012.)

Que du haut du Ciel, le père Lagrange nous bénisse et nous guide.

Photo : Marie, Mère de Dieu (détail) Bernardino Pintoricchio (1452-1513)

Bulletin d’adhésion2024+RIB-Association des Amis du Père Lagrange

Écho de notre page Facebook : décembre 2023

31 décembre 2023

La Sainte Famille

Le père Lagrange se souviendra toujours de l’ambiance de sa maison familiale marquée par les dialogues avec sa mère qui fut aussi sa mère spirituelle. Comment ne pas relier sa vie et son interprétation de l’humanité de Jésus-Christ ?

On dirait qu’il eut en lui [Jésus], comme en d’autres, quelque chose de l’influence de sa mère. Sa grâce, sa finesse exquise, sa douceur indulgente n’appartiennent qu’à lui. Mais c’est bien par là que se distinguent ceux qui ont senti souvent leur cœur comme détrempé par la tendresse maternelle, leur esprit affiné par les causeries avec la femme vénérée et tendrement aimée qui se plaisait à les initier aux nuances délicates de la vie. (M.-J. Lagrange, « Marie de Nazareth », L’Écriture en Église, Cerf, 1990, p. 149-157.)

C’est elle aussi qui témoigne d’un parfait esprit détachement à l’égard des créatures. Elle aimait saint Joseph d’un grand amour qui comportait le détachement (Journal spirituel, 21 avril 1881). En accomplissant les mêmes actions quotidiennes que leur enfant Jésus, Marie et Joseph offraient tout au Seigneur en communion spirituelle avec lui. (Manuel Rivero, o.p., Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire. Cerf, 2012.)

 

28 décembre 2023

La fuite en Égypte (Matthieu 2, 13-18)

13 Après qu’ils se furent retirés, voici qu’un ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, disant : « Lève-toi, prends l’Enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Et restes-y jusqu’à ce que je te donne avis. Car Hérode va chercher l’Enfant pour le faire périr ! » 14 Lui donc se leva, prit l’Enfant et sa mère pendant la nuit et se retira en Égypte.

15 Il y demeurait jusqu’à la mort d’Hérode, afin que fût accompli ce qui avait été dit par le Seigneur, par le ministère du prophète : J’ai appelé d’Égypte mon fils.

16 Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les Mages, entra dans une grande fureur. Et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l’enfant de deux ans et au-dessous, selon le temps qu’il avait appris exactement des Mages.

17 Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : 18 Une voix a été entendue dans Rama, lamentation et maint gémissement : Rachel pleure ses enfants et n’a pas voulu être consolée, car ils ne sont plus.

Extrait du commentaire du P. Lagrange :

Tout indique que l’apparition suivit de très près le départ des mages. […] L’Égypte avait été souvent un lieu de refuge contre le pouvoir qui dominait à Jérusalem. […] Il semble que Joseph se lève après l’ordre reçu et part de nuit un instant sans perdre un instant. Nous ne savons pas dans quel endroit d’Égypte Joseph conduisit l’enfant et sa mère. […] D’après la tradition officielle de l’église copte le souvenir du passage du séjour de la Sainte Famille est localisé dans un certain nombre de sanctuaires dont le plus fameux est le monastère de Koskam, en Moyenne-Égypte, près d’Asmunaïm, ce qui ne cadre pas mal avec la légende du palmier d’Hermonopolis.

Le massacre des Innocents : C’était se jouer d’Hérode, du point de vue du tyran, que de se dérober par la suite au lieu de répondre à son invitation et d’obéir à ses ordres. Il n’attendit guère pour s’informer des mages et appris qu’ils avaient disparu. Assurément, selon les usages orientaux de la vie au grand air, tout Bethléem avait su où les mages étaient entrés. Mais la sainte Famille n’était plus là. On pouvait croire qu’elle n’était guère éloignée. Plutôt de s’enquérir, Hérode fait tuer tous les enfants mâles dans la petite ville et dans ses limites. […] On estime à une vingtaine le nombre des victimes. Il n’y a pas lieu de franchir les bornes de la petite cité, bornes qui étaient parfaitement connues par l’usage. […] Le massacre de Bethléem devient la précaution normale d’un despote oriental, tel qu’Hérode l’était réellement.

Matthieu écrit sans doute pour éviter qu’on n’entende le massacre comme un fait directement voulu de Dieu. […] Cette fois le prophète est nommé, c’est Jérémie. […] Si Jérémie a pu représenter Rachel inconsolable au départ de ses fils pour l’exil, cette figure trouve une application réelle, et plus vive encore, pour peindre la douleur des mères israélites dont Hérode avait fait massacrer les enfants.

L’Évangile selon saint Matthieu par M.-J. Lagrange, Lecoffre-Gabalda, 1941.

25 décembre 2023

L’Association des amis du père Lagrange pour souhaite une Joyeuse et Sainte Fête de la Nativité du Seigneur !

« Oui, le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’un tel Fils unique tient d’un tel Père, plein de grâce et de vérité. » (Jean 1, 16)

Commentaire du P. Lagrange (extrait) :

Ce dogme du Verbe est donc le dernier mot de l’évangile sur Jésus-Christ, mais tel que saint Jean l’a compris, il rappelle un autre sens encore de l’évangile. L’évangile n’est pas seulement un livre, car il serait ainsi l’apanage d’une catégorie savante, et il a été donné à tous. Il n’est pas seulement une doctrine, car la doctrine suppose encore des recherches et un privilège des lettrés, et il a été donné aux petits et aux simples.

Il faut donc que nous le considérions tel que saint Paul l’a défini : « La vertu de Dieu pour le salut de quiconque croit (Rm 1,16). Conçu de la sorte, l’Évangile n’est plus une réalité du passé : il est présent dans toutes les générations et à tous dans chaque génération. C’est le Verbe, Parole divine, qui use de son privilège d’éternité pour adresser à tous les siècles son appel.

 Lire le texte en entier dans : Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège, éd. 2017, p. 674.)

Photo : Nativité par Maud et Miska Petersham, USA, 1933.

 

24 décembre 2023

Toute la vie du père Lagrange a été marquée par la présence de la Mère du Seigneur. Lui qui signait : fr. M.-J. Lagrange, B. Mariae servus et filius, (serviteur et fils de la Bienheureuse Vierge Marie). Il s’est mis à son école.

Prédication pour le dimanche 24 décembre 2023.

Cathédrale de Saint-Denis de La Réunion.

Fr. Manuel Rivero O.P. Président de l’Association des amis du père Lagrange.

Réjouis-toi Marie, réjouis-toi Église, comblée de grâce.

A la veille de Noël, la liturgie nous introduit dans le mystère du commencement de notre Salut : l’Annonciation. Appelée par les Pères de l’Église la fête de la racine, l’Annonciation de l’archange Gabriel à Marie révèle « le mystère gardé depuis toujours dans le silence » (Rm 16, 25). Mystère de l’amour de Dieu qui n’apprécie pas le tapage ; amour qui ne s’impose pas mais qui se propose à Marie, représentante de l’humanité en sa maison de Nazareth. Rencontre intime dans la lumière de la prière entre l’ambassadeur du Seigneur, Gabriel, et Marie, choisie de toute éternité. Échange dans la liberté et l’intelligence. Dialogue dans la joie de l’Esprit Saint : « Le Seigneur est avec toi, sois sans crainte ».

La manière de faire de Dieu à l’Annonciation nous manifeste le cœur de Dieu où il n’y a point de domination. Là où il y a de la domination et de la volonté de puissance, Dieu n’y est pas.

Plongé dans la culture médiatique, l’homme contemporain risque de se faire illusion en pensant que seul existe ce qui est montré de manière spectaculaire dans les réseaux sociaux.

« Vraiment tu es un Dieu qui se cache », s’était exclamé le prophète Isaïe (Is 45, 15).

Le poète Christian Bobin a bien décrit cette expérience du ressenti de la vie dans la discrétion, quand il écrit : « La vie ne va jamais se montrer là où il y a la puissance affichée, là où il y a une puissance montrée, costume d’une fonction, d’une représentation ; l’espace vivant se restreint comme un animal farouche, comme une bête qui craint les chasseurs. Rien de vivant ne passe. L’espace du vivant diminue ».

La force de l’amour de Jésus le Christ se manifestera lors de sa résurrection, quand il sortira vivant du tombeau par l’énergie de l’Esprit Saint sans témoins oculaires. Le commencement du Salut à l’Annonciation dans la discrétion s’accorde avec la résurrection de Jésus dans la nuit pascale et avec les apparitions aux apôtres et aux disciples.

A l’Annonciation, le Fils de Dieu entre dans la vie des hommes, petit et humble. Mystère d’abaissement. Pour sauver l’homme, le Fils de Dieu devient homme. L’Éternel entre dans le temps. Le Très-Haut devient le très-bas, dans la crèche de Bethléem. Le Saint partage la condition des pécheurs. Le Dieu incorruptible entre dans la mort pour revêtir l’humanité de la gloire perdue par le péché. Dieu qui donne la vie se reçoit d’une femme, Marie, qui l’accueille dans son sein maternel et le façonne avec ses mains de tendresse, sa voix et son amour. Dieu, Sagesse,  apprend un métier de la part d’un homme, Joseph, charpentier-forgeron.

Le Fils de Dieu se donne en se recevant.

Mes frères, mes sœurs, qu’il est difficile d’adhérer à ce mystère de l’Incarnation, originalité de notre foi. Il nous faut tout un cheminement pour passer des croyances religieuses à l’Évangile du Fils de Dieu fait homme, crucifié et ressuscité pour nous sauver de nos péchés. « Scandale pour les Juifs, folie pour les païens », écrira saint Paul (1 Cor 1, 23), mais sagesse de Dieu.

L’archange Gabriel avait annoncé à Marie l’avènement du Messie, qui serait « grand », Fils du Très-Haut », sur le trône royal de David, son ancêtre. Nous comprenons le désespoir des disciples d’Emmaüs qui s’attendaient à une victoire militaire : « Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël » (Lc 24, 21). Voilà que la croix est devenue son trône, l’élévation sur la croix son élévation en gloire, Jésus, le Très-Haut, a été mis en terre, enseveli. Son règne qui ne devait pas avoir de fin s’est éteint dans un dernier soupir sur le Calvaire. Le Saint a subi les moqueries des pécheurs. Les ténèbres ont enveloppé la terre.

Dans le cœur du monastère bénédictin de Palacios de Benaver en Castille (Espagne), les fidèles louent le Seigneur en contemplant un beau tableau de Noël : la Vierge Marie se penche vers l’Enfant-Jésus couché sur la croix, placée sur la paille de la crèche.

Nous aimons la culture de Noël, la musique et les traditions, le folklore et les décorations, les cadeaux et la solidarité. Mais demandons à Dieu la grâce de contempler et d’entrevoir le grand mystère de son amour pour les hommes, amour caché et présent en nos cœurs. Le fils de Dieu qui a fait sa demeure en Marie, demeure en nous par la foi. La pauvreté de la crèche de Noël annonce déjà la croix. Le message de l’archange Gabriel à Marie nous oriente déjà vers l’allégresse de la résurrection. L’abaissement et l’humilité du Fils de Dieu font resplendir sa grandeur divine mieux que l’immensité des cieux.

Le saint pape Jean-Paul II qui a traversé l’allée centrale de notre cathédrale au mois de mai 1989, nous a légué cette belle formule, résumé de notre foi : « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme ».

Réjouissons-nous !

16 décembre 2023

Prière du P. Lagrange

 

« Mon Seigneur Jésus, je n’ai plus confiance qu’en votre amour. Ma douce et tendre Mère, tota Mater, Marie Immaculée, vous êtes ma vie, ma douceur, mon espérance : oui, vous me sauverez, vous me permettrez de célébrer vos grandeurs et votre miséricorde, vous me donnerez Jésus, vous me donnerez à Jésus ; je suis encore tout accablé du poids de mes péchés et de ma misère, mais j’espère en vous. »

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, Cerf, 2014. P. 130.)

 

 

 

12 décembre 2023

« Ô mon Dieu, j’ai crié vers vous pour avoir votre amour, et il me semble que vous me répondez que je ne l’aurai pas sans la Croix. Ah ! Seigneur Jésus, da quod jubes et jube quod vis. – Fiat mihi secundum Verbum tuum [Donne ce que tu commandes et commande ce que tu veux (Saint Augustin, Confessions, 10, 29-40]). <Secundum hominen> [Selon l’homme]. La vie religieuse par elle-même renferme des croix, où donc sur la terre vit-on sans souffrances ? Cependant l’étude, les joies de l’intelligence, l’estime des honnêtes gens, le plus noble des sentiments, l’amitié, peuvent répandre sur la vie religieuse tant de consolations qu’elle devient un idéal assez désirable de vie noble et indépendante, <Secundum Jesum [Selon Jésus]> Mais aussi, dans cette même vie religieuse, on peut vivre sans être connu ni estimé du monde, en butte aux mépris <du monde peut-être, quelquefois>, à la défiance des supérieurs, mal compris de ses frères, en proie aux souffrances physiques, aux peines intérieures, sans autre consolation que l’amour de Jésus. C’est cela, ô mon Dieu, que je vous demande humblement par l’intermédiaire de ma Mère Marie Immaculée. Cependant ces peines ne dureront pas ordinairement toujours, il suffit de les supporter avec joie quand elles se présentent ; et quant aux premières consolations, ne pas s’y arrêter, mais rendre grâce à Dieu, dont elles émanent. »

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, Cerf, 2014, 12 décembre 1880.)

 

10 décembre 2023 : Jour-anniversaire du départ au Ciel du Fr. Marie-Joseph Lagrange, o. p., grande figure dominicaine.

Tous les amis du P. Lagrange, prient pour sa prochaine béatification. Confions-lui les grâces dont nous avons besoin pour qu’elles soient présentées par Fr. Manuel Rivero, o. p. au cours de la messe célébrée en ce jour.

Dans son livre Dictionnaire amoureux de Jérusalem, Jean-Yves Leloup, Plon, 2010, décrit ainsi le P. Lagrange : (À Jérusalem) C’est là que j’entendis souvent parler de lui comme d’un saint et en même temps comme d’un grand savant. « Nous avons besoin aujourd’hui de savants qui soient des saints et de saints qui soient des savants », disait Simone Weil, et Gustave Thibon me répétait souvent cette phrase, d’où une certaine fascination pour le père Lagrange […]. Fidèle à l’encyclique « Providentissimus Deus » du pape Léon XIII, il cherche la solution des difficultés soulevées par l’analyse rationaliste de la Bible par une exégèse à la fois traditionnelle et progressive.

Sa méthode rigoureuse et scientifique faisait peur à certains membres de la hiérarchie, comme si la science et la raison pouvaient être des menaces pour la foi. Pour le père Lagrange il s’agissait davantage d’élaborer des instruments susceptibles d’approfondir la foi et de la délivrer de l’illusion ou de la superstition. Néanmoins, il fut « censuré » par les autorités de son ordre et les autorités romaines et il dut, en 1912, s’éloigner de Jérusalem et de l’école qu’il avait fondée. Il ne fut jamais formellement condamné mais jamais non plus réhabilité, ce qui fut pour lui source de questions et de souffrances. Il continua pourtant à mettre son intelligence au service des Écritures et d’une interprétation qui en respecte le contexte et l’inspiration. […] Un procès en vue de sa béatification a été ouvert en 1988, cinquante ans après sa mort. Sa mémoire et sa présence continuent d’inspirer les frères et les étudiants de l’École biblique de Jérusalem dans leurs laborieuses recherches où la « saveur » de la certitude n’est pas toujours au rendez-vous – la foi demeure…

 

8 décembre 2023

Solennité de la fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie

Ne sachant qu’écrire aujourd’hui, la pente de mon cœur m’amène à vos pieds, ô Vierge Immaculée. Je vous vois dans la pauvre maison de Nazareth ; que d’humbles offices, que d’humiliations. Notre-Dame, dit St Bonaventure, n’avait pas d’autre serviteur que son Fils Jésus : quelle source d’attendrissement et d’amour, les services, l’empressement filial d’un Dieu ! Et Jésus est toujours ainsi auprès de l’âme qui l’aime : il est venu pour servir… C’est là que je viendrai apprendre l’humilité : daignez me l’enseigner, humble ménagère de Nazareth, Reine des Anges. (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, 17 novembre 1880.)

La piété des parents d’Albert (son nom de baptême) façonna celle de leur fils. Né à Bourg-en-Bresse, le jeune Albert fut impressionné par le « saint curé », son voisin du village d’Ars, puis voua une admiration sans borne à l’image de la Vierge vénérée à Autun, ville où il passa ses années de petit séminariste, avant de recourir aux prières de l’Immaculée honorée sur la colline de Fourvière, protectrice de la ville de Lyon. Cette dernière dévotion l’amena un jour à protester publiquement contre l’enseignement d’un théologien « thomiste » de Salamanque qui tournait en dérision les arguments de Duns Scot en faveur du dogme de l’Immaculée Conception. Un incident qui aurait pu provoquer à l’époque son exclusion de l’Ordre des Prêcheurs. Lagrange ne supportait pas que l’on puisse mettre en question l’honneur de « son » Immaculée. (Extrait de l’interview de Fr. Augustin Lafay, o.p. par Fr. Guy Musy, o.p. Marie-Joseph Lagrange. Le secret d’une vie.)

« Tota pulchra es ! Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache originelle n’est point en vous. » Ce cri d’admiration répond bien au sentiment de l’humanité, qui porte la souillure du péché, devant la pureté sans tache de la très sainte Vierge. Ayant décidé de toute éternité de faire de Marie la mère du Verbe incarné, Dieu l’entoura d’une parure de sainteté et fit de son âme une demeure digne de son Fils. La rédemption totale qui, dès sa conception, préserva la Sainte Vierge du péché originel lui-même, n’est pas à séparer de notre propre rédemption par le Christ. Placée au cœur de l’Avent, la fête de l’Immaculée Conception annonce les splendeurs de l’incarnation rédemptrice.

Instituée par Pie IX lors de la proclamation du dogme, le 8 décembre 1854, la fête actuelle a connu plus d’un précédent. Dès le VIIIe siècle, on célébrait en Orient une fête de la « Conception » de la Vierge, que l’on retrouve au IXe siècle en Irlande et au XIe en Angleterre. Ces fêtes anciennes témoignent d’un culte traditionnel envers la pureté sans tache de la Vierge Marie ; la définition solennelle de Pie IX n’a fait qu’en préciser le sens et affirmer la foi constante de l’Église. (Extrait du missel quotidien vespéral présenté, traduit et commenté par Dom Gaspar Lefebvre et les moines Bénédictins de l’Abbaye de Saint-André.)

À Lourdes, quatre ans après la proclamation du dogme, la Vierge Marie apparut à sainte Bernadette en lui révélant son nom : « Je suis l’Immaculée Conception ».

 

2 décembre 2023

Présence de Frère Marie-Joseph Lagrange, notre fondateur

2 décembre 2023

MJ Lagrange à Jérusalem en 1934, Fond Braun, Photothèque EBAF

Nous le prions au début de chaque comité éditorial, tous les vendredis matins. L’actualité archivistique le rapproche de nous davantage encore ces dernières semaines. Le Prof. Jean-Michel de Tarragon, notre « phototécaire » a découvert cet émouvant cliché du P. Lagrange, vers 1933-34, dans les négatifs du Père Braun, tout juste offerts à l’École par l’un de nos anciens, le frère Christian Eeckhout, prieur à Louvain, et arrière petit neveu dudit P. Braun.

Père Marie-Joseph Lagrange à Jérusalem, vers 1933-34, fond Braun.

Non moins touchant, un autre arrière-petit cousin du Père Lagrange nous a offert la… thésina de droit du jeune Albert Lagrange, dédicacée à son cousin Albert Potton

Cette fois-ci, c’est carrément une relique ! Elle a été dûment exposée au public par fr. Bernard, notre bibliothécaire, durant quelques jours :

La petite thèse, avec le cartel composé par fr. Bernard Ntamak, Bibliothèque de l’Ecole biblique de Jérusalem,
15 novembre 2023, 123e anniversaire de l’ouverture de l’Ecole.

 

1er décembre 2023

 

La raison est la maîtresse des passions, l’homme est le roi du monde. Fort bien ! Mais l’homme désarmé, en présence d’animaux sauvages et irrités, n’est pas plus misérable que la raison humaine livrée à ses propres forces contre les assauts des passions furieuses. Dieu seul peut rendre à la raison affaiblie par le péché son empire sur les puissances sensibles, c’est en lui qu’elle trouve sa force ; et c’est la prière qui lui donne ce regard souverain qui charme les passions indomptées et les amène soumises aux pieds de l’intelligence. (Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, 1er décembre 1880.)

 

 

Écho de notre page Facebook : novembre 2023

29 novembre 2023

Partage de l’École biblique et archéologique de Jérusalem

ÉTUDIER L’ÉCRITURE EN TEMPS DE GUERRE ?
Dr. Nina Heereman, Beatriz de Isasi, le père Otabela et Dominic Mendonca, o.p., ont vécu le choc de la guerre depuis l’Ébaf.
🎙 INTERVIEW à quatre voix à retrouver sur notre site : https://www.ebaf.edu/…/etudier-lecriture-en-temps-de…/

 

29 novembre 2023

 

Pensée du P. Lagrange

« Très Sainte Vierge, vous avez bien voulu être ma patronne pour ce mois de décembre et m’inviter à fêter avec plus de joie la fête de la Grâce ! Daignez donc me prendre dans votre miséricorde et m’accorder la grâce de n’offenser jamais le Seigneur Jésus ! »

(Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

 

29 novembre 2023

Solennité : Le Christ Roi de l’univers

La fête du Christ Roi a été créée en 1925 par le pape Pie XI dans le but d’affirmer la royauté du Christ.

Le pape Pie XI dans la vie du P. Lagrange

Pie XI, un grand pape tombé dans l'oubli

Pie XI, un grand pape tombé dans l’oubli

Pie XI (élu le 6 février 1922, † 10 février 1939)

Le P. Lagrange tient pour providentielle l’élection d’un pape « qui a toujours été un fidèle abonné de la Revue biblique et un donateur pour notre bibliothèque. Mais, encore une fois, ce n’est pas moi qui l’encombrerai » (23 février 1922). Le 10 avril, au P. Allo : « L’élection de Pie XI m’apparaît un événement de tout premier ordre : plus que bien des volumes d’apologétique. Cependant je me tiens sur une extrême réserve… Il a toujours été un fidèle abonné de la Revue biblique. Mais il est le pape. » Et encore le 17 avril, au P. Vosté : « Pie XI est homme à avoir son avis et à le dire : je suis à ses ordres. Son élévation est déjà un argument pour l’Église. » De même le 18 mai, au P. Condamin : « L’élévation de S.S. Pie XI me paraît extrêmement heureuse. Que fera-t-il pour les études ? Nous n’en savons rien. C’est une consolation pour nous qu’il ait toujours été abonné à la Revue biblique… Attendons ».

Le Maître général Theissling, qui a succédé en 1916 au P. Cormier à la tête de l’Ordre, vient en personne effectuer en 1922 la visite canonique du couvent Saint-Étienne de Jérusalem. Dans son allocution d’ouverture, le 10 avril, il raconte qu’avant son départ de Rome Pie XI lui a accordé une audience privée au cours de laquelle le Saint-Père lui a déclaré : « Pour le P. Lagrange et pour ses études j’ai toujours eu et je conserve toujours une grande vénération. » Dans sa conclusion du 15 avril, le P. Theissling annonce qu’il s’efforcera d’obtenir du pape que l’École biblique puisse conférer la licence biblique.

Le 28 juin, le P. Theissling est reçu en audience par Pie XI, dont il rapporte ainsi au P. Savignac les paroles : « Il m’a affirmé nettement sa vénération personnelle pour le P. Lagrange et m’a chargé de lui envoyer sa bénédiction très spéciale, pour lui et pour toute l’École, pour les travaux des maîtres et des élèves. Quant à faire plus, a-t-il ajouté, j’ai besoin de temps. Il me faut examiner toutes choses et bien me rendre compte ! »

Enfin le 20 juillet, le P. Theissling s’adresse au P. Lagrange : « Il est très exact que j’ai présenté à Sa Sainteté vos commentaires, et je puis ajouter que le Saint-Père m’en a témoigné sa gratitude et m’a exprimé son admiration pour vos travaux. Il a bien voulu vous bénir très cordialement ainsi que toute l’École biblique. Mais j’ai compris que le moment n’était pas venu d’obtenir autre chose. […] C’est déjà beaucoup de savoir que nous pouvons compter sur la bienveillance personnelle de Sa Sainteté ».

Par le P. Vosté, on connaît encore un autre propos du pape au P. Theissling (1). « Alors qu’était née, non sans raison, la crainte d’une dénonciation au Saint-Office, Pie XI répondit au P. Theissling : “Nous connaissons les œuvres du P. Lagrange. C’est un savant qui écrit pour des savants. Nous voulons que les savants catholiques jouissent d’une juste liberté, sans laquelle on ne peut espérer aucun progrès en matière scientifique” ».

Quant aux dispositions intérieures du P. Lagrange, ce sont celles qu’il confie à Eugène Tisserant. Le 8 mai : « Au fond je ne tiens absolument qu’à une chose, avoir la conscience en repos sur les tendances qu’on nous a tant reprochées. C’est la seule chose que je demande personnellement au Saint-Père – sans le lui dire ! » Le 27 juillet : « Nous attendons toujours que le Saint-Père daigne nous accorder quelques paroles favorables. Il a demandé du temps pour réfléchir, tout en envoyant très cordialement sa bénédiction. Pour moi c’est déjà beaucoup que ce ne soit pas ad duritiam cordis (2) ».

La bienveillance de Pie XI envers la personne du P. Lagrange et à l’égard de l’École biblique n’ira jamais au-delà, même lorsque les relations entre le pape et l’Ordre s’amélioreront grâce au Maître général Gillet élu en 1929 (3). « Il semble que notre nouveau Père général est bien vu du Saint-Père et il fera certainement beaucoup s’il se soutient dans sa bienveillance », écrit le P. Lagrange à Mgr Tisserant le 8 janvier 1930. De Rome parviennent à Jérusalem des signes favorables, mais non le statut qui aurait permis à l’École de décerner la licence. Ainsi, comme le raconte le P. Lagrange au P. Gillet le 12 octobre 1933 : « Mgr le délégué, à peine arrivé, est à la mort ou déjà mort. Nous le regrettons beaucoup ; il était très ouvert, très bienveillant, et m’avait assuré avec une insistance spéciale de la bienveillance du Saint-Père. Je lui ai dit que, d’après tel prélat, on m’avait pardonné, mais que je ferais bien de me reposer. Il a protesté, je crois très sincèrement, que je devais continuer à travailler. Je continue, mais je ferais mieux de ma préparer à la mort. » De même le P. Lagrange se réjouit après son jubilé d’ordination (24 décembre 1933) : « J’ai été bien heureux de recevoir la bénédiction de Sa Sainteté, par le Père général que j’ai prié d’être l’interprète de ma profonde gratitude ».

Le pape, en nommant le cardinal Tisserant président de la Commission biblique (11 juillet 1938), savait bien qu’il confiait cette charge à un proche du

Le cardinal Tisserant

P. Lagrange. Ainsi que le rapporte le cardinal au P. Gillet  le 23 juillet : « Le Souverain Pontife m’a parlé du père Lagrange, me disant que si beaucoup accepteront ma nomination avec plaisir, d’autres en éprouveront un peu d’inquiétude ; et le Saint-Père d’ajouter un bel éloge du P. Lagrange, grand savant et grand croyant, excellent serviteur de l’Église, qui avait été poursuivi outre-mesure pour quelques lignes d’une de ses conférences de Toulouse, qui sans doute ne méritaient pas d’être approuvées, mais n’auraient pas dû non plus lui être reprochées si rigoureusement (4) ».

En définitive, c’est le pape Pie XII, élu (le 2 mars 1939) un an après la mort du P. Lagrange (le 10 mars 1938), qui par son encyclique Divino afflante Spiritu (du 30 septembre 1943) donne gain de cause à la méthode critique préconisée par le P. Lagrange. Voici comment le futur cardinal Saliège présentait alors le document pontifical dans La Semaine catholique de Toulouse du 15 octobre 1944 : « La lettre du Souverain Pontife est faite pour faire taire ces ignorants que sont les intégristes. Dans les demeures éternelles, le R.P. Lagrange et beaucoup d’autres avec lui chantent : Amen, amen ; alléluia, alléluia ! »

Fr. Bernard Montagnes, o. p.

(1) Ce propos n’est pas daté mais il trouve place nécessairement entre l’élection du pape en février 1922 et le décès du Maître général le 2 mai 1925.

(2) Ad duritiam cordis : Matthieu 19, 8 ; Marc 10, 5.  C’est à cause de la dureté de votre cœur qu’il vous a fait cette ordonnance.

(3) Martin-Stanislas Gillet, élu pour remplacer Maître Paredes, qui avait été contraint de démissionner.

(4) Lettre du cardinal à Maître Gillet conservée aux Archives de l’Ordre : AGOP V, 309.

Pour aller plus loin dans l’institution de la fête du Christ Roi de l’univers

 
QUAS PRIMAS

LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XI
DE L’INSTITUTION D’UNE FÊTE DU CHRIST-ROI.

 
Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres ordinaires de lieu, en paix et communion avec le Siège apostolique.

1. Dans (1) la première Encyclique qu’au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier (2), Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.

Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses: l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après avoir affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d’y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur.

2. Depuis, Nous avons clairement pressenti l’approche de temps meilleurs en voyant l’empressement des peuples à se tourner – les uns pour la première fois, les autres avec une ardeur singulièrement accrue – vers le Christ et vers son Eglise, unique dispensatrice du salut: preuve évidente que beaucoup d’hommes, jusque-là exilés, peut-on dire, du royaume du Rédempteur pour avoir méprisé son autorité, préparent heureusement et mènent à son terme leur retour au devoir de l’obéissance.

Tout ce qui est survenu, tout ce qui s’est fait au cours de l’Année sainte, digne vraiment d’une éternelle mémoire, n’a-t-il pas contribué puissamment à l’honneur et à la gloire du Fondateur de l’Eglise, de sa souveraineté et de sa royauté suprême?

Voici d’abord l’Exposition des Missions, qui a produit sur l’esprit et sur le cœur des hommes une si profonde impression. On y a vu les travaux entrepris sans relâche par l’Eglise pour étendre le royaume de son Epoux chaque jour davantage sur tous les continents, dans toutes les îles, même celles qui sont perdues au milieu de l’océan; on y a vu les nombreux pays que de vaillants et invincibles missionnaires ont conquis au catholicisme au prix de leurs sueurs et de leur sang; on y a vu enfin les immenses territoires qui sont encore à soumettre à la douce et salutaire domination de notre Roi.

Voici les pèlerins accourus, de partout, à Rome, durant l’Année sainte, conduits par leurs évêques ou par leurs prêtres. Quel motif les inspirait donc, sinon de purifier leurs âmes et de proclamer, au tombeau des Apôtres et devant Nous, qu’ils sont et qu’ils resteront sous l’autorité du Christ?

Voici les canonisations, où Nous avons décerné, après la preuve éclatante de leurs admirables vertus, les honneurs réservés aux saints, à six confesseurs ou vierges. Le règne de notre Sauveur n’a-t-il pas, en ce jour, brillé d’un nouvel éclat? Ah! quelle joie, quelle consolation ce fut pour Notre âme, après avoir prononcé les décrets de canonisation, d’entendre, dans la majestueuse basilique de Saint Pierre, la foule immense des fidèles, au milieu du chant de l’action de grâces, acclamer d’une seule voix la royauté glorieuse du Christ: Tu Rex gloriae Christe!

A l’heure où les hommes et les Etats sans Dieu, devenus la proie des guerres qu’allument la haine et des discordes intestines, se précipitent à la ruine et à la mort, l’Eglise de Dieu, continuant à donner au genre humain l’aliment de la vie spirituelle, engendre et élève pour le Christ des générations successives de saints et de saintes; le Christ, à son tour, ne cesse d’appeler à l’éternelle béatitude de son royaume céleste ceux en qui il a reconnu de très fidèles et obéissants sujets de son royaume terrestre.

Voici encore le XVIe centenaire du Concile de Nicée qui coïncida avec le grand Jubilé. Nous avons ordonné de célébrer cet anniversaire séculaire; Nous l’avons Nous-même commémoré dans la basilique vaticane, d’autant plus volontiers que c’est ce Concile qui définit et proclama comme dogme de foi catholique la consubstantialité du Fils unique de Dieu avec son Père; c’est lui qui, en insérant dans sa formule de foi ou Credo les mots cuius regni non erit finis, affirma du même coup la dignité royale du Christ.

Ainsi donc, puisque cette Année sainte a contribué en plus d’une occasion à mettre en lumière la royauté du Christ, Nous croyons accomplir un acte des plus conformes à Notre charge apostolique en accédant aux suppliques individuelles ou collectives de nombreux cardinaux, évêques ou fidèles; Nous clôturerons donc cette année par l’introduction dans la liturgie de l’Eglise d’une fête spéciale en l’honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ Roi.

Ce sujet, Vénérables Frères, Nous tient à ce point à cœur que Nous désirons vous en entretenir quelques instants; il vous appartiendra ensuite de rendre accessible à l’intelligence et aux sentiments de votre peuple tout ce que Nous dirons sur le culte du Christ-Roi, afin d’assurer, dès le début et pour plus tard, des fruits nombreux à la célébration annuelle de cette solennité.

4. Depuis longtemps, dans le langage courant, on donne au Christ le titre de Roi au sens métaphorique; il l’est, en effet, par l’éminente et suprême perfection dont il surpasse toutes les créatures. Ainsi, on dit qu’il règne sur les intelligences humaines, à cause de la pénétration de son esprit et de l’étendue de sa science, mais surtout parce qu’il est la Vérité et que c’est de lui que les hommes doivent recevoir la vérité et l’accepter docilement. On dit qu’il règne sur les volontés humaines, parce qu’en lui, à la sainteté de la volonté divine correspond une parfaite rectitude et soumission de la volonté humaine, mais aussi parce que sous ses inspirations et ses impulsions notre volonté libre s’enthousiasme pour les plus nobles causes. On dit enfin qu’il est le Roi des cœurs, à cause de son inconcevable charité qui surpasse toute compréhension humaine (3) et à cause de sa douceur et de sa bonté qui attirent à lui tous les cœurs: car dans tout le genre humain il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais personne pour être aimé comme le Christ Jésus.

5. Mais, pour entrer plus à fond dans Notre sujet, il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité; car c’est seulement du Christ en tant qu’homme qu’on peut dire: Il a reçu du Père la puissance, l’honneur et la royauté (4); comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures.

6. Que le Christ soit Roi, ne le lisons-nous pas dans maints passages des Ecritures ! C’est lui le Dominateur issu de Jacob (5), le Roi établi par le Père sur Sion, sa montagne sainte, pour recevoir en héritage les nations et étendre son domaine jusqu’aux confins de la terre (6), le véritable Roi futur d’Israël, figuré, dans le cantique nuptial, sous les traits d’un roi très riche et très puissant, auquel s’adressent ces paroles: Votre trône, ô Dieu, est dressé pour l’éternité; le sceptre de votre royauté est un sceptre de droiture (7).

Passons sur beaucoup de passages analogues; mais, dans un autre endroit, comme pour dessiner avec plus de précision les traits du Christ, on nous prédit que son royaume ignorera les frontières et sera enrichi des trésors de la justice et de la paix: En ses jours se lèvera la justice avec l’abondance de la paix… Il dominera, d’une mer à l’autre, du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre(8).

A ces témoignages s’ajoutent encore plus nombreux les oracles des prophètes et notamment celui, bien connu, d’Isaïe: Un petit enfant… nous est né, un fils nous a été donné. La charge du commandement a été posée sur ses épaules. On l’appellera l’Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Son empire s’étendra et jouira d’une paix sans fin; il s’assoira sur le trône de David et dominera sur son royaume, pour l’établir et l’affermir dans la justice et l’équité, maintenant et à jamais (9).

Les autres prophètes ne s’expriment pas différemment.

Tel Jérémie, annonçant dans la race de David un germe de justice, ce fils de David qui régnera en roi, sera sage et établira la justice sur la terre (10). Tel Daniel, prédisant la constitution par le Dieu du ciel d’un royaume qui ne sera jamais renversé… et qui durera éternellement (11) ; et, peu après, il ajoute: Je regardais durant une vision nocturne, et voilà que, sur les nuées du ciel, quelqu’un s’avançait semblable au Fils de l’homme; il parvint jusqu’auprès de l’Ancien des jours et on le présenta devant lui. Et celui-ci lui donna la puissance, l’honneur et la royauté; tous les peuples, de toutes races et de toutes langues, le serviront; sa puissance est une puissance éternelle, qui ne lui sera pas retirée, et son royaume sera incorruptible (12). Tel Zacharie, prophétisant l’entrée à Jérusalem, aux acclamations de la foule, du juste et du sauveur, le Roi plein de mansuétude monté sur une ânesse et sur son poulain (13): les saints évangélistes n’ont-ils pas constaté et prouvé la réalisation de cette prophétie?

Cette doctrine du Christ-Roi, Nous venons de l’esquisser d’après les livres de l’Ancien Testament; mais tant s’en faut qu’elle disparaisse dans les pages du Nouveau; elle y est, au contraire, confirmée d’une manière magnifique et en termes splendides.

Rappelons seulement le message de l’archange apprenant à la Vierge qu’elle engendrera un fils; qu’à ce fils le Seigneur Dieu donnera le trône de David, son père; qu’il régnera éternellement sur la maison de Jacob et que son règne n’aura point de fin (14). Ecoutons maintenant les témoignages du Christ lui-même sur sa souveraineté. Dès que l’occasion se présente – dans son dernier discours au peuple sur les récompenses ou les châtiments réservés dans la vie éternelle aux justes ou aux coupables ; dans sa réponse au gouverneur romain, lui demandant publiquement s’il était roi; après sa résurrection, quand il confie aux Apôtres la charge d’enseigner et de baptiser toutes les nations – il revendique le titre de roi (15), il proclame publiquement qu’il est roi (16), il déclare solennellement que toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre (17). Qu’entend-il par là, sinon affirmer l’étendue de sa puissance et l’immensité de son royaume?

Dès lors, faut-il s’étonner qu’il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre (18) ou que, apparaissant à l’Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs (19). Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses (20); il faut qu’il règne jusqu’à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père (21).

7. De cette doctrine, commune à tous les Livres Saints, dérive naturellement cette conséquence : étant le royaume du Christ sur la terre, qui doit s’étendre à tous les hommes et tous les pays de l’univers, l’Eglise catholique se devait, au cours du cycle annuel de la liturgie, de saluer par des manifestations multiples de vénération, en son Auteur et Fondateur, le Roi, le Seigneur, le Roi des rois. Sous une admirable variété de formules, ces hommages expriment une seule et même pensée; l’Eglise les employait jadis dans sa psalmodie et dans les anciens sacramentaires; elle en fait le même usage à présent dans les prières publiques de l’Office qu’elle adresse chaque jour à la majesté divine et, à la sainte messe, dans l’immolation de l’hostie sans tache. En cette louange perpétuelle du Christ-Roi, il est facile de saisir le merveilleux accord de nos rites avec ceux des Orientaux, en sorte que se vérifie, ici encore, l’exactitude de la maxime:  » Les lois de la prière établissent les lois de la croyance.  »

8. Quant au fondement de cette dignité et de cette puissance de Notre-Seigneur, saint Cyrille d’Alexandrie l’indique très bien:  » Pour le dire en un mot, dit-il, la souveraineté que Jésus possède sur toutes les créatures, il ne l’a point ravie par la force, il ne l’a point reçue d’une main étrangère, mais c’est le privilège de son essence et de sa nature  » (22). En d’autres termes, son pouvoir royal repose sur cette admirable union qu’on nomme l’union hypostatique.

Il en résulte que les anges et les hommes ne doivent pas seulement adorer le Christ comme Dieu, mais aussi obéir et être soumis à l’autorité qu’il possède comme homme; car, au seul titre de l’union hypostatique, le Christ a pouvoir sur toutes les créatures.

9. Mais quoi de plus délectable, de plus suave que de penser que le Christ, en outre, règne sur nous non seulement par droit de nature, mais encore par droit acquis, puisqu’il nous a rachetés? Ah! puissent tous les hommes qui l’oublient se souvenir du prix que nous avons coûté à notre Sauveur : Vous n’avez pas été rachetés avec de l’or ou de l’argent corruptibles, mais par le sang précieux du Christ, le sang d’un agneau sans tache et sans défaut (23). Le Christ nous a achetés à grand prix (24) ; nous ne nous appartenons plus. Nos corps eux-mêmes sont des membres du Christ (25).

Nous voulons maintenant expliquer brièvement la nature et l’importance de cette royauté.

10. II est presque inutile de rappeler qu’elle comporte les trois pouvoirs, sans lesquels on saurait à peine concevoir l’autorité royale. Les textes des Saintes Lettres que Nous avons apportés en témoignage de la souveraineté universelle de notre Rédempteur le prouvent surabondamment. C’est, d’ailleurs, un dogme de foi catholique que le Christ Jésus a été donné aux hommes à la fois comme Rédempteur, de qui ils doivent attendre leur salut, et comme Législateur, à qui ils sont tenus d’obéir (26). Les évangélistes ne se bornent pas à affirmer que le Christ a légiféré, mais ils nous le montrent dans l’exercice même de son pouvoir législatif.

A tous ceux qui observent ses préceptes, le divin Maître déclare, en diverses occasions et de diverses manières, qu’ils prouveront ainsi leur amour envers lui et qu’ils demeureront en son amour (27).

Quant au pouvoir judiciaire, Jésus en personne affirme l’avoir reçu du Père, dans une réponse aux Juifs qui l’accusaient d’avoir violé le Sabbat en guérissant miraculeusement un malade durant ce jour de repos:  » Le Père, leur dit-il, ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement (28). Dans ce pouvoir judiciaire est également compris – car il en est inséparable – le droit de récompenser ou de châtier les hommes, même durant leur vie.

Il faut encore attribuer au Christ le pouvoir exécutif : car tous inéluctablement doivent être soumis à son empire; personne ne pourra éviter, s’il est rebelle, la condamnation et les supplices que Jésus a annoncés.

11. Toutefois, ce royaume est avant tout spirituel et concerne avant tout l’ordre spirituel: les paroles de la Bible que Nous avons rapportées plus haut en sont une preuve évidente, que vient confirmer, à maintes reprises, l’attitude du Christ-Seigneur.

Quand les Juifs, et même les Apôtres, s’imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d’Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir; lorsque la foule qui l’entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n’est pas de ce monde. Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Evangiles, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême; mais le baptême, tout en étant un rite extérieur, figure et réalise une régénération intime. Ce royaume s’oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres; à ses adeptes il demande non seulement de détacher leur cœur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d’avoir faim et soif de la justice, mais encore de se renoncer eux-mêmes et de porter leur croix. C’est pour l’Eglise que le Christ, comme Rédempteur, a versé le prix de son sang; c’est pour expier nos péchés que, comme Prêtre, il s’est offert lui-même et s’offre perpétuellement comme victime: qui ne voit que sa charge royale doit revêtir le caractère spirituel et participer à la nature supraterrestre de cette double fonction?

12. D’autre part, ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient: il tient du Père sur les créatures un droit absolu, lui permettant de disposer à son gré de toutes ces créatures.

Néanmoins, tant qu’il vécut sur terre, il s’est totalement abstenu d’exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l’administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu’il a fait alors, il le continue aujourd’hui. Pensée exprimée d’une manière fort heureuse dans la liturgie:  » Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel (29).  »

13. Ainsi donc, le souverain domaine de notre Rédempteur embrasse la totalité des hommes. Sur ce sujet, Nous faisons Volontiers Nôtres les paroles de Notre Prédécesseur Léon XIII, d’immortelle mémoire:  » Son empire ne s’étend pas exclusivement aux nations catholiques ni seulement aux chrétiens baptisés, qui appartiennent juridiquement à l’Eglise même s’ils sont égarés loin d’elle par des opinions erronées ou séparés de sa communion par le schisme; il embrasse également et sans exception tous les hommes, même étrangers à la foi chrétienne, de sorte que l’empire du Christ Jésus, c’est, en stricte vérité, l’universalité du genre humain (30).  »

Et, à cet égard, il n’y a lieu de faire aucune différence entre les individus, les familles et les Etats; car les hommes ne sont pas moins soumis à l’autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. Il est l’unique source du salut, de celui des sociétés comme de celui des individus: Il n’existe de salut en aucun autre; aucun autre nom ici-bas n’a été donné aux hommes qu’il leur faille invoquer pour être sauvés (31).

Il est l’unique auteur, pour l’Etat comme pour chaque citoyen, de la prospérité et du vrai bonheur:  » La cité ne tient pas son bonheur d’une autre source que les particuliers, vu qu’une cité n’est pas autre chose qu’un ensemble de particuliers unis en société (32).  » Les chefs d’Etat ne sauraient donc refuser de rendre – en leur nom personnel, et avec tout leur peuple – des hommages publics, de respect et de soumission à la souveraineté du Christ; tout en sauvegardant leur autorité, ils travailleront ainsi à promouvoir et à développer la prospérité nationale.

14. Au début de Notre Pontificat, Nous déplorions combien sérieusement avaient diminué le prestige du droit et le respect dû à l’autorité; ce que Nous écrivions alors n’a perdu dans le temps présent ni de son actualité ni de son à-propos:  » Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l’autorité ne tenant plus son origine de Dieu mais des hommes, il arriva que… les bases mêmes de l’autorité furent renversées dès lors qu’on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d’obéir pour les autres. Inéluctablement, il s’en est suivi un ébranlement de la société humaine tout entière, désormais privée de soutien et d’appui solides (33).  »

Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix — se répandraient infailliblement sur la société tout entière.

En imprimant à l’autorité des princes et des chefs d’Etat un caractère sacré, la dignité royale de Notre Seigneur ennoblit du même coup les devoirs et la soumission des citoyens. Au point que l’Apôtre saint Paul, après avoir ordonné aux femmes mariées et aux esclaves de révérer le Christ dans la personne de leur mari et dans celle de leur maître, leur recommandait néanmoins de leur obéir non servilement comme à des hommes, mais uniquement en esprit de foi comme à des représentants du Christ; car il est honteux, quand on a été racheté par le Christ, d’être soumis servilement à un homme: Vous avez été rachetés un grand prix, ne soyez plus soumis servilement à des hommes. (34).

Si les princes et les gouvernants légitimement choisis étaient persuadés qu’ils commandent bien moins en leur propre nom qu’au nom et à la place du divin Roi, il est évident qu’ils useraient de leur autorité avec toute la vertu et la sagesse possibles. Dans l’élaboration et l’application des lois, quelle attention ne donneraient-ils pas au bien commun et à la dignité humaine de leurs subordonnés!

15. Alors on verrait l’ordre et la tranquillité s’épanouir et se consolider; toute cause de révolte se trouverait écartée; tout en reconnaissant dans le prince et les autres dignitaires de l’Etat des hommes comme les autres, ses égaux par la nature humaine, en les voyant même, pour une raison ou pour une autre, incapables ou indignes, le citoyen ne refuserait point pour autant de leur obéir quand il observerait qu’en leurs personnes s’offrent à lui l’image et l’autorité du Christ Dieu et Homme.

Alors les peuples goûteraient les bienfaits de la concorde et de la paix. Plus loin s’étend un royaume, plus il embrasse l’universalité du genre humain, plus aussi – c’est incontestable – les hommes prennent conscience du lien mutuel qui les unit. Cette conscience préviendrait et empêcherait la plupart des conflits; en tout cas, elle adoucirait et atténuerait leur violence. Pourquoi donc, si le royaume du Christ s’étendait de fait comme il s’étend en droit à tous les hommes, pourquoi désespérer de cette paix que le Roi pacifique est venu apporter sur la terre? Il est venu tout réconcilier (35); il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (36); maître de toutes créatures, il a donné lui-même l’exemple de l’humilité et a fait de l’humilité, jointe au précepte de la charité, sa loi principale; il a dit encore: Mon joug est doux à porter et le poids de mon autorité léger (37).

16. Oh! qui dira le bonheur de l’humanité si tous, individus, familles, Etats, se laissaient gouverner par le Christ!  » Alors enfin – pour reprendre les paroles que Notre Prédécesseur Léon XIII adressait, il y a vingt-cinq ans, aux évêques de l’univers – il serait possible de guérir tant de blessures; tout droit retrouverait, avec sa vigueur native, son ancienne autorité; la paix réapparaîtrait avec tous ses bienfaits; les glaives tomberaient et les armes glisseraient des mains, le jour où tous les hommes accepteraient de bon cœur la souveraineté du Christ, obéiraient à ses commandements, et où toute langue confesserait que  » le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père  » (38) « .

17. Pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu’elle les conserve, il faut faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur. Or, aucun moyen ne semble mieux assurer ce résultat que l’institution d’une fête propre et spéciale en l’honneur du Christ-Roi.

Car, pour pénétrer le peuple des vérités de la foi et l’élever ainsi aux joies de la vie intérieure, les solennités annuelles des fêtes liturgiques sont bien plus efficaces que tous les documents, même les plus graves, du magistère ecclésiastique. Ceux-ci n’atteignent, habituellement, que le petit nombre et les plus cultivés, celles-là touchent et instruisent tous les fidèles; les uns, si l’on peut dire, ne parlent qu’une fois; les autres le font chaque année et à perpétuité; et, si les derniers s’adressent surtout à l’intelligence, les premières étendent leur influence salutaire au cœur et à l’intelligence, donc à l’homme tout entier.

Composé d’un corps et d’une âme, l’homme a besoin des manifestations solennelles des jours de fête pour être saisi et impressionné; la variété et la splendeur des cérémonies liturgiques l’imprègnent abondamment des enseignements divins; il les transforme en sève et en sang, et les fait servir au progrès de sa vie spirituelle.

Du reste, l’histoire nous apprend que ces solennités liturgiques furent introduites, au cours des siècles, les unes après les autres, pour répondre à des nécessités ou des avantages spirituels du peuple chrétien. Il fallait, par exemple, raffermir les courages en face d’un péril commun, prémunir les esprits contre les pièges de l’hérésie, exciter et enflammer les cœurs à célébrer avec une piété plus ardente quelque mystère de notre foi ou quelque bienfait de la bonté divine.

C’est ainsi que, dès les premiers temps de l’ère chrétienne, alors qu’ils étaient en butte aux plus cruelles persécutions, les chrétiens introduisirent l’usage de commémorer les martyrs par des rites sacrés, afin, selon le témoignage de saint Augustin, que  » les solennités des martyrs  » fussent  » des exhortations au martyre  » (39).

Les honneurs liturgiques qu’on décerna plus tard aux saints confesseurs, aux vierges et aux veuves contribuèrent merveilleusement à stimuler chez les chrétiens le zèle pour la vertu, indispensable même en temps de paix.

Les fêtes instituées en l’honneur de la bienheureuse Vierge eurent encore plus de fruit: non seulement le peuple chrétien entoura d’un culte plus assidu la Mère de Dieu, sa Protectrice la plus secourable, mais il conçut un amour plus filial pour la Mère que le Rédempteur lui avait laissée par une sorte de testament.

Parmi les bienfaits dont l’Eglise est redevable au culte public et légitime rendu à la Mère de Dieu et aux saints du ciel, le moindre n’est pas la victoire constante qu’elle a remportée en repoussant loin d’elle la peste de l’hérésie et de l’erreur. Admirons, ici encore, les desseins de la Providence divine qui, selon son habitude, tire le bien du mal.

Elle a permis, de temps à autre, que la foi et la piété du peuple fléchissent, que de fausses doctrines dressent des embûches à la vérité catholique; mais toujours avec le dessein que, pour finir, la vérité resplendisse d’un nouvel éclat, que, tirés de leur torpeur, les fidèles s’efforcent d’atteindre à plus de perfection et de sainteté.

Les solennités récemment introduites dans le calendrier liturgique ont eu la même origine et ont porté les mêmes fruits. Telle la Fête-Dieu, établie quand se relâchèrent le respect et la dévotion envers le Très Saint Sacrement; célébrée avec une pompe magnifique, se prolongeant pendant huit jours de prières collectives, la nouvelle fête devait ramener les peuples à l’adoration publique du Seigneur.

Telle encore la fête du Sacré Cœur de Jésus, instituée à l’époque où, abattus et découragés par les tristes doctrines et le sombre rigorisme du jansénisme, les fidèles sentaient leurs cœurs glacés et en bannissaient tout sentiment d’amour désintéressé de Dieu ou de confiance dans le Rédempteur.

18. C’est ici Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.

Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n’est pas apparu brusquement; depuis longtemps, il couvait au sein des Etats. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations; on refusa à l’Eglise le droit – conséquence du droit même du Christ – d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l’autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu’à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des Etats qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l’irréligion et l’oubli conscient et volontaire de Dieu.

Les fruits très amers qu’a portés, si souvent et d’une manière si persistante, cette apostasie des individus et des Etats désertant le Christ, Nous les avons déplorés dans l’Encyclique Ubi arcano (40). Nous les déplorons de nouveau aujourd’hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l’avènement d’une paix de réconciliation; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l’intérêt public et de l’amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences: les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré qui, ne poursuivant que les satisfactions et les avantages personnels, apprécie toute chose à la mesure de son propre intérêt. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l’oubli des devoirs et l’insouciance de la conscience; l’union et la stabilité des familles chancelantes; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine.

19. La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l’humanité à son très affectueux Sauveur. Ce serait assurément le devoir des catholiques de préparer et de hâter ce retour par une action diligente; mais il se fait que beaucoup d’entre eux ne possèdent pas dans la société le rang ou l’autorité qui siérait aux apologistes de la vérité. Peut-être faut-il attribuer ce désavantage à l’indolence ou à la timidité des bons; ils s’abstiennent de résister ou ne le font que mollement; les adversaires de l’Eglise en retirent fatalement un surcroît de prétentions et d’audace. Mais du jour où l’ensemble des fidèles comprendront qu’il leur faut combattre, vaillamment et sans relâche, sous les étendards du Christ-Roi, le feu de l’apostolat enflammera les cœurs, tous travailleront à réconcilier avec leur Seigneur les âmes qui l’ignorent ou qui l’ont abandonné, tous s’efforceront de maintenir inviolés ses droits.

Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l’honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’a engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d’un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.

Ajoutons que, depuis les dernières années du siècle écoulé, les voies furent merveilleusement préparées à l’institution de cette fête.

Chacun connaît les arguments savants, les considérations lumineuses, apportés en faveur de cette dévotion par une foule d’ouvrages édités dans les langues les plus diverses et sur tous les points de l’univers. Chacun sait que l’autorité et la souveraineté du Christ ont déjà été reconnues par la pieuse coutume de familles, presque innombrables, se vouant et se consacrant au Sacré Cœur de Jésus. Et non seulement des familles, mais des Etats et des royaumes ont observé cette pratique. Bien plus, sur l’initiative et sous la direction de Léon XIII, le genre humain tout entier fut consacré à ce divin Cœur, au cours de l’Année sainte 1900.

Nous ne saurions passer sous silence les Congrès eucharistiques, que notre époque a vus se multiplier en si grand nombre. Ils ont servi merveilleusement la cause de la proclamation solennelle de la royauté du Christ sur la société humaine. Par des conférences tenues dans leurs assemblées, par des sermons prononcés dans les églises, par des expositions publiques et des adorations en commun du Saint Sacrement, par des processions grandioses, ces Congrès, réunis dans le but d’offrir à la vénération et aux hommages des populations d’un diocèse, d’une province, d’une nation, ou même du monde entier, le Christ-Roi se cachant sous les voiles eucharistiques, célèbrent le Christ comme le Roi que les hommes ont reçu de Dieu. Ce Jésus, que les impies ont refusé de recevoir quand il vint en son royaume, on peut dire, en toute vérité, que le peuple chrétien, mû par une inspiration divine, va l’arracher au silence et, pour ainsi dire, à l’obscurité des temples, pour le conduire, tel un triomphateur, par les rues des grandes villes et le rétablir dans tous les droits de sa royauté.

Pour l’exécution de Notre dessein, dont Nous venons de vous entretenir, l’Année sainte qui s’achève offre une occasion favorable entre toutes. Elle vient de rappeler à l’esprit et au cœur des fidèles ces biens célestes qui dépassent tout sentiment naturel; dans son infinie bonté, Dieu a enrichi les uns, à nouveau, du don de sa grâce ; il a affermi les autres dans la bonne voie, en leur accordant une ardeur nouvelle pour rechercher des dons plus parfaits. Que Nous prêtions donc attention aux nombreuses suppliques qui Nous ont été adressées, ou que Nous considérions les événements qui marquèrent l’année du grand Jubilé, Nous avons certes bien des raisons de penser que le jour est venu pour Nous de prononcer la sentence si attendue de tous: le Christ sera honoré par une fête propre et spéciale comme Roi de tout le genre humain.

Durant cette année, en effet, comme Nous l’avons remarqué au début de cette Lettre, ce Roi divin, vraiment  » admirable en ses Saints « , a été  » magnifiquement glorifié  » par l’élévation aux honneurs de la sainteté d’un nouveau groupe de ses soldats; durant cette année, une exposition extraordinaire a, en quelque sorte, montré à tout le monde les travaux des hérauts de l’Evangile, et tous ont pu admirer les victoires remportées par ces champions du Christ pour l’extension de son royaume; durant cette année, enfin, Nous avons commémoré, avec le centenaire du Concile de Nicée, la glorification, contre ses négateurs, de la consubstantialité du Verbe Incarné avec le Père, dogme sur lequel s’appuie, comme sur son fondement, la royauté universelle du Christ.

En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi.

Nous ordonnons qu’elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d’octobre, c’est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Cœur de Jésus, consécration dont Notre Prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné le renouvellement annuel. Toutefois, pour cette année, Nous voulons que cette rénovation soit faite le 31 de ce mois.

En ce jour, Nous célébrerons la messe pontificale en l’honneur du Christ-Roi et Nous ferons prononcer en Notre présence cette consécration. Nous ne croyons pas pouvoir mieux et plus heureusement terminer l’Année sainte ni témoigner plus éloquemment au Christ,  » Roi immortel des siècles « , Notre reconnaissance – comme celle de tout l’univers catholique, dont Nous Nous faisons aussi l’interprète – pour les bienfaits accordés en cette période de grâce à Nous-même, à l’Église et à toute la catholicité.

Il est inutile, Vénérables Frères, de vous expliquer longuement pourquoi Nous avons institué une fête du Christ-Roi distincte des autres solennités qui font ressortir et glorifient, dans une certaine mesure, sa dignité royale. Il suffit pourtant d’observer que, si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ comme objet matériel, suivant l’expression consacrée par les théologiens, cependant leur objet formel n’est d’aucune façon, soit en fait, soit dans les termes, la royauté du Christ.

En fixant la fête un dimanche, Nous avons voulu que le clergé ne fût pas seul à rendre ses hommages au divin Roi par la célébration du Saint Sacrifice et la récitation de l’Office, mais que le peuple, dégagé de ses occupations habituelles et animé d’une joie sainte, pût donner un témoignage éclatant de son obéissance au Christ comme à son Maître et à son Souverain. Enfin, plus que tout autre, le dernier dimanche d’octobre Nous a paru désigné pour cette solennité: il clôt à peu près le cycle de l’année liturgique; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours de l’année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la Liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe, en tous les Saints et tous les élus.

Il est de votre devoir, Vénérables Frères, comme de votre ressort, de faire précéder la fête annuelle par une série d’instructions données, en des jours déterminés, dans chaque paroisse. Le peuple sera instruit et renseigné exactement sur la nature, la signification et l’importance de cette fête; les fidèles régleront dès lors et organiseront leur vie de manière à la rendre digne de sujets loyalement et amoureusement soumis à la souveraineté du divin Roi.

20. Au terme de cette Lettre, Nous voudrions encore, Vénérables Frères, vous exposer brièvement les fruits que Nous Nous promettons et que Nous espérons fermement, tant pour l’Eglise et la société civile que pour chacun des fidèles, de ce culte public rendu au Christ-Roi.

L’obligation d’offrir les hommages que Nous venons de dire à l’autorité souveraine de Notre Maître ne peut manquer de rappeler aux hommes les droits de l’Eglise. Instituée par le Christ sous la forme organique d’une société parfaite, en vertu de ce droit originel, elle ne peut abdiquer la pleine liberté et l’indépendance complète à l’égard du pouvoir civil. Elle ne peut dépendre d’une volonté étrangère dans l’accomplissement de sa mission divine d’enseigner, de gouverner et de conduire au bonheur éternel tous les membres du royaume du Christ.

Bien plus, l’Etat doit procurer une liberté semblable aux Ordres et aux Congrégations de religieux des deux sexes. Ce sont les auxiliaires les plus fermes des pasteurs de l’Eglise; ceux qui travaillent le plus efficacement à étendre et à affermir le royaume du Christ, d’abord, en engageant la lutte par la profession des trois vœux de religion contre le monde et ses trois concupiscences; ensuite, du fait d’avoir embrassé un état de vie plus parfait, en faisant resplendir aux yeux de tous, avec un éclat continu et chaque jour grandissant, cette sainteté dont le divin Fondateur a voulu faire une note distinctive de la véritable Eglise.

21. Les Etats, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles; car sa dignité royale exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des mœurs.

22. Quelle énergie encore, quelle vertu pourront puiser les fidèles dans la méditation de ces vérités pour modeler leurs esprits suivant les véritables principes de la vie chrétienne! Si tout pouvoir a été donné au Christ Seigneur dans le ciel et sur la terre; si les hommes, rachetés par son sang très précieux, deviennent à un nouveau titre les sujets de son empire; si enfin cette puissance embrasse la nature humaine tout entière, on doit évidemment conclure qu’aucune de nos facultés ne peut se soustraire à cette souveraineté.

Il faut donc qu’il règne sur nos intelligences : nous devons croire, avec une complète soumission, d’une adhésion ferme et constante, les vérités révélées et les enseignements du Christ. Il faut qu’il règne sur nos volontés: nous devons observer les lois et les commandements de Dieu.

Il faut qu’il règne sur nos cœurs: nous devons sacrifier nos affections naturelles et aimer Dieu par-dessus toutes choses et nous attacher à lui seul. Il faut qu’il règne sur nos corps et sur nos membres : nous devons les faire servir d’instruments ou, pour emprunter le langage de l’Apôtre saint Paul, d’armes de justice offertes à Dieu (41) pour entretenir la sainteté intérieure de nos âmes. Voilà des pensées qui, proposées à la réflexion des fidèles et considérées attentivement, les entraîneront aisément vers la perfection la plus élevée.

Plaise à Dieu, Vénérables Frères, que les hommes qui vivent hors de l’Eglise recherchent et acceptent pour leur salut le joug suave du Christ! Quant à nous tous, qui, par un dessein de la divine miséricorde, habitons sa maison, fasse le ciel que nous portions ce joug non pas à contrecœur, mais ardemment, amoureusement, saintement! Ainsi nous récolterons les heureux fruits d’une vie conforme aux lois du royaume divin. Reconnus par le Christ pour de bons et fidèles serviteurs de son royaume terrestre, nous participerons ensuite, avec lui, à la félicité et à la gloire sans fin de son royaume céleste.

Agréez, Vénérables Frères, à l’approche de la fête de Noël, ce présage et ce vœu comme un témoignage de Notre paternelle affection ; et recevez la Bénédiction apostolique, gage des faveurs divines, que Nous vous accordons de grand cœur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 11 décembre de l’Année sainte 1925, la quatrième de Notre Pontificat.

NOTES

1. AAS XVII (1925) 593-610.

2. Pie XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS, XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629.

3. S. PAUL, Ephés. III 19.

4. DANIEL, VII 13-14.

5. Nombres XXXIV 19.

6. Ps. II.

7. Ps. XLIV (XLV) 7.

8. Ps. LXXI (LXXII) 7-8.

9. ISAÏE, IX 6-7.

10. JÉRÉMIE, XXIII 5.

11. DANIEL XX 44.

12. DANIEL, VII 13-14.

13. ZACHARIE, IX 9.

14. S. LUC, I 32-33.

15. S. MATTHIEU, XXV 31-40.

16. S. JEAN, XVIII 37.

17. S. MATTHIEU, XXVIII 18.

18. Apocalypse I 5.

19. Apocalypse XIX 16.

20. S. PAUL, Hébr. I 1.

21. S. PAUL, I Cor. XV 25.

22. S. CYRILLE D‘ALEXANDRIE, In Lucam X, PG LXXII 666.

23. S. PIERRE, I Epître I 18-19.

24. S. PAUL, I Cor. VI 20.

25. S. PAUL, I Cor. VI 15.

26. Concile de Trente sess. VI c. 21, Denzinger n. 831.

27. Cf. S. JEAN, XIV 15 ; XV 10.

28. S. JEAN, V 22.

29. Non eripit mortalia, qui regna dat coelestia, Office de la fête de l’Epiphanie, hymne Crudelis Herodes.

30. LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899 AAS XXXI (1898-1899) 647.

31. Actes IV 12.

32. S. AUGUSTIN, Epist. CLIII ad Macedonium ch. III, PL XXXIII, 656.

33. PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922), 683, CH n. 936.

34. S. PAUL, I Cor. VII 25.

35. S. PAUL, Coloss. I 20.

36. S. MATTHIEU, XX 28.

37. S. MATTHIEU, XI 30.

38. LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899, AAS XXXI (1898-1899) 647.

39. S. AUGUSTIN, Sermo XLVII de sanctis, PL XXXVIII, 295.

40. PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629.

41. S. PAUL, Rom. VI 13.

 

24 novembre 2023

Frère Manuel Rivero, o. p. : En ce 24 novembre, nous fêtons les martyrs du Vietnam. 117 témoins du Christ, évêques comme le saint frère Valentin de Berriochoa O.P., prêtres catéchistes, laïcs … Ils appartenaient à l’Ordre des prêcheurs, Missions Etrangères de Paris comme saint Théophane Vénard, aimée par sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Avec ma prière à la messe depuis le Carmel des Avirons (La Réunion). Fr. Manuel.

Saint Théophane Vénard

Missionnaire de la Société des Missions étrangères de Paris, missionnaire au Tonkin et martyr.

Né le 21 novembre 1829 à Saint-Loup-sur-Thouet ; mort décapité à Hanoi le 2 février 1861. Canonisé le 19 juin 1988.

À son père

20 janvier 1861

« Très cher, honoré et bien-aimé Père,

Puisque ma sentence se fait encore attendre, je veux vous adresser un nouvel adieu qui sera probablement le dernier. Les jours de ma prison s’écoulent paisiblement. Tous ceux qui m’entourent m’honorent, un bon nombre me portent affection. Depuis le grand mandarin jusqu’au dernier soldat, tous regrettent que la loi du royaume me condamne à mort. Je n’ai point eu à endurer des tortures comme beaucoup de mes frères. Un léger coup de sabre séparera ma tête, comme une fleur printanière que le maître du jardin cueille pour son plaisir.

Nous sommes tous des fleurs plantées sur cette terre et que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard. Autre est la rose empourprée, autre est le lys virginal, autre l’humble violette. Tâchons tous de plaire, selon le parfum ou l’éclat qui nous sont donnés, au Souverain Seigneur et Maître.

Je vous souhaite, cher Père, une longue paisible et vertueuse vieillesse. Portez doucement la croix de cette vie, à la suite de Jésus, jusqu’au Calvaire d’un heureux trépas. Père et fils se retrouveront en Paradis. Moi, petit éphémère, je m’en vais le premier. Adieu !

Votre très dévoué et respectueux fils.

J.T. Vénard, M.S.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus sur les écrits de père Théophane Vénard : « Ce sont mes pensées, mon âme ressemble à la sienne. »

Deniers entretiens. Nous savons ainsi que, peu après avoir lu le livre consacré au missionnaire martyrisé à Hanoi, Thérèse exprima le désir d’être envoyée au carmel de cette ville, récemment fondé par celui de Saigon, qui devait lui-même son existence à Lisieux.

Thérèse demande une image de Théophane Vénard. Mère Agnès lui procura cette joie : elle lui remit un portrait de Théophane le 10 août 1897 et une relique le 6 septembre.

Poème composé par Thérèse pour Théophane Vénard :

« Ton court exil fut comme un doux cantique, dont les accents savaient toucher les cœurs. Et, pour Jésus, ton âme poétique, à chaque instant, faisait naître des fleurs …

En t’élevant vers la céleste sphère, ton chant d’adieu fut encore printanier : tu murmurais : « Moi, petit éphémère, dans le beau ciel, je m’en vais le premier ! »

Ah ! Si j’étais une fleur printanière que le Seigneur voulut bientôt cueillir descend du ciel à mon heure dernière, je t’en conjure, ô bienheureux Martyr !

De ton amour aux virginales flammes, viens m’embraser en ce jour mortel et je pourrai voler avec les âmes qui forment ton cortège éternel. »

2 février 1897

Photos : Chapitre général du Vietnam 2019.

23 novembre 2023

Entrée de Jésus à Jérusalem

Et lorsque Jésus se fut approché, voyant la ville, il pleura sur elle, disant : « Ah ! si dans ce jour tu avais connu toi aussi ce qu’il fallait pour la paix ! – mais maintenant cela a été caché à tes yeux. Car des jours viendront sur toi, où tes ennemis feront un retranchement contre toi, et ils t’entoureront et te presseront de toute part, et ils te briseront sur le sol, toi et tes enfants demeurant chez toi, et ils ne laisseront pas chez toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps où Dieu te visitait. » (Luc 19, 41-44.)

Extraits du commentaire du P. Lagrange : Après quelques pas sur la descente du mont des Oliviers, Jésus aperçoit la ville. Aujourd’hui encore le spectacle est d’une beauté incomparable. Alors le Temple, à peine achevé, resplendissait dans l’éclat de ses pierres blanches, entouré d’une ceinture d’édifices et de maisons plus humbles, faisant ombre aux flancs des collines comme les blocs d’une carrière. Jésus pleure sur la ville, telle qu’elle est rebelle à sa tendresse, et parce qu’elle sera châtiée. […]

« Que n’as-tu connu ! » La connaissance eût dû être préparée dans le passé, pour avoir ses fruits en ce jour, car il serait encore temps, – une comparaison avec les disciples, qui eux comprennent, plutôt qu’avec les villes de Galilée vouées elles aussi à la ruine pour n’avoir pas compris (les propositions de réconciliation qui venaient de Dieu et qui auraient amené la paix). Mais Jérusalem était aveuglée. […] Les disciples ont vu des miracles qui n’ont point été ignorés de Jérusalem, et ils ont loué Dieu. Si Jérusalem n’a pas compris, c’est qu’elle n’a pas voulu voir (cf. Dt. XXXII, 28s.).

[…] Tout le temps de la mission du Sauveur était la visite de Dieu, si souvent annoncée par les prophètes.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de saint Luc (19, 41-44). Lecoffre-Gabalda, 1941.

Photo : Jésus pleure sur Jérusalem par Ary Scheffer (1795-1858)

22 novembre 2023

 

Sainte Cécile, vierge et martyre, Ve siècle. Patronne des musiciens.

Sainte Cécile, chantez maintenant pour Dieu seul ; obtenez-nous la grâce d’être purs de cœur et de corps, afin que cette grâce en attire une autre : que pouvons-nous demander à Dieu ? Gratiam pro gratia (Grâce sur grâce. Jn 1, 16). (P. Lagrange. Journal spirituel.)

 

 

 

15 novembre 2023

Saint Albert le Grand, Dominicain, théologien, Docteur de l’Église.

Ceux qui ont contribué à rétablir dans l’Église des rapports normaux entre la raison et la Foi.

Quand on lit l’histoire de l’Ordre, on reste ému de voir qu’à toutes les époques difficiles, où le souffle brûlant de l’hérésie a passé sur l’Église pour en sécher les sources, le Bon Dieu a suscité de grands esprits et de grands cœurs qui fussent de taille à combattre de tel fléau.

D’ailleurs, au XIIIe siècle, S. Dominique lui-même n’a-t-il pas indiqué à ses fils la route à suivre, en allant, dans le Midi de la France, lutter contre les Albigeois et y enrayer les progrès de l’hérésie ?

Un peu plus tard, lorsqu’à l’Université de Paris, pour réagir contre un faux sentimentalisme introduit en théologie, le rationalisme le plus sec s’attaque aux assises même de la Foi, Albert le Grand et Thomas d’Aquin conjuguèrent leurs efforts pour rétablir les rapports normaux entre la raison et la Foi, et sauver du même coup la philosophie et la théologie ?

Au XVIe siècle, lorsque la Réforme s’en prit à l’autorité même de l’Église et lui contesta le droit d’enseigner toutes les nations, un de nos plus grands théologiens, le cardinal Cajetan employa toute sa science et tout son génie à démontrer le Magistère infaillible de l’Église, en matière d’enseignement.

Enfin de nos jours, quand éclata soudain au cœur de la Chrétienté, la crise biblique, l’Ordre eut alors la gloire de posséder, en la personne du P. Lagrange, un religieux exemplaire qui pouvait d’autant mieux combattre ces nouveaux hérétiques sur leur propre terrain, que ceux-ci, par la plume de leurs chefs de file, n’avaient jamais osé contester son savoir ni son orthodoxie.

(Extrait de la lettre encyclique du Maître de l’Ordre au sujet de la mort du P. Lagrange : Me Martin-Stanislas Gillet, o. p. Cité par Bernard Montagnes, o. p. dans son livre : Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf, 2004.)

 

13 novembre 2023

« Seigneur, augmente notre foi »

Et les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente notre foi ». Alors le Seigneur dit : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore : Déracine-toi et transplante-toi dans la mer, et il vous obéirait. (Luc 17, 5-6)

Extrait d’un commentaire du P. Lagrange : La réponse en effet porte seulement sur la nature de la foi, non sur le point de savoir si les Apôtres la possèdent. De sorte que l’enseignement serait le même sous deux modes : si vous aviez la foi, ou bien : puisque vous avez la foi, avec la foi que vous avez, vous pourriez dire. Le premier mode paraît être celui de Mt., le second celui de Lc., car […] l’indicatif présent indique un cas réel : si vous avez de la foi – comme vous pensez l’avoir […], « mais vous ne l’avez pas », ce qui n’est pas la question. Vous l’avez ou vous ne l’avez pas, il n’y a pas à y ajouter. – Le grain de sénevé n’est pas ici pour sa vertu, mais pour son exiguïté, cependant l’image indique qu’une chose très petite peut avoir une grande vertu. (Marie-Joseph Lagrange OP, L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

 

10 novembre 2023 

 

 

En union de prière en ce Jour-anniversaire de la « montée au Ciel » du P. Marie-Joseph Lagrange, o. p. (10 mars 1938 à Saint-

Maximin, Var). Célébration de la messe mensuelle par Fr. Manuel Rivero, o. p.

(Pierre tombale de Fr. Marie-Joseph Lagrange, O.P. Basilique Saint-Étienne à Jérusalem.)

 

 

 

 

4 novembre 2023 

Un exemple de vie. Une grande dévotion pour le P. Lagrange.

Fr. Anthony Giambrone, OP.

La lourde tâche d’un directeur par interim en temps de guerre :

https://www.ebaf.edu/2023/11/linterim-bouleverse-du-frere-anthony/

Le 3 novembre 2023  

Dans la famille de saint Dominique et en Amérique du Sud, on fête Saint Martin de Porrès.

Saint Martin de Porrès, tertiaire dominicain (1579-1639), surnommé « Martin de la Charité »

Canonisé par le saint pape Jean XXIII le 16 mai 1962.

Sur la charité, le père Lagrange écrit dans son Journal spirituel :

« Quant à ceux qui disent que désormais le monde est mûr pour les vertus naturelles, que la religion chrétienne a conduit au grand principe de la charité, mais que son dogme est désormais superflu… fade rêverie qui ne tient pas compte des faits : que sont les vertus naturelles sans religion, où sont-elles ? L’argument des vertus réservées, chasteté, humilité

les touche peu, ils ne les regardent pas comme nécessaires à la bonne marche du monde. Il faut répondre que l’existence de ces vertus est une preuve du divin. »

Martin est né en 1579 à Lima, au Pérou. Sa mère est une descendante des esclaves noirs et son père est chevalier espagnol. Ils ne sont pas mariés et c’est sa mère qui l’élève seul. À cause de sa couleur, son père l’abandonne. L’étymologie de mulâtre et de mulâtresse dérive de l’espagnol « mulo » signifiant… mulet ! Martin de Porrès n’avait donc guère de valeur aux yeux des colons vivant à Lima, en cette fin de XVIe siècle.

À 12 ans, Martin devient plutôt barbier qu’infirmier. À l’époque, les barbiers soignent aussi les blessures. Martin donne son temps pour soigner les plus pauvres et va chaque jour à l’église. À 16 ans, au couvent dominicain Notre-Dame du Rosaire, il devient simple « donatus » (frère donné), plus bas « échelon » chez les prêcheurs, puis frère convers. Il balaye, lave le couvent et joue aussi le rôle d’infirmier, car se confirme en lui un vrai don pour soigner et même guérir.

Malgré l’interdiction qui lui est faite par son prieur, Martin se met à ramener dans sa cellule malades et blessés. Alors qu’on le morigénait d’avoir enfreint les consignes, il se serait exclamé avec une ingénuité :« J’ignorais que le vœu d’obéissance l’emportait sur le précepte de charité. » Il distribue à des personnes démunies de la nourriture et des soins sans différencier riches et pauvres, leur donnant parfois son propre repas. Le pape l’appellera « Martin de la Charité ».

On dit aussi qu’il parlait aux animaux, aux souris, aux dindons, aux chiens errants, qu’il nourrissait. C’est pourquoi on le représente souvent dans les peintures ou les statues accompagné d’un animal. (Monastère des Dominicaines d’Estavayer-Le-Lac).

Illustration : Saint Martin de Porrès (peintre inconnu).

Voir : https://www.youtube.com/watch?v=3U-QPFLpPBA

2 novembre 2023

2 novembre 2023

 

Nous commémorons tous nos défunts

« Cette espérance, rallumée en nous par la Parole de Dieu, nous aide à prendre une attitude de confiance face à la mort : en effet, Jésus nous a montré qu’elle n’est pas le dernier mot, mais [que] l’amour miséricordieux du Père nous transfigure et nous fait vivre la communion éternelle avec lui. » Pape François, homélie, 3 novembre 2017.

 

 

 

 

1er novembre 2023

Homélie pour la Toussaint 2023
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 1er novembre 2023.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Introduction :
Nous célébrons dans l’allégresse notre Dieu trois fois Saint qui nous donne de participer à sa sainteté.
Une foule immense d’hommes, de femmes et d’enfants louent au Ciel le Seigneur Jésus ressuscité : saints de l’Ancien Testament comme Abraham, Moïse et le roi David ; saints du Nouveau Testament comme Marie Madeleine et l’apôtre Pierre ; saints de l’histoire de l’Église représentés dans nos vitraux et patrons de nos villes ; saints discrets et non moins importants de la foi et de l’amour au quotidien dans nos familles et au-delà des frontières visibles de notre Église.
Ce ne sont pas des héros mais des sauvés qui ont lavé leurs âmes dans le Sang de l’Agneau immolé pour nos péchés.
Maintenant ils intercèdent pour nous.
Nos fautes sont plus fortes que nous mais le Seigneur vient les effacer par sa Parole de Vérité et par le Corps et le Sang du Christ Jésus.
Faisons confiance à sa divine miséricorde.
………………………..
Homélie
Êtes-vous heureux ? Question fondamentale posée parfois par les supérieurs religieux dans leurs visites aux communautés. Question capitale que nous avons à nous poser dans notre vie personnelle, familiale, sociale et ecclésiale. Qu’est-ce qui me rend heureux ? Pourquoi ?
Habituellement bonheur veut dire pouvoir d’achat, loisirs et plaisirs. Il y a aussi l’industrie du développement personnel, le droit au bonheur, une Journée mondiale du bonheur, décrétée par l’O.N.U., et même le devoir d’être heureux au milieu de tant de moyens technologiques dans la société de consommation.
En cette fête de la Toussaint, c’est Dieu lui-même qui prend la parole pour dévoiler la source du bonheur. Le bonheur est un don, un don de Dieu, qui se donne lui-même : « Dieu est amour » (1 Jn 4,16). Mais pas n’importe quel bonheur : « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). Et nous voici plongés dans un apparent paradoxe : comment devenir heureux en étant pauvre ?
Cette première béatitude représente le fondement de la vie chrétienne : la foi en l’Incarnation du Fils de Dieu. Jésus-Christ, de riche qu’il était s’est vidé de la gloire qui était la sienne dès avant la fondation du monde pour nous enrichir par sa pauvreté (cf. 2 Cor 8,9).
Dieu n’a pas voulu se révéler dans la force et la domination mais dans l’abaissement. Toutes les religions ne se valent pas. Le mystère de Dieu et sa manière d’entrer en relation avec les hommes diffèrent essentiellement.
Pour comprendre la Toussaint, allons à l’Annonciation de l’archange Gabriel à la Marie. Dieu ne s’impose pas ; Il ne reste pas loin ; Il s’adresse à la liberté et à l’intelligence d’une femme. Plus encore, le Fils de Dieu va se recevoir en tant qu’homme d’une femme, Marie, devenue par l’action de l’Esprit Saint, la mère du Messie, Mère de Dieu. Jésus a grandi dans le sein d’une femme, façonné par la tendresse des mains de Marie, rassuré et guidé par la vigilance de Joseph.
Le Fils de Dieu a pris le chemin de la fragilité et de la vulnérabilité. Humilité de Dieu qui n’ira pas sans des humiliations jusqu’au supplice de la Croix. Dans son amour pour l’humanité, Jésus a pris des risques. Aussi est-il devenu victime de l’aveuglement et de l’injustice jusqu’au Calvaire. Le Sauveur n’a pas survolé le monde ni les événements tragiques de l’histoire, Jésus le Christ est entré dans le chaos angoissant des hommes pour sauver le monde du dedans, en habitant le mal, la souffrance et la mort.
L’expérience nous enseigne que nous apprenons davantage des échecs que des succès. L’apparent échec de la Croix de Jésus nous révèle davantage sur la gloire de Dieu que la grandeur de la création. C’est en Jésus que se trouve caché le mystère de la connaissance de Dieu et du bonheur de l’homme.
Bonheur pascal dans l’amour fidèle et fort de Jésus jusqu’à la mort. Amour à mort, amour plus fort que la mort. « Celui qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour ne recueillerait que du mépris », s’exclame la bien-aimée du Cantique des cantiques (Ct 8,7).
Le bonheur divin ne s’achète pas même pas avec des vertus et des sacrifices. Dieu donne sa grâce gratuitement non pas à cause de nos mérites mais parce qu’Il est bon, saint.
La fête de la Toussaint réalise plusieurs mises au point. Tout d’abord, nous sommes créés pour le bonheur de Dieu. Rien ni personne ne peut combler ce désir d’amour éternel. Nous restons menacés par l’idolâtrie, non pas celle d’un veau d’or comme dans l’Ancien Testament, mais par l’adoration des personnes dont la vie sentimentale et sexuelle s’avèrent incapables de combler la capacité d’amour du cœur humain. Je pense à un jeune marié qui me partageait un jour : « Je ne comprends pas pourquoi ma femme a besoin de prier dans une église, est-ce que je ne suffis pas ? ». Et non, tu ne suffis pas. Vérité de Lapalisse !
La Vierge de la grotte de Lourdes avait déclaré à sainte Bernadette : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde mais dans l’autre ». Nous sommes déjà dans le bonheur de Dieu mais cette plénitude d’amour divin n’a pas encore atteint son accomplissement.
Les béatitudes de Jésus nous guident sur le chemin de la perfection à travers la prière, les relations fraternelles et le partage de biens.
La fête de la Toussaint nous invite à mettre en valeur la prière familiale à la maison. Les enfants aiment avoir leur coin de prière. La prière du soir apporte réconciliation et paix à la fin des journées. C’est là que l’on s’initie à ouvrir son cœur et à faire part de l’expérience personnelle de Dieu. Par ailleurs, la prière conjugale, plus difficile à vivre, développe l’amour des époux et le rend plus sincère.
Il arrive souvent, trop souvent, qu’à table, chacun regarde son téléphone portable, au détriment des échanges. La solitude engendre la douleur et le partage de pensées et de sentiments fait grandir le bonheur.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus raconte sans son autobiographie « Histoire d’une âme » comment toute petite elle aimait faire l’aumône aux pauvres. De retour des journées de pêche avec son bien-aimé père, elle apportait les poissons attrapés aux pauvres du Refuge. Éduquons les enfants selon les valeurs traditionnelles de la culture créole comme la prière et le partage de biens, plutôt que de courir pour qu’ils soient toujours contents et satisfaits au risque de les rendre inaptes à traverser les frustrations qui marqueront leur existence.
Toussaint. Tous appelés au bonheur. Mais le bonheur, c’est quoi ? L’amour de Dieu, la sainteté, don de l’Esprit Saint par la foi.

1er novembre 2023

Solennité de Tous les Saints

Dieu est esprit, mais n’est-ce pas la vie de l’esprit que révèlent les saints ? Au milieu de ce débordement de jouissances, de ce laisser-aller des appétits sensuels, de ce matérialisme qui s’étale, les saints ont rendu à l’âme toute sa dignité. Ce que quelques anciens avaient entrevu, ils l’ont réalisé, une maîtrise de l’âme qui, soumise à Dieu, réduit son corps à une juste dépendance. Ils ont <eu> le spectacle de la richesse, et ils l’ont méprisée ; ils ont été plus loin, ils ont vécu dans le corps comme s’ils n’étaient pas dans le corps, et si tous n’ont pas pratiqué une virginité qui n’est que de conseil, tous ne se sont servis de la fortune, du corps lui-même, que selon les règles de la raison et de la foi, sans se laisser entraîner à une aveugle concupiscence.

Dieu est justice. Rien de plus dangereux, <injurieux> que de l’envisager comme un vieillard débonnaire, indifférent au bien et au mal. Par la nécessité de sa nature infiniment parfaite, il ne peut vouloir que le bien et ne tolère le mal qu’à la condition de le réduire à l’ordre. Et les saints sont vraiment l’incarnation de cet amour de la justice. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, faim et soif de la perfection, horreur du péché. Quelques-uns ont eu le don pénible de le sentir d’une façon pour ainsi dire matérielle, mais tous en ont eu la haine. Rien de plus touchant que cette anxiété constante des âmes saintes, leurs appréhensions, leurs scrupules délicats, la crainte qui vraiment les consume d’offenser Dieu ; et même s’il s’agit de leurs frères, quelles fortes convictions, quelle audace, quand il s’agit des droits des faibles et des malheureux, quelle intrépidité quand il s’agit d’affronter la colère d’un puissant injuste. Verberantes tyrannos

Mais surtout Dieu est bonté, et c’est surtout comme bonté qu’il rayonne dans ses saints… la tendresse, la miséricorde, les entrailles qui s’émeuvent. Plutôt que de tracer ce tableau, Richelieu et S. Vincent… L’un : la gloire, les avantages réels, assez douteux ; mais l’autre : les misères… et c’est cela qui dure…

Enfin Dieu est beauté. L’accord de l’infinie variété des perfections dans l’unité la plus absolue ! Comment le comprendre ? Les saints nous en donnent une image. L’unité est dans la charité, avec laquelle viennent toutes les vertus…

Qu’ils sont beaux, si simples dans leur vie de chaque jour, vaquant à leur tâche, mais avec cet héroïsme latent qui jaillira au moindre choc… Voilà cette humble sœur, ou ce catéchiste, qui n’a jamais appris le métier des armes… il est prêt à verser son sang, peut-être est-il consumé du désir du martyre… et dans ces grandes journées… jamais de pose… la suprême beauté inconsciente du geste de la vierge martyre qui ramène sa tunique pour mourir. Interrogez ces humbles, vous trouverez en eux des cœurs magnanimes, un désintéressement de grands seigneurs, une libéralité princière <ce n’est pas un élan, c’est un état, ils ont horreur du moindre mensonge>. Et cependant ils demeurent simples, et ils sont toujours vrais <francs et sincères>. Oh certes, l’univers déjà nous fait connaître la beauté de Dieu. Combien de fois, au spectacle des cieux étoilés, ou de la mer, ou des montagnes, n’avons-nous pas frissonné de ce frisson qu’excite le spectacle de la beauté… et nous nous disions : quelle doit être la beauté du créateur… Mais quand nous lisons la vie des saints, d’un S. Paul, d’une sainte Perpétue, d’une Ste Thérèse, ou d’un S. Dominique, de S. Vincent de Paul ou de S. François de Sales, de S. Charles Borromée ou de Ste Jeanne de Chantal, sans parler de ceux qui sont plus hauts encore, dont les perfections nous éblouissent dans la splendeur de Dieu, nous comprenons le charme souverain qui a attiré tant d’âmes après ces âmes…

Qui se donne volontiers à un autre homme ? Et pourtant on se donne aux saints, parce que la beauté de leur âme est vraiment un rayon de la beauté de Dieu <parce qu’ils avaient Dieu, ils ont atteint la plus haute perfection de l’homme, que leur intercession vienne en aide à notre faiblesse>.

Et voilà pourquoi nous disons avec le psalmiste : Non, nous ne succomberons pas au doute, pour ne pas condamner la nation des saints. Non, ils ne se sont pas trompés, les apôtres qui ont parcouru le monde pour prêcher Jésus-Christ, affrontant la faim, la soif, les faux frères, revêtus de vêtements grossiers ou de peaux de bêtes, elles ne se sont pas trompées les vierges qui ont sacrifié la naissance, la fortune, le bonheur domestique et tous les attraits souriants à leurs vingt ans et qui se sont enfermées dans le cloître pour servir J.-C. Ils ne se sont pas trompés les martyrs qui ont versé leur sang pour lui sur toutes les plages. Ils ont tout sacrifié à Dieu, comment voulez-vous que Dieu leur manque. Mon Dieu, disait le psalmiste, vous me prendrez dans la gloire. Qu’ai-je au ciel ? –.

(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

Écho de notre Page Facebook : octobre 2023

26 octobre 2023

« Je suis venu jeter un feu sur la terre ; et combien je désire qu’il soit déjà allumé ! … Mais je dois recevoir un baptême : et combien je suis angoissé jusqu’à ce qu’il soit accompli ! … (Luc 12, 49-50) ».

Le P. Lagrange nous dit : Jésus était aimé, et ceux qui s’attachaient à lui éprouvaient le désir d’aimer Dieu davantage. Il voyait d’avance le feu nouveau de charité qui devait consumer les cœurs. Il s’écria : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et combien je désire qu’il soit déjà allumé ! » Mais, c’est en donnant sa vie pour les hommes qu’il touchera leur cœur ; il voudrait que cette heure soit passée, parce que la partie sensible de son âme répugne à tant de souffrances et parce qu’alors qu’alors seulement se répandra cette flamme, cette effusion d’amour qu’il souhaite si fort. Il compare sa Passion à un baptême : « Mais je dois recevoir un baptême, et combien je suis angoissé, jusqu’à ce qu’il soit devenu un fait accompli ! » […] Ce que Jésus avait déjà annoncé des persécutions qui attendent ses messagers, il l’embrasse d’un coup d’œil sous le côté le plus pénible à son Cœur aimant, une longue suite de dissensions et de querelles. Si du moins elles n’étaient qu’entre ses disciples et ceux du dehors !

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, (extraits), Artège, 2017.)

Photo : Centro Aletti.

Abbaye Bec-Hellouin

25 octobre 2023

La vérité de la Bible

Un défi passionnant à relever par les étudiants.

Dans son discours d’inauguration de l’École biblique, le 15 novembre 1890, fête de saint Albert le Grand, prénom de son baptême, le père Lagrange écrit :

Découverte de la nouvelle Bible par les frères de Jérusalem
Photo : École biblique de Jérusalem

« Il y a [dans la Bible] en histoire, en philologie, en archéologie, en morale, des problèmes qui ne seront pas de longtemps résolus, et qui nous touchent de si près que leur intérêt ne faiblit pas. Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité. Car ce que j’admire le plus dans la doctrine catholique, c’est qu’elle est à la fois immuable et progressive. Pour l’esprit ce n’est pas une borne, c’est une règle. Elle s’impose à lui, mais elle sollicite son activité ; elle aime être examinée de près parce qu’elle se sait sans reproche : les grandes intelligences qui ont fait éclater le cadre étroit de tant de religions, se trouvent à l’aise dans ses limites, et peuvent se livrer à loisir à leur passion dominante, le progrès dans la lumière. La vérité révélée ne se transforme pas, elle grandit. C’est une évolution, mais une évolution qui a pour cause première le Dieu révélateur, pour point de départ les dogmes, pour appui l’autorité de l’Église. C’est un progrès, parce que les acquisitions nouvelles se font sans rien enlever aux trésors du passé. » [1]

Prions pour les étudiants avides de lumière mais menacés souvent de déception et de scepticisme. Puissent l’exemple et l’intercession du père Lagrange éveiller le meilleur d’eux-mêmes à la recherche critique de la vérité, à l’écoute de la Parole de Dieu et à la mise en pratique – toujours difficile – des enseignements révélés.

[1] Marie-Joseph LAGRANGE, L’Écriture en Église. Choix de portraits et d’exégèse spirituelle (1890-1937). Présentation par M. Gilbert, s.j., collection « Lectio divina » n°142, Paris, Éditions du Cerf 1990, p.104.

24 octobre 2023

Dans l’évangile selon saint Luc (12, 37-38), Jésus dit cette parabole : Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera veillant ! En vérité, je vous dis qu’il se ceindra, et les fera mettre à table et se présentera pour les servir. Et s’il vient à la deuxième ou à la troisième veille et qu’il trouve les choses ainsi, heureux sont ces serviteurs !

Commentaire du P. Lagrange : C’est ce que Jésus exprime tout d’abord par le tableau de la fidélité, et de la récompense vraiment inouïe qui la couronne.

Un maître s’est fait attendre ; il était à une noce, retenu par conséquent jusqu’à une heure avancée. Les serviteurs veillaient, tenant les lampes allumées, et, quand il a heurté à la porte, ils lui ont ouvert aussitôt, prêts à le conduire chez lui à la lumière. Mais lui, ravi de ce zèle, les fera mettre à table, se ceindra et les servira. Hyperbole si l’on s’en tient aux usages, mais propre à indiquer une condescendance infinie de la part de Dieu, car on comprend que c’est lui qui va frapper à la porte. Les choses se passeront de la même façon pour le monde entier à l’avènement du Sauveur, mais ici le sort de chaque âme est en jeu, comme dans le cas du riche insensé ; l’arrivée du maitre, c’est le moment qu’attend le bon serviteur, et c’est le Fils de l’homme qui vient, qui le fait asseoir à son banquet.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)

18 octobre 2023

Saint Luc, Évangéliste

Comment lire la Sainte Écriture : Évangile selon saint Luc

Par Marie-Joseph Lagrange, o. p.

Extrait de La Vie dominicaine, Saint-Maximin (Var) Juin-Décembre 1936. L’Écriture en Église, coll. « Lectio divina », n° 142, Éd. du Cerf, Paris, 1990, p. 185-217.

Pendant que Pierre annonçait l’évangile à Rome surtout aux juifs qui y étaient très nombreux, Paul, au moment où il s’apprêtait à anéantir le christianisme naissant à Damas, fût éclairé par Jésus-Christ en personne, converti, destiné à convertir ses coreligionnaires, et plus encore les païens. Antioche était alors la reine de la Syrie, l’intermédiaire du commerce entre l’Orient indépendant de Rome et le grand empire gréco-latin. Elle était aussi le principal foyer de la culture grecque après Athènes et Alexandrie. C’est là que les disciples de Jésus furent nommés Chrétiens. Ces nouveaux convertis se souciaient peu des origines juives de l’évangile : elles eussent été plutôt un obstacle. Ce qu’attendaient les âmes religieuses, mal satisfaites de religions impures, même sous leur forme la plus élevée, c’était un Sauveur, qui leur accordât le pardon de leurs péchés, qui les aidât à pratiquer une vie meilleure. Les juifs leur avaient offert de les initier à leur Loi, mais à la condition d’être incorporés au judaïsme. Ils comprenaient mal que le Dieu créateur du monde n’eût pas disposé en faveur de tous les hommes une religion universelle, embrassant toutes les nations, demeurées libres de rester ce qu’elles étaient dans l’ordre humain.

C’est précisément ce que prêchait Paul, qu’il n’y avait plus ni juifs, ni Grecs, mais seulement des fidèles du Christ, associés par la foi à sa mort et à sa résurrection. Ajoutons que l’élite intellectuelle de ces convertis avait été formée dans le culte des Bonnes-Lettres. Plus le thème du discours était élevé, plus sa composition devait être ordonnée, chaque genre suivant ses règles. Déjà on avait inauguré le genre de la biographie des hommes célèbres. Athènes, et plus encore Rome, avaient le culte de ces grands esprits ou de ces grands capitaines qui avaient inauguré de nouveaux systèmes de philosophie ou de religion, qui avaient défendu et agrandi la patrie. Si Jésus n’avait pas régné par les armes, sa pensée avait inauguré des rapports nouveaux entre Dieu et les hommes, entre tous les membres de l’humanité. Il avait donc droit à une biographie plus conforme au genre historique que la polémique de Matthieu ou les traits épars recueillis par Marc d’après la prédication de Pierre. Précisément Paul avait parmi ses compagnons un médecin qui probablement s’était attaché à lui pour le soigner et avait été associé à son activité apostolique. Sorti de la gentilité avec une culture déjà complète, il se proposa d’adresser à un homme distingué, comme c’était l’usage, une esquisse de la vie de Jésus-Christ qui fixât par écrit ce que savaient pour en avoir été témoins, les premiers apôtres. Sous leur patronage, les chrétiens de l’avenir pourraient garantir la vérité des faits, à peu près dans l’ordre où ils s’étaient passés.

On voit quel programme s’imposait au médecin Luc. Il n’avait pas à exposer la doctrine particulière de Paul postérieure à la prédication de Jésus. Il n’avait pas non plus à rechercher toutes les influences sous lesquelles s’était formée la pensée et la vie religieuse du Christ, puisque, Fils de Dieu incarné, il tenait d’en haut les dons propres à son ministère. Mais la nouveauté même de son enseignement devait mieux paraître en le comparant à celui de ses adversaires ; sa vie devait mettre en scène dans une certaine mesure les Pharisiens et les Sadducéens, Hérode la principale figure d’un petit état, et ses successeurs. Cependant, comme l’évangile s’adresse à toute la terre habitée, c’est-à-dire avant tout à l’empire romain, Luc élargit le cadre palestinien et rattache l’origine de l’évangile aux destinées de l’empire. Avec une hardiesse inouïe, il met au-dessus d’Auguste, tant de fois salué bienfaiteur du genre humain, l’enfant né dans une étable comme le véritable Sauveur. Sa généalogie ne remonte pas seulement à Abraham, elle commence à Adam, le premier père, sorti des mains de Dieu.

À lire saint Matthieu, le Christ était venu pour accomplir la promesse faite par Dieu à Israël. Les Gentils ne pouvaient alléguer ce titre, en quelque sorte légal. Pourquoi donc le Messie des juifs, le Christ, était-il venu les chercher ? Au titre de sa miséricorde pour les pécheurs. De là, dans le troisième évangile, tant de traits où les anciens pères dans leurs homélies, ont vu des appels de la bonté divine, devenue dans l’homme-Dieu une véritable compassion, une souffrance du cœur envers la misère physique et surtout morale. Rappelez-vous Jésus consolant la veuve de Naïm : Ne pleurez pas ! Voyez la pécheresse en larmes à ses pieds, et Lui récompensant ce grand amour par le pardon. Lisez et relisez la navrante aventure du fils prodigue, où éclate la joie du Père qui recouvre son enfant, en face de la froideur du fils aîné, qui n’a jamais eu rien à se faire pardonner, ne se doutant pas que cette protestation contre la miséricorde est une grave offense.

Les Gentils, même l’austère romain saint Grégoire, ne pouvait lire ces histoires sans pleurer, parce que dans le coupable que poursuivait Jésus de son amour, ils croyaient reconnaître leur monde à eux, cette gentilité qui avait vécu sans Loi religieuse, et qui n’avait qu’à croire à un amour éternel pour obtenir son salut.

Naturellement Luc, en quête de témoignages assurés, ne pouvait négliger celui de Pierre, déjà fixé par saint Marc, et il s’est servi du second évangile. Mais sa fidélité envers cette source de premier ordre nous garantit qu’il n’a pas été moins prudent, et, comme on dit aujourd’hui, moins critique dans ses enquêtes auprès des autres, de ceux qui ont tout vu dès le commencement et ont été les ministres de la parole.

Dès le commencement ! Quel témoin a connu le commencement de l’évangile dont Jésus-Christ était le sujet ? Une seule personne, Marie sa mère, dont Dieu a voulu avoir le consentement, avant de réaliser l’œuvre de la bonne nouvelle. Et lorsque Luc souligne par deux fois (Lc 2,19 ; 2,51). que Marie conservait dans son cœur tout cela, paroles et faits, selon le sens compréhensif du terme hébreu, n’est-ce pas une manière délicate de nous dire qu’il reproduit les confidences de Marie, peut-être déjà écrites par un très ancien ami parmi les âmes choisies de Nazareth ou de l’entourage de Zacharie.

C’est donc à saint Luc et par lui à Marie, que les âmes dominicaines doivent les cinq mystères joyeux qu’elles s’attachent à contempler. Une fois entrées en communication avec cet écrivain si éclairé sur ces mystères elles reconnaîtront dans le troisième évangile les mêmes touches émues et délicates qui attendrissent le cœur et le remplissent d’une immense espérance dans son Sauveur.

Et certes voilà un fruit bien suffisant de la lecture de ces pages qui ont leur source dans une âme vierge. Faut-il ajouter, non pour satisfaire le simple goût littéraire exprimé par Renan, qui jugeait ce petit livre exquis, mais pour mieux comprendre sa place dans le chariot sacré des Quatre, que Luc a résolu de la façon la plus heureuse le problème de faire comprendre et goûter aux Grecs une histoire juive, sans altérer en rien son inviolable vérité ? Selon un canon d’élégance reçu chez les partisans des Attiques, il n’entre pas dans des détails qui paraissent superflus, peu dignes de la grande histoire. Il a donc suivi Marc en l’abrégeant, en prêtant quelque élégance aux tournures de ce paysan illettré. Quand un trait était trop propre à la Palestine, il a quelque peu transformé l’image. On ne voit pas chez lui un torrent dévastateur amené par une simple pluie (Mt 7, 25 ; Luc 6, 49), c’est un fleuve qui déborde. Les toits rustiques de Galilée faits de terre tassée (Mc 2, 4 ; Luc 5, 19) sont par Luc, ornés de tuiles. Bien d’autres traits sont caractéristiques par l’exclusion de certains mots, moins goûtés, moins élégants. Luc n’affecte pas, comme plus tard Victor Hugo, de mettre sur le même rang les termes nobles et les termes roturiers.

Amusez-vous, si vous en avez le goût, à poursuivre ces minuties : vous en retirerez du moins ce résultat de vous convaincre de la solidité du fond, garantie parce que les changements ne portent pas sur le sens, tel que Marc par exemple l’avait fait ressortir sous une forme plus vulgaire, probablement plus primitive, même s’il s’agit des paroles de Jésus. Le Maître mesurait avec une condescendance délicate son enseignement à la capacité de ses auditeurs. Son évangéliste a eu la même indulgence pour des goûts plus délicats.

Les trois premiers évangiles annonçaient clairement, de la part de Jésus, et avant que sa génération eût disparu, la ruine de Jérusalem et du Temple. Ce n’est pas, comme les juifs d’aujourd’hui se complaisent à le dire, que leurs ancêtres aient été chassés de leur pays. L’accès de Jérusalem seul leur fût interdit ; le culte du Dieu d’Israël au mont Sion n’existait plus, en attendant qu’il fût remplacé par celui de Jupiter Capitolin. Une saine critique affirme que les trois premiers évangiles sont antérieurs à cet événement capital, car nulle part ils ne font gloire au Christ de sa prophétie accomplie ; elle est plutôt enveloppée dans la perspective de la fin du monde. Cette perspective flottante est l’une des énigmes les plus difficiles que vous rencontrerez en lisant l’Évangile : elle est cependant la preuve la plus solide que les évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc sont antérieurs aux faits et émanent par conséquent de la génération à laquelle a appartenu Jésus.

16 octobre 2023

Sainte Marguerite-Marie Alacoque (+ 1690) à Paray-le-Monial

« Combien la dévotion au Sacré-Cœur dans la vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie est sanctifiante. Quel feu consumant ! » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel.)

Par son arrière-grand-mère, Jeanne Aumônier, le père Lagrange était apparenté à sainte Marguerite-Marie Alacoque. Cette parenté – supposé, mais très vraisemblable – n’est pas l’explication unique à l’intérêt que le P. Lagrange portait à Marguerite-Marie Alacoque. En effet, le nom de celle-ci vient plusieurs fois sous sa plume. Mieux vaut parler de dévotion lorsque le P. Lagrange, le 15 janvier 1935, souhaite auprès de l’assistant français du maître de l’Ordre que le chapitre général introduise la fête de sainte Marguerite-Marie au calendrier des Prêcheurs. « Sa mission dans l’Église, écrit-il, se révèle de plus en plus efficace : il semble que sa fête nous attirerait les grâces du Sacré-Cœur. ». De même quand, le 5 janvier 1936, il recommande au P. Lyonnet, jésuite, qui faisait son troisième an à Paray-le-Monial, de prier sainte Marguerite-Marie pour lui.

(Bernard Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf. 2004).

 

15 octobre 2023

Mémoire de Sainte Thérèse d’Avila. Vierge et Docteur de l’Église

Ce que le Père Lagrange doit à Thérèse d’Avila

La ferveur thérésienne ne se borne pas aux années de noviciat. La retraite annuelle, au long de la vie active du P. Lagrange, lui permet de se plonger à nouveau dans les écrits de la sainte. Toutes les citations qui suivent ont été écrites durant une retraite.

Au passage, il note « belle doctrine », ou encore « belle pensée » de sainte Thérèse. ».

Il s’exclame : « Mon Dieu, votre lumière est admirable ! Soyez béni de l’avoir prodiguée à votre fidèle servante, Thérèse de Jésus ! »

Il rend grâce ainsi : « Lu les Moradas de ma chère sainte Thérèse : quelle clarté, quelle suavité, quel entraînement d’amour de Dieu. » « Durant cette retraite, j’ai relu les Fondations, qui m’ont rappelé la Providence spéciale de Notre Seigneur pour ceux qui sont consacrés à son service. »

Il invoque Thérèse : « Ma bonne et chère sainte, ma courageuse sainte, donnez-moi quelque chose de votre amour pour Jésus. ».

S’adressant au Seigneur, il confesse : « Je me suis présenté à vous avec cette tiédeur invétérée, vous priant de me guérir. Et je suis monté pour demander des lumières à sainte Thérèse, et sans aucune consolation, j’ai compris que j’abusais de sa doctrine, si j’attendais l’heure de la grâce sans rien faire. »

Une autre fois : « Cette retraite a commencé dans un sentiment de sécurité et de foi, elle se continue sans que je voie autre chose que la bonté de l’oraison, donum optimum. Sont-ce les carmélites [à qui il avait prêché] qui m’ont obtenu ce désir par l’intercession de sainte Thérèse ? »

Il remarque : « Sainte Thérèse devrait m’enseigner le courage. »

Il prend comme résolution de retraite : « Lire souvent sainte Thérèse puisque ses œuvres me font un bien si grand ». Il reconnaît que « la lecture de sainte Thérèse m’a toujours fait beaucoup de bien ».

Et aussi que « la lecture des lettres de sainte Thérèse – toujours elle – me donne beaucoup d’estime du courage, de l’action. ».

Et encore : « L’impression profonde que me font toujours les écrits de sainte Thérèse me persuade que cette chère sainte me veut du bien. ».

À la lecture de sainte Thérèse, 5e demeure, ch. 3, il note : « Une grâce aussi éminente que celle de l’union n’est pas donnée en vain ; si l’âme qui la reçoit n’en profite point, elle tourne au profit des autres. J’ai connu une personne à qui ce que je dis est arrivé. »

Quand il médite sur la souffrance et l’épreuve que Jésus envoie de ses mains percées pour nous, pensée à laquelle il faut toujours revenir, il ajoute : « Les épreuves des pères Déchaussés et de la sainte Mère elle-même sont aussi bien consolantes. »

(Rediffusion) Extrait de Le père Lagrange d’une Thérèse à l’autre par Fr. Bernard Montagnes o.p. http://www.mj-lagrange.org/?p=2106

Photo : Portrait de Ste Thérèse d’Avila

L’Enfant Jésus donnant les attributs de la Passion à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et saint Jean de la Croix

C’est un tableau très rare, il représente l’Enfant Jésus donnant des signes de sa passion à Sainte Thérèse de Jésus et Saint Jean de la Croix. L’enfant porte une robe en tulle transparent avec broderies, qui laisse apparaître tout son corps (1726).

Transverbération de Sainte Thérèse d’Avila

Le tableau est réalisé sur tissu de soie brodé de fil de soie de différentes couleurs avec les parties peintes qui correspondent exclusivement aux incarnations du Saint et de l’Ange. La pièce est véritablement magistrale d’un point de vue technique et esthétique. Le thème central, occupé par les figures de Sainte Thérèse et de l’Ange, l’encrier au sol et le Saint-Esprit au sommet, est enveloppé dans un grand paysage de nuages ​​blancs sur le ciel bleu. Sur la bande inférieure, nous voyons un cartouche de composition rococo avec un texte en majuscules presque perdues, pouvant lire « TERESA DE JESUS ​​» sur la deuxième ligne. Cette pièce répond à la vigueur nouvelle adoptée par la broderie espagnole à l’arrivée des Bourbons, qui dans la seconde moitié du XVIIIe siècle alliaient le style rococo et le goût pour la chinoiserie. Dans le cas présent, les deux concepts sont présents (1750).Source : https://carmelitasalba.org

10 octobre 2023

Jour-Anniversaire en mémoire du Serviteur de Dieu le P. Marie-Joseph Lagrange, o. p.

 

 

Notre prière rejoint celle de Fr. Manuel Rivero, o. p., vice-postulateur et président de l’association au cours de la messe célébrée de ce jour. Confions à l’intercession du P. Lagrange nos demandes de grâces. Pour les grâces obtenues, écrire à manuel.rivero @free.fr. Aujourd’hui, prions Notre-Dame de la Paix pour la réconciliation entre les peuples.

Photos : Prière pour demander l’intercession du P. Lagrange.

Notre-Dame de la Paix – source Zenit.

8 octobre 2023

« Au temps du Synode, progresser dans la Vérité »

Homélie pour le 27e dimanche du temps ordinaire, le 8 octobre 2023.

Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Jésus dérange, autant l’éliminer. Voilà ce que nous enseigne la parabole de la vigne aimée de Dieu dans l’évangile selon saint Matthieu. Le maître de la vigne, c’est Dieu, la vigne c’est le pays d’Israël, les serviteurs sont les prophètes, les mauvais vignerons sont les chefs du peuple, entêtés et infidèles, le fils, c’est Jésus lui-même, Fils de Dieu.
Cette parabole garde son actualité. Qui est le propriétaire de la terre et la source de la vie sinon Dieu ? Pourtant ses pensées ne sont pas nos pensées. Quand il nous contrarie, nous cherchons aussi à l’éliminer.

Le propriétaire a confié la gestion du vignoble aux vignerons dans l’attente de récolter de bons fruits. Au lieu de présenter de beaux raisins aux envoyés du maître, les vignerons les mettent à mort. Ils en font de même avec son propre fils. Nous trouvons ici un résumé de l’histoire d’Israël qui a tué les prophètes et même le Fils de Dieu envoyé par le Père, Jésus. Mais « la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle », annonce de la résurrection et de la naissance de l’Église, Temple de Dieu.

Dans leur aveuglement, les vignerons ont mis à mort les envoyés. Faute de discernement, dans l’orgueil, les hommes continuent de mettre à mort ceux qui contrarient leurs plans et leur volonté de puissance. Des guerres diaboliques et des avortements pour convenance personnelle montrent la violence sans pitié dont l’humanité est capable.

« Je suis perdu » est une phrase que j’entends souvent. Sans boussole, sans Dieu, l’humanité ne sait plus pour qui elle vit, ni le sens ni le pourquoi. La perte du sentiment d’appartenance désoriente les personnes qui se demandent si elles ont un rôle à jouer ou une mission à accomplir en-dehors des besoins et des loisirs. 45% des Français déclarent n’appartenir à aucune communauté. Nous devenons de plus en plus individualistes dans des systèmes individualisants qui isolent tout en informant. Internet et les réseaux sociaux peuvent donner l’illusion que l’homme n’a pas besoin de faire partie d’une communauté.

Au Synode, l’Église se fait rencontre, conversation, dialogue respectueux et exigeant, dans la recherche de la volonté du Christ ici et maintenant. Le bienheureux évêque dominicain, Mgr Pierre Claverie, martyr en Algérie en 1996, n’hésitait pas à affirmer loin de tout relativisme ou syncrétisme religieux : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Dieu aime tous et chacun. Il peut se manifester à travers des chrétiens et des non-chrétiens.

Nous sommes non seulement dans une époque de changements mais aussi dans un changement d’époque. Comment savoir ce qu’il faut faire ? En qui croire et pourquoi ? L’Église trouve le discernement dans la Parole de Dieu, vécue dans la charité, au cœur de la prière et de la vie fraternelle.

D’où l’organisation du Synode sur la synodalité qui vise à mettre au centre de l’existence Jésus ressuscité, dans l’écoute communautaire de l’Esprit Saint. N’éteignons pas l’Esprit Saint ! Ne le contristons pas ! Il est Amour à l’œuvre, énergie en synergie avec nous, vision donnée pour l’avenir, rendez-vous dans le futur : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).

Unité ne veut pas dire uniformité. L’unité de l’Église trouve son origine et sa force dans l’amour trinitaire du Père et du Fils et du Saint Esprit. Au cœur de la Trinité, l’Esprit Saint représente le « nous » du Père et du Fils, le lien, la mise en commun, le partage, la communion. L’esprit synodal facilite le passage du « je » au « nous » de l’Église ainsi que le passage du « nous » dans la Communion au « je » dans la confession de foi personnelle. L’homme de la modernité se pense à partir de lui-même. Tout n’est pas mauvais dans l’individualisme qui met en valeur la pensée personnelle et la dignité de chacun au milieu des menaces totalitaires qui imposent des formatages massifs.

À la suite de Jésus, la doctrine sociale de l’Église promeut la dignité intégrale de tout l’homme et de tous les hommes dans la solidarité d’une communauté fraternelle.

Dieu a créé la terre pour tous les hommes : destination universelle des biens. Tout est au service de l’humanité ; l’humanité est au service de Dieu. Dieu partage tout avec l’humanité : « Mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi », déclarait le père de la parabole du fils prodigue au fils aîné. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus exprime cela à partir d’un beau fruit de la nature : « Voici une belle pêche, rosée et si sucrée que tous les confiseurs ne sauraient imaginer une si douce saveur. Dis-moi, ma Céline, est-ce pour la pêche que le bon Dieu a créé cette jolie couleur rose si veloutée et si agréable à voir et à toucher ? Est-ce encore pour elle qu’Il a dépensé tant de sucre ?… mais non, c’est pour nous et non pas pour elle. » (Lettre 147, 13/08/1893).

Trois mots structurent la démarche synodale : communion, participation, mission. Nous avons à nous réjouir de ce rassemblement synodal qui comprend des évêques et des laïcs, hommes et femmes. L’étymologie de synode veut dire « marcher ensemble ». Ensemble nous sommes plus intelligents que tout seuls. Tout seuls nous risquons fort de nous tromper et de nous faire illusion. Dans la prière, en Église, nous nous trompons rarement. La démarche synodale diminue notre peur face aux menaces de guerre et aux défis de nouvelles technologies qui appellent des choix de sagesse. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », déclarait Rabelais (+1553).

Des laïcs, membres du Synode sur la synodalité, témoignent de la vigueur de la foi des catholiques aujourd’hui qui vivent le sensus fidei, le sens de la foi, et le sensus fidelium, le sentir théologal des fidèles, expérience de Dieu. Nous pouvons être fiers de la passion de nombreux laïcs pour la théologie. L’Ordre des prêcheurs, dominicains, participe à la formation des leaders laïcs. Plusieurs laïcs, délégués au Synode, ont été étudiants à DOMUNI, notre université numérique. Le but du synode n’est pas de changer la foi mais de grandir dans la foi et dans la connaissance de la Vérité.

Le Synode représente une expérience de communion avec Dieu dans la prière et le dialogue, voire dans le débat contradictoire si apprécié des frères dominicains puisqu’ils sont nés non de la répétition des leçons mais du débat avec les cathares.

Le philosophe Emmanuel Kant définissait la science comme l’organisation des connaissances et la sagesse comme l’organisation de la vie. Le Synode aspire à la sagesse, don de Dieu, en participant à l’organisation de la vie de l’Église au cœur de l’humanité. C’est la mission que le Christ a confiée aux apôtres et aux chrétiens. La foi de l’Église ne change pas mais les dogmes peuvent connaître des développements dans le progrès de la Vérité révélée. Le Christ, chemin, vérité et vie, est présent à son Église « hier, aujourd’hui et demain » et nous le connaissons de mieux en mieux. Le mystère du Christ ne change pas mais il continue de dévoiler sa richesse infinie. Prenons un exemple, un bébé d’aujourd’hui reste un bébé semblable à un bébé d’il y a deux mille ans. Pourtant nous connaissons mieux la génétique et la psychologie du bébé aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. Ce que nous découvrons dans les recherches scientifiques maintenant étaient présentes il y a des milliers d’années mais cachées, inconnues.

Ne nous laissons pas décourager par le rejet de l’Évangile ou par l’abandon de l’Église chez des baptisés. « Seigneur, à qui irions-nous ? » ; s’exclamait l’apôtre Pierre, « tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Choisissons le Christ pour bâtir notre existence sur sa Parole, avec lui : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant » (Psaume 126,5).

7 octobre 2023

Bienheureuse Vierge Marie, Reine du Rosaire

« Reine du Très Saint Rosaire, vous que je désire tant faire connaître et aimer ! » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel.)

P. Lagrange priant son rosaire (détail)

Plusieurs écrits ont paru sur le père Lagrange, surtout depuis que Jean-Paul II a introduit sa cause de béatification. Je m’en tiendrai à quelques souvenirs du père Jaussen, qui, pendant trente ans, avait été disciple et collaborateur du père Lagrange à Jérusalem : « La dévotion du père Lagrange envers la Vierge Marie, nous dit que ce frère dominicain, était plein de confiance, je dirai presque « enfantine », comme celle de sainte Thérèse de Lisieux. Je le vois encore récitant souvent le matin, dans une allée du jardin ou sous le cloître, le petit office de la Sainte Vierge ou un chapelet avant de se mettre au travail. Chaque année, la veille de l’Immaculée Conception, il conduisait les novices au sanctuaire de Sainte-Anne à Jérusalem… En juillet, il accompagnait ses étudiants au sanctuaire de la Visitation à Aïn Karim, lieu traditionnel de la visite de Marie à Élisabeth, pour exciter la charité dans les cœurs, à l’imitation de la charité de Marie. Chaque matin, autant que possible, il choisissait l’autel du Rosaire pour célébrer la Sainte Messe. La Vierge Immaculée était honorée comme une Mère bien-aimée sous le regard de laquelle vivait son serviteur. » Albert Enard. Assidus à la prière avec Marie, Mère de Jésus. Parole et Silence 2003.

Photos : P. Lagrange priant, jardin, Jérusalem.

Vierge Marie, Reine du Rosaire, S. Cantarini (1612-1648), Museo di Brescia (Italie).

Le rosaire et les enfants

Fr. Manuel Rivero, o.p.

Prier le chapelet avec les enfants n’est pas une mission impossible ! Que ce soit en famille ou à l’école, des parents et des catéchistes témoignent de l’attachement des enfants à cette prière. Ils trouvent cette prière apaisante et profonde. La récitation d’une dizaine porte du fruit : expression des difficultés à travers les intentions de prière, dialogue avec Dieu en compagnie de la Vierge Marie, apprentissage du silence intérieur grâce à la récitation de la Salutation de l’ange Gabriel à Marie, formation d’une petite communauté de croyants. Les enfants aiment aussi avoir un chapelet dans leur main. Nous ne sommes pas de « purs esprits ». J’ai vu les yeux des enfants briller en recevant et en priant le chapelet. En le priant, ils le touchent et le marquent de leur corps et de leur âme. Leur chapelet devient le témoin de leur histoire, leur compagnon et leur ami.

Le pape Jean Paul II écrit dans sa lettre apostolique « Le rosaire de la Vierge Marie » : « Prier le rosaire pour ses enfants, et mieux encore avec ses enfants, en les éduquant depuis leur plus jeune âge à ce moment quotidien de « pause priante » de la famille, n’est certes pas la solution à tous les problèmes, mais elle constitue une aide spirituelle à ne pas sous-estimer. » (n° 42). Pourquoi ne pas l’essayer ?

 

4 octobre 2023

Saint François d’Assise (1181-1226), fondateur de l’ordre des Frères mineurs (O.F.M.), patron de l’Italie, patron Céleste des écologistes

« Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité ! »

Comme l’ordre des Dominicains, l’ordre des Franciscains est caractérisé par la pauvreté, la prière et la prédication que l’on retrouve dans la vie du père Lagrange :

Homme de foi en la Providence, mystique sûr de l’action de Dieu dans l’histoire humaine, le père Lagrange a mis sa confiance dans la Providence divine. Les conditions de la fondation de l’École biblique de Jérusalem en sont l’exemple le plus parlant. Il savait que les grandes entreprises de Dieu naissent petites. Loin de se décourager face à la pauvreté matérielle ou d’exiger comme condition sine qua non des instruments de travail performants, le père Lagrange met sa confiance en la Providence, comme le décrit le frère Jacques Loew : « Les Supérieurs du Père l’envoient à Jérusalem : quelle joie ce sera de rechercher les traces de Marie à Nazareth ou à Bethléem et d’être comme dans un pèlerinage perpétuel ! Oui, mais le Père est seul, sans argent, sans livres de travail ! Qu’importe : il fonde l’École biblique de Jérusalem. C’est précisément, dira-t-il plus tard, parce quec’était inhumain et qu’il n’y avait rien que cela valait la peine de l’entreprendre, parce que c’était Dieu qui le réaliserait. »  Des professeurs pour enseigner ? Le Père les formera lui-même parmi ses premiers élèves. Des salles de cours ? Un abattoir où les crochets à suspendre les bestiaux se voient au mur. Du matériel scolaire ? Une seule table, un seul tableau noir, une seule carte du pays ! « Notre plus petite école primaire de France est un palais à côté de cette université naissante. Mais, en revanche, quel commencement, dit-il dans son discours, avec l’aide de Madame Sainte Marie et de Monseigneur Saint Étienne, dans la confiance que Dieu le veut ! »

Ceux qui ont connu le père Lagrange témoignent de sa pauvreté manifestée dans les petites choses du quotidien. Dans l’Évangile, Jésus enseigne que celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes, tandis que celui qui se montre malhonnête dans les petites choses l’est aussi dans les affaires d’importance [1].

Le frère Louis-Albert Lassus, o.p., a cité un exemple de l’esprit de pauvreté du père Lagrange prêt à supporter le froid pour favoriser l’économie du couvent : « Je me rappelle aussi qu’en plein hiver, il demanda au père prieur : Croyez-vous qu’il fasse assez froid pour allumer mon poêle ? »  (Un religieux fidèle à ses vœux par Fr. Manuel Rivero o.p.)

Photo : Saint François d’Assise et Saint Dominique se rencontrent- Benozzo Gozzoli (1452).

[1] Cf. Évangile selon saint Luc 16, 10. Témoin 31, Rév. Jacques Loew (Cop. Publ., IV, pp. 356-371).

3 octobre 2023

En communion de prières avec tous nos amis participant au Pèlerinage du Rosaire à Lourdes 2023.

 

Évangéliser, oui, mais comment ?

 

1er octobre 2023

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (1873-1897), docteure de l’Église, patronne des Missions

Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897)

Fr. Manuel Rivero O.P. 

Président de l’Association des amis du père Lagrange

Dans son Journal spirituel[1], le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée…».

L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».

Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque[2] des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne[3] a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complu à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir[4]’. ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’[5] ».

C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.

Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit[6] ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église.  Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ » (n° 48).

[1] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.

[2] Synopsis EvangelicaTextum graecum quattuor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.

[3] Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.

[4] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.

[5] Ibidem, chapitre VIII.

[6] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.

Paru sur fr.zenit.org  Le 9 septembre 2021.

Écho de notre page Facebook : septembre 2023

30 septembre 2023

Fête de saint Jérôme (env. 347-420), auteur de la Vulgate

Le P. Lagrange, un nouveau saint Jérôme ?

Il est, pour moi, le saint Jérôme de notre temps. Il inaugure une période d’une exégèse scientifique en lien avec les bases théologiques. Une nouvelle théologie se forme sur l’exégèse. Lagrange, par son obéissance à l’Église en tant que pionnier dans cette nouvelle perspective, témoigne, dans sa personne même, ce lien visible entre exégèse scientifique et foi. C’est un nouveau saint Jérôme et plus grand même que saint Jérôme, car il possède une science humaine qu’il doit traduire dans un langage théologique nouveau. (Témoignage de Jean Guitton de l’Académie française.)

 

 

Le père Lagrange comparé à saint Jérôme

En vue de donner grand éclat à la célébration à Rome du seizième centenaire de saint Jérôme, le pape Benoît XV, qui avait, en 1914, arraché le P. Lagrange à la déportation par les Turcs, sollicita le grand universitaire qu’était un autre évêque belge, le cardinal Mercier, de présenter solennellement saint Jérôme et son œuvre. Le cardinal reconnaissait n’être pas lui-même un exégète, mais il avait toujours suivi, compris et appuyé le P. Lagrange, dont il mesurait l’importance de l’œuvre dans l’Église du XIXe siècle. Le grand cardinal ne pouvait comparer l’opportunité, l’importance et l’influence du père Lagrange qu’à celles de saint Jérôme, si profondément attaché à l’Écriture pour qu’en vivent les croyants. (Témoignage de fr. Ephrem Lauzière O. P.)

Le plus grand depuis saint Jérôme

De nos jours, quand éclata soudain, au cœur de la chrétienté, la crise biblique, l’Ordre eut alors la gloire de posséder, en la personne du P. Lagrange, un religieux exemplaire qui pouvait d’autant mieux combattre ces nouveaux hérétiques sur leur propre terrain, que ceux-ci, par la plume de leurs chefs de file, n’avaient jamais osé contester son savoir ni son orthodoxie.

On se rendra mieux compte, à mesure que les années passeront sur la tombe du père Lagrange, et que ceux qui l’ont le mieux connu pourront parler de lui plus librement, sans crainte d’offenser sa réelle modestie, de quelle hauteur il dépasse les exégètes de ce temps dont les meilleurs l’ont toujours tenu pour un maître. (Témoignage de Mgr Bruno de Solages, 1922.)

Nota : C’était en 1922. Aujourd’hui, le travail du P. Lagrange a été un tremplin pour progresser dans la Vérité. Il ne faut pas l’oublier.

P. Marie-Joseph Lagrange o.p. (1855-1938)

Le 10 novembre 1990, à Toulon, à l’occasion d’un colloque pour le centenaire de la création de l’École biblique de Jérusalem, le P. Bernard Montagnes, o. p., docteur en philosophie et docteur en histoire de l’art, membre de l’Institut historique dominicain prononce une conférence au cours de laquelle il mentionne : « Il me paraît encore plus important de dire que le P. Lagrange est l’un de ceux auquel nous devons essentiellement que la Bible nous soit devenue familière et je pense que lorsque nous ouvrons la Bible de Jérusalem nous devrions avoir une pensée de gratitude pour l’École biblique de Jérusalem et pour son fondateur ».

« J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres saints exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures. » (Cardinal Carlo Maria Martini s.j. à Fr. Manuel Rivero o.p., le 22 juillet 2007. Cité dans le Journal spirituel du Père Lagrange.)

 

 

25 septembre 2023

« Dans l’ignorance où nous sommes de Dieu, il nous est doux de savoir
qu’il est Père, par conséquent infiniment tendre et indulgent ; Fils incarné
pour nous, vivant en nous pour nous faire participer à ce qu’il tient du Père ;
Esprit vivifiant et sanctificateur, principe de charité. Oh ! Que cette
révélation de la Trinité des personnes divines nous est utile, et qu’il en faut
remercier Notre Seigneur ! » (Journal spirituel, Cerf, 2014,10 octobre 1895).

La dévotion mariale du père Lagrange plongeait ses racines dans le mystère trinitaire, source et sommet de la foi chrétienne.

Pour le frère Lagrange, Marie est à situer dans le mystère du Christ et de l’Église comme le dira plus tard le concile Vatican II dans sa Constitution Lumen gentium. (extrait de Manuel Rivero, o. p., Le père Lagrange et la Vierge Marie, Cerf, 2012)

Photo : Vierge Marie et l’Enfant Jésus. S’abandonner à l’amour de Dieu.

 

21 septembre 2013

en la fête de saint Matthieu, apôtre et évangéliste.

Le premier évangile fut toujours le plus cher à la piété et aux prédicateurs. Saint Dominique le possédait avec les épîtres de saint Paul dans le mince bagage qu’il portait lui-même au cours de ses marches apostoliques.

Le Christ de saint Matthieu est moins familier que celui de saint Marc, si indulgent envers des disciples lents à comprendre ; il apparaît moins que dans saint Luc comme le Sauveur du monde, et il n’est pas déclaré le Verbe comme dans saint Jean. Il est le révélateur d’une doctrine essentiellement intérieure, et le fondateur de l’institution chrétienne, établie sur le fondement de Pierre, auquel sont associés les apôtres.

Doux et humble de cœur, il n’éteint pas la mèche fumante, mais il résiste aux hypocrites et les démasque. Il est le Messie, législateur, non pas comme Moïse, au nom d’un autre, mais en Dieu : le Fils unique qu’Israël a méconnu, et que l’Église écoute.

Et si Matthieu n’a pas le réalisme expressif de Marc dans ses récits, ni au même degré la grâce attendrie de Luc, ni le regard de Jean fixé sur les choses divines, il a plus de paroles de Jésus, simples et droites, et si pénétrantes qu’on croit les entendre, avec l’accent et presque les intonations qu’elles avaient sur ses lèvres.

Aussi le plus ancien témoin de la tradition ecclésiastique, Papias, a-t-il vu dans l’évangile de Matthieu surtout les Paroles divines.

(Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs. Avant-Propos de la première édition de l’Évangile selon saint Matthieu. Gabalda. 1941.)

 

18 septembre 2023

 

 

Pensée du jour
« La foi… pour tous, savants ou ignorants, la difficulté principale est la même, croire au monde à venir et vivre selon cette croyance. Voilà pourquoi, en dépit des subtilités, la foi est si bien définie : « La foi est la substance des choses à espérer » (Épître aux Hébreux 11, 1). Quelle profondeur ! »
(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel).

 

 

 

14 septembre 2023 

« La grâce ne coule pas comme un torrent qui ravage, mais comme une eau
tranquille qui se répand dans des canaux disposés avec art : les plantes les
plus rapprochées du réservoir sont arrosées avec plus d’abondance : ainsi
importe-t-il de se tenir, le plus possible, en communication avec ceux que
Dieu a chargés de nous distribuer la grâce avec leurs paroles, les sacrements
et les prières »

(P. Lagrange. Journal spirituel. Cerf. 2014).

 

10 septembre 2023

Dimanche, nous serons le 10 septembre 2023 – Jour-anniversaire pour les adhérents et les sympathisants de l’association. En union de prières avec Fr. Manuel Rivero, o. p. qui célèbre la messe mensuelle pour la béatification du père Marie-Joseph Lagrange, o. p.

Toutes les intentions particulières sont reçues sur cette page ou directement à manuel.rivero@free.fr

Le testament spirituel du P. Lagrange
« Ave Maria ! Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! »
« […] Je déclare devant Dieu que mon intention est de mourir dans la
sainte Église catholique, à laquelle j’ai toujours appartenu de cœur et
d’âme depuis mon baptême, et de mourir fidèle à mes vœux de pauvreté, de
chasteté et d’obéissance, dans l’Ordre de Saint Dominique. Je me
recommande pour cela à mon bon Sauveur Jésus, et auprès de sa très
Sainte Mère, toujours si bonne pour moi. »

Le 10 septembre dans la vie du père Lagrange :

10 septembre 1879. Saint-Maximin : Il arrive au couvent avec le P. Cormier, provincial, qui vient prêcher la retraite conventuelle.

10 septembre 1896. Jérusalem : Conversation du patriarche Piavi avec Athanase Vanhove, A.A., au sujet de l’École biblique.

10 septembre 1906. Rome : Me Cormier au P. R. Boulanger, au sujet de l’École biblique de Jérusalem.

10 septembre 1929. Marseille : S’embarque le 12 vers Jérusalem, après un séjour en France où il a effectué diverses missions.

10 septembre 1935. Jérusalem : Les médecins jugent nécessaire son départ en Europe.

10 mars 1938. Saint-Maximin : Au retour de conférences et de causeries données à Montpellier, le père Lagrange succombe à une infection pulmonaire après avoir servi son Seigneur jusqu’aux derniers jours.

8 septembre 2023

Nativité de la bienheureuse Vierge Marie

Le père Lagrange s’était posé la question d’écrire un livre sur la Vierge Marie mais il y avait renoncé à cause des difficultés posées par les textes apocryphes (JS, Jaffa, 8 octobre 1930). Dans son Avant-propos au Commentaire de l’évangile selon saint Jean, le frère Lagrange met en lumière à la suite d’Origène le rôle de la Vierge Marie dans l’intelligence des Écritures :

Il sied d’être timide à la suite d’Origène. Osons le dire : les évangiles sont la part choisie de toutes les Écritures, et l’évangile de Jean est la part choisie parmi les autres ; nul ne peut en acquérir l’esprit s’il n’a pas reposé sur la poitrine de Jésus, et s’il n’a reçu de Jésus Marie pour sa mère. Le nom de Marie, cependant, ranime la confiance. C’est par elle que nous implorons la lumière surnaturelle nécessaire à l’intelligence, quelle qu’elle soit, d’un livre si chargé de sens divins. (MJ Lagrange, évangile selon saint Jean, Paris, Gabalda, 1927, avant-propos)

(Manuel Rivero, Le père Lagrange et la Vierge Marie, Cerf, Préface de Mgr Nicolas Brouwet, 2012.)

Marie, aurore de la Rédemption

« Cette fête, particulièrement vivante dans la piété populaire, nous conduit à admirer en Marie Enfant l’aurore très pure de la Rédemption. Nous contemplons une petite fille comme toutes les autres, et dans le même temps l’unique, celle qui est « bénie entre les femmes » (Lc 1, 42) », avait souligné le Saint Pape Jean-Paul II lors de l’audience générale du 8 septembre 2004. Le Souverain Pontife polonais dressait alors un parallèle entre le berceau de Marie Enfant et le devoir qui incombe à chaque homme de « protéger et défendre les fragiles créatures » que sont les enfants dans le monde (extrait de Vatican news).

Photo : Mosaïque de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, Pietro Cavallini, 1291-1296.

 

6 septembre 2023 

Ma conclusion était toujours prière, obéissance : la prière c’est Jésus, l’obéissance c’est Jésus. D’où me vient cette certitude interne et inébranlable que l’amour de Jésus est la racine de la sainteté, le principe de la justice ? Sans lui, jamais je ne me détachais des créatures : il faut qu’à toute heure, à tout instant, il me sauve, me rachète, me guérisse.

Ô très pure Marie, donnez-moi cet amour !

(P. Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2017.)

 

5 septembre 2023

Texte en rediffusion, toujours actuel.

Faut-il s’intéresser au père Lagrange ? par Fr. Jean-Michel Poffet o. p. Directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem 1999-2008.

S’il est un domaine d’actualité, c’est bien celui des rapports entre l’intelligence et la foi. De tout temps l’Église a cherché à honorer la quête intellectuelle à l’intérieur de l’acte de foi : pensons à saint Irénée, à saint Augustin, à saint Thomas. Mais notre époque vit cette question à nouveaux frais : à l’intérieur de notre Église et à l’extérieur. À l’intérieur, car depuis plus d’un siècle (c’était l’époque du père Lagrange), la critique historique ne cesse de poser des questions nouvelles, à partir de l’archéologie, des découvertes littéraires ou épigraphiques. Comment comprendre la Bible ? En quoi est-elle historique ? Quelle est la part littéraire des récits ? Quel fondement historique peut-on et doit-on défendre ? À l’extérieur de l’Église où le contact avec les autres traditions religieuses devient quotidien. La religion est souvent associée au fanatisme ou au fondamentalisme. Enfin, l’approche subjective et affective des traditions religieuses est de plus en plus envahissante. Dans ces conditions, donner aux fidèles l’exemple du père Lagrange revêt une importance et une actualité particulières. Il a, durant toute sa vie, cherché la vérité à travers l’étude de la Bible. Il a accepté les questions posées par les savants de son temps, cherchant non seulement à leur répondre mais aussi à mieux poser les questions. Pour lui, la vérité ne peut être qu’une : il n’y a pas une vérité pour les savants et une autre pour les croyants. Le père Lagrange soulignait la nécessité d’une recherche patiente de la vérité par l’étude. Et il le faisait sans crainte, puisant son courage dans la prière et la confiance qu’un jour la vérité triompherait.

Ce qui est paradoxal, c’est qu’il ait dû mener son combat au cœur de l’Église en étant soupçonné, inquiété (jamais condamné), et malgré tout il a gardé confiance dans l’Église, faisant peu de cas d’un triomphe solitaire. Il préférait s’effacer s’il le fallait. Mais jamais il n’a écrit contre sa conscience. Impressionné par sa fidélité et son obéissance, le pape l’a confirmé dans sa mission. Le père Lagrange est donc un exemple impressionnant de quête de la vérité, patiente et fidèle, au service d’une foi éclairée et en dialogue avec les questions posées par la culture. N’avons-nous pas besoin d’un tel exemple aujourd’hui ?

Les pèlerins qui passent à l’École biblique de Jérusalem et au couvent Saint-Étienne s’intéressent-ils au père Lagrange ?

Je dois à la vérité de dire que le père Lagrange n’est pas une personnalité mondialement connue comme Mère Teresa. Les foules ne se précipitent pas pour venir se recueillir sur sa tombe. Et pourtant, je suis frappé de voir combien les prêtres – jeunes et anciens –, les biblistes et tant de chrétiens soucieux de se former dans la foi, nous interrogent sur le père Lagrange. Et très vite on en vient aux questions d’aujourd’hui : science et foi, lecture critique et lecture croyante des Écritures etc. Le père Lagrange apparaît alors comme quelqu’un qui non seulement a tracé un chemin de lumière dans le passé, mais bien comme un frère aîné « infatigable interprète des textes sacrés » comme le dit l’inscription de sa pierre tombale.

Pouvez-vous citer quelques témoignages de personnes marquées dans leur foi par l’exemple et par l’œuvre du père Lagrange ?

Je sais que le pape Jean-Paul II avait une immense admiration pour l’exemple et l’œuvre du père Lagrange. Citons aussi ses premiers collaborateurs, en particulier le père Vincent, frère et ami de toujours. Les ténors de la troisième génération de l’École biblique : le père de Vaux, archéologue et exégète de l’Ancien Testament, et le père Benoit, exégète du Nouveau Testament, ont toujours eu une vénération pour le fondateur de l’œuvre à laquelle eux-même allaient donner leur vie. Pensons aussi au père Montagnes qui a consacré tant d’articles et d’ouvrages au père Lagrange : on y repère une profonde estime pour le frère et le Maître. Je n’ai pas la prétention de me comparer à ces grandes figures. Mais que l’on me permette de dire qu’à peine nommé directeur de l’École biblique, alors que j’enseignais à l’Université de Fribourg en Suisse, je me suis mis à étudier les écrits de notre fondateur : j’y ai découvert une inspiration quotidienne. Sa figure m’apparaît aujourd’hui beaucoup plus grande que ce que j’en percevais auparavant. Le père Lagrange reste de nos jours encore, dans ses intuitions fondamentales, d’une justesse et d’une actualité étonnantes. (Source : la Revue du Rosaire, n° 193, septembre 2007)

« J’ai toujours mis mon recours en Marie… » (P. Marie-Joseph Lagrange, septembre 1912)

« La prière ! Cesser de prier, c’est la ruine… 
Prier par Jésus et en Jésus, c’est le secret, prier par Marie…
L’Amour s’est déversé sur elle et que ne fait-on pas pour ceux qu’on aime…
Toute ma vie est là.
La réflexion est impuissante, tout élan, toute énergie sombre.
Un regard de Marie et tout renaît…
Quelle expérience et quelle leçon, quelle manifestation du surnaturel. Marie est le Signe ! » (P. Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, 24 septembre 1898, Notre-Dame de la Merci)

 

1er septembre 2023

Oh que le moi est haïssable ! Que ces retours sur moi doivent froisser le Cœur de Jésus ! Vraiment il y a bien à s’étonner qu’il supporte tant d’orgueil… Oleum effusum nomen tuum : Ton nom est une huile qui s’épanche (Cantique des Cantiques 1,2) ; Ô Marie Immaculée !

Marie-Joseph Lagrange, o. p. Journal spirituel, Cerf, 2017.

Pour les grâces reçues, une adresse : manuel.rivero@free.fr

Comme une huile de lampe
Se transforme en lumière,
Que nos vies soient prière
Et clarté dans la nuit !

(Jean-Claude Giannada)

Écho de notre page Facebook : août 2023

30 août 2023

Merci à tous. Vous êtes plus de 2000 amis à partager cette page créée pour faire connaître ce grand savant, homme d’une foi rayonnante que fut le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem de renommée internationale.

Merci pour l’intérêt que vous lui portez

Pour faire avancer la Cause du père Lagrange nous avons besoin de vos témoignages de grâces reçues par son intercession. Nous en avons déjà mais elles ne sont pas encore assez nombreuses.

Vous connaissez tous la prière d’intercession, spécialement évoquée chaque mois le 10 et que vous pouvez trouver facilement sur le site internet : www.mj-lagrange.org

Nous faisons appel à vous tous, spécialement aux communautés religieuses dominicaines dont certaines ont souvent organisé des temps de prière pour demander l’intercession du père Lagrange.

Avec l’aide de la bienheureuse Vierge Marie, tant aimée par le père Lagrange.

 

 

25 août 2023

L’implantation dominicaine au Caire est due au père Lagrange

Un Dominicain égyptien

Dès avant le début de la Seconde Guerre mondiale, les Dominicains élaboraient des projets ambitieux pour leur antenne du Caire. Anawati y trouvera tout naturellement sa place.

L’implantation dominicaine au Caire est due au père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), le fondateur de l’École biblique de Jérusalem. En 1890, il avait eu la formidable intuition de renouveler l’étude du Livre saint en encourageant une enquête sur les pays de la Bible dans tous les domaines : histoire, géographie, épigraphie, archéologie, etc. Dès le départ, le projet était extensible : les pays de Bible ne se limitent à la vieille Terre sainte, telle que le Moyen Âge l’avait définie. Elle incluait tout

le Proche-Orient, y compris la Syrie, l’Irak et l’Arabie actuels. L’Égypte manquait à l’appel au cours des premières années de déploiement de l’École biblique, et la proposition du père Lagrange paraissait aller de soi. Elle aussi était un pays de la Bible. Mais l’Égypte était plus encore, et sur ce point l’archéologie antique n’avait rien à dire, c’était aujourd’hui un foyer culturel et religieux majeur.

L’argument du père Lagrange est formulé ainsi : Il serait honorable pour l’Église catholique de posséder au Caire un Institut d’études sur l’Égypte chrétienne, sans parler des études d’égyptologie ancienne et des études arabes. Le Caire est de beaucoup le foyer intellectuel le plus important de l’islamisme ; il possède une très importante école d’égyptologie. L’Église doit aussi y être représentée par un Institut d’études.

La mise en œuvre du projet incombera au père Antonin Jaussen (1871-1962, dominicain, ethnologue et archéologue), enseignant à l’École biblique.

Dans le concert bigarré des missions religieuses, l’ordre des Dominicains se distingue à plus d’un titre. Il relève le défi posé par l’offensive scientiste de la seconde moitié du XIXe siècle en s’investissant sans crainte dans les disciplines scientifiques les plus récentes. Nommé en 1890 au couvent de Jérusalem, Marie-Joseph Lagrange fonde l’École biblique dont le projet est à la fois original et audacieux : il s’agit d’étudier sur place les pays de la Bible en mettant à profit toutes les sciences modernes, de la linguistique à l’archéologie et l’histoire. En pleine crise moderniste, les Dominicains s’engageaient de cette manière à appliquer eux-mêmes à la Bible la critique historique plutôt que de rester sur la défensive. En toute logique, ce principe aurait dû guider leurs travaux en Égypte. Mais il n’en est rien.

Extrait de Georges Chehata Anawati (1905-1994) Dominicain et Égyptien par François Zabbal, Institut du monde arabe.

Voir : Jean-Jacques Pérennès, Georges Anawati (1905 – 1994), un chrétien égyptien devant le mystère de l’islam, Éditions du Cerf, Paris, 2008

24 août 2023

Pensée du P. Lagrange

 

 

C’est par la foi qu’on se soumet à la volonté de Dieu, lui remettant tout. Mais si c’est dans le secret espoir de le décider à faire tourner comme je veux, est-ce un véritable abandon à sa volonté ? Comme il plaira ô Dieu ! Sans réserve. Cependant il faut toujours souhaiter que sa volonté se fasse et que son règne arrive, souhaiter d’être un instrument docile dans sa main. (Marie-Joseph Lagrange, o. p. 24 août 1910, Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

 

15 août 2023

Assomption de la Vierge Marie

Notre-Dame de l’Assomption, patronne principale de la France

Le père Lagrange, habité par la spiritualité mariale, vivait en présence de la Mère de Dieu. Il se plaisait à débuter chaque page d’écriture en faisant mémoire des paroles de l’ange Gabriel à Marie de manière à vivre en état d’Annonciation : « Ave Maria ».

Ressuscité d’entre les morts, Jésus, dans une démarche de piété filiale, a honoré sa Mère dans son âme et dans son corps dans le mystère de l’Assomption. Désormais la Vierge Marie partage sa victoire sur la mort sans connaître la corruption du tombeau. Là où est Jésus glorifié, là se trouve aussi sa Mère, glorifiée à son tour par l’Esprit Saint sous le regard aimant du Père.

Prions pour l’Église missionnaire, figurée par la Vierge Marie, disciple elle-même de Jésus-Christ, son Fils. (Manuel Rivero, o.p. Le père Lagrange et la Vierge Marie, extrait du quatrième mystère glorieux, Cerf, 2012.)

10 août 2023 : Jour-anniversaire de la naissance au Ciel du P. Lagrange.

Vous le savez, ô Jésus, j’ai essayé de vous comprendre mieux, de vous faire connaître, de défendre la vérité de votre Évangile… (P. Lagrange. Journal spirituel.)

En union de prières avec Fr. Manuel Rivero, o.p. Aujourd’hui, messe célébrée aux intentions particulières confiées à l’intercession du P. Lagrange par ses amis et pour qu’un miracle vienne confortée la reconnaissance par l’Église de sa sainteté.

8 août 2023

Saint Dominique, prêtre et Fondateur

Saint Dominique

Le fruit de la fête doit être un plus grand désir de connaître, d’aimer et d’imiter N.S. qui a daigné avoir une vocation apostolique que St Dominique a reproduite si parfaitement.

Autel de la Vierge noire. Église Notre-Dame, Bourg-en-Bresse

Autel de la Vierge noire. Église Notre-Dame, Bourg-en-Bresse

Ô mon Bienheureux Père, vous m’avez dit votre secret ! Seule la très Sainte Vierge peut former une image aussi parfaite de son fils Jésus. Cette grâce victorieuse, efficace, cet amour toujours triomphant, cette générosité, ce zèle, cette prière toute-puissante, c’est vous qui l’avez donnée à St Dominique. Cette fête a été, l’année dernière, un point décisif : en bien ou en mal, je n’ose le décider. Je vous prie de me pardonner, ô mon Père, toutes mes fautes contre vos saintes institutions. Donnez-moi votre esprit, votre esprit, votre esprit ! Ô Père, forme de tous vos enfants, donnez-nous votre esprit ! Combien les plus belles réformes sont loin de votre vie ! Donnez-nous votre esprit ! (4 août 1882. Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Artège 2017)

 

4 août 2023

L’INFLUENCE DU SAINT CURÉ D’ARS

DANS LA VIE ET L’ŒUVRE DU PÈRE LAGRANGE

Fr. Manuel Rivero o.p.

Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange

Dès sa tendre enfance, la vie d’Albert Lagrange a été marquée par le curé d’Ars, comme il le raconte dans son Journal spirituel. Sa mère, Élisabeth, qui avait déjà perdu deux bébés, craignant pour la vie de son fils l’avait conduit à Ars : « Je suis né le 7 mars, jour de la Saint-Thomas ; j’ai été baptisé le 12, fête de saint Grégoire et, selon l’usage, sans doute consacré à Marie à l’autel de la Vierge noire. Je me trouvais donc, dès le début sous la protection de saint Joseph. Ma mère m’a mis en vœu pendant trois ans, me faisant porter le bleu et le blanc en l’honneur de Marie. Quelle douce pensée, et n’est-ce pas l’origine de sa tendresse pour moi !  Mes parents m’ont amené en pèlerinage à Ars, le saint curé m’a béni, et peut-être guéri d’une fatigue d’entrailles. »

Selon le frère L.-H. Vincent o.p., disciple, confident et ami du frère Lagrange pendant quarante-cinq ans, le curé d’Ars aurait dit à sa maman : « L’enfant ne mourra pas, il deviendra un jour une lumière pour l’Église. » La sœur du frère Lagrange, Thérèse Lagrange, affirmait tenir ces paroles de sa mère peu avant la mort de celle-ci.

Au cours de l’été 1879, avant d’entrer dans l’ordre de saint Dominique, Albert Lagrange, alors séminariste à Issy-les-Moulineaux, avait fait avec sa mère un pèlerinage à Ars pour demander au saint curé Jean-Marie Vianney la grâce du discernement : « Pendant les vacances, j’allai à Ars avec ma mère, et je fus bien touché. »

Au couvent de Saint-Maximin, le frère Marie-Joseph Lagrange, novice, se confie à l’intercession du curé d’Ars afin d’obtenir l’humilité. Lors de la pose de la première pierre de l’École biblique de Jérusalem, le 5 juin 1891, le frère Lagrange y déposa un fragment de la soutane du curé d’Ars.

Tout au long de sa vie, le frère Lagrange œuvra pour le salut des âmes par l’interprétation de la Parole de Dieu. À la suite du curé d’Ars, il travailla à la sanctification du Peuple de Dieu. Les frères dominicains qui ont vécu avec lui témoignent de sa disponibilité quand il s’agissait d’écouter la confession d’un prêtre alors que le portier du couvent craignait de déranger ce frère si occupé par ses recherches et ses publications. À l’exemple du curé d’Ars, le père Lagrange aimait profondément le sacerdoce et les prêtres.

Le 25 mars 1992, en la fête de l’Annonciation du Seigneur, Monseigneur Guy Bagnard, évêque de Belley-Ars, a demandé la béatification du père Lagrange au pape Jean-Paul II.

Confions au saint curé d’Ars et au père Lagrange les vocations religieuses et sacerdotales dont l’Église a besoin.

Photo : Le Saint Curé d’Ars offrant son cœur à la Vierge Marie (détail). Basilique Saint-Sixte-Ars-sur-Formans (Ain)

Autel de la Vierge noire, église Notre-Dame, Bourg-en-Bresse.

1er août 2023

« Cœur immaculé de Marie, priez pour nous ! »

« C’est parce qu’elle a eu « le cœur brisé » que le Cœur Immaculé de Marie aime les âmes » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel).

« C’est par le Cœur Immaculé de Marie qu’il faut demander la paix, parce que c’est à Lui que le Seigneur l’a confiée ! » (Jacinta à Lucie. 1919).

Le Cœur Immaculé de Marie, si cher à la dévotion du père Lagrange, brille comme le lieu de la rencontre de Dieu et de l’humanité, lieu fécond d’où sortira le salut du monde.

(Fr. Manuel Rivero, o. p. Le Père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire. Cerf. 2012.)

Écho de notre page Facebook : juillet 2023

31 juillet 2023

Saint Ignace de Loyola et le serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange ont tous deux donné l’exemple d’un attachement sans réserve à l’Église et au pape.

 

Saint Ignace de Loyola, priez pour moi (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel)

 

 

 

L’enseignement en paraboles pour la foule

Jésus dit tout cela aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien qu’en parabole, afin qu’il fût accompli ce qui avait été dit par le prophète : « J’ouvrira ma bouche en paraboles, je dirai à haute voix des choses cachées depuis la création ». (Matthieu 13, 34-35)

Dans l’évangile selon saint Matthieu, (Lecoffre, 1941) du P. Lagrange, quelques notes relevées : Jésus employait avec les foules le mode qui leur convenait, comme a compris Jérôme : et usque hodie turbae in parabolis audiunt. (…) Matthieu a insisté sur le caractère révélateur des choses cachées qu’avaient les paraboles pour qui les comprenait et fixait le passé à la création du monde, ce qui mettait dans un haut relief l’enseignement de Jésus. Israël péchait, Dieu le punissait et savait le mettre de nouveau sur le chemin du salut. De même Jésus exposait les mystères du règne de Dieu, caché jusqu’à présent, révélés aux seuls disciples, jusqu’au jour d’une révélation plus étendue (Eph. 3, 4 ss). Matthieu considérant la pratique de Jésus comme l’accomplissement d’une prophétie, sa pensée était sans doute que le programme que se traçait le psalmiste n’était qu’une esquisse de ce que le Messie devait faire beaucoup mieux selon les desseins de Dieu. C’est ce qu’on est convenu de nommer le sens typique.

 

28 juillet 2023

Le père Marie-Joseph Lagrange, o. p. : Un goût passionné pour la Parole de Dieu

Le père Lagrange a partagé sa foi et ses connaissances toute sa vie au service de l’Évangile. À la suite de saint Thomas d’Aquin, il a transmis aux autres le fruit de sa divine contemplation. Religieux dominicain, il aimait la vie communautaire. Homme complet, comme aimait à en témoigner son disciple le frère Roland de Vaux, il établit l’École pratique d’études bibliques au couvent dominicain Saint-Étienne de Jérusalem. Pour lui, l’exégète non seulement étudiait la Bible dans les bibliothèques et sur le terrain en Israël, mais il l’accueillait dans son cœur dans la prière et la lectio divina de manière à la communiquer dans la prédication. Il fallait surtout que cette Parole soit mise en pratique dans la charité fraternelle comme le dit l’apôtre saint Jacques : « Mettez la Parole en pratique. » La Traduction Œcuménique de la Bible (T.O.B.) traduit : « Soyez les réalisateurs de la Parole. » Ici le mot grec utilisé par saint Jacques peut nous surprendre : poiétai. Il s’agit de devenir « les poètes du Verbe ». Le verbe grec poiesis  se traduit en français par faire. Il est beau de relier l’action à la poésie. La poésie représente une création. Les saints embellissent le monde en le transformant par l’énergie de l’amour. Dans son Journal spirituel, le père Lagrange revient souvent sur le cœur du christianisme : la charité. En choisissant et rassemblant des mots, le père Lagrange « poétisait » la vie. Le prophète Isaïe compare la fécondité de la prédication à la puissance vivifiante de la pluie par qui la terre porte du fruit. Le père Lagrange réalisait la Parole dans l’étude et l’enseignement, actes de charité, la charité de la vérité. La Vérité étant le don par excellence. Si de nombreux saints ont servi l’humanité par des aumônes et des soins médicaux, les prêcheurs accomplissent le service de la Vérité par l’annonce de la Parole de Dieu. Pour saint Thomas d’Aquin, le but de la vie religieuse n’est rien d‘autre que la charité. « Enseigner, c’est aimer », écrivait le philosophe espagnol Joaquim Xirau (1895-1946), pour qui la transmission du savoir passe par la bonté. Enseigner l’Évangile, c’est aimer l’autre en lui donnant Dieu. L’évangélisation engendre en ce sens une nouvelle création avec des mentalités et des relations nouvelles.

(Manuel Rivero, o. p. Vice-postulateur de la Cause du père Lagrange, Extrait de Le fr. Marie-Joseph Lagrange, la sainteté de l’intelligence de la foi, 2018, Zenit.)

24 juillet 2023

L’interprétation de la Bible passe par la figure du grand scientifique dominicain Marie-Joseph LAGRANGE, qui a fondé en 1890 l’École Biblique de Jérusalem, le plus ancien centre de recherches bibliques et archéologiques de Terre sainte. Son combat fut de vérifier, par une approche scientifique, la validité des textes bibliques. Ici, chercheurs et étudiants du monde entier continuent d’étudier, d’interpréter et de traduire les écrits bibliques.

Voir : https://www.lejourduseigneur.com/videos/lecole-biblique-et-archeologique-de-jerusalem-1710

22 juillet 2023

Sainte Marie Magdeleine

« Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père, mais va vers mes frères et dis-leur : je monte vers mon père et votre Père, et mon Dieu et votre Dieu. » Marie Magdeleine vient annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur », et ce qu’il lui avait dit (Jean 20, 17-18).

Comme aucun endroit n’est indiqué, il faut donc que « monter » s’entende de la résurrection, mais comment Jésus dit-il qu’il n’est pas encore monté ? Jésus n’est pas encore monté, mais il va monter, et redescendra pour donner aux Apôtres l’Esprit Saint qu’il va aller chercher auprès du Père. Mais est-ce une raison pour que Marie ne le touche pas ? Jésus est entré dans une vie spirituelle qui n’est plus la reprise des anciens rapports, mais plutôt une préparation à une séparation définitive. Cette vie nouvelle n’empêche pas qu’on touche le ressuscité, mais ne permet pas qu’on s’y attarde. Marie ne l’a pas compris, et il importe que les disciples en soient informés même avant de le voir.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile selon saint Luc, 1936, pp. 511-512).

16 juillet 2023

Pour mieux connaître la vie et l’œuvre du P. Lagrange et son chemin vers la sainteté, voici un nouveau compte rendu de l’ouvrage de J.-M. Poffet, o. p. : La Bible : le livre et l’histoire. Actes du colloque de l’École biblique de Jérusalem (nov. 2005) pour le 150e annniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange, o. p.

L’importance de la figure et de l’œuvre du père Lagrange (1855-1938) pour les études bibliques est connue de tous. Le volume qui résulte de deux colloques consacrés aux « difficiles chemins de l’exégèse » a le grand mérite d’en envisager les multiples facettes et de l’inscrire dans un contexte historique, celui du modernisme, dont la compréhension est indispensable pour apprécier l’apport novateur du père Lagrange. Tant à Jérusalem qu’à Toulouse, de manière significative, le titre des manifestations insistait sur l’enjeu « historique » dans le positionnement du père Lagrange : « l’écriture de l’histoire », d’une part, « la Bible et l’histoire » de l’autre. Car, au cœur des débats méthodologiques qui servent de toile de fond aux travaux du père Lagrange, à son rôle au sein de l’École biblique de Jérusalem (fondée par lui en 1890), se trouve bien la méthode historique, thème explicite de ses célèbres conférences de 1902, qui avait pour objectif de poser un terme à la « science catholique » pour insérer l’exégèse biblique dans le concert des sciences historiques et critiques. Beau défi qui valut au père Lagrange bien des hostilités et des obstacles.

Lire la suite : https://journals.openedition.org/anabases/2577

 

 

16 juillet 2023

N. D. du Mont-Carmel

« Travailler à la gloire de Dieu, en me sanctifiant moi-même. Honorer la très Sainte Vierge en imitant ses vertus » (16 juillet 1882, Marie-Joseph Lagrange, o. p. Lagrange, Journal spirituel).

Source Vatican News : N. D. du Mont-Carmel :

Une ancienne dévotion qui trouve ses racines dans l’Ancien Testament

Cette dévotion mariale, et c’est un cas unique, plonge ses racines neuf siècles avant la naissance de la Vierge Marie. Le prophète Elie, alors qu’il demeurait sur le Mont Carmel, eut la vision d’une nuée blanche montant de la mer, portant avec elle une pluie providentielle pour la terre d’Israël, alors dévastée par une terrible sècheresse (1 Rois 18). La Tradition y a vu l’annonce prophétique du mystère de la Vierge et de la naissance du Fils de Dieu. Dès le premier siècle, des ermites, voulant suivre l’exemple des prophètes Elie et d’Elisée, se retirèrent sur le Mont Carmel et y construisirent une petite chapelle consacrée à Marie.

L’ordre des carmes menacé de disparition

La communauté prit de l’importance, au point de se constituer en ordre religieux au XIIe siècle, qui fut placé sous le patronage de la Vierge Marie. La conquête de la Palestine par Saladin (prise de Jérusalem en 1187) entraîna la fuite des moines vers l’Occident, et fit craindre la disparition pure et simple de l’ordre. Une nuit, le supérieur général des carmes, St Simon Stock, d’origine irlandaise, aurait alors reçu la vision de Marie lui présentant une pièce d’étoffe marron, le scapulaire, en lui disant : « voici le privilège que je te donne, à toi et à tous les enfants du Carmel. Quiconque meurt revêtu de cet habit sera sauvé ».

Le 17 juillet 1274, le concile de Lyon vote la préservation de l’ordre du Carmel ; les moines, voyant dans cette décision la réponse de la Mère de Dieu à leurs prières, décidèrent alors de fêter Notre-Dame du Mont Carmel le 17 juillet de chaque année, en signe de reconnaissance envers la protection maternelle de leur sainte patronne.

ND du Carmel et les papes

« Mère, aide-nous à conserver des mains innocentes et un cœur pur, à ne pas mentir et à ne pas médire sur notre prochain. Nous pourrons ainsi gravir la montagne du Seigneur et obtenir sa bénédiction, sa justice et son salut » : c’est le tweet du pape François, à l’occasion de cette fête chère à de nombreux fidèles. En 2013, à l’occasion du chapitre général de l’Ordre des frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, le Souverain Pontife évoquait les fruits de cette tradition spirituelle : « le témoignage du Carmel dans le passé appartient à une tradition spirituelle profonde qui s’est développée dans une des grandes écoles de prière. Elle a aussi suscité le courage d’hommes et de femmes qui ont affronté les dangers et même la mort. Souvenons-nous simplement des deux grands martyrs contemporains : Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix et le bienheureux Titus Brandsma », avait-il alors déclaré.

Le St Pape Jean-Paul II, qui portait lui-même le scapulaire ainsi qu’il le confia à plusieurs reprises, écrivit à ce propos : «le port du scapulaire signifie un style de vie chrétienne tissée de prière et de vie intérieure», c’est «un vêtement qui évoque d’une part, la protection continuelle de la Vierge Marie en cette vie et dans le passage à la plénitude de la gloire éternelle ; de l’autre, la conscience que la dévotion envers elle doit constituer un ‘uniforme’, c’est-à-dire un style de vie chrétienne, tissée de prière et de vie intérieure».

Article mis à jour le 16 juillet 2020.

14 juillet 2023

« Parce que » et non « afin que »

Évangile selon saint Matthieu 13, 10s :

« Et les disciples s’étant approchés lui dirent (à Jésus) : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? Or il répondit et dit : « Parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du règne des cieux, mais à ceux-ci cela n’a pas été donné. Car celui qui a, on lui donnera, et il sera dans la surabondance ; mais celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera enlevé. 13 Et donc je leur parle en paraboles, parce qu’ils voient sans voir et entendent sans entendre et sans comprendre ». (Traduction du père Lagrange).

Commentaire du père Lagrange sur le verset 13 : « Dans Matthieu Jésus dit clairement qu’il emploie les paraboles non pas : afin que les gens ne voient pas, mais : parce que tout en écoutant ils ne comprennent pas. (…) La forme est encore plus paradoxale que dans Marc : « voyant ils ne voient pas », c’est-à-dire ils ne veulent pas voir, ils n’appliquent ni leurs yeux ni leurs oreilles.

M.-J. Lagrange, des Frères prêcheurs. Évangile selon saint Matthieu, troisième édition, Paris. Libraire Lecoffre. J. Gabalda et fils, éditeurs. 1927. P. 259-260.

10 juillet 2023 – Jour-anniversaire (Marie-Joseph Lagrange, o. p. 7 mars 1855 – 10 mars 1938)

Il ne manque qu’un MIRACLE reconnu par son intercession pour faire avancer la cause de béatification du serviteur de Dieu, Fr. Marie-Joseph Lagrange, o.p.

Sur ce site, vous êtes nombreux à vous être inscrits et à prier pour cette cause. (Voir la prière jointe.)

Vous pouvez CONFIEZ vos intentions en commentaires sur cette page. Plus rapide qu’un mail.

Fr. Manuel Rivero, op., président de l’association, présentera les intentions de la communauté au cours de la messe de demain ainsi que pour la béatification du fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, magnifique exemple d’intelligence et de sainteté.

« La prière instante, qui ne se lasse pas, est irrésistible. On sait bien que Dieu ne cédera pas pour avoir la paix ; on apprend du Fils, qui connaît si bien le Père, qu’il ne paraît sourd à nos instances que pour nous obliger à persévérer dans la prière qui nous est si bonne » (Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus- Christ).

 

9 juillet 2023

Invitation à accepter le joug du Christ

Mt 11. 28 Venez à moi, vous tous qui êtes las et trop chargés : et je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur. 30 Et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug [est] bénin, et mon fardeau est léger. »

Père Lagrange : C’est à ces petits que Jésus adressa ensuite cet appel, nouveau pour un chef d’école : Recevez mes leçons, non pas parce que je suis plus instruit que vous, mais parce que je suis doux et humble de cœur. Instruit il l’était, et seul instruit du plus insondable des mystères ; mais, si Dieu révèle ses secrets aux humbles, convenait-il qu’il leur donnât pour maître un savant orgueilleux ? C’est par sa modestie et sa douceur qu’il prépare les esprits à recevoir sa doctrine. Elle demeure un joug et un fardeau, car elle n’est pas un vain jeu de l’esprit, elle tend à la pratique, à la réforme des mœurs, à la pénitence, à l’abnégation : déjà il l’a affirmé avec force. Mais son joug est bénin, son fardeau léger ; et ceux qui sont las de s’efforcer en vain à la pratique des observances meurtrissantes et lourdes, imposées par les sages et les habiles, trouveront auprès du maître doux et humble – le repos.

 

6 juillet 2023

Témoignage

Pour mieux connaître la vie et l’œuvre du P. Lagrange et son chemin vers la sainteté, voici un nouveau compte rendu de l’ouvrage du regretté P. Bernard Montagnes, o.p., archiviste de la province dominicaines de Toulouse, docteur en philosophie et docteur en histoire. À lire.

Bernard Montagnes, o. p. (1924-2018), Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique (coll. Histoire. Biographie). Paris, Cerf, 2004, 624 p. 23,5 x 14,5. 49 euros. ISBN 2-204-07228-1.

Revue Théologique de Louvain  Année 2007 / 38-2 /pp. 247-248.

Préparée par vingt années d’études et la publication de nombreux articles, cette biographie critique est la bienvenue et nul ne pouvait mieux la réaliser que le père Montagnes. Elle offre une vue d’ensemble de la vie du père Lagrange et permet de mieux saisir l’ambiance de l’époque à travers la lecture de nombreuses écrites par l’éminent bibliste ou qui lui ont été adressées. Après un cursus complet de droit, M.-J. Lagrange a poursuivi des études théologiques dans l’Ordre dominicain (Toulouse et Salamanque), puis de langues orientales à Paris et à Vienne. En 1890 – il a trente-cinq ans –, ses supérieurs l’envoient à Jérusalem où il créera une École pratique d’études bibliques qui deviendra la célèbre École biblique et archéologique française. Il lance aussi la Revue biblique en 1892 et la collection des Études bibliques en 1900. Si l’on sait aujourd’hui l’importance de ces fondations, il est intéressant de voir combien les débuts ont été difficiles au plan matériel, mais surtout au plan des objections soulevées avec passion par les nombreux opposants à l’étude critique de la Bible, objections relayées par les autorités ecclésiastiques de l’époque. Les critiques les plus virulentes sont venues de certains jésuites, comme A. Delattre apprécié de Pie X ou encore L. Fonck qui souhaitait la disparition de l’École biblique au profit de l’Institut biblique de Rome créé en 1909 et confié à la Compagnie. Mais ils ne sont pas seuls. Outre les controverses avec les Franciscains de la Custodie, le père Lagrange connaîtra de nombreux déboires avec la censure de son ordre. Ainsi son commentaire de la Genèse ne sera jamais publié. Toutefois rien ne parviendra à le détourner des études bibliques. Exégète remarquable, il n’était pas moins un grand spirituel et un religieux d’une fidélité jamais démentie à son Ordre et à l’Église. C’est ce que synthétise le dernier chapitre du livre intitulé « le profil humain et spirituel du père Lagrange », précédant une liste bibliographique et un index de personnalité intellectuelle et spirituelle hors du commun qui eut à travailler dans une ambiance détestable.

Camille Focant (1945-). Prêtre du diocèse de Namur. Théologien catholique belge

 

3 juillet 2023

Un livre à lire absolument

Témoignage-Recension du livre de Louis-Hugues VINCENT. Le père Marie-Joseph Lagrange. Sa vie et son œuvre. Paris, Éditions Parole et Silence, 2013, 670 p.

La biographie que le père Louis-Hugues Vincent a consacrée au père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et de la Revue biblique, a mis du temps à paraître. En effet, l’auteur la termina en 1951 et elle ne fut publiée… qu’en 2013, cinquante-trois ans après sa mort ! C’est que les autorités dominicaines craignaient que cette publication ne provoquât des polémiques qui porteraient préjudice à l’École biblique. Il faut dire que les querelles qui avaient dressé l’Institut biblique de Rome contre l’École biblique des Dominicains avaient été rudes et qu’on craignit longtemps pour la survie de cette dernière.

Le père Louis-Hugues Vincent (1872-1960), dominicain spécialiste de l’archéologie palestinienne, auteur de nombreux livres et articles, a passé une grande partie de sa vie à Jérusalem. Il vivait au couvent Saint-Étienne, auprès du père Lagrange dont il fut l’un des plus proches collaborateurs et qu’il considérait comme un maître auquel il devait tout « dans l’ordre intellectuel, moral et religieux » (p. 15). Malgré cela, dans le livre qu’il lui a consacré il ne voulait pas faire œuvre apologétique (ce qu’il n’a peut-être pas tout à fait réussi) et il s’est gardé d’apporter des appréciations personnelles.

Dans l’avant-propos, daté du 15 novembre 1951, le père Vincent spécifie que l’ouvrage « n’est pas une biographie composée suivant les règles du genre » (p. 15). C’est vrai. Au niveau formel, on peut relever qu’il n’y a ni introduction ni conclusion et que l’ouvrage est composé de huit chapitres qui ne comportent aucune sous-partie. Quant au fond, l’enquête fut minimale, les sources sont peu nombreuses et les références laissent à désirer. L’auteur, qui l’assume, a composé son livre essentiellement à partir de ses souvenirs du père Lagrange, personnage avec lequel il vécut dans une étroite intimité pendant quarante-six ans. Pourtant, cet ouvrage est plus qu’un livre de souvenirs. Il s’agit d’un témoignage qui, selon les mots du rédacteur, « se restreint […] à l’expérience acquise de son œuvre scientifique en une vie permanente dans son sillage » (p. 19). Néanmoins, le père Vincent a pu profiter de la Revue biblique, de quelques papiers que lui a légués le père Lagrange, ainsi que de deux documents écrits par ce dernier : 1) ses Notes intimes dans lesquelles il consignait le cheminement de sa vie intérieure, que l’auteur, par pudeur, a utilisées sans les exploiter ; 2) ses Souvenirs, écrits sur l’insistance de ses disciples, à la condition « que son récit demeurerait strictement un document de famille » (p. 18). De plus, les liens amicaux du père Vincent avec le père Lagrange l’ont mis en relation avec la famille de son maître. Il a pu y quérir les confidences de ses proches sur son enfance et sa jeunesse. Notons que la première partie de la vie de l’exégète est traitée rapidement, puisque l’auteur ne consacre que vingt-neuf pages à ses trente-cinq premières années. Il s’en justifie ainsi : « J’ai trop souvent entendu mon maître taxer de stérilité la part excessive attachée souvent dans les biographies à la description anecdotique méticuleuse des années initiales, pour m’y aventurer à son propos » (p. 16). Certes, mais lorsqu’elle est bien faite, la présentation des premières années d’un homme peut être extrêmement importante pour mieux le connaître et pour comprendre certaines de ses réactions.

Dans cet ouvrage, le but du père Vincent était de montrer le lien intime entre la vie et l’œuvre du père Lagrange. Cet objectif est atteint, car la coordination entre la vie et l’œuvre de l’exégète et théologien dominicain est bien mise en évidence, et l’on voit très bien la cohérence de son œuvre malgré la variété des sujets qu’il a abordés tout au long de sa vie. À ce propos, soulignons que la production scientifique du père Lagrange est présentée d’une façon tout à fait compréhensible pour les non-spécialistes. Néanmoins, il faut ajouter que le lecteur se retrouve, tout au long de la biographie, face à une énumération chronologique un peu fastidieuse des écrits du père Lagrange. De plus, ils sont traités avec une importance très variable, selon une logique qui peut parfois laisser perplexe : quelques-uns sont abordés assez longuement tandis que d’autres sont seulement mentionnés. L’auteur s’en explique en spécifiant qu’il devait « s’efforcer de présenter la production scientifique sous une forme aisément intelligible au lecteur le moins spécialisé » (p. 21). Cet argument nous semble peu convaincant pour justifier, par exemple, que le père Vincent s’attarde davantage sur un compte rendu fait par le père Lagrange que sur un livre qu’il a lui-même écrit. Néanmoins, cet ouvrage nous permet d’appréhender les positions doctrinales du père Lagrange et son rôle dans l’évolution du mouvement biblique. On y découvre aussi un homme d’une scrupuleuse soumission à Rome et à ses supérieurs au milieu des controverses délicates auxquelles il fut mêlé, ainsi qu’un religieux dont la vie fut gouvernée par son idéal de sainteté.

L’ouvrage est complété par quelques annexes, par une petite bibliographie, par une carte de la Palestine au temps de Jésus, ainsi que par un index des noms de personnes. On y trouve également une prière pour la glorification du père Marie-Joseph Lagrange, dont l’enquête canonique a été ouverte officiellement par Mgr Joseph Madec, alors évêque de Fréjus-Toulon (diocèse dans lequel est mort le père Lagrange), par décret du 15 décembre 1987.

Pour conclure, cet ouvrage, rédigé par l’un de ses plus proches disciples, est un témoignage important sur le père Lagrange et son œuvre. Pour ceux qui voudraient approfondir la question, on peut renvoyer au livre de Bernard Montagnes, Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique (Paris, Cerf, 2005, 624 p.).

Philippe ROY-LYSENCOURT (1981-), docteur en Histoire et docteur en Sciences des religions.

Institut d’Étude du Christianisme, Strasbourg  https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2016-v72-n3-ltp03113/1040370ar.pdf