Écho de notre page Facebook : août 2024

22 août 2024

Mémoire de La Vierge Marie Reine

Dans son livre « Le père Lagrange. Sa vie. Son œuvre », le père Louis-Hugues Vincent o. p. mentionne : « le père Lagrange confiait sa détresse » à la Très Sainte Vierge, sa Reine, sa Mère, dont il veut être « l’esclave absolu », pour qu’elle fasse de lui « le serviteur et l’esclave de Jésus par l’amour de la Croix ».

Si discret que demeure ce coup d’œil furtif sur ses dispositions religieuses, je me le serais interdit si l’expérience personnelle ultérieure et bien longtemps prolongée de sa direction spirituelle n’avait rendu manifeste pour moi que les principes surnaturels dont il s’efforçait, avec une indulgente bonté de m’inculquer, tout au moins le désir, étaient ceux-là même dont sa piété vivait depuis sa formation dominicaine. » (Parole et Silence, 2013)

« Marie, Reine du Ciel, priez pour nous ! »

Photo : Vierge Marie Reine – Fra Angelico (détail)

 

20 août 2024

Il est difficile d’écrire une vie de Jésus

Environ trente ans après leur naissance, Jean, fils de Zacharie, et Jésus, fils de Marie, se trouveront en présence l’un de l’autre. Comment leur esprit s’est-il développé, quelles furent leurs premières impressions, quelles influences s’exercèrent sur leur âme, les évangélistes ne l’ont pas dit, et cette lacune est peut-être celle qui rend plus difficile la tâche d’écrire une vie de Jésus. Comprendrait-on le génie de Racine si l’on ignorait son séjour à Port-Royal, la mélancolie de Chateaubriand sans les Mémoires d’outre-tombe, le granit chatoyant de Renan sans les Souvenirs de jeunesse ?

Il est vrai que dans la vie de Jésus ces éléments de formation intellectuelle et morale ne paraissent pas indispensables, puisque la Lumière et la Vie qu’il avait en lui suffisaient à tout.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017.)

Illustration : Anbibale-Carracci (1600), Saint Jean le Baptiste montrant Jésus.

 

17 août 2024, en la fête de saint Hyacinthe, frère prêcheur en Pologne

Une demande de grâce vient de nous parvenir.

C’est avec une grande ferveur que nous confions la santé d’Édith de La Réunion à l’intercession du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange, o.p.

 

 

 

 

15 août 2024

Assomption de la Vierge Marie

« Je vous salue, blanc lis de la glorieuse et paisible Trinité. Ô vous de qui a voulu naître et du lait de laquelle a voulu se nourrir le Roi des cieux, abreuvez nos âmes des effusions de la grâce divine. Ainsi-soit-il. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 167.)

Le Journal spirituel du frère Marie-Joseph Lagrange (Cerf, 2014) révèle son dialogue fervent avec la Vierge Marie qu’il invoque surtout sous le vocable de Marie Immaculée, Vierge Marie Immaculée, Mère Immaculée. Dans son cœur à cœur avec Marie, il l’appelle « ma Dame, mon Avocate, ma Patronne, mon Guide, ma Reine, ma Mère ! » C’est à la bienheureuse Vierge Marie Immaculée qu’il se consacre le 31 mai 1880. Il remet son corps et son âme, tout son être, entre les mains de la Vierge Marie, « Maîtresse de sa vie présente et future ». Mû par un ardent désir de louer, de bénir et de prêcher l’amour de Jésus-Christ, il compte sur l’intercession de sa Mère. Dominicain, il oriente tous ses efforts vers « le salut des âmes », but de l’ordre créé par saint Dominique. Les chrétiens savent que la Vierge Marie n’est pas une mère possessive. Loin de s’enfermer dans une prière intimiste, la prière mariale du frère Marie-Joseph manifeste le don total de lui-même par amour au service du Règne de Dieu.

(Fr. Manuel Rivero O. P. : La dévotion du P. Lagrange à la Vierge Marie. Extrait.)

Illustration : Assomption de la Vierge Marie (1430-1434), Fra Angelico (détail).

En ce 8 août 2024,
Fête de saint Dominique,« le doux espagnol », comme l’appelait sa fille spirituelle sainte Catherine de Sienne.
Belle fête avec ma prière à la messe ! Fr. Manuel.
Vie de saint Dominique de Caleruega (1174-1221), par le frère Manuel Rivero O.P.
La bienheureuse Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique
Saint Dominique est né en Espagne, à Caleruega, en terre de Castille vers 1174, diocèse d’Osma, aujourd’hui province de Burgos.
Son père s’appelait Félix, homme religieux et droit. Jeanne d’Aza, femme de prière, s’était rendue en pèlerinage au monastère bénédictin de Saint- Dominique de Silos à une vingtaine de kilomètres de Caleruega pour confier au Seigneur son fils Dominique. Son prénom est à relier à celui du saint abbé bénédictin Dominique de Silos (1000-1073).
Enceinte de Dominique, sa mère Jeanne fit un rêve étrange . Elle portait un jeune chien qui tenait dans sa gueule une torche qui enflammait le monde. Image du défenseur de l’Église qui par le feu de la Parole de Jésus ressuscité transformerait les cœurs tristes en cœurs brûlants (cf. Lc 24, 32).
La miséricorde de Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique
Femme de miséricorde, Jeanne transmettra à son fils Dominique l’amour des pauvres et des affligés. Alors que la pénurie frappait la Castille, la mère de Dominique eut compassion des malheureux auxquels elle servit le vin gardé soigneusement dans un tonneau de la maison. Redoutant la réaction de son mari, elle pria le Seigneur : « Seigneur Jésus-Christ, bien que je ne sois pas digne d’être exaucée pour mes mérites, exauce-moi à cause de ton serviteur, mon fils, que j’ai consacré à ton service. » Et voici que le tonneau fut rempli à nouveau d’un excellent vin. Jeanne s’empressa de le servir à son mari et à ses amis dans l’admiration générale.
Jeanne eut trois fils, Antoine, Manès et Dominique. Les deux aînés, devenus prêtres, seraient nés d’un premier mariage. Manès entra dans l’Ordre fondé par son frère Dominique.
L’éducation de saint Dominique
L’éducation de Dominique fut confiée à son oncle maternel, Gonzalo de Aza, archiprêtre de Gumiel de Izán, dès l’âge de sept ans . Il apprit ainsi la lecture, l’écriture sur des tablettes de cire, le calcul et la grammaire.
Son oncle l’initia surtout à la langue latine et à déchiffrer les Psaumes dans le cadre fervent de la prière liturgique. L’âme de Dominique fut ainsi imprégnée dès son enfance du parfum du Christ.
Les veillées d’adoration la nuit et l’amour du chant sacré de saint Dominique au cours de sa vie apostolique n’ont-ils pas trouvé de bonnes racines dans cette première initiation spirituelle ?
Aujourd’hui encore l’Église constate qu’un grand nombre de vocations presbytérales a fait l’expérience intense de la présence de Dieu en servant l’autel comme servants de messe. Joie de servir Dieu !
Saint Dominique à Palencia
Vers l’âge de quatorze ans, Dominique commence l’étude des arts libéraux au Chapitre de la cathédrale de Palencia : le trivium (grammaire, rhétorique et logique) et quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie).
C’est à Palencia que l’on verra naître la première université espagnole (1208-1214).
Au bout de cinq années, Dominique se tourna avidement vers les Saintes Écritures qu’il approfondit de 1193 à 1197, de l’âge de 19 ans à 23 ans ; la lectio divina occupant une grande place dans sa vie. Saint Dominique aimait les livres et le Livre par excellence, la Bible .
Un choc émotionnel allait alors frapper le jeune Dominique. Une cruelle famine sévit à Palencia. Dominique agit selon la miséricorde notamment apprise au contact de sa mère. Il vendit ses livres dont il avait pourtant besoin : « Je ne veux pas étudier sur des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim. » Il manifesta aussi son sens de l’organisation en créant une institution pour l‘accueil des pauvres, malades et pèlerins.
Chanoine à Osma (Castille)
Arrivé comme chanoine du Chapitre de la cathédrale d’Osma vers 1197, Dominique va y vivre la règle de saint Augustin, trésor de sagesse pour avancer dans la vie religieuse par la mise en commun des biens, qui deviendra par la suite le socle des Constitutions de l’Ordre des prêcheurs, suivant la demande du pape Innocent III faite à saint Dominique en 1215, dans le souci de fonder les nouveaux ordres religieux sur des règles de vie religieuse déjà approuvées.
Arrivés de France, des moines remarquables par leur sainteté et leur savoir devinrent évêques d’Osma, dont saint Pierre de Bourges (1101-1109), actuel patron du diocèse. Mobilité européenne qui ouvrira l’esprit de saint Dominique à la mission universelle.
Sous-prieur du Chapitre de la cathédrale, Dominique bénéficie de l’empreinte d’un grand prieur, Diègue d’Acébès, nommé plus tard évêque du diocèse (1201-1208).
À Osma, Dominique étudie aussi les Conférences des Pères du désert de Jean Cassien (+435). À vingt-cinq ans, il est ordonné prêtre.
Voyage aux Marches (Danemark) et rencontre avec les cathares
C’est en 1203 que saint Dominique suit son évêque Diègue dans son voyage aux Marches (Danemark) dans le souci d’accomplir une mission diplomatique confiée par le roi Alphonse VIII : le mariage de Ferdinand, fils du roi Alphonse VIII de Castille, avec une fille noble .
Sur la route, à Toulouse, ils vont rencontrer l’hérésie cathare, nouveau manichéisme. La racine grecque du mot cathare veut dire « pur ». Les chefs cathares impressionnaient la population par leur austérité, entraînant une baisse de l’audience de l’Église considérée comme la synagogue de Satan .
Un soir, Dominique rencontre longuement son hôte cathare. Malgré la fatigue du voyage, il passe la nuit à dialoguer avec lui. À l’aube, son interlocuteur est converti par la lumière du Christ. Cet hôte cathare abandonne sa vision dualiste : un dieu du bien et un dieu du mal. L’esprit proviendrait d’un principe bon, la matière d’un principe mauvais. Désormais le corps humain n’est plus pour lui la prison de l’esprit ; la sexualité n’est plus le mal. Il ne voit plus dans le ventre de la femme le laboratoire de la reproduction du mal mais le corps habité et sanctifié par Dieu.
Les autorités juives qui ont conduit Jésus devant Pilate tenaient à garder la pureté rituelle en évitant le contact avec les païens. Ce débat sur le pur et l’impur demeure d’actualité. Des militants religieux continuent d’invoquer la pureté de leur foi et de leurs pratiques pour justifier leur agressivité envers d’autres croyants. Dans sa rhétorique, Daech, l’État islamique, se présente comme l’islam pur par rapport à d’autres musulmans déclarés impurs. Des sectes se réclament d’un Évangile pur pour dénoncer d’autres chrétiens comme impurs ou « sujets de Satan ».
Saint Dominique prêchait la pureté du mariage et de la création : « Tout est pur pour les purs » (Tite 1,15).
Saint Dominique à Montpellier en 1206
De retour d’un deuxième voyage au Danemark, l’évêque Diègue choisit de passer par Rome, où il expose au pape Innocent III la situation du diocèse d’Osma et son désir de renoncer à sa charge épiscopale de manière à se rendre libre pour prêcher aux cathares dans le Midi de la France. Mais le pape n’accepte pas sa démission.
Sur le chemin vers la Castille, à Montpellier, Diègue et Dominique rencontrent des légats du pape et d’autres ecclésiastiques, auxquels ils proposent de changer de mentalité et de méthode pour prêcher dans la pauvreté volontaire à la manière des apôtres, afin d’éviter ainsi les critiques des cathares.
À Servian, près de Béziers, Diègue et Dominique vivent un débat contradictoire avec les cathares à partir des citations du Nouveau Testament. Dans l’église de Servian, une plaque rappelle cette prédication de saint Dominique au mois de mars 1206.
D’autres débats contradictoires, « disputes », eurent lieu à Béziers et à Carcassonne.
La fondation du monastère de Prouilhe
L’évêque Diègue d’Acébès et Dominique s’étaient occupés en Castille des religieuses de Saint-Étienne de Gormaz qui devinrent par la suite des moniales dominicaines à Caleruega, ville natale de saint Dominique.
À Prouilhe (Aude), non loin de Carcassonne, il existait un sanctuaire marial sous le patronage de l’Assomption de la Vierge Marie. C’est là qu’en 1207 Diègue et Dominique installent le premier monastère de la Sainte Prédication sous la règle de saint Augustin pour accueillir des dames d’origine noble converties du catharisme.
Des laïcs au service de de la sainte prédication
Attiré par le charisme de la nouvelle prédication, un couple de laïcs vient aussi se joindre à l’évêque, Dominique et la communauté des premières moniales, figure de la Famille dominicaine à venir.
Il s’agit d’Ermengarde-Godoline et de Sanche Gasc qui font profession dans les mains de Dominique le 8 août 1207. Ils promettent de se donner à la sainte prédication en communion avec les frères et les sœurs .
Saint Dominique était appelé « prêcheur ». Il dialoguait avec les cathares à Fanjeaux et dans les alentours cherchant le salut des âmes en homme d’Évangile.
La mort de l’évêque Diègue d’Acébès
Pendant des années, saint Dominique a vécu à l’ombre de son évêque d’Osma.
C’était lui le grand missionnaire et visionnaire de l’entreprise de prédication nécessaire au XIIIe siècle dans le sud de l’Europe.
Au mois de septembre 1207, Diègue retourne dans son diocèse pour gérer les affaires courantes et chercher des fonds pour la création du monastère de Prouilhe, près de Carcassonne.
L’évêque Diègue d’Acébès meurt le 30 décembre 1207 à Osma (Castille).
Saint Dominique restera alors presque seul en Languedoc, consacré corps et âme à la prédication, véritable dialogue avec ceux qui critiquent l’Église, où comprendre et croire se nourrissent réciproquement : comprendre pour croire et croire pour comprendre, selon le principe de saint Anselme (+1109).
« Le ministère de la réconciliation »
Prêtre, saint Dominique a relié la prédication et son fruit « la réconciliation avec Dieu » (2 Co 5,18). Parmi les quelques rares textes, que l’histoire a gardé du fondateur de l’ordre des frères prêcheurs, figure l’acte de réconciliation d’un hérétique du Midi de la France daté entre 1204 et 1212, Pons Roger : « À tous les fidèles du Christ à qui parviendront les présentes lettres, frère Dominique, chanoine d’Osma, le plus petit des prédicateurs, salut dans le Christ.
Par l’autorité du seigneur abbé de Cîteaux, légat du siège apostolique, qui nous a chargé de cet office, nous avons réconcilié le porteur des présentes, Pons Roger, qui, par la largesse de Dieu, a été converti de la secte des hérétiques ; et nous lui ordonnons, en vertu du serment qu’il a prêté, que trois dimanches ou jour de fête, il soit conduit nu, en braies, par un prêtre, et fouetté, de l’entrée de la ville jusqu’à l’église.
Nous lui avons enjoint de s’abstenir de viandes, d’œufs, de fromage ou de tout ce qui tire son origine d’une semence de chair en en tout temps, sauf le jour de Pâques, le jour de Pentecôte et le jour de la naissance du Seigneur, pendant lesquels nous lui enjoignons de s’en nourrir en signe de renonciation de son erreur d’autrefois. Qu’il fasse trois carêmes dans l’année avec abstinence de poisson. Qu’il s’abstienne toujours trois jours par semaine de poissons, d’huile et de vin, et qu’il jeûne, à moins qu’une maladie corporelle ou les travaux de l’été n’exigent une dispense ; qu’il revête des vêtements religieux tant par la forme que par la couleur, auxquels soient cousues de chaque côté, au niveau du téton, de petites croix. Chaque jour, s’il en a l’opportunité, qu’il entende la messe, et que les jours de fêtes il se rende à l’église pour les vêpres. Pour les autres heures, tant nocturnes que diurnes, où qu’il soit, qu’il s’en acquitte envers Dieu : sept fois le jour, qu’il dise dix fois le Notre Père, au milieu de la nuit vingt fois.
Qu’il observe pleinement la chasteté et demeure à Tréville. Qu’il montre ce document au chapelain du lieu chaque mois. Au chapelain aussi nous prescrivons de prendre soin avec grande attention de la vie de cet homme.
Tout cela, qu’il l’observe avec soin, jusqu’à ce que l’abbé nous exprime sur ce sujet sa volonté. Et s’il dédaigne de l’observer, nous prescrivons qu’il soit considéré comme parjure, hérétique et excommunié, et qu’il soit séparé de la communauté des fidèles ».
Habitués à une culture relativiste et souvent laxiste, ces pénitences peuvent paraître excessives. Elles renvoient surtout à la Vérité du Christ Jésus, à son Salut et à la faiblesse humaine qui a besoin de miséricorde et d’engagement humain à la lumière du mystère de l’Incarnation qui met en valeur le corps.
Dès les premiers siècles de l’histoire de l’Église, les évêques ont imposé des pénitences aux pécheurs repentis dans un but de guérison spirituelle lors des péchés graves comme l’apostasie, le meurtre ou l’adultère notoire et prolongé.
Nous pouvons nous interroger sur nos silences par rapport à des apostasies contemporaines : l’idolâtrie du pouvoir, de l’argent et des plaisirs ; l’abandon de la foi chrétienne pour épouser un conjoint d’une autre religion …
La foi en Dieu exige que le fidèle lui accorde la première place : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force et ton prochain comme toi-même » (cf. Mt 22,34-40).
Par ailleurs, la dignité de la personne passe par sa liberté. Enlever la liberté équivaut à enlever la dignité. Dans l’Évangile, Jésus ne force jamais la liberté des personnes. Il laissa partir l’homme riche sur qui il avait posé son regard d’amour (cf. Mc 10,21).
À la suite de Jésus, les chrétiens dénoncent l’idolâtrie et la violence physique, psychologie ou spirituelle. La foi en Dieu forme le cœur et l’identité de la personne humaine. Obliger quelqu’un à renoncer à sa foi et à sa liberté représente une violence, un manque de respect et l’aliénation de la personne qui devient alors étrangère à soi-même. Saint Dominique a pratiqué la prédication évangélique et non les méthodes de l’Inquisition qui date de 1231, dix ans après sa mort.
Prédication de saint Dominique à Toulouse, Carcassonne et Pamiers
Il arrive que les fondateurs de congrégations religieuses connaissent des conflits douloureux avec leurs évêques. Ce n’est pas le cas de saint Dominique. Disciple de Diègue d’Acébès et ami de Foulques, évêque de Toulouse, saint Dominique a transmis à la Famille dominicaine l’amour de l’Église et l’affection envers les évêques.
Le parcours de Foulques sort de l’ordinaire. Marseillais d’origine génoise, troubadour, marié et père de famille, il rejoint le monastère du Thoronet tandis que sa femme entre aussi dans un monastère féminin près de Marseille quand leurs enfants atteignent l’âge adulte. Devenu abbé du Thoronet, Foulques est élu évêque de « la Ville rose », Toulouse. Il devient rapidement l’ami et le soutien de saint Dominique.
Des débats contradictoires, « disputes », ont lieu à Montréal, près de Carcassonne, et à Pamiers. À Montréal, les juges de la dispute font appel à la « preuve du feu ». L’écrit de saint Dominique sort miraculeusement des flammes. À Pamiers, la dispute fut dirigée par Diègue en présence de Foulques et sans doute de saint Dominique. Diègue apparaît comme le moteur et l’organisateur de cette nouvelle évangélisation.
Amoureux de la Bible
En voyage, saint Dominique portait avec lui l’évangile selon saint Matthieu et les épîtres de saint Paul qu’il connaissait par cœur et
par le cœur. La lectio divina, lecture priante de la Parole de Dieu, nourrissait sa prière et sa prédication. Il avait la passion de la pédagogie de la foi car si l’Évangile est annoncé sans que l’auditeur le comprenne ni en saisisse le sens, le diable parvient à extirper aisément cette semence divine qui venait tomber dans la mémoire de l’homme (cf. Mt 13,19). Jésus, exégète du Père, expliquait aux foules le mystère de Dieu. La prédication de saint Dominique s’adressera aussi à l’intelligence humaine. Ce faisant, il mettait en pratique l’exhortation de l’apôtre Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous » (1P 3, 15). C’est pourquoi l’étude des Saintes Écritures occupera une place centrale dans la vie dominicaine. Sur la croix, Jésus n’a pas prié en disant : « Père, pardonne-leur car ils sont méchants », il a prié pour ceux qui n’avaient pas compris le sens de sa prédication : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).
Saint Dominique distribuera aux affamés de Dieu le pain de la Vérité révélée en s’adressant à la raison que saint Thomas d’Aquin (+1274) honorera comme une participation à la lumière divine.
Le portrait de saint Dominique
Sœur Cécile, moniale dominicaine entrée dans le monastère de Saint-Sixte de Rome à l’âge de dix-sept ans et qui a connu personnellement saint Dominique, décrit ainsi son maître spirituel : « Taille moyenne, corps mince, visage beau et légèrement coloré, cheveux et barbe légèrement roux, de beaux yeux. De son front et de ses cils une sorte de splendeur rayonnait qui attirait la révérence et l’affection de tous. Il restait toujours souriant et joyeux, à moins qu’il ne fût ému de compassion par quelque affliction du prochain. Il avait les mains longues et belles; une grande voix belle et sonore. Il ne fut jamais chauve, et sa couronne de cheveux était complète, parsemée de rares fils blancs. »
Le bienheureux frère Jourdain de Saxe, biographe de saint Dominique, s’attache plutôt à mettre en lumière sa physionomie spirituelle caractérisée par une exceptionnelle égalité d’âme, fruit de la prière au Seigneur et de son abandon à la volonté divine. Saint Dominique avait jeté l’ancre de sa vie dans le Christ (He 6, 19). Son âme résistait aux vagues et aux tempêtes hostiles qui l’assaillaient dans sa mission de prédication.
« Il s’infiltrait sans peine dès le premier regard dans l’affection de tous », écrit Jourdain de Saxe.
Changement de société
Le XIIIe siècle comporte des changements économiques, politiques et scolaires importants. Le monde féodal hiérarchisé avec le seigneur et les serfs qui labourent la terre voit naître un système économique nouveau dans les villes, fondé cette fois-ci sur les corporations des artisans où chaque membre jouit de la même égalité de dignité et de pouvoir.
Inspirés par Dieu, saint Dominique et saint François réagiront en fondant des Ordres de frères. Dans l’Ordre des prêcheurs, le responsable est appelé non pas supérieur mais prieur, prior inter pares, le premier parmi ceux
qui sont égaux.
L’école cathédrale sous la tutelle de l’évêque découvre à son tour l’arrivée de l’université : communauté de professeurs et d’étudiants où l’autorité relève de la vérité. Saint Thomas d’Aquin dira que l’argument d’autorité est le dernier des arguments.
La miséricorde de saint Dominique
Saint Dominique aimait les pauvres et les pécheurs. Habituellement paisible, d’égalité d’âme et joyeux, il était bouleversé par la souffrance des hommes.
L’étymologie de « miséricorde », mot d’origine latine, renvoie à la sensibilité du cœur devant les misérables.
Dans ce sentiment de compassion il passait rapidement à l’action pour venir en aide aux personnes dans la douleur et la tristesse.
Dieu est miséricordieux par amour. Sa miséricorde n’est pas signe de faiblesse mais de puissance. Sa toute-puissance se déploie dans l’aide apportée aux hommes aux prises avec le mal et la mort.
Saint Dominique aimait les personnes, d’où sa miséricorde envers les affamés, les malades et les pécheurs.
Les chrétiens forment le Corps du Christ, le Christ total, dont Jésus ressuscité est la tête et les fidèles ses membres. Dans sa miséricorde, le Christ aime les hommes comme étant une part de lui-même.
Saint Dominique aimait les captifs au point de vouloir se vendre pour leur rachat. Il aimait ceux qui le menaçaient de mort au point de se réjouir du martyre qui porterait des fruits de conversion.
La méthode de saint Dominique était bien l’amour et la miséricorde.
Saint Dominique à Toulouse en 1215
Curé de Fanjeaux, prêchant la Parole de Dieu à Carcassonne et à Toulouse, saint Dominique reçoit le soutien de Foulque, évêque de
Toulouse, qui l’institue avec ses compagnons prédicateurs dans son diocèse.
Les frères prêcheurs suivent les cours de théologie du maître Alexandre Stavensky. L’étude fait partie des piliers de leur vie
consacrée à faire resplendir la lumière du Verbe. Plus tard, sainte Catherine de Sienne, dominicaine, docteur de l’Église, patronne de l’Europe, enseignera que les frères et les sœurs de saint Dominique ont reçu dans l’Église « l’office du Verbe ». La foi vient de la prédication (Rm 10, 17) et la prédication se nourrit de la Parole de Dieu expliquée dans la théologie.
Au mois de novembre 1215, Dominique accompagne l’évêque Foulque à Rome pour participer au IVe Concile de Latran convoqué par le pape Innocent III.
Pour répondre aux demandes du Concile et du pape, Dominique et ses frères choisissent la Règle de saint Augustin comme fondement pour leur vie apostolique. Ils bénéficièrent aussi des coutumiers des Prémontrés fondés par saint Norbert (+1134).
Le pape Honorius III confirme l’Ordre en 1216
Le pape Innocent III, selon Constantin d’Orvieto, avait eu une vision dans laquelle saint Dominique soutenait la basilique du Latran qui tombait en ruines. Aussi chercha-t-il la collaboration des prêcheurs de Toulouse. Innocent III mourut le 16 juillet 1216. Deux jours plus tard fut élu le pape Honorius III qui confirma l’Ordre des prêcheurs dans une bulle datée du 22 décembre 1216.
À Rome, saint Dominique reçut l’aide du cardinal Hugolin qui deviendra pape sous le nom de Grégoire IX.
Dans la basilique Saint-Pierre, Dominique en prière fit une expérience extraordinaire, selon son biographe Constantin d’Orvieto, il reçut une vision dans laquelle l’apôtre Pierre lui transmettait un bâton et l’apôtre Paul un livre. Ils lui disaient : « Va et prêche. » Cette vision spirituelle enhardit saint Dominique dans sa soif d’annoncer l’Évangile à toutes les nations.
Plus tard, dans une bulle du 21 janvier 1217, le pape Honorius III appelle le prieur et les frères de l’église Saint-Romain à Toulouse « les athlètes du Christ ».
La dispersion des frères
Les frères habitaient le couvent Saint-Romain à Toulouse. Ils avaient promis obéissance à saint Dominique.
Après avoir prié longuement le Saint-Esprit, saint Dominique annonça aux frères sa décision de les envoyer annoncer l’Évangile dans d’autres villes malgré leur nombre réduit: « Le grain entassé pourrit mais dispersé il porte du fruit. »
« Ne me faites pas opposition, je sais bien ce que je fais », leur dit le saint apôtre du Christ.
La date probable de cet événement fut le 15 août 1217 à Prouilhe (Aude). Les frères partirent vers Paris et Madrid, Bologne…
De passage à Rome en 1218, saint Dominique rencontra Réginald, chanoine d’Orléans, qui choisit la vie dominicaine à quarante ans
ayant été guéri miraculeusement par l’intercession de la Vierge Marie. Frère Réginald donna une grande impulsion à l’Ordre attirant de nombreuses vocations parmi les étudiants. Heureux d’avoir épousé la vie apostolique et mendiante, frère Réginald s’était exclamé : « Je crois n’avoir aucun mérite à vivre dans cet Ordre, car j’y ai trouvé trop de joie. »
En 1218, saint Dominique se rendit à Ségovie (Espagne) où sa prière obtint la pluie au cours d’une terrible sécheresse. Une grotte rappelle à Ségovie l’oraison et la pénitence de saint Dominique. Sainte Thérèse d’Avila la visita avec ferveur.
La communauté comme référence
Point de narcissisme ou de culte de la personnalité dans l’existence de saint Dominique.
Il aimait l’Église comme une Mère. Dans son charisme de fondateur, il a renvoyé les frères non pas à lui mais à la communauté.
Jésus avait dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Saint Dominique n’a pas laissé non plus ses frères orphelins car ils avaient comme référence non pas sa personne mais la communauté.
Le mot « séduire » veut dire « conduire à soi ». Saint Dominique n’était pas un séducteur mais il conduisait au Christ, à l’Église et à la communauté.
Aussi comprenons-nous ses propos à l’approche de la mort : « À Dieu ne plaise que je repose ailleurs que sous les pieds de mes frères. »
Il arrive que dans la solitude nous voyions clairement des choses qui sont fausses. Le dialogue communautaire constitue un lieu de vérité dans la tradition dominicaine.
Les premiers frères dominicains arrivés à Saint-Domingue au moment de la découverte de l’Amérique préparaient les prédications en communauté. Ce n’était pas un frère qui prêchait en son nom personnel mais la communauté qui prêchait à travers la voix d’un frère. Cela apporta beaucoup de force à l’annonce de l’Évangile et à la défense des Indiens.
Vivre en frères
Une question surgit souvent lors des projets de fondation dans un nouveau pays : qu’est-ce que l’Ordre peut apporter alors que l’Église y est déjà présente ? Un jour, le frère Bruno Cadoré, Maître de l’Ordre depuis 2010, avait répondu « l’esprit fraternel ». Tant il est vrai que saint Dominique a insufflé dans l’Église l’esprit fraternel. Chaque frère est respecté dans ses droits. La démocratie dominicaine avec son souci de participation de tous en témoigne. Il ne s’agit pas d’une démocratie de consensus à la manière de certains parlements mais d’une vision théologale où chacun illuminé par le Saint-Esprit est appelé à bâtir la société et l’Église.
Le grand cadeau que saint Dominique a laissé à sa Famille spirituelle est bien la fraternité. Les frères et les sœurs dominicains s’émerveillent devant cet attachement qui surgit naturellement ou plutôt surnaturellement. Nous en avons un exemple patent dans l’hospitalité chaleureuse vécue dans l’Ordre envers les frères et les sœurs qui se rencontrent pour la première fois.
Saint Dominique, homme de prière
Saint Dominique parlait avec Dieu ou de Dieu. Le jour, il allait à la rencontre des hommes et des femmes qui souffraient dans leurs âmes ou dans leurs corps. Les nuits, il les passait en dialogue avec Dieu. Très souvent, il couchait dans l’église des couvents, implorant la miséricorde de Dieu : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? ».
Il intercédait pour les pécheurs se demandant ce qu’ils allaient faire dans leur éloignement du Seigneur. Il demandait aussi à Dieu la lumière pour choisir la route à suivre dans la prédication de manière à se rendre utile pour le salut du prochain.
Saint Dominique aimait les personnes atteintes par le péché mais il détestait le mal.
Avec ses frères prêcheurs, il célébrait la liturgie. Lors de la célébration de la messe il lui arrivait de verser d’abondantes larmes. Sur la route, il chantait le Veni, creator Spiritus. Fils de la Vierge Marie, il reprenait souvent l’hymne marial Ave, maris stella, « Salut, étoile de la mer ».
Saint Dominique et saint François d’Assise
Nés à la même époque, partageant la même vocation à la prédication dans la pauvreté évangélique, les Dominicains et les Franciscains ont grandi dans l’amitié pendant huit siècles.
Ils ont répondu aux nouveaux défis de leur temps. Deux biographes de saint Dominique, Rodrigo de Cerrato et Gérard de Frachet, évoquent la rencontre mystique de saint Dominique et de saint François d’Assise à Rome en cette année 1217. Signe de cette fraternité qui unit les prêcheurs et les mineurs, chaque année à la fête de saint Dominique c’est un frère franciscain qui prêche; lors de la fête de saint François il revient à un frère
dominicain de mettre en lumière la vie du poverello.
L’art chrétien s’est plu à représenter cette amitié entre les Dominicains et les Franciscains à travers le symbole du baiser fraternel de Dominique et de François, unis par le Saint-Esprit, que saint Bernard appelait « le baiser du Père et du Fils ».
Saint Dominique et la Vierge Marie
Le frère catalan Romée de Livia priait mille Ave Maria par jour. Compagnon de saint Dominique sur les routes du Midi de la France, nous pouvons imaginer aisément le fondateur de l’Ordre des prêcheurs comme l’inspirateur aussi de la prière du Rosaire qui sera définie ultérieurement par un pape dominicain, saint Pie V, en 1569, dans la forme que l’Église pratique depuis le XVIe siècle.
Le Rosaire, appelé par les frères dominicains le Psautier de la Vierge Marie en raison des 150 Psaumes et des 150 Ave Maria, conduit le priant au cœur de Marie pour contempler Jésus avec la foi de la Mère de Dieu, qui est aussi la foi de l’Église.
Le Salve Regina achevait la journée liturgique dans les couvents dominicains.
Le frère Humbert de Romans, Maître de l’Ordre de 1254 à 1263, rappelait aux frères que « la bienheureuse Vierge Marie fut l’aide principale dans la fondation de l’Ordre ». Aussi est-elle célébrée comme sa patronne chaque 8 mai, mois traditionnellement consacrée à la Mère de Dieu.
Premier Chapitre général à Bologne en 1220
Saint Dominique convoqua le premier Chapitre général de son Ordre lors de la fête de la Pentecôte en l’an 1220 à Bologne (Italie). Des frères délégués, dits « définiteurs », chargés de définir les lois de l’Ordre, arrivèrent des différents couvents d’Espagne, de France et d’Italie.
Saint Dominique n’a laissé aucune prédication écrite. Nous avons quelques-unes de ses phrases gardées précieusement dans la mémoire de ses disciples et une lettre envoyée aux moniales de Madrid. Il ne ressemble pas à certains fondateurs de congrégations dont les innombrables livres et lettres ont fini par produire de la fatigue chez les religieux.
Son esprit et son génie apparaissent surtout dans les Constitutions dont le but est d’organiser et d’actualiser la mission de la prédication, but de l’Ordre.
Saint Dominique aimait les institutions car il tenait à ce que la charité et l’évangélisation durent et progressent dans le temps en faisant du neuf et de l’ancien.
En 1220, saint Dominique prêcha en Lombardie et il visita Milan.
En janvier 1221, le pape Honorius III lui fit don de la basilique Sainte-Sabine sur l’Aventin romain, où réside à présent la curie générale de l’Ordre.
Attiré par les Cumans
Né en Castille, marqué par l’invasion musulmane et par la Reconquête, saint Dominique ne s’est pas tourné vers l’Islam mais vers l’Europe centrale et orientale. Il était attiré par la mission auprès des Cumans , tribu lointaine et redoutée.
Retenu par sa mission en France et en Italie, il rêvait néanmoins de partir au loin pour vivre l’aventure missionnaire comme les apôtres. C’est ainsi qu’il avait dit au frère Paul de Venise : « Quand nous aurons affermi notre Ordre, nous irons chez les Cumans, nous leur prêcherons la foi au Christ et nous les gagnerons au Seigneur. »
Aujourd’hui encore, les jeunes aiment les défis difficiles. Nombreux sont ceux qui partent en coopération pour vivre sur un autre continent la découverte d’une autre culture, rendre service, se retrouver eux-mêmes dans le don de soi et entrevoir le sens de la vie apostolique, missionnaire.
Saint Dominique s’est donné à Dieu dès l’enfance. Saint Thomas d’Aquin redoutait les jeunes repliés sur eux-mêmes car la jeunesse représente l’âge de la générosité et de l’absolu dans la foi et l’amour, autrement il y a corruption d’une vie appelée à porter du fruit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).
La mort de saint Dominique
À la fin du mois de juillet 1221, saint Dominique arriva à Bologne, exténué. Sentant sa mort approcher, il exhorta les frères à vivre la charité, l’humilité et la pauvreté volontaire.
Il leur ouvrit le cœur en leur révélant sa virginité ainsi que l’une de ses imperfections : la conversation avec les jeunes femmes l’avait attiré davantage que les échanges avec les femmes âgées.
Voyant ses frères pleurer à l’idée de perdre leur maître spirituel, il leur déclara : « Je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie. » Le Catéchisme de l’Église catholique a retenu cette phrase (n°956) qui fait penser à une déclaration semblable de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »
Ceux qui croient en Jésus ressuscité doivent se garder de dire deux choses : « c’est trop tard », « c’est fini », car il n’est jamais trop tard et rien n’est jamais fini.
Saint Dominique passa de ce monde au Père à Bologne le 6 août 1221 vers midi.
Les funérailles furent célébrées par son ami le cardinal Hugolin, le futur pape Grégoire IX.
La canonisation de saint Dominique
En 1233, le Chapitre général de l’Ordre eut lieu à Bologne en la fête
de la Pentecôte. Les frères choisirent cet événement pour célébrer la translation des reliques de saint Dominique dans un sarcophage en marbre au cœur de l’église Saint-Nicolas.
Les frères dominicains craignaient que cette ouverture du tombeau de leur fondateur ne soit rendue pénible à cause de la corruption que la pluie, la neige et la chaleur de Bologne auraient pu provoquer dans ses restes mortels.
L’ouverture du tombeau eut lieu dans la nuit du 23 au 24 mai 1233 en présence de l’évêque de Bologne, Henri de Fratta et de nombreuses personnalités de la ville.
Au moment où fut soulevée la pierre tombale, un parfum intense, délicieux et original envahit les esprits des fidèles en prière. Ce parfum demeura plusieurs jours dans le tombeau et même dans les vêtements de ceux qui l’avaient touché. La joie des frères et des chrétiens de Bologne fut immense. Le 13 juillet 1233, le pape Grégoire IX ouvrit le procès de canonisation et après l’enquête canonique le pape décida à Rieti l’inscription de saint Dominique dans le catalogue des saints le 3 juillet 1234.
Il fut décidé que saint Dominique serait fêté principalement le 5 août tandis que la translation des reliques serait célébrée le 24 mai. Dans l’ancien calendrier liturgique du temps de saint Dominique, le 6 août ne correspondait pas à la fête de la Transfiguration comme aujourd’hui mais à la mémoire du pape saint Sixte II, mort martyr à Rome le 6 août 258. C’est le pape saint Pie V, en 1570, qui assigna de manière définitive dans le Missel Romain la date du 6 août pour la Transfiguration du Christ.
De beaux textes furent aussi créés pour mettre en lumière la sagesse de saint Dominique et son amour pour l’Église, lui qui voulut toujours grandir in medio Ecclesiae, au cœur de l’Église.
Hymne à saint Dominique
Au sein de son Église le Seigneur l’appela,
pour porter sa Parole, il lui donna l’Esprit,
le combla de sagesse, de gloire le vêtit
et sur lui fit descendre allégresse et bonheur.
Aux sources d’Évangile le Seigneur le mena,
le planta comme un arbre, près des eaux du salut,
lui donna sans mesure la sève du savoir,
lui fit en abondance porter du fruit de choix.
Du trésor de ses grâces le Seigneur l’instruisit,
dans la Nouvelle Alliance lui enseigna la Loi;
il lui donna d’en vivre avec fidélité,
puis d’enseigner l’Église avec humilité.
Gloire à toi, notre Père, qui nous attires à toi;
pour vivre en ta lumière la joie des fils de Dieu;
fais-nous grandir sans cesse dans l’amour de ton Fils
et rechercher ta face, guidés par ton Esprit.
La spiritualité de saint Dominique
La mystique dominicaine, sainte Catherine de Sienne, comparait la religion de saint Dominique à « un jardin, large, joyeux et parfumé ».
Saint Dominique n’a pas transmis aux frères un moule spirituel ni une recette magique à répéter pour réussir l’annonce de Jésus Sauveur. Il a laissé à la Famille dominicaine un esprit large où chacun garde sa personnalité tout en entrant dans la dynamique transformante de la vie communautaire réglée par les Constitutions. Quand il arrivait dans un couvent, saint Dominique se renseignait auprès du prieur des us et coutumes propres à la maison pour s’y conformer avec joie. Saint Dominique rayonnait la joie. Sa joie, musique de l’âme et signature du Saint-Esprit, impressionnait ses contemporains. Il était aussi « le parfum de la connaissance du Christ » (1 Co 2, 14). Tous ceux qui rencontrent des frères et des sœurs dominicains sont frappés de la diversité des psychologies et des mentalités tout en repérant aussi un esprit de famille.
VERITAS
Les visiteurs des couvents dominicains découvrent souvent la devise de l’Ordre dans des mosaïques ou des tableaux : Veritas.
Les disciples de saint Dominique « cherchent la vérité dans un doux compagnonnage », selon l’expression de saint Albert le Grand (+1280).
« Qu’est-ce que la vérité? » (Jn 18, 38), s’était exclamé Pilate devant Jésus.
Question passionnante qui suscite une soif jamais assouvie car la Vérité pour les chrétiens ne relève pas en dernier lieu de concepts ni de formules scientifiques, elle est une personne, Jésus lui-même, qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin (+1274) enseignera qu’à proprement parler il n’y a de vérité qu’en Dieu.
Saint Dominique et ses frères se sont évertués à s’approcher de cette Vérité par la contemplation, l’étude et la charité qui illumine l’âme.
Les fils et les filles de saint Dominique
Dans l’Évangile, Jésus nous enseigne que « l’arbre se reconnaît à ses fruits » (Mt 7,17). La Famille dominicaine représente une parole vivante de saint Dominique : saint Thomas d’Aquin, saint Albert le Grand, sainte Catherine de Sienne, Fra Angelico, saint Pie V, sainte Rose de Lima, saint Martin de Porrès, une foule de martyrs et de bienheureux …
Il y a aussi de belles figures plus proches de nous dans l’histoire : le père Lacordaire, prédicateur à Notre-Dame de Paris; Mélanie Calvat, voyante de la Salette, tertiaire dominicaine; le bienheureux Pierre-Georges Frassati, patron de la JMJ (Journée Mondiale de la Jeunesse); Sigrid Undset, norvégienne, Prix Nobel de littérature en 1928, laïque dominicaine; le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem …
Aujourd’hui la Famille dominicaine comprend 2 800 moniales, 6 000 frères, 23 000 sœurs apostoliques, 166 000 laïcs dominicains, 265 membres des Fraternités sacerdotales et 150 membres des Instituts séculiers.
Famille dominicaine que la Vierge Marie garde avec affection sous son manteau de prière.
VIIIe centenaire de la fondation de l’Ordre des prêcheurs
L’Ordre fondé par saint Dominique a fêté ses huit siècles d’existence : 22 décembre 1216 – 22 décembre 2016.
Le site Internet de l’Ordre informe régulièrement des événements qui marquent sa mission : http://www.op.org
Le poète espagnol Juan Ramon Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, a écrit : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines s’envolent . »
Huit cents ans ont donné de profondes racines à l’Ordre fondé par saint Dominique; ces racines le poussent à aller plus loin dans la mission.
La meilleure manière de célébrer la fondation de l’Ordre n’est-elle pas de se renouveler par de nouvelles fondations missionnaires ?
Le 6 août 2021, l’Ordre des prêcheurs célèbre le VIIIe centenaire de la naissance au Ciel de son fondateur, saint Dominique, entré dans la joie de son Seigneur à Bologne (Italie), le 6 août 1221.
7 août 2024
« La paix est possible »
Homélie pour le mercredi 7 août 2024.
Monastère des moniales dominicaines de Saint-Denis/ La Réunion.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Aujourd’hui l’Évangile nous fait voyager au Liban. Jésus entre dans la région de Tyr et de Sidon où il va délivrer du pouvoir démoniaque la fille d’une femme cananéenne, étrangère, païenne, qui manifeste une grande foi en lui, « fils de David ».
L’occasion nous est donnée de prier pour la population libanaise qui souffre de la faillite économique et des conflits armés. Portons dans notre eucharistie les chrétiens du Liban, de moins en moins nombreux à pouvoir vivre sur place. Prions pour les chrétiens persécutés en Orient et Afrique, témoins du Christ dans la douleur et la mort.
Nous sommes menacés pour une troisième guerre mondiale. La guerre est toujours « une défaite de l’humanité », avait déclaré le saint pape Jean-Paul II au corps diplomatique en 2003. Le pape François nous rappelle que l’on ne gagne pas la guerre mais la paix.
Travaillons pour la culture de la paix et non pour la guerre. Gagnons la paix et non la guerre.
Le démon pousse à la violence et à la mort. Dieu ne veut pas la guerre. Chaque jour nous assistons au risque de nous y habituer au spectacle de la destruction massive des personnes et des biens en Ukraine, à Gaza, dans la République démocratique du Congo, en Birmanie …
Les chrétiens ne se résignent pas dans ce désordre mondial. A travers la doctrine sociale de l’Église, ils proposent un nouvel ordre mondial, fondé sur la justice, la paix, le respect de la dignité inhérente à chaque personne humaine, le bien commun et la solidarité.
Jésus, non violent, artisan de paix, nous donne son Esprit Saint, Esprit de force et d’amour, pour vaincre le mal par le bien. Il ne s’agit pas de tomber dans un pacifisme naïf. Nous constatons que les dites « solutions militaires » ne fonctionnent pas pour résoudre les conflits qui s’éternisent en laissant chaque jour dans les villes et les campagnes une multitude de blessés, de morts, de veuves et des orphelins. Nous avons à emprunter d’autres voies que la guerre pour dépasser les conflits. Le Saint-Siège met en garde contre les dangers des armes nucléaires, du dérèglement climatique et de l’intelligence artificielle utilisée pour la destruction.
La théorie de « la guerre juste » invoquée pendant des siècles perd de sa pertinence à cause l’énorme puissance destructrice des nouvelles armes et du risque d’extension des conflits à des guerres mondiales.
Le fondateur de droit international, le frère dominicain Francisco de Vitoria O.P., enseignait déjà à l’université de Salamanque en 1539 que « la guerre ne doit pas provoquer plus de maux qu’elle ne cherche à éviter par la réaction violente ».
La paix est possible.
Personne n’a de solution « magique » à ces conflits qui découlent de plusieurs causes. L’Église pense que la paix est la seule solution et elle propose la justice et le dialogue, la négociation et les accords diplomatiques internationaux. Seuls le respect, la confiance mutuelle et la solidarité pourront dépasser les guerres qui ont à la base le désir de domination et de possession, le mépris et la haine.
« La violence commence là où le dialogue s’arrête », déclarait la philosophe Hannah Arendt (+1975). Le philosophe français Albert Camus (+1960) dénonçait déjà il y a 70 ans l’attitude passive de certains citoyens : « Je vous méprise, disait-il, parce qu’ayant des moyens pour faire tant de choses vous avez osé si peu ».
Ce serait se faire illusion que de penser que la paix arrivera par la multiplication des armes et des armes nucléaires. La guerre froide entre les grandes puissances n’apportera pas la paix mais le commerce des armes et la pauvreté.
Il s’avère nécessaire de réformer et de refonder l’ONU, inefficace, qui ne correspond plus aux besoins. La réforme de l’ONU passe par la reconnaissance démocratique des nations. A l’heure actuelle, le Conseil de sécurité des Nations Unies utilise fréquemment le droit de véto imposée par les grandes puissances. En cinq mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a utilisé six fois le droit de véto. Il convient de parvenir à une autorité publique universelle qui respecte et fasse respecter les droits des personnes et des nations de manière démocratique.
Un proverbe qui transmet l’expérience populaire enseigne : « Pas de paix dans le monde sans paix entre les peuples, pas de paix entre les peuples sans paix en famille, pas de paix en famille sans paix en moi, pas de paix en moi sans paix avec Dieu ».
Demandons à l’Esprit Saint de nous donner la pensée du Christ Jésus pour penser la paix d’une manière nouvelle et « penser d’une manière nouvelle l’homme et la vie en commun avec des hommes » (saint pape Paul VI).
Alors la paix viendra et les tentations meurtrières du démon seront vaincues.
« Amour et vérité se rencontreront, justice et paix s’embrasseront » (Ps 85, 11).
Amen.
Image : peintre Benn.
5 août 2024
Fête de la dédicace de la basilique de Sainte-Marie-Majeure à Rome le 5 août 434 par le pape Sixte III.
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 5 août 2024.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Première basilique d’Occident à être placée sous le vocable de Sainte-Marie, elle a été érigée en l’honneur de la Mère de Dieu, théotokos, le 5 août 434, comme venait de le reconnaître le Concile d’Éphèse trois ans auparavant en 431.
Le titre de théotokos, « Mère de Dieu », « celle qui engendre Dieu », a été créé par les chrétiens pour manifester leur foi en la conception virginale dans le sein de Marie du Verbe de Dieu.
Nestorius acceptait le titre de « Mère du Christ » mais non pas celu
de « Mère de Dieu ». Il est évident que la maternité divine de Marie se réfère uniquement à la génération humaine du Fils de Dieu et non à sa génération divine. Le Fils de Dieu est engendré par Dieu le Père et il lui est consubstantiel comme nous le prions dans le Credo. Marie ne joue aucun rôle dans la génération éternelle du Fils de Dieu par le Père. Marie est la Mère du Verbe incarné. Femme libre et responsable, Marie a accueilli dans son cœur par la foi et dans ses entrailles le Verbe de Dieu. En la personne de Jésus, né de Marie, s’accomplit l’unité de la nature divine et de la nature humaine.
Le père Marie-Joseph Lagrange O.P. (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, aimait à souligner qu’en Marie sont détruites toutes les hérésies qui font de Jésus soit uniquement un homme soit seulement Dieu. C’est dans le sein de Marie, dans le lit nuptial de ses entrailles maternelles, que la nature divine a épousé la nature humaine en l’unité de la personne de Jésus le Christ, le Verbe fait chair.
En cette basilique si riche en art et en histoire, ont été ensevelis les reliques de saint Jérôme (+420), traducteur de la Bible, et du saint pape Pie V O.P., apôtre du Rosaire (+ 1572). Saint Ignace de Loyola y a célébré sa première messe le 25 décembre 1538.
Avant ses voyages apostoliques ainsi qu’au retour de ses missions à l’étranger, le pape François se rend à la basilique Sainte-Marie-Majeure, pour confier à la Mère de Dieu ses rencontres et ses enseignements. Il prie devant l’icône de la Vierge Marie, protectrice du peuple romain, « Salus populi romani ».
Le pape François a choisi cette basilique mariale comme lieu pour sa future sépulture, et non pas la basilique de saint Pierre.
Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous pauvres pécheurs.

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