In : Comptes-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 134e année, N. 4, 1990. pp. 857-864. (Persée)
C’est en 1890 que le P. Marie-Joseph Lagrange fonda l’École pratique d’études bibliques et qu’il l’installa dans les bâtiments du couvent dominicain de Saint-Étienne aux portes de Jérusalem.
École pratique d’études bibliques, tel était le nom de l’institution dont nous célébrons aujourd’hui le centenaire sous le nom d’École biblique et archéologique française de Jérusalem : d’une institution strictement privée et d’obédience confessionnelle l’on passe à une autre qui comporte une face scientifique et publique. Comment s’est fait ce changement, il m’appartient d’abord de vous l’expliquer.
La date du changement est aussitôt significative : 1920. Le monde sort de cinq années d’une guerre terrible ; au Proche-Orient, l’Empire ottoman s’est écroulé et la Palestine a passé sous mandat britannique, comme la Syrie voisine sous mandat français.
À Jérusalem, les nouvelles autorités ont à cœur de donner à la Palestine l’armature d’un pays moderne et dans un pays, où les fouilles étaient déjà nombreuses, il convenait aussi de mettre sur pied l’organisation administrative et scientifique correspondante. D’où le projet d’associer à l’École américaine, revenue sur place après les années de guerre, et à l’École britannique, nouvellement créée, l’École biblique française, elle aussi de retour. C’est le professeur J. Garstang, le premier directeur du nouveau Département des Antiquités et aussi de l’École britannique, qui fit des propositions en ce sens à l’École biblique. Une bonne manière de la part d’un représentant d’une nation alliée ? Peut-être ; mais certainement pour autant et plus encore la reconnaissance de la valeur de la création du P. Lagrange. Et il convient aussi de rappeler les droits d’ancienneté, si l’on peut dire, de l’École, la première institution de ce genre autorisée par les Turcs à s’installer sur place à Jérusalem, suivie, seulement en 1900 de l’École américaine et en 1902 par l’Institut évangélique allemand.
Une négociation triangulaire s’ensuivit à Paris entre le ministère de l’Instruction publique, l’Académie des inscriptions et belles-lettres et l’École biblique. Le prestige de cette dernière était incontesté à Jérusalem ; il restait à Paris de trouver une formule faite aussi bien pour éviter d’éventuelles susceptibilités d’une République encore pointilleuse sur le chapitre de la laïcité que pour respecter la volonté d’indépendance de l’École dirigée par les dominicains de Jérusalem. C’est l’Académie des inscriptions et belles-lettres qui offrait là un patronage d’une valeur scientifique et d’une neutralité incontestables. Il n’était guère opportun au reste de placer à côté d’une institution qui avait fait ses preuves une autre nouvelle et dépendant directement de l’État, comme il eût été inutile aussi de doubler des outils de travail, tel que la bibliothèque constituée à l’École biblique.
Et ainsi dès octobre 1920, dans une lettre adressée au P. Lagrange, R. Cagnat, Secrétaire perpétuel de l’Académie, lui demanda « d’assurer à la France dans l’étude des antiquités palestiniennes la part qui lui revient en accord scientifique avec les Écoles anglaise et américaine ». Et le premier rapport d’activité détaillé de la nouvelle École présenté à l’Académie par E. Pottier, dans sa séance du 13 octobre 1922, rappelait les bases mêmes de l’accord intervenu. Il était entendu que « l’École française d’archéologie placée sous la direction du P. Lagrange resterait tout à fait distincte de l’École biblique qui garderait son indépendance et son autonomie complètes ». Il était de même entendu que « les missionnaires désignés par l’Académie recevraient l’hospitalité dans une Maison des étudiants située en dehors du couvent » ; qu’ils « auraient par ailleurs le libre usage de la bibliothèque et des collections de l’École » ; qu’ils « suivraient les cours spéciaux ou publics faits par les Pères et prendraient part à leurs promenades et explorations ». De son côté, l’Académie assurait le contrôle scientifique de l’École, recrutait des missionnaires (les boursiers de notre temps), prenait connaissance du rapport d’activité que le directeur de l’École lui adressait obligatoirement chaque année. Enfin – nous sommes en 1922 – une somme de 8 000 francs, mise à la disposition par le ministère de l’Instruction publique et destinée à l’entretien de la bibliothèque, serait versée par l’Académie à l’École.
J’arrêterai là le rappel des données administratives et statutaires, qui ont pu connaître à l’expérience des ajustements divers. Aujourd’hui, c’est le ministère des Affaires étrangères, par l’intermédiaire de la DGRCST, qui est l’autorité de tutelle et le dispensateur des fonds de l’École archéologique, l’Académie des inscriptions gardant toujours le contrôle scientifique.
Que ce contrôle ait été confié à l’Académie pouvait se recommander de la comparaison avec la tutelle exercée par celle-ci depuis longtemps sur les prestigieuses École de Rome et d’Athènes. De plus, les liens entre l’Académie et l’École étaient anciens et dus aux contacts personnels entre les hommes de l’École et certains membres de l’Académie. Une place à part revient là sans nul doute au marquis Melchior de Vogüé (1829-1916) dont le rôle dans la présence de l’archéologie française au Proche-Orient a été capital ; on le sait bien pour la Syrie voisine, mais à côté de sa fameuse Syrie centrale, publiée entre 1865 et 1877, se place aussi et dès 1864 son Temple de Jérusalem. Quant aux bons rapports que le marquis aura avec l’École biblique, ils ont connu une illustration toute récente par le fait que ses descendants viennent de faire don de sa bibliothèque personnelle à l’École, où une pièce spéciale lui est réservée dans l’aile archéologique nouvellement créée. D’autres noms seraient à citer, avant tout celui de Ch. Clermont-Ganneau (1846-1923), ce chercheur hors ligne qui consacra une activité longue, infatigable et extraordinairement fructueuse à la redécouverte de la Palestine et du Proche-Orient antiques.
On ne sera pas étonné de la sorte de constater qu’à plusieurs reprises, et dès avant 1920, l’Académie fit appel à l’École pour des missions précises. Dès 1897, le P. Lagrange est chargé de retrouver et de relever à Pétra l’inscription nabatéenne la plus longue connue à l’époque, une mission dont il se tira brillamment, avec l’aide du P. Vincent (RB 1897, p. 208-238). Une autre mission, en 1899, eut pour but de préciser les limites du Tell Gezer. En 1904, les PP. Jaussen et Savignac procèdent à une exploration du Neguev où ils relèvent le site nabatéo-byzantin d’Avedat (l’Oboda antique). Et les mêmes exécutent en 1907 et 1912 une série de missions en Arabie du Nord et en Transjordanie, comme ils seront encore chargés en 1914 d’une mission épigraphique à Palmyre.
On ne peut mentionner par la suite que la mission de Tell Neirab (proche d’Alep en Syrie) et confiée en 1926 et 1927 aux PP. Carrière et Barrois, assistés par un jeune archéologue d’avenir, A. Parrot, boursier de l’École. Dernière mission de cet ordre, celle effectuée en 1932 en liaison avec le Département des Antiquités de Jordanie, au Djebel er-Ramm par les PP. Savignac et Barrois. Les relations directes de ce type entre l’Académie se sont arrêtées depuis ; la place prise par les institutions archéologiques et les missions de plus en plus nombreuses expliquent sans nul doute l’abandon de cette formule.
En 1920, l’École pratique d’études bibliques avait ainsi déjà derrière elle un double passé consacré d’une part à la recherche scientifique, de l’autre, à des liens confiants avec l’Académie des inscriptions et belles-lettres. C’est, et il convient de le rappeler, le P. Lagrange lui-même qui décida de l’orientation archéologique de son École par un choix raisonné répondant aux conceptions et aux exigences de son temps.
Mais voyons donc où en était, en 1890, l’exploration archéologique de la Palestine, dans ses liens aussi avec l’exégèse biblique.
L’exploration archéologique de la Palestine, si elle suit tout au long du XIXe siècle le mouvement général de la redécouverte du Proche-Orient antique, revêt aussi des aspects originaux dus à la situation particulière de cette Terre sainte où se rencontrent les trois grandes religions du Livre ; l’enquête archéologique se trouva là marquée par un curieux mélange de politique, de religion et de recherche scientifique.
Ce fut d’abord, après la période des grands voyageurs du début du siècle, l’heure de la présence britannique et plus généralement anglo-saxonne.
En 1865, en effet, est fondé à Londres, sous le haut patronage de sa gracieuse Majesté la reine Victoria, le PBF, Palestine Exploration Fund (Fondation pour l’exploration de la Palestine). Il s’agissait de la base pour une enquête à bilan global concernant à la fois la géographie, la topographie, l’histoire et l’ethnographie, enquête comparable somme toute à celle de la Description de l’Égypte réalisée au début du siècle sur l’initiative de Bonaparte. Le monumental Survey of Western Palestine, suivi de celui de l’Eastern Palestine (la Transjordanie) acheva en 1877, consacra ce premier grand effort. Mais secondé par d’autres associations et organisations souvent américaines – dont la fameuse ASOR, l’American School of Oriental Research –, le PEF fut en mesure de soutenir dès lors des entreprises particulières ; les fouilles des grands sites, Jéricho, Meggido, Gezer, Samarie, etc. se multiplient à partir de cette date.
Cependant, conformément à l’esprit du temps, les préoccupations religieuses avaient leur part dans ces entreprises : il s’agissait aussi de réunir des documents susceptibles de soutenir la foi, la foi chrétienne certes, mais celle de pays passés à la Réforme. C’est bien cet arrière-plan religieux qui explique l’immense intérêt porté par l’autre grande nation anglo-saxonne et encore à cette date à majorité protestante, celle des États-Unis, à l’exploration archéologique de la Palestine : redécouvrir la Terre sainte, le pays des patriarches, de David et de Salomon, des Prophètes, tel fut le mobile premier de nombreuses entreprises consacrant jusqu’à la Première guerre mondiale la prépondérance anglo-saxonne dans ce domaine.
Il s‘agissait ainsi d’abord d’une archéologie bibliste et paléo-testamentaire au premier chef, une archéologie fidèle aux exigences scientifiques cependant. Certes on peut trouver ici ou là chez certains des très nombreux participants à cette recherche, mais surtout bien plus chez ceux qui les mandataient dans leur pays d’origine, le thème trop connu de la « Bible arrachée aux sables », c’est-à-dire du projet de vérifier par les découvertes archéologiques l’exactitude littérale du texte biblique. Mais dans l’ensemble l’exploration archéologique était conçue comme servant d’illustration aux textes, un moyen de les mieux comprendre. Au reste l’exégèse biblique, qui dans les pays mentionnés était devenue « critique », avait assuré cette évolution.
Et la France dans cette histoire ? Très présente dans les pays des grandes civilisations de l’Orient ancien, l’Égypte et la Mésopotamie, elle l’est peu en Palestine ou présente surtout par des initiatives particulières, celles déjà mentionnées de Melchior de Vogüé ou de Charles Clermont-Ganneau par exemple. Car la France, catholique et romaine, n’est pas bibliste ; elle se préoccupe, à l’instigation de l’Église, de la défense des Lieux saints et de la protection des communautés chrétiennes dépendant de Rome. C’est ainsi qu’en 1860 a lieu l’expédition pour le sauvetage de la minorité maronite du Liban, expédition à laquelle Napoléon III ajouta une mission archéologique confiée à un certain Ernest Renan qui s’en acquitta magistralement avec sa Mission de Phénicie, mais qui rapporta aussi de son retour en Orient (qui l’avait mené en Palestine) une Vie de Jésus qui fit quelque bruit.
À trente ans de là, en dépit de ce qui pour certains ne pouvait être qu’un mauvais présage, le P. Lagrange, par une vue qu’on est presque tenté de dire géniale, réserva dans le programme d’études de son École une place à l’archéologie dont le rôle lui apparaissait précisément non comme une justification, mais comme une illustration de la Bible, un moyen de la mieux comprendre. Somme toute, son point de vue ne se distinguait pas fondamentalement de celui des archéologues anglo-saxons présents dans le pays. On pourrait parler d’une sorte de manifestation d’œcuménisme avant la lettre, scientifique certes au premier chef, rapprochant en un idéal commun des hommes de bonne volonté. Mais on comprend dès lors le prestige qui sera celui du P. Lagrange et de son École auprès de ses amis et collègues anglo-saxons.
Il me reste à évoquer rapidement l’œuvre réalisée par l’École dans le domaine de l’archéologie, d’une archéologie conçue au sens large du terme, toujours soucieuse de redécouvrir le passé dans son intégralité et en des approches variées. On ne saurait là dresser un tableau illustré par le nom de ces grands sites qui restent le domaine réservé d’autres institutions : pas de Delphes, ni d’Olympie du côté de l’École biblique, elle ne bénéficiait pas des subsides nécessaires pour engager de lourdes opérations de longue durée de ce genre. Et Qumran, ce lieu inspiré cher à l’École, n’est du point de vue archéologique qu’une petite entreprise. Mais heureusement l’École pouvait disposer d’hommes dévoués et compétents sans lesquels rien n’est possible.
Je ne vais ainsi que rappeler quelques grands noms de l’œuvre qui fut la leur.
C’est la prospection qui occupa au départ une place de premier plan allant de la promenade proche autour de Jérusalem ou en Palestine aux tournées lointaines au Sinaï, dans le Neguev, en Arabie ou à Palmyre. La Transjordanie était un but privilégié de ces premières visites de 1892 à 1896. La fameuse mosaïque topographique de Mādabā fut l’objet dès sa découverte des relevés du P. Lagrange accompagné du P. Vincent. À la même date se place une expédition à Pétra et une autre, celle du Sinaï par Gaza et le Neguev jusqu’au golfe d’Aqaba.
Deux noms cependant se détachent dans ce contexte, ceux des PP. Antonin Jaussen et Raphaël Savignac, le premier, arabisant et épigraphiste, le deuxième plus archéologue et technicien, se chargeant des relevés et de la photographie. Fameuse est l’expédition reprise par trois fois en 1907, 1909 et 1910-1912 en Arabie du Nord. Ce fut la découverte de Madain Saleh, l’antique Hégra, cette dépendance extrême des Nabatéens de Pétra, découverte accompagnée des pointes poussées dans les lointaines oasis d’el Ela (l’antique Dedan), de Teima et de Tebouk. Ajoutons que le troisième voyage se consacra au relevé des châteaux omeyyades du nord de la Transjordanie. Six volumes rendent compte de ces missions en Arabie. Si la copie des inscriptions et le relevé des monuments allaient normalement de pair dans ces expéditions, il convient aussi de signaler une autre dimension, celle qui étendait l’enquête à l’ethnographie, domaine favori du P. Jaussen – le « sheik Antoun » des Bédouins – ; déjà on était pluridisciplinaire sans le savoir ou le dire, et l’on pratiquait aussi l’ethno-archéologie qui consiste à retrouver dans des mœurs toujours vivaces ou des objets toujours en usage la persistance des traditions très anciennes et pouvant remonter à l’Antiquité. Les volumes consacrés aux Coutumes des Arabes au pays de Moab, de 1908, comme celui des Coutumes palestiniennes de Naplouse, de 1927, illustrent magnifiquement cette orientation et l’on peut dire que cette œuvre ne redoute en aucune manière la comparaison avec celle accomplie par l’Allemand G. Dalman en Palestine ou l’Austro-Hongrois A. Musil en Arabie.
Tout aussi large dans sa conception, tout aussi globale, fut l’œuvre du P. Félix-Marie Abel (1878-1952), célèbre par sa Géographie de la Palestine, parue en 1933 et 1938. Quarante années d’enquête sont présentées là en une large synthèse dont l’ampleur et l’exactitude restent admirables. On ne peut que citer le jugement de l’Américain W.F. Albright : « C’est le meilleur travail accompli sur le sujet. La maîtrise inégalée de l’auteur sur les sources épigraphiques ou doctrinales se rapportant à son relevé nominal lui permet de débattre des questions topographiques de manière exhaustive. »
Le P. Abel fut le collaborateur le plus assidu d’un autre pilier de cette activité archéologique des années qui vont des origines à la Deuxième guerre mondiale, le Père L.-H. Vincent (1872-1960). À l’inverse de ses collègues et amis anglo-saxons, actifs sur les sites propres de l’histoire d’Israël, le P. Vincent marcha davantage, comme il eût pu dire, sur les traces de « N.-S. Jésus-Christ », et s’attacha à l’étude des grands monuments d’architecture, qu’il s’agisse de ceux édifiés par Hérode ou de ceux laissés par Constantin ou sainte Hélène. Trois publications monumentales sont consacrées à Jérusalem, Jérusalem sous terre, de 1911, la Jérusalem nouvelle, de 1914 à 1922, et la Jérusalem de l’Ancien Testament, de 1954 à 1960 ; mais d’autres noms glorieux se retrouvent parmi les titres de ses œuvres : Hébron, Bethléem, Emmaüs. Il y avait là encore en 1960 une somme non remplacée et seules des recherches toutes récentes, faites en particulier à Jérusalem, ont pu apporter du nouveau.
Le prestige du P. Vincent fut sans pareil. Citons encore W. F. Albright : « Il y avait chez lui une splendide attitude de coopération. Facile princeps, tel était le Dominicain L. H. Vincent… Il était le tuteur de tous et n’épargnait aucune peine pour initier les néophytes aux mystères de la discipline. » Princeps – le premier, le maître – disons aussi un « prince », et notons que le mot se trouve sous la plume d’un savant qui fut un des grands maîtres de l’archéologie palestinienne.
À une autre génération appartient une autre personnalité de grande envergure, le P. Roland Guérin de Vaux, directeur de l’École de 1945 à 1960 et membre libre de notre Académie. Plus étroitement archéologue que ses prédécesseurs, le P. de Vaux, connu par ses fouilles à Abou Gosh, tell el Farah, tell Keisan, fut aussi un homme des textes (il collabora de près à la Bible de Jérusalem) et un historien. Ses Institutions de l’Ancien Testament (1958-1960) et son Histoire ancienne d’Israël, dont seul le tome I parut en 1970, le qualifient comme tel. Comme couronnement de sa carrière, il eut la chance et le mérite d’être étroitement lié à ce qui fut la découverte du siècle en Palestine, celle des manuscrits dits de la mer Morte, dont on vous a déjà entretenu par ailleurs. C’est à la demande même du Chef du Département des Antiquités, Lankaster Harding, qu’il prit la direction de l’équipe internationale chargée de la publication des fragments de manuscrits déposés au Musée archéologique palestinien et qu’il entreprit aussi les fouilles de ce que l’on a appelé le « monastère des Esséniens », sur le site de Qumran, d’où proviennent les manuscrits.
Mais que de noms il conviendrait de citer à côté de ceux que je viens d’évoquer, les noms de toute une série de Pères non moins dévoués à la science et au renom de leur Maison, les Barrois, Benoit, Carrière, Séjourné et autres, les noms aussi d’anciens boursiers et collaborateurs, A. Parrot, E. Dhorme, A. Dupont-Sommer, J. Starcky.
Et que d’ouvrages et d’études, il faudrait mentionner pour donner une idée même approximative de la prodigieuse activité dont l’École biblique fut le centre. Rappelons seulement que la Revue biblique avec ses Études et sa Chronique reste une source inégalée pour l’archéologie palestinienne.
Un passé si riche et si glorieux n’est pas sans imposer des obligations à la génération qui a pris la relève. L’ardeur et l’esprit d’entreprise n’ont pas changé ; ce sont les circonstances externes et particulièrement propres à la Palestine qui ont contraint à chercher des champs d’action nouveaux. Heureusement la Jordanie voisine a permis des fouilles fructueuses, ainsi sur le site de Khirbet Samra, proche d’Amman où, à côté d’un cimetière truffé d’épitaphes syro-palestiniennes, existait une agglomération byzantine aux églises nombreuses et décorées de mosaïques, sans parler d’un castellum romain plus ancien, ainsi encore à el Fedei qui a livré un étonnant trésor d’objets d’époque omeyyade ; ajoutons la toute récente participation aux fouilles du Département des Antiquités à la citadelle d’Amman. Comme gage d’avenir apparaît la création à Jérusalem d’une aile archéologique dans l’aire même de l’École, aile qui abrite le matériel archéologique de Qumran, dont l’étude a été reprise.
Il n’y a pas lieu de craindre. L’avenir de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem est assuré aussi bien pour le second terme de son titre que pour le premier.
NOTE. — L’École biblique a édité en 1988 une plaquette intitulée Un siècle d’archéologie à l’École biblique de Jérusalem qui fournit un tableau détaillé de son activité archéologique.
Quant à l’historique de l’activité archéologique en Palestine, voir Ph. J. King, American Archaeology in the Mideast (Philadelphie, 1983) qui fait une bonne place aux institutions autres qu’américaines.