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L’Immaculée et l’Année saint Joseph, « le grand silencieux »
Fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 2021
Fr. Manuel Rivero O.P.
Béni soit Dieu, le Père de Jésus le Christ, qui a comblé de grâce la Vierge Marie dès l’instant de sa conception dans le sein de sa mère, que la tradition appelle Anne et dont l’époux était Joachim !
Qui dit « Immaculée Conception » évoque un mystère caché aux yeux des hommes. Il arrive que des journalistes confondent « Immaculée Conception » et « conception virginale » de Jésus par Marie à l’Annonciation par l’action de l’Esprit Saint.
L’Immaculée Conception oriente notre réflexion vers un couple, Anne et Joachim, qui conçoivent leur enfant, Marie, dans l’union conjugale accomplie comme toutes les unions sexuelles des parents. C’est ainsi que la sainteté conjugale est reconnue et exaltée. Source de grâce et sacrement de l’union avec Dieu, l’union de l’homme et de la femme dans le mariage manifeste la volonté de Dieu qui a tenu à se révéler dans l’amour humain. Récemment, un homme marié déclarait avoir découvert la présence de Dieu dans le regard d’amour de son épouse.
Ce n’est que le 8 décembre 1854 que le pape Pie IX a proclamé le dogme de l’Immaculée Conception dans la bulle Ineffabilis Deus : « L’âme de la Vierge Marie, au premier instant de sa création et de son infusion dans le corps, a été, par grâce spéciale et privilège de Dieu, en considération des mérites de Jésus-Christ […] préservée de la tache du péché originel. »
Le péché originel, péché des origines de l’humanité, se trouve à l’origine du trouble de la concupiscence, du tiraillement intérieur entre le bien et le mal sans oublier l’aveuglement de l’esprit humain opposé à la connaissance de la foi.
Célébrer l’Immaculée Conception veut dire que Marie, comblée de grâce, n’a jamais laissé de place en elle pour le choix du mal. Il s’agit de la grâce de la foi qui agit par la charité. Au lieu d’échapper à l’aventure de la foi en Dieu, l’Immaculée Conception a enracinée Marie dans la foi en son Fils Jésus. Saint Luc a bien précisé que Marie et Joseph n’ont pas tout compris (cf. Lc 2,50).
Loin de représenter un privilège individualiste, l’Immaculée Conception annonce la plénitude de la grâce accordée à Marie pour une grande tâche : la maternité divine. Sa grâce rejaillit sur l’humanité entière par Jésus, en Jésus et avec Jésus. Chaque croyant devient alors bénéficiaire de l’Immaculée Conception. En effet, les dons de Dieu ont pour finalité le bien de tous les membres de l’Église, Corps du Christ, dont chaque baptisé en est membre.
Au cours de l’histoire de la théologie, ce dogme faisait problème à ceux qui défendaient l’universalisme du Salut en Jésus-Christ. Si Jésus était mort et ressuscité pour tous les hommes, l’Immaculée Conception ne contredisait-elle pas cette révélation catholique fondamentale ? La Vierge Marie aurait-elle échappé au besoin du Salut ? Aussi saint Thomas d’Aquin (+1274) n’adhérait-il pas à ce dogme, ce qui ne veut pas dire que la Vierge Marie aurait commis de péché. Pour le Docteur Angélique, Marie n’a jamais péché. Elle avait été purifiée de tout péché dans le sein de sa mère peu après sa conception.
Il reviendra au bienheureux frère franciscain, Jean Duns Scot, à la fin du XIIIe siècle d’apporter la lumière théologique qui va éclairer la foi des chrétiens habités par le « sensus fidei », le sens de la foi, grâce de discernement lié à la charité et reçue au baptême.
En réalité, la Vierge Marie est la plus grande des sauvés. Elle a été sauvée « par avance » par une grâce venant déjà du mystère pascal de son Fils Jésus, mort pour la rémission des péchés et ressuscité pour la divinisation de l’humanité.
Sainte Catherine Labouré, religieuse « Fille de la Charité », avait eu une apparition de la Vierge Marie, le 27 novembre 1830, lui confiant la mission de faire frapper la médaille miraculeuse sur le modèle de l’apparition : la Vierge écrasait un serpent et tendait les mains d’où jaillissent des rayons de lumière, avec l’invocation : “Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous”.
À Lourdes, le 25 mars 1858, la Dame de la grotte s’était présentée à Bernadette Soubirous en utilisant le patois : « Que soy era Immaculada Councepciou » (« Je suis l’Immaculée Conception »).
Se comparant aux anciennes pécheresses comme sainte Marie Madeleine qui avait été libérée de sept démons, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face (+1897) se reconnaissait pardonnée et sauvée par avance, c’est-à-dire par une grâce qui l’avait préservée de grands péchés.
Le pape émérite, Benoît XVI, a exposé de manière lumineuse la merveille divine de l’Immaculée Conception : « Le Peuple de Dieu précède donc les théologiens, et tout cela grâce au sensus fidei surnaturel, c’est-à-dire à la capacité dispensée par l’Esprit Saint, qui permet d’embrasser la réalité de la foi, avec l’humilité du cœur et de l’esprit. Dans ce sens, le Peuple de Dieu est un «magistère qui précède», et qui doit être ensuite approfondi et accueilli intellectuellement par la théologie. Puissent les théologiens se placer toujours à l’écoute de cette source de la foi et conserver l’humilité et la simplicité des petits ! Je l’avais rappelé il y a quelques mois en disant : « Il y a de grands sages, de grands spécialistes, de grands théologiens, des maîtres de la foi, qui nous ont enseigné de nombreuses choses. Ils ont pénétré dans les détails de l’Écriture sainte, […] mais ils n’ont pas pu voir le mystère lui-même, le véritable noyau […] L’essentiel est resté caché ! […] En revanche, il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous ; à sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible “non scientifique”, mais qui entre dans le cœur de l’Écriture sainte[1] ».
L’Immaculée Conception et l’année saint Joseph
Il y a juste un an, le pape François avait ouvert l’« Année saint Joseph ». Elle s’achève en la fête de l’Immaculée Conception (8 décembre 2020-8 décembre 2021).
La Vierge Marie a partagé la grâce de l’Immaculée Conception avec son époux, Joseph. Au cours d’un échange sur le couple, un mari en se demandant ce qu’un homme attend de la relation avec une femme, répondait comme ceci : « Ce n’est pas tant le sexe que l’inspiration. »
La Vierge Marie a inspiré saint Joseph. La grâce répandue par Dieu dans l’âme de Marie est passée dans l’âme de Joseph.
Le mystère de l’Immaculée Conception relève de la vie cachée en Dieu. La sainteté de saint Joseph aussi. Joachim et Anne ont conçu Marie dans la plénitude de la grâce divine. Cet événement ne figure pas dans les archives des bibliothèques mais dans le cœur de Dieu. La sainteté de Marie en a été sa manifestation au monde.
La vie intérieure de Joseph, « le grand silencieux », n’a pas noirci les registres des historiens mais elle a touché par sa sainteté le cœur du Peuple de Dieu, bénéficiaire de sa foi et de sa fidélité au service du mystère du Salut réalisé par son fils adoptif Jésus le Christ.
« Tu es bénie entre les femmes » (Lc 1,28), s’est exclamée Élisabeth devant sa cousine Marie lors de la Visitation. Oui, Marie est source de bénédiction pour toute l’humanité. Bonheur d’Élisabeth, bonheur de l’Église. Béatitude de la foi à l’exemple de Marie.
“Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous”.
Note : Dans le Journal spirituel du P. Lagrange, nous retrouvons de nombreuses fois l’invocation à saint Joseph, par exemple : Saint Joseph, priez pour nous.
Saint Joseph a caché Jésus et Marie, maintenant il les donne : il est le grand apôtre du ciel.
Grâces soient rendues à saint Joseph qui m’a rendu la grâce de sentir la dévotion à ma Reine Immaculée.
[1] Benoît XVI, Homélie lors de la Messe avec les membres de la Commission théologique internationale, 1er décembre 2009 ; cf. ORLF n. 49 du 8 décembre 2009.