Le père Marie-Joseph Lagrange et le père Pedro Arrupe, deux prophètes en voie de béatification par Manuel Rivero O.P.

L’Église souhaite la béatification de deux grandes figures du XXe siècle : le père Marie-Joseph Lagrange[1], dominicain, et le père Pedro Arrupe[2], jésuite. Tous les deux ont relevé des défis apostoliques nouveaux et difficiles au point de souffrir des incompréhensions de la part de la hiérarchie. Le père Lagrange a voulu servir l’Église en fondant l’École biblique de Jérusalem. Le père Arrupe s’est dévoué au service de la justice. Tous les deux ont cherché « le salut des âmes », dans un contexte culturel d’éloignement de la foi en la divinité de Jésus. Le père Lagrange a manifesté la vérité de la révélation divine transmise dans la Bible face aux critiques du modernisme qui n’y voyait qu’un texte humain du patrimoine de la littérature, sans portée surnaturelle. Le père Arrupe s’est évertué à montrer, par des actes, la charité évangélique qui comprend la justice sociale et la dépasse, face aux critiques du marxisme et de l’athéisme. 

Ces deux hommes ont beaucoup de points en commun. Tous les deux ont connu l’exil dans les premières années de leur formation. Le père Lagrange, au terme de son noviciat, fut obligé de quitter le couvent de Saint-Maximin et la France en octobre 1870 avec tous les autres frères dominicains de la province de Toulouse. Ils trouvèrent refuge au couvent Saint-Étienne de Salamanque. Le père Arrupe fut obligé de quitter l’Espagne en 1932 à la suite du décret de dissolution de la Compagnie de Jésus, pour continuer ses études en Belgique et recevoir l’ordination presbytérale à Valkenburg (Hollande).

Jésus de Nazareth était le centre et le but de leur vie. Leur attachement au Sacré-Cœur de Jésus, expression de l’amour divin absolu, représentait la réponse de Dieu au mystère du mal et de la mort.

Pour le père Arrupe, le Cœur de Jésus apportait l’énergie de l’Esprit Saint à la Compagnie, sa dynamis[3].

Le père Lagrange a enterré sous la première pierre de l’École biblique une médaille du Sacré-Cœur, symbole et logo de la Bible, révélation de l’amour du Christ. La première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Le parchemin de l’inauguration signalait que cette École était destinée à développer les études bibliques sous le patronage de Notre-Dame du Rosaire. Le père Lagrange a averti que dans les fondations de l’École les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[4].

Il m’a semblé important de mettre en parallèle leurs vies, leurs missions et leurs passions pour la Vérité révélée en Jésus et par Jésus. Tous les deux n’ont rien voulu d’autre que de servir l’Église. Ils ont souffert pour elle et par elle. Il est plus dur de souffrir par l’Église que l’on aime et que pour l’Église, attaquée par des idéologies contraires à sa foi.

Tous les deux représentent des modèles d’humilité et de courage évangéliques en des temps de mutation et de crise. Ils ne se sont pas contentés de vivre la foi dans des milieux favorables. Comme aime à le dire le pape François, ils ont vécu « en sortie ». Ils sont allés sur « le champ de bataille » de leur temps : la valeur surnaturelle de la Bible, pour le père Lagrange, la justice sociale comme dimension essentielle de la foi, pour le père Arrupe.

Le pape François, évêque de Rome, a souhaité l’ouverture du procès de béatification du père Pedro Arrupe, qui fut Général de la Compagnie de Jésus, pendant dix-huit ans. Né à Bilbao, au pays basque espagnol, le 14 novembre 1907, Pedro Arrupe est parti vers le Seigneur à Rome le 5 février 1991.

C’est le père Pedro Arrupe qui a nommé le père Jorge Bergoglio S.J., maître des novices et provincial des jésuites. Devenu pape et ayant choisi saint François d’Assise comme modèle et patron, les décisions et les enseignements du pape François manifestent l’influence du père Arrupe.

Étudiant en médecine à Madrid, Pedro Arrupe décide de se donner à Dieu en entrant dans la Compagnie de Jésus. Aumônier de prison aux États-Unis pendant sa spécialisation en bioéthique, envoyé au Japon à sa demande, le père Pedro Arrupe subira le choc de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima le 6 août 1945.

Soupçonné d’espionnage à cause de sa connaissance des langues étrangères, il vivra un mois en prison à Tôkyô, en communion avec le Christ Jésus dans sa Passion. Expérience mystique d’union à Jésus dans la solitude de la prison japonaise. Des chrétiens de sa paroisse catholique se rendront près de sa cellule pour lui chanter des chants de Noël, de manière à adoucir sa peine dans ce mois de décembre 1941.

La justice et la miséricorde

Général de la Compagnie, le père Pedro Arrupe manifesta sa miséricorde dans l’option préférentielle pour les pauvres et dans le service aux réfugiés du Vietnam et d’autres pays d’Asie. Le Service jésuite des réfugiés a trouvé en lui son fondateur et son soutien.

Il s’adressait aussi aux anciens élèves des jésuites pour les exhorter à œuvrer pour la justice sociale dans son fameux discours sur « La formation à la promotion de la justice ». Ses paroles exigeantes provoquèrent la démission du président de l’Association des anciens élèves lors du congrès de Valence (Espagne), en 1973. Le père Arrupe attendait des anciens élèves qu’ils fussent des agents du changement social selon l’Évangile. S’il est vrai que des dictateurs cruels sont sortis des collèges dirigés par les jésuites, il demeure aussi vrai que des anciens élèves ont orienté la société en accord avec les enseignements de la doctrine sociale de l’Église.

Le père Arrupe voyait dans l’inaction la peur de se tromper, la plus grande des erreurs que l’on puisse commettre : rester sans rien faire[5].

De son côté, c’est dans l’enseignement de l’exégèse que le père Lagrange vécut la justice et la miséricorde, donnant « le pain de la Parole de Dieu » et expliquant la Bible, parfois lumineuse, parfois obscure, aux esprit critiques assoiffés de vérité et de Dieu.

L’inculturation

Apôtre de l’inculturation, le père Arrupe apprit la langue japonaise et il exhorta les membres de la Compagnie de Jésus à évangéliser la culture, la politique et l’économie… Saint Ignace de Loyola parlait basque et moins bien l’espagnol. Porteur d’une double culture, le fondateur de la Compagnie de Jésus connaissait bien l’importance des langues et des traditions culturelles.

Cette inculturation passait par l’abaissement et le service, en opposition à la volonté de puissance et de domination qui a pu marquer la colonisation. La kénose du Christ Jésus, qui s’était vidée de la gloire qui était la sienne dès avant la fondation du monde, décrite par saint Paul dans l’épître aux Philippiens (chapitre 2), devait à ses yeux caractériser l’humilité et le travail des missionnaires. Le père Arrupe rapportait la réaction des personnes pauvres qui recevaient l’aide caritative d’une association dans un pays du Tiers-Monde : « Oui, Père, ils nous aident. Mais au fond, ils nous méprisent.[6] »

Quant au père Marie-Joseph Lagrange, non seulement il connaissait les langues vivantes comme le français, l’anglais, l’allemand appelée « la première langue biblique » à cause des études germaniques en exégèse, l’espagnol, mais il maîtrisa, dès ses jeunes années au petit séminaire d’Autun, le latin et le grec, par la suite il étudia l’hébreu, l’arabe, l’égyptien … Pour le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, « l’histoire se fait avec des monuments et des documents ». Il importait aussi de vivre sur la terre qui avait reçu la révélation biblique. Les paysages d’Israël faisaient partie de la culture biblique. Il vécut l’inculturation en vivant une cinquantaine d’années à Jérusalem.

Pour la foi catholique, le Saint-Esprit est l’auteur de la Révélation mais cette manifestation de la volonté de Dieu aux hommes est passée par l’inspiration des prophètes, des évangélistes et des apôtres, de manière telle que leur message était cent pour cent humain et cent pour cent divin. Loin d’être une dictée, la Révélation a tenu compte de la culture du peuple d’Israël. D’où l’importance capitale des médiations humaines pour accéder à la connaissance divine : les langues, les coutumes, l’histoire, les paysages, l’archéologie… Le Verbe s’est fait chair dans le sein d’une femme juive, Marie, et il a dévoilé la plénitude du mystère de Dieu que personne n’a jamais vu. « La Parole s’est faite chair dans des mots », comme aimait à le dire le théologien espagnol Cabodevilla[7].

Le père Lagrange répondra à la critique scientifique par la critique scientifique. Fin connaisseur de l’exégèse allemande libérale et des philosophies rationalistes, il établira un dialogue précis et respectueux avec ceux qui rejettent la foi catholique et sa Tradition, c’est-à-dire sa transmission de la Parole de Dieu commentée par les docteurs de l’Église qui l’ont actualisée au cours de l’histoire. Ce faisant, il apprend à « prendre le taureau par les cornes ». Soucieux du salut des âmes, le père Lagrange étudie, dialogue, répond, corrige et montre la voie. Disciple de saint Thomas d’Aquin, il ne s’acharne point sur les personnes qui prônent des interprétations de la Bible opposées à la sienne, mais il relève les failles dans des démonstrations qui se veulent scientifiques.

Du neuf et de l’ancien

Dans l’Évangile, Jésus demande à ceux qui enseignent de faire « du neuf et de l’ancien »[8]. Dans son encyclique « La joie de l’Évangile », le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear »[9], c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires.

L’écrivain italien Giovanni Papini reprochait aux thomistes d’ « avoir arrêté l’horloge de l’histoire au XIIIe siècle ». Marie-Joseph Lagrange a toujours été habité par une vision dynamique et progressive de l’histoire et de l’exégèse. Pour lui, la vérité était « une vérité en marche ». Dans son discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, il avait déjà entrevu le beau chemin à parcourir : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité »[10]. À la suite de saint Vincent de Lérins, le père Lagrange tenait à l’idée du développement de la connaissance de Dieu qui s’exprime dans les dogmes. Il ne s’agit pas d’un changement mais d’un progrès à la manière de la maturation du grain de blé qui devient épi, ou de l’enfant qui parvient à l’âge adulte. D’une manière poétique, Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, reliait ainsi l’ancien et le nouveau : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines volent. » Cette découverte infinie de la vérité se trouve explicitée dans l’Évangile. Jésus exige du bon professeur qu’ « il tire de son trésor du neuf et de l’ancien ». Le chrétien n’est pas un répétiteur ni la vie spirituelle un moule. « Chacun va à Dieu par un chemin virginal », s’exclamait le poète Léon Felipe. Il n’y a pas un seul évangile, mais quatre approches différentes du mystère de la vie de Jésus et ces quatre évangiles vont engendrer une multitude de commentaires et d’approfondissement au cours de l’histoire de l’Église qui manifesteront la richesse inépuisable de la Parole de Dieu, transmise de génération en génération sous l’action de l’Esprit Saint.

Aussi bien le père Lagrange que le père Arrupe ont innové enracinés dans la tradition de l’Église.

Le 3 décembre 2018, le pape François déclarait aux membres de l’association Rondine : « Il faut des “leaders” avec une nouvelle mentalité » ; « Les politiciens qui ne savent pas dialoguer et se confronter ne sont pas des “leaders” de paix : un “leader” qui ne s’efforce pas d’aller à la rencontre de l’“ennemi”, de s’asseoir à une table avec lui… ne peut pas conduire son peuple vers la paix ». « Pour faire cela, il faut de l’humilité, et non de l’arrogance : que saint François vous aide à suivre cette route avec courage [11]».

Le père Lagrange et le père Arrupe, « ‘leaders’ avec une mentalité nouvelle », étaient humbles et hommes de dialogue intellectuel et interpersonnel, loin de tout autoritarisme.

L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction

Pour comprendre le travail du père Lagrange, il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait parce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai »[12]. C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence »[13].

Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.

Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyé à Pie X le 10 juin 1911[14], ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.

C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem,sans explication particulière, après dix mois passés en France.

Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.

Ses idées développées dans « La Méthode historique » (1903), dans ses livres et articles passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu en 1943 et dans  Dei Verbum  (1965) du concile Vatican II.

Le père Arrupe connut aussi la contradiction à l’intérieur de la Compagnie de Jésus par ceux qui se voulaient les représentants de « la véritable Compagnie » et de la part des responsables de l’Église et, en particulier, par la condamnation du saint pape Jean-Paul II.

Le pape Jean-Paul II avait souffert du communisme en Pologne. Il redoutait le marxisme tout en enseignant une doctrine sociale de l’Église où le travail avait le primat sur le capital. Loin d’opposer le capital et le travail, dans son encyclique « Laborens exercens », Jean-Paul II montre comment le capital trouve sa source dans le travail et comment le but du capital est de servir le travail « On ne peut pas posséder pour posséder mais pour servir le travail ». Le principe de la destination universelle des biens et la dignité sacrée de la personne humaine ont été mis en lumière par ce saint pape. Karl Marx aspirait au dépassement de la division du travail dans le communisme. Il avait pris l’image de l’escargot et de la coquille pour symboliser l’union indissoluble du travail et du capital. Dans ses enseignements, le pape Jean-Paul II situe la personne humaine, le travailleur avec son travail, comme étant le sommet de la création tandis que le capital n’est qu’un instrument au service du travail et de la personne humaine.

Jean-Paul II connaissait peu l’Amérique latine avec les dégâts du capitalisme et du libéralisme sur ce continent, tandis que le père Arrupe avait éprouvé en sa chair la violence de la bombe atomique d’Hiroshima, lâché par les États-Unis, pays libéral et apôtre du capitalisme.

Certaines photos montrent le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardant en directions opposées ; d’où la légende explicative de la photo : « Deux regards divergents ». En réalité, le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardaient dans la même direction : le Christ Jésus et la justice sociale. Mais ils le faisaient à partir des expériences différentes, des pays différents avec des points de vue divers, sans opposition sur le fond. Saint Thomas d’Aquin enseignait : « Dans les choses qui ne sont pas de la nécessité de la foi, il a été permis aux saints, il nous est permis à nous d’opiner de diverses manières[15]. »

Malheureusement, l’attitude méfiante et la condamnation du pape Jean-Paul II provoquèrent une profonde douleur en la personne du père Arrupe. Le 7 août 1981, lors du retour du voyage aux Philippines et en Thaïlande, où il avait rendu visite aux jésuites qui travaillaient auprès des réfugiés au Vietnam, Laos et Cambodge, le père Arrupe subit une attaque cérébrale dans l’aéroport de Rome, attaque qui allait le paralyser pendant dix ans jusqu’à sa mort. Le 6 octobre 1981, le pape Jean-Paul II nomma le père Dezza S.J. comme délégué personnel pour gouverner la Compagnie, avec le concours du père Pittau S.J., coadjuteur. Le 3 septembre 1983, le père Arrupe présenta sa démission dans la Congrégation générale et quelques jours plus tard, le père Peter-Hans Kolvenbach fut élu Général de la Compagnie de Jésus.

Esprit d’obéissance dans l’amour de l’Église

Le père Lagrange et le père Arrupe ont accepté dans l’obéissance les condamnations de la hiérarchie. Ces condamnations ne portaient pas sur la foi ou les mœurs mais sur des choix intellectuels et pastoraux.

Tous les deux ont choisi le silence et l’humilité, confiants dans la Providence, au lieu de susciter des vagues de contestation. Ils avaient mis leur confiance en Dieu.

Le père Lagrange tenait à excuser le pape Pie X qui veillait à sauvegarder la foi et la paix dans l’Église. En quittant Jérusalem, « la mort dans l’âme », le 3 septembre 1912, le père Lagrange exhorta les professeurs et les étudiants à l’obéissance.

Le témoignage du père Arrupe pendant ses dix années de maladie et son attitude à l’approche de la mort révèlent son amour de l’Église et sa foi en Dieu. Il avait gardé dans sa prière trois mots : « Fiat », « Amen » et « Alléluia ». « Amen pour aujourd’hui, Alléluia pour demain », disait-il.

Conclusion

Le père Lagrange a été appelé « le mystique de la Bible ». Ses commentaires bibliques et son Journal spirituel révèlent une âme dont « la prière était feu », comme l’écrivait le cardinal Carlo Maria Martini S.J.[16], dans une lettre envoyée en faveur de sa béatification.

Le père Arrupe, mystique, a vécu au sens de vivre en profondeur « le mystère du Christ », il partageait avec le père Lagrange la dévotion à sainte Thérèse d’Avila. Il avait traduit en japonais ses œuvres ainsi que celles de saint Jean de la Croix, de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier.

Le laïc dominicain, ancien maire de Florence, Georgio La Pira, que le pape François cite souvent,attribuait au gouvernement une place d’honneur à la vie spirituelle après l’union intime avec Dieu dans la prière, car il s’agit de conduire les hommes et de les conduire à Dieu. Le but et la passion du père Arrupe fut de conduire la Compagnie, la vie religieuse, l’Église et l’humanité au Cœur de Jésus.

Dans la Bible, les prophètes transmettent la volonté de Dieu au peuple. Ils encouragent les croyants à accomplir la volonté de Dieu qui apportera le salut.

Le père Lagrange s’est laissé guider par l’Esprit Saint pour conduire l’Église sur le chemin de l’interprétation scientifique de la Bible, accomplissant ainsi l’enseignement de Jésus : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » Dieu, qui fait toutes choses nouvelles, a fait du neuf à travers la vie et l’œuvre du père Lagrange.

Le père Arrupe, habité par l’Esprit Saint, a orienté la Compagnie de Jésus sur le chemin de la justice sociale suivant le principe « Deus semper major et semper novus » (« Dieu toujours plus grand et toujours nouveau »). Il avait envisagé de se rendre lui-même au Vietnam au service des réfugiés lors de la présentation de sa démission au pape qui ne l’accepta pas.

Puisse l’Église reconnaître leur sainteté afin que leur exemple et leur intercession illumine de manière universelle ceux qui doutent et qui cherchent Dieu sur le chemin de la raison et de la foi.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Elorrio (Biscaye), le 16 août 2020.

                                                                                                                     

[1] Voir le site Internet et le facebook consacrés au père Lagrange : Site de l’Association des amis du père Lagrange :http://www.mj-lagrange.org/ ; Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

[2] Voir : Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. Une trentaine d’auteurs ont participé à l’édition de ce livre dont vingt-sept jésuites qui ont connu de près le père Arrupe.

[3] Cf. Dernier grand discours du père Pedro Arrupe. Cf. Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. PP. 40-41.

[4] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.

[5] Cf. New York Times, 25-11-66.

[6] Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. P. 89.

[7] J.M. Cabodevilla, Palabras son amores. Límites y horizontes del diálogo humano, Madrid, BAC, 1980, p. 251.

[8] Mt 13, 52 : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ».

[9] Pape François, Exhortation apostolique « La joie de l’Évangile », Paris, Téqui, 2013, n°24.

[10] Discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, le 15 novembre 1890. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels, Paris, Cerf, 1967, p. 104.

[11] Cf. ZENIT, le 3 décembre 2018.

[12] Ch. Théobald dans « L’exégèse catholique au moment de la crise moderniste », in Le monde contemporain et la Bible, Éditions Beauchesne, 1985, p. 388.

[13] Jean-Michel Poffet, L’écriture de l’histoire : du P. Lagrange à Paul Ricoeur. P. 5. In Cahiers de la Revue biblique 65. « La Bible : Le Livre et l’Histoire », Actes du Colloque de l’École biblique de Jérusalem et de l’Institut catholique de Toulouse (nov. 2005) pour le 150e anniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange O.P. sous la direction de J.-M.Poffet, O.P., directeur de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Gabalda, 2006.

[14] Bernard Montagnes, Lagrange dénoncé à Pie X en 1911, in Archivum fratrum praedicatorum, vol LXXVI, Istituto Storico Domenicano, Roma, 2066, p. 217-239.

[15] Saint Thomas d’Aquin, Sentenc. Lib. II, dist. 2a, quaest. 1a, art. III. Cité dans l’Avant-propos du premier numéro de la Revue biblique, 1892, Paris, P. Lethielleux, libraire-éditeur, P. 11-12.

[16] Cf. Lettre du cardinal Carlo Maria Martini au frère Manuel Rivero, depuis Jérusalem, le 22 juillet 2007 : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures. »

 

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