31 août 2020
La dévotion du père Lagrange à la Vierge Marie
Intellectuel et érudit, le frère Marie-Joseph Lagrange n’a rien d’un cérébral, froid et distant. Il lui arrive de prier dans les larmes à l’image de son père saint Dominique, lors de la fête du Très-Saint-Rosaire le 3 octobre 1880, et quelques jours plus tard le 6 octobre, au moment solennel de sa première profession religieuse. Mû par un ardent désir de louer, de bénir et de prêcher l’amour de Jésus-Christ, il compte sur l’intercession de sa Mère. Dominicain, il oriente tous ses efforts vers « le salut des âmes ». L’Évangile de Marie aux noces de Cana ravive sa confiance en l’intercession de la Mère Immaculée. Par sa pensée, il rejoint aussi Marie au pied de la Croix et son âme aspire au sacrifice et au service : « Impossible de compatir à la Passion sans compatir au prochain. Sainte Marie, vous avez mis dans mon cœur cette compassion viscérale pour les malheureux. » (Journal, 4 octobre 1880). Les chrétiens savent que la Vierge Marie n’est pas une mère possessive. Loin de s’enfermer dans une prière intimiste, la prière mariale du frère Marie-Joseph Lagrange manifeste le don total de lui-même par amour, au service du Règne de Dieu. (Extrait d’un article de Manuel Rivero o.p. « La dévotion du père Lagrange à la Vierge Marie ».)
Illustration : Ô Marie, Vierge Sainte, couronnée d’étoiles (Emmanuel)
29 août 2020
Le martyre de saint Jean Baptiste (évangile de Jésus Christ selon saint Marc (6, 17-29)
L’emprisonnement de Jean avait été pour Jésus le signal de sa propre activité : nous en apprenons maintenant le motif. […] Hérode Antipas avait épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe, dit saint Marc. Selon la loi c’était un véritable adultère. En ce temps-là Jean prêchait la pénitence […] et il déclara nettement : « Il ne t’es pas permis d’avoir la femme de ton frère ! ». Pour le faire taire Hérode le jeta en prison. Révéler ce vrai motif, c’eût été ébruiter un blâme importun. Après l’agitation causée par la prédication de Jean, la crainte d’un mouvement révolutionnaire, déplaisant pour les Romains, était un motif assez plausible. Manifestement le tétrarque avait voulu donner satisfaction à la haine inquiète d’Hérodiade. Elle exigeait davantage : la mort seule arrêterait cette voix. […] Comme l’a dit admirablement M. Fouard : « L’ombre où le prophète souhaitait de s’éteindre enveloppa son martyre. Nul témoin n’a raconté comment il accueillit l’ordre inique, et dans quelle paix il mourut ». (Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017.)
Illustration : Le banquet d’Hérode – Décollation de saint Jean Baptiste – Hochaltar des Ulmer Münsters (14e).
28 août 2020
La parabole des vierges sages et des vierges folles (25, 1-13) n’est pas sans difficultés. Il est du moins certain que tout roule sur le retard possible de l’avènement de Jésus. Assurément tout l’effet serait manqué, et Jésus n’aurait pu conclure : Veillez ! s’il avait affirmé que la parousie serait tardive. La leçon consiste plutôt en ceci qu’il ne faudrait point douter de la parousie, même si elle était tardive. On n’a jamais le droit de dire : Tous les délais sont écoulés, ce ne sera pas pour aujourd’hui, nous pouvons nous endormir.
Quand viendra le moment, que nul ne peut prévoir, chacun sera pris comme il est ; si on n’est pas prêt, on n’aura pas le temps de se préparer, et on ne pourra pas compter sur les autres. Incidemment on comprend que cette préparation doit être personnelle ; il ne suffira pas d’être des gens de la noce, il faudra certaines conditions, supposées connues par l’enseignement général.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. : L’Avènement du Fils de l’homme. Extrait Revue biblique 1904.)
27-28 août 2020
Nous fêtons cette semaine saint Augustin (354-430) Docteur de l’Église et sa mère sainte Monique (332-387). Cette dernière inculqua à son fils une solide formation chrétienne.
Dans La méthode historique – la critique biblique de l’Église (Cerf) 1966, le père Lagrange évoque souvent saint Augustin. Dans sa conférence : L’exégèse critique et le dogme :
« Puisque Jésus n’a pas lui-même fixé son enseignement par écrit, il était impossible que les termes en fussent toujours conservés d’une façon mathématique. Ceux des évangélistes sont en partie empruntés à l’Église et rendus à l’Église; elle les fournit et elle les accepte; l’auteur lui-même y a mis de sa pensée, mais l’Église y reconnaît la sienne qu’elle sait être celle de Jésus. Et c’est pour cela aussi que S. Augustin ne croyait à l’Évangile que d’après l’autorité de l’Église, et c’est de nos jours, à l’occasion de ces progrès de la critique, que le chanoine anglican Gore a écrit : « Il devient, pouvons-nous peut-être dire, de plus en plus difficile de croire en la Bible sans croire à l’Église ».
23 août 2020
“Sainte Rose de Lima : anniversaire de mon ouverture à mon père, dix ans avant. » (Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel.)
Isabel Flores de Oliva, (dite Rose de Lima) 1586-1671, sainte, tertiaire dominicaine espagnole.
« Sainte Rose de Lima, priez pour nous ! »
Illustration : Statue de sainte Rose Lima – Maison natale à Lima (Pérou). Photo Manuel Rivero o.p.
21 août 2020
Saint Pie X (élu le 4 août 1903, † 20 août 1914)
En matière d’études bibliques, l’urgence devient celle du contrôle et même de la répression. Aussi le projet d’une institution romaine vouée à la science biblique tombe en sommeil, comme le déplore le P. Lagrange, le 29 octobre 1903, dans une lettre au P. Ambroise Gardeil : « Le Saint-Père n’est évidemment pas entré dans la pensée de Léon XIII et n’y entrera probablement pas. Ceux qui veulent démolir se passent de permission… et nous en sommes là. On travaille beaucoup ici… pour l’avenir. »
Par le Père Cormier, Maître général, familier de Pie X, le P. Lagrange sait ce que le pape pense de l’École biblique. « Le Saint-Père me dit : “En cette matière, soyez dur ; vous pouvez être assuré de l’appui du Saint-Siège” » (10 septembre 1906). « Il ne pense pas qu’à Jérusalem on soit bien enchanté de ce qu’il fait et bien empressé à la seconder efficacement con amore. Un de nos Pères […] lui a dit que les études philosophiques et théologiques souffraient de la prépondérance donnée au reste » (22 avril 1908). « L’opinion s’est répandue chez certains de nos Pères que des professeurs ont pour tactique de se taire, attendant des jours meilleurs, et prévoyant que, s’ils avaient le malheur de risquer des opinions peu agréées, le pape frapperait comme un sourd, quod est inconveniens(1) » (18 juin 1909).
Non seulement le P. Lagrange est empêché en 1907 de publier quoi que ce soit sur l’Ancien Testament, mais après son Évangile selon saint Marc (1911), la Congrégation romaine responsable des séminaires jette en 1912 un blâme public sur ses publications. C’est alors que le P. Lagrange adresse au pape une admirable lettre de soumission, dans laquelle il proteste de son intention de servir l’Église et non de la subvertir, lettre qui émut Pie X. Le P. Cormier en avertit aussitôt le P. Lagrange le 5 septembre 1912 : « J’ai eu hier l’audience du Saint-Père, qui spontanément m’a exprimé sa grande et pleine satisfaction de votre lettre, m’encourageant à la publier. J’ai ajouté que vous aviez été peiné que certains vous attribuassent d’être rationaliste et insoumis. Votre désir était, au contraire, de sauvegarder la véracité, même historique de l’Ancien Testament et vos écrits dans ce sens sont de beaucoup antérieurs aux récentes décisions. » La bienveillance de Pie X se maintient ensuite puisqu’en mars 1913, comme le P. Lagrange le raconte à Tisserant, il a reçu une bénédiction spéciale du Saint-Père par un de ses anciens amis, camérier de cape et d’épée.
Dans ses Souvenirs personnels, écrits en 1926, le P. Lagrange revient sur cet épisode : « Quand je pense à l’accueil plein de bonté que fit Pie X à ma soumission de 1912, je me dis que si je lui avais écrit alors [en 1909] une lettre filiale, pour lui ouvrir mon cœur plus complètement que je ne l’avais fait jusqu’alors, ses soupçons se seraient peut-être évanouis. Je me suis trop condamné à ne rien faire qui parût être une captatio benevolentiae (2). Et que pouvait une lettre contre les attaques sans cesse renouvelées auprès de Sa Sainteté ? » (p. 184).
(1) Ce qui ne convient pas.
(2) La captatio benevolentiae est un procédé rhétorique qui consiste à s’assurer d’entrée de jeu de la sympathie de l’interlocuteur.
Bernard MONTAGNES o.p. Les papes du père Lagrange : Pie X (extrait de l’article paru dans la Revue du Rosaire n° 197, décembre 2007. Intégralité sur www.mj-lagrange.org.
Illustration : Saint Pie X. Mosaïque Lourdes.
20 août 2020
Saint Bernard de Clairvaux
L’Esprit Saint est la communication, le partage, le va-et-vient, la mise en commun, le don, l’amour et la communion du Père et du Fils. Saint Bernard de Clairvaux l’appelle « le baiser du Père et du Fils ». C’est l’Esprit Saint qui réalise l’unité dans l’Amour.
(Extrait de Manuel Rivero o.p., Le père Lagrange, lumière pour la nouvelle évangélisation. Source : http://www.ucipliban.org/le-p-re-lagrange-lumi-re-pour-la-nouvelle-vang-lisation-iv/
Illustration : L’Apparition de la Vierge Marie à saint Bernard de Clairvaux par Filippo Lippi (1480). Église de la Badia, Florence.
15 août 2020
L’Assomption de la Vierge Marie au Ciel
Le mystère du Couronnement de la Vierge a marqué la vie du père Lagrange à travers l’expression artistique de Fra Angelico, le patron des artistes. Non seulement il était séduit par la beauté de l’humble Vierge Marie couronnée au Ciel par son Fils Jésus mais aussi par le rayonnement de saint Dominique qui figure au Ciel dans le même tableau. C’est ainsi qu’il devint spirituellement fils de saint Dominique, « âme pure », bien avant d’entrer dans l’ordre des Prêcheurs.
Dans sa prière, il se tourne vers la Reine Immaculée, Reine des anges, Reine du Très Saint Rosaire, sa Reine, à qui il confie actions et soucis familiaux.
Tournons-nous vers la Vierge Marie. Que son intercession vienne au secours de toutes les victimes de ce monde !
(Manuel Rivero o.p., Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire, Cerf, 2012.)
Illustration : Couronnement de la Vierge Marie St-Dominique-1440-1441 par Beato Angelico.-Couvent-S.-Marco.-Florence.-Italie.
L’Assomption de la Vierge Marie au Ciel
Ressuscité d’entre les morts, Jésus, dans une démarche de piété filiale, a honoré sa Mère dans son âme et dans son corps dans le mystère de l’Assomption. Désormais la Vierge Marie partage sa victoire sur la mort sans connaître la corruption du tombeau. Là où est Jésus glorifié, là se trouve aussi sa Mère, glorifiée à son tour par l’Esprit Saint sous le regard aimant du Père. […] L’instant de l’Assomption comme celui de la résurrection de Jésus sont deux événements qui appartiennent au secret de Dieu.
Confions à l’intercession de la Vierge Marie notre situation humanitaire mondiale actuelle !
(Manuel Rivero, o.p. Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des Mystères du Rosaire, Cerf, 2012.)
Illustration : Couronnement de la Vierge Marie (détail) par fra Angelico.
12 août 2020
À ne pas manquer ! Écoutez la conférence numérisée du père Bernard Montagnes o.p. sur le père Lagrange, par les Dominicains de Bordeaux. Voici le l’adresse du site : https://soundcloud.com/dominicains-bordeaux/pere-lagrange-fondateur-de-lecole-biblique-8-nov-1990?fbclid=IwAR1keCoCCFUCai6k852FwmqV44vDhzBMJER77dGK3krApci4xkE6k_7nWoQ
Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain de la province de Toulouse, fonde en 1890 l’École pratique d’études bibliques à Jérusalem – www.ebaf.edu/fr/
Nous avons numérisé la conférence donnée par le frère Bernard Montagnes en novembre 1990 à l’occasion du centenaire de la fondation de l’Ecole. Père Montagnes consacre plusieurs articles sur le père Lagrange et publie deux livres majeurs : “Le père Lagrange (1855-1938) : l’exégèse catholique dans la crise moderniste” (Paris, Cerf, 1995, 246 p.) et “Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique” (Paris, Editions du Cerf, 2005, 624 p.).
11 août 2020
Saint Claire d’Assise (1194-1253) Bonne Fête à toutes les « Claire » !
Dans son Journal spirituel le père Lagrange s’examine souvent sur sa pratique personnelle de l’esprit de pauvreté.
« Degrés de pauvreté :
1° être en fait dépouillé de tout, ne rien faire de contraire au vœu ;
2° être détaché en esprit des choses dont on a l’usage. Ex. : les prêter volontiers ;
3° faire volontiers le sacrifice des choses superflues ;
4° faire volontiers le sacrifice des choses nécessaires ;
5° quand on est malade. »
Puis, il cite sainte Angèle de Foligno : « La pauvreté est si réellement la racine et la mère de toute humilité et de tout bonheur, que l’abîme où je vois cela ne peut se décrire. L’homme qui verrait le bien de la pauvreté, l’amour de Dieu tomberait sur lui ! »
Pie XII, Lettre Apostolique (en forme brève) proclamant Ste Claire Patronne Céleste de la Télévision (21 août 1958)
Mémoire de sainte Claire, vierge. Première plante des pauvres Dames de l’Ordre des Mineurs, elle suivit saint François d’Assise et mena au couvent de Saint-Damien une vie très austère, mais riche d’œuvres de charité et de piété. Aimant par-dessus toute la pauvreté, elle n’accepta jamais de s’en écarter, pas même dans l’extrême indigence ou dans la maladie.
10 août 2020
En ce jour-anniversaire de la « naissance au ciel » du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange, nous nous unissons à la prière de frère Manuel Rivero o.p. qui célèbre la messe de ce jour aux intentions particulières confiées à l’intercession du père Lagrange et pour la béatification de cet infatigable serviteur de Dieu www.mj-lagrange.org .
Nous nous unissons également à la douleur de nos amis libanais. Que Notre-Dame du Liban les soutiennent dans les épreuves qu’ils vivent actuellement. Voici deux belles prières composées par le cardinal Etchegaray et le saint pape Jean-Paul II :
Cardinal Etchegary (15 août 2006)
Notre-Dame du Liban, voici ton peuple.
Ils sont tes enfants, ceux qui sont brisés par la haine
et ceux qui apprennent à pardonner.
Ils sont tes enfants, ceux qui sont emmurés dans la peur
et ceux qui commencent à espérer.
Notre-Dame du Liban, voici ton peuple.
Si Dieu est le Père des commencements
tu es la Mère des recommencements.
Donne à ceux qui ont perdu le goût de vivre
la force de vivre encore plus pour les autres.
Notre-Dame du Liban, voici ton peuple.
Tu aides l’homme vieilli par le péché
à retrouver un coin fleuri de son enfance.
Tu aides l’homme révolté par la violence
à rendre à Dieu les armes de son destin.
Notre-Dame du Liban, garde ton peuple,
garde-le libre, libre, libre,
dans l’intégrité de son corps et l’unité de son âme.
Pour la gloire du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob,
Pour la gloire de ton divin Fils Jésus
Pour le service des peuples de l’Orient et de l’Occident.
Que le Liban vive du Liban
Pour que le monde entier vive de la paix.
Amen
Saint Jean Paul II (1997)
Demandons à la Vierge Marie, Notre-Dame du Liban, de veiller sur votre pays et sur ses habitants, et de Vous assister de sa Tendresse maternelle, pour être les dignes héritiers des saints de votre terre et pour faire refleurir le Liban, ce pays qui fait partie des Lieux saints que Dieu aime, parce qu’il est venu y faire sa Demeure et nous rappeler que nous avons à construire la cité terrestre, en ayant les yeux fixés sur les valeurs du Royaume. Amen.
Illustration Notre-Dame du Liban
9 août 2020
Belle et Bonne Journée Dominicale à tous nos amis anciens et nouveaux…. et à venir.
Merci de vous joindre à l’association des amis du père Lagrange pour faire connaître et aimer la vie et l’œuvre de ce grand amoureux de la Parole de Dieu, qui fût en même temps un grand scientifique. Nous comptons sur vous pour vous joindre, par la pensée et la prière, demain 10 août, à la messe-anniversaire qui sera célébrée par frère Manuel Rivero, o.p., Président de l’association.
Merci de votre Confiance ! UDP.
Illustration : Fra Angelico (1450-55) La Vierge à l’Annonciation- Detroit Institut of Arts
XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES – 5-26 OCTOBRE 2008
La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église
Extrait de l’intervention du Très Rév. P. Carlos Alfonso AZPIROZ COSTA, O.P., Maître Général de l’Ordre des Frères Prêcheurs
Dans l’histoire récente de l’Église, on a mis en lumière, non sans difficultés, les nécessités de cette interprétation « critique » du texte et donc de la Sainte Écriture (frère Marie-Joseph Lagrange O.P., 1855-1938), qui met en évidence également son fondement historique et sa richesse ; le fait qu’elle est, justement, un chant à plusieurs voix.
La foi chrétienne, par ailleurs, en tant que « religion », doit être tout d’abord considérée comme « religion de l’Esprit », parce que le Nouveau Testament est principalement le même Esprit Saint qui produit en nous la charité, et seulement dans un second temps, également en tant que « lettre », elle peut être considérée comme « religion du Livre ».
Ce processus de révélation et de salut est aussi un dévoilement de la « veritas iustitiae » de notre vie, de la « justice de Dieu » c’est-à-dire fondée sur sa miséricorde qui est le fondement permanent de la justice divine parce qu’elle en constitue la racine première et son couronnement.
8 août 2020
En ce jour de la solennité de Notre Père saint Dominique (1170-6 août 1221), il est bon de rappeler la lettre du Maître de l’Ordre, le 6 août 2018, annonçant pour le 6 août 2021, la mémoire des huit-cents ans du « dies natalis » de saint Dominique. Dans cette lettre, Maître Bruno Cadoré mentionne également la prochaine proposition, à l’Église, du témoignage de la sainteté du frère Marie-Joseph Lagrange, parmi tant d’autres belles et saintes figures dominicaines.
FRATRES ORDINIS PRÆDICATORUM
CURIA GENERALITIA
La sainteté de Dominique, lumière pour l’Ordre des Prêcheurs
Très chers frères et sœurs, religieux et laïcs, de l’Ordre des Prêcheurs,
Le 6 août 2021, nous ferons mémoire des huit-cents ans du dies natalis de saint Dominique, rapportée par Humbert de Roman en ces termes : « Voici, dit-il, frères très chers, ce que je vous laisse pour que vous le teniez comme des fils par droit d’héritage. Ayez la charité, gardez l’humilité, possédez la pauvreté volontaire. Ô testament de paix… ». Frère Dominique s’endormit dans la mort en laissant à ses frères ce testament de paix, les faisant héritiers de ce qui fut la passion de sa vie : vivre avec le Christ et apprendre de Lui la vie apostolique. Être configuré au Christ par sa vie évangélique et apostolique.
Telle fut la sainteté de Dominique : son ardent désir que la Lumière du Christ brille pour tous les hommes, sa compassion pour un monde en souffrance appelé à naître à sa vraie vie, son zèle pour servir une Église qui élargisse sa tente aux dimensions du monde. « En lui, j’ai rencontré un homme qui réalisait dans sa totalité la règle de vie des apôtres : je ne doute pas qu’il ne soit associé à leur gloire dans le ciel », déclarait le Pape Grégoire IX en accordant la translation .
La célébration du Jubilé de la confirmation de l’Ordre a impulsé une dynamique de renouvellement de l’engagement de l’Ordre tout entier dans la proclamation de l’Évangile. Par cette lettre, je vous invite à le faire en puisant à la source de la sainteté qui fit de Dominique un prêcheur. Comme le disait magnifiquement sainte Catherine : « Son office fut celui du Verbe, mon Fils unique. Il apparut surtout au monde comme un apôtre, tant étaient puissants la vérité et l’éclat avec lesquels il semait ma parole, dissipait les ténèbres et répandait la lumière ».
La mort de Dominique, ou la mort d’un père et d’un frère
Après une longue prédication en Italie du Nord, frère Dominique tomba gravement malade à Bologne. Nous sommes en juillet 1221, et le climat dans la ville est tellement étouffant, humide et chaud qu’il ne permet pas l’amélioration de la santé de Dominique. On décide alors de le transporter dans un petit ermitage bénédictin situé sur les premiers contreforts des collines bolognaises. Mais la mort s’approche. Providentiellement les témoignages de frère Ventura de Vérone et de frère Rodolfo de Faenza, recueillis au cours du procès de canonisation à Bologne, permettent de reconstruire les derniers moments de la vie du Saint. À ces témoignages précieux s’ajoute le récit édifiant du bienheureux Jourdain de Saxe.
Sentant déjà proche le moment de la rencontre avec le Seigneur qui l’avait séduit à l’adolescence, Dominique fit appeler quelques frères du couvent de Bologne et commença à prêcher : « Se croyant près de mourir, il appela le témoin, c’est-à-dire le prieur, et les frères. Celui-ci s’y rendit avec une vingtaine de frères et, quand ils furent autour de lui, le bienheureux, étendu sur sa couche, commença à prêcher ; il leur fit un sermon très beau et émouvant ; jamais le témoin n’entendit de sa bouche sermon plus édifiant ». Selon le bienheureux Jourdain, la prédication de Dominique sur son lit fut faite non à vingt mais à douze frères : « Sur son lit de malade, il fit appeler douze frères, parmi les plus notables, et se mit à les exciter à se montrer fervent, à promouvoir l’Ordre, à persévérer dans la sainteté ». Il est clair ici que Jourdain entend donner une lecture christologique et apostolique de Dominique et de ses frères. Frère Ventura donne, de ces derniers moments de la vie de Dominique, un récit construit selon un schéma liturgique : après avoir reçu l’onction des malades et avoir fait une confession générale, Dominique préside, comme prêtre, l’Office de recommandation de sa propre âme à Dieu, et intervient à plusieurs reprises comme si c’était à lui-même d’animer. Ainsi Dominique meurt au cours d’un acte liturgique et au cœur de la liturgie des agonisants. Frère Ventura rapporte aussi une forme de prière que Dominique adressa au Seigneur, devant ses frères, au cours de laquelle il recommanda ces derniers et confia la famille elle-même : « Frère Dominique leva les yeux et les mains vers le ciel et dit : “Père saint, vous le savez, je me suis attaché de bon cœur à faire votre volonté, et ceux que vous m’avez donnés je les ai gardés et conservés. Je vous les recommande à mon tour ; conservez-les et gardez-les” ». C’est une brève paraphrase du discours d’adieu de Jésus au cours de la dernière Cène (Jn 17, 12). Dans cette prière, nous remarquons comment Dominique reste le frère aîné, le père, le fondateur, celui qui prend en charge ses propres frères, à l’image de son Seigneur bien-aimé. Dominique prononça d’autres paroles sur son lit de mort : « Ne pleurez pas ; car je vous serai plus utile là où je vais que je ne l’aurais été ici-bas ». On a noté que les mots « utilité » et « efficacité » sont des mots que Dominique aimait répéter souvent. La charité efficace devait être une des qualités de ses fils. L’utilité de soi-même devait être plus grande comme mort que comme vivant. Dominique meurt dans le couvent de Bologne conformément à son désir. Craignant en effet d’être inhumé dans le monastère bénédictin où il avait été recueilli, il supplia qu’on le portât à nouveau au milieu de ses frères. Arrivé dans la ville et installé dans une cellule du couvent, quand on lui demanda où déposer sa sépulture, auprès des reliques de l’un ou l’autre saint, Dominique fit cette magnifique réponse : « À Dieu ne plaise que je sois enseveli ailleurs que sous les pieds de mes frères ! ». C’est là, à la lumière de ces « novissima verba », que nous découvrons non seulement une affirmation d’humilité, mais surtout l’amour profond de Dominique pour sa communauté.
L’humilité d’un mendiant, pour prêcher
« [Le témoin] l’a vu aussi quelquefois aller de porte en porte demander l’aumône et recevoir son pain comme un pauvre » (Actes du procès de canonisation, Bologne, Déposition du frère Paul de Venise, 42)
À l’approche de sa mort, Dominique demanda donc instamment à ses frères de le ramener au couvent afin de pouvoir être enterré « sous les pieds de ses frères ».
Tel était son plus grand désir. Ce n’est là qu’un des aspects de la sainteté de celui qui, devenant prêcheur, demandait qu’on l’appelle « frère Dominique ».
Il veut être avec ses frères. En effet, il avait cette conviction que le signe de la fraternité dit déjà, en soi, quelque chose de la prédication. L’Ordre des Prêcheurs est pour Dominique un Ordre qui cherche à s’inscrire dans la trace de Jésus prêcheur, passant à travers villes et villages pour proclamer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu (cf. Mt 4, 23-25 ; Mc 1, 39 ; Lc 4, 44). Cette réalité de la fraternité est ainsi offerte comme un écho du salut qui est au cœur même de la proclamation de l’Ordre. Annoncer cette bonne nouvelle, c’est inviter chacun des interlocuteurs à découvrir au plus intime de lui-même une aspiration à vivre en ce monde sur le mode de la fraternité avec les autres. C’est aussi proclamer l’espérance que la figure de la fraternité entre les hommes anticipe la réalité du Royaume en lequel sera rassemblé le peuple de Dieu aux derniers temps. Donner ce signe est ainsi, le véritable « pupitre » de la prédication, au double titre de l’expérience concrète de la vie et de l’espérance du futur avec Dieu. Un pupitre depuis lequel – non par des discours théoriques mais à partir de l’écoute d’une Parole mise à l’épreuve de l’expérience concrète d’une vie avec et pour les autres – est proclamée, de la part de Dieu, la confiance en la capacité des humains de créer entre eux et avec Dieu, des relations qui « nourrissent la vie ».
Il demanda donc à être « sous les pieds de ses frères ». On peut probablement interpréter ce désir comme un signe d’humilité et d’abaissement. Lui qui disait qu’il serait plus utile à ses frères après sa mort veut rendre ce service en écho avec l’abaissement de Jésus, lavant les pieds de ses disciples tel un serviteur. Ainsi, cette détermination de Dominique à propos du lieu de sa sépulture pourrait bien évoquer encore son désir d’être assimilé par la grâce aux gestes même de Jésus. C’est-à-dire de Celui qui n’a pas retenu sa vie, mais a vécu sa proclamation du Royaume, l’enracinant dans le don de sa vie, offerte pour que tous aient la vie et soient accueillis dans la joie de la fraternité. Il veut continuer à être au milieu de ses frères, jusque dans la mort. Tel est le signe de ce don d’une vie « passée » à parler de Dieu avec les hommes et des hommes avec Dieu . Ce signe manifeste ainsi le sens profond de la mendicité itinérante que Jésus a vécue, par laquelle Il a prêché en donnant sa vie. C’est aussi le signe du mendiant qui, par son geste implorant, sollicite l’hospitalité de ses contemporains en même temps qu’il offre de découvrir la vie nouvelle du Royaume. « Il est venu chez les siens… » (Jn 1,11).
Mais cette requête de Dominique exprime encore davantage car il invite ses frères à puiser leur propre sainteté dans la réalité de leur vie de prêcheurs. Il était de coutume, à l’époque, de chercher à être enterré au plus près de reliques de saints et confesseurs de la foi. En ce sens, il a souhaité être enterré au plus près de l’autel, dans l’espérance de la communion des saints. À travers sa requête, Dominique signifie que la réalité de la fraternité de ses frères est, à ses yeux, un lieu de sainteté équivalent à la valeur accordée aux témoignages des saints. Une fois encore, la sainteté peut être considérée comme le pupitre de la prédication des prêcheurs. Ceux-ci sont conviés, en tant que frères, à intégrer la foi en la communion des saints au cœur des réalités concrètes de la vie, et à y puiser la force de la parole itinérante du prêcheur. Communautés de prêcheurs, saintes prédications !!
L’humanité d’un prêcheur, à l’image du Fils
« Le bienheureux Dominique était si plein de zèle pour le salut des âmes, que sa charité et sa compassion ne s’étendaient pas seulement aux fidèles, mais même aux infidèles, aux païens, et jusqu’aux damnés de l’enfer ; il pleurait beaucoup à leur sujet » (Actes du procès de canonisation, Bologne, Déposition du frère Ventura de Vérone, 11).
« Dieu a manifesté la tendresse (benignitatem) et l’humanité de notre Sauveur en son ami Dominique : qu’Il vous transfigure à l’image de son Fils ». Cette formule de la bénédiction solennelle en la fête liturgique de saint Dominique indique le cœur de la sainteté de Dominique.
Ce dernier est le seul, dans tout le Sanctoral, à propos duquel cette « tendresse » (en français) est nommée. Et elle l’est en parlant du mystère par lequel le Fils est venu prendre sur lui notre humanité. Ce Mystère de l’Incarnation du Fils notre Sauveur est si essentiel dans la prédication de frère Dominique qu’il en est devenu comme la lumière intérieure de sa propre humanité. La vocation de Dominique à engager sa vie pour la prédication de l’Évangile le conduisit à trouver là un chemin qui le mena au plus profond de sa propre humanité. D’une certaine manière, il s’agit aussi d’une vocation à se laisser engendrer à soi-même par le mystère de la vérité qu’il proclame (longtemps je t’ai cherché…, disait déjà St Augustin). La proclamation de l’Évangile est alors offerte comme un chemin intérieur vers soi, à la rencontre de ce lieu en lequel Dieu, par son appel « construit », « établit » chacun dans sa filiation propre.
De cette « humanité » de Dominique, il me semble que certains traits ressortent tout particulièrement : la simplicité, la compassion, la frugalité, l’amitié. La lecture des témoignages recueillis par ses biographes qui l’avaient connu directement, et de ceux rassemblés pour le procès de sa canonisation, mettent unanimement en valeur tout autant la profondeur que la simplicité de l’humanité de Dominique. « Il accueillait tous les hommes dans le vaste sein de sa charité et, puisqu’il aimait tout le monde, tout le monde l’aimait » , « ce prêcheur qui s’émeut devant la souffrance humaine » , « qui est transporté de gratitude lorsqu’il reçoit un pain pour nourrir ses frères » comme il est transporté en Dieu lorsqu’il contemple la générosité de Sa grâce, qui n’aime rien tant que de faire de l’amitié avec les autres le mode habituel de l’offrande de la Parole de vie. Cette simple et proche humanité dont Thomas d’Aquin disait, parlant de la vie de Jésus, « il s’est fait familier… ».
L’insistance sur l’humanité de Dominique n’est pas seulement une manière de mettre en valeur ses propres qualités morales. Elle dit aussi comment il voulait être prêcheur. C’est en déployant pleinement cette humanité familière avec tous qu’il désirait rendre témoignage à Celui qui est venu établir sa demeure parmi nous, et s’effacer pour lui laisser la place dans le cœur et l’intelligence de la foi de celles et ceux qu’il rencontrait. Le bienheureux fr. Jean-Joseph Lataste, à qui on demandait ce qu’était l’Ordre des Prêcheurs, répondait que c’était « l’Ordre des amis de Dieu ». Cette réponse n’est-elle pas une manière à la fois de décrire comment les frères et les sœurs de l’Ordre désirent vivre entre eux et avec Dieu, et de désigner l’horizon de la prédication « verbo et exemplo » qu’ils et elles entendent proposer dans l’Église, sans cesse en tension vers cet horizon ultime de la communion de tous en l’amitié de Dieu ? Écho de cette parole du Christ, dont tout prêcheur voudrait à son tour se faire l’écho : « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi qui vous ai choisis, et établis » (Jn 15,16). Je vous appelle amis…
Au cœur de ce témoignage, résonne comme un appel ce beau mot « frère ». Dès que Dominique et Diègue commencèrent à prêcher en Lauragais, le sous-prieur qu’était Dominique insista pour demander que, désormais il soit désigné comme « frère Dominique » . Ici encore, on peut y voir un signe de sa simplicité et de son humilité : ce ne sont pas les titres, ni les positions ecclésiales, qui doivent qualifier le prêcheur, mais sa manière d’être en humanité. Est appelé « frère », l’un des membres de cette communion en l’amitié de Dieu. Est appelé « frère », l’un des membres de cette grande famille des amis de Dieu que l’Église est appelée à devenir. Il y a là, en quelque sorte, une déclaration de foi qui constitue le socle d’une compréhension théologique de l’Église, et qui invite à une pratique théologale de la prédication. Parce qu’il désire être prêcheur à la manière de Jésus au milieu de ses disciples, c’est comme frère que Dominique veut s’engager « dans l’engagement de Dieu ». Ce sera le chemin de sa sanctification : « qu’Il vous transfigure à l’image de son Fils » (Rm 8,29).
Prêcher comme et avec le Christ, chemin de sanctification
« Frère Dominique s’adonnait à la prédication assidûment et avec la plus grande diligence ; et quand il prêchait, il trouvait des accents si bouleversants que, très souvent, il s’émouvait lui-même jusqu’aux larmes et faisait pleurer ses auditeurs » (Procès de canonisation de Bologne, Déposition du frère Etienne, 37)
Ce chemin de sanctification, pour Dominique, est jalonné par les deux mystères de la miséricorde et de la vérité, qui tous deux convergent vers cette liberté si chère à la « spiritualité dominicaine ». De ce point de vue, la figure de Marie-Madeleine peut être considérée comme établie « apôtre des apôtres », appelée par le Ressuscité. Ce lieu plus intime à nous-même que nous-même est le lieu de la miséricorde. C’est-à-dire à la fois de la vérité, du réalisme et de la transparence de la rencontre avec Dieu en l’intimité de chacun, et lieu du pardon, au-delà de toute mesure humaine, et d’engendrement dans la miséricorde. Le don surabondant de la miséricorde se fait alors appel à plonger dans l’Évangile comme dans sa source vive, à plonger dans l’Évangile – lumière révélatrice du mystère de chacune de nos vies humaines – comme nous fûmes plongés dans les eaux du baptême. Demeurez dans ma Parole, ma parole est vérité. Ou, plus exactement : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8, 31).
Deux textes écrits par le Pape Honorius III à l’occasion de la confirmation de l’Ordre, et de sa « recommandation » imposent aux frères de l’Ordre la prédication pour la rémission des péchés. Ils soulignent deux aspects très concrets de la vie choisie par Dominique. L’un est que le ministère de la prédication (de l’évangélisation) peut être donné aux frères de l’Ordre comme moyen propre de sanctification. L’autre est que ce ministère est imposé aux frères pour la rémission des péchés.
D’une part, leur est ainsi imposé de proclamer l’Évangile dans cette forme de vie « totalement dédiée à l’évangélisation du nom de notre Seigneur Jésus-Christ » , qui définit la prédication comme la présentation du Nom de Celui qui vient. A la fois, il s’agit de la proclamation du Nom, et de l’annonce de la venue du Royaume : « Du reste, parce que c’est le succès et non pas le combat qui obtient la couronne et que seule la persévérance, parmi toutes les vertus qui concourent dans le stade, remporte le prix proposé (1Co 9, 24), nous adressons à votre charité cette demande et cette exhortation pressante, vous en faisant commandement par ces lettres apostoliques et vous l’imposant en rémission de vos péchés : que, confirmés de plus en plus dans le Seigneur, vous vous appliquiez à annoncer la Parole de Dieu (Ac 8, 4), en insistant à temps et à contretemps, pour accomplir pleinement et de manière digne d’éloge votre tâche de prédicateur de l’Évangile (2Tm 4, 2-5) » .
D’autre part, il s’agit de faire cela dans la mendicité, ayant choisi l’état d’abjection de la pauvreté volontaire, personnelle, certes, mais aussi collective. Le Pape souligne que ce choix rendra les prêcheurs vulnérables, les exposant à toutes sortes de difficultés et de danger. C’est pourquoi, afin de les conforter dans leur propos de salut, il leur accorde que « les indigences et les labeurs qu’ils auraient à souffrir dans l’exercice de cet office soient assignés à la satisfaction de leurs propres péchés » .
Pour les frères, ce chemin de sainteté sera celui de la « consécration à la Parole », de la consécration à la vérité, ainsi que le développe S. Thomas d’Aquin dans le Commentaire de l’Évangile selon S. Jean.
La lettre d’Honorius III du 18 janvier 1221 exprime cette « consécration » ainsi : « Celui qui ne cesse de féconder son Église par de nouveaux croyants voulut conformer nos temps modernes à ceux des origines et diffuser la foi catholique. Il vous inspira donc le sentiment d’amour filial par lequel, embrassant la pauvreté et faisant profession de vie régulière, vous consacrez toutes vos forces à faire pénétrer la Parole de Dieu, tandis que vous évangélisez par le monde le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ ».
Le choix de Dominique a été de plonger dans la mission du Fils, et de laisser ainsi l’Esprit du Fils configurer sa propre vie à l’image de la sienne : « Et les dons que [le Christ] a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs, des enseignants, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble… » (Ep 4, 11-13). On perçoit dans ces paroles de l’apôtre Paul à la fois l’unité dans la foi et l’unité dans la connaissance du Fils de Dieu. Mais on entend aussi l’appel fait aux croyants (les « saints ») de « sortir » pour aller marcher dans les traces de la mission du Fils. En choisissant de se donner à la prédication, Dominique a fait le choix d’un chemin sur lequel il a laissé l’Esprit l’ajuster à Dieu, le justifier, le sanctifier. Mais il a fait en même temps le choix de vivre son aspiration à la sainteté comme une manière d’engager sa vie entière. Son désir était que l’Église du Christ éprouvât elle-même la joie d’être promise à la sainteté à la mesure même où elle se déploie en proclamant la bonne nouvelle de cette promesse.
La sainteté de Dominique, un rêve pour l’Église
« Devenu pasteur et chef illustre dans le peuple de Dieu, il institua par ses mérites l’ordre nouveau des Prêcheurs, l’instruisit par ses exemples, et ne cessa pas de le confirmer par d’évidents et authentiques miracles » (Grégoire IX, Bulle de canonisation)
Il me semble qu’avoir un « rêve pour l’Église » est un élément central de la sainteté de Dominique, comme ce le fut aussi pour Catherine de Sienne (« si je meurs, c’est de passion pour l’Église »). Tous deux ont donné à la prédication de l’Ordre un enracinement dans une solide ambition pour l’Église du Christ (« comme j’aimerais que ce feu soit allumé », Lc 12, 49), qui porte à la fois sur la vie et la mission de l’Église.
À la suite du concile de Vatican II, on pourrait dire que c’est l’ambition de l’Église du Christ d’être sacrement pour le monde, dans le monde. Dans le contexte actuel qui appelle si ardemment à un renouveau de l’évangélisation, c’est l’ambition de passer d’une perspective de maintien ou de renforcement des communautés ecclésiales existantes à une perspective de promotion de toutes ces communautés ecclésiales comme véritables « sujets missionnaires ».
« Comme j’ai hâte que ce feu soit allumé » (Lc 12, 49). Ce désir du Christ animait, je crois, celui de Dominique lorsqu’il était affronté aux divisions de toutes sortes qui défiguraient l’Église de son temps et mettaient en péril sa mission d’évangélisation. La force de ce désir – qui conduisit Jésus au plein consentement d’abandon suprême jusqu’à être mis en Croix – est la source à laquelle Dominique abreuvait sans cesse sa prière et son humanité : identifier sa vie à cette vie unique du Fils, donnée une fois pour toutes, pour que le monde ait la vie et qu’il l’ait en abondance (Jn 10, 10). Les représentations si paisibles de Dominique embrassant la Croix du Christ, ou scrutant inlassablement la Parole qui se révèle au fil des pages de l’Écriture, manifestent bien que, loin de toute attitude morbide, cette identification a comme objet d’ajuster son propre désir d’évangélisation à celui du Christ. Le rêve de Dominique est celui d’une Église en incessante fondation, c’est-à-dire en incessante évangélisation. Pour lui, aller jusque chez les Cumans ne signifie pas une volonté d’extension de l’Église en termes d’élargissement de son territoire, de renforcement de son pouvoir ou de son influence, voire de domination sur toute autre croyance. Il s’agit bien davantage d’un désir qui naît de l’amour du monde entier, cherchant à s’approfondir jusqu’à s’identifier à l’amour du Christ pour le monde et qui sait, de connaissance de Créateur, combien le monde humain est capable de déployer son don d’hospitalité à tous en une seule communion et à Dieu son Créateur en une commune histoire du peuple que Dieu aime.
Pour cette raison, Dominique rêve d’une Église constamment « en passage ». Il en a lui-même fait l’expérience lorsque, formé depuis son adolescence pour être un clerc, puis devenir un chanoine, il reçut sur la route de la prédication un appel venu de l’intérieur même de son ministère clérical à devenir frère. Il découvre ainsi combien ce ministère l’a préparé à se mettre au service d’une Église toujours inachevée qui porte la Parole au-delà de ses frontières. Ce passage prit la forme de cette hantise qui habitait ses nuits et sa prière. Il éprouvait alors que la communion proclamée en un même et unique Royaume ouvert à tous exigeait d’aller à la rencontre des pauvres et des pécheurs, des hérétiques et des païens. C’est une Église du pardon, de la réconciliation et de la communion dont Dominique veut être le serviteur. Cette Église « en passage » est aussi une Église que la prédication elle-même va constituer en sa diversité. Dominique, en effet, en réponse à celles et ceux qui le rejoignent par intuitions successives, va progressivement constituer avec lui une « famille de la prédication », cette « sainte prédication » dans laquelle – si chacun ayant bien sa place et son rôle particuliers, selon son propre statut et mandat ecclésial, et selon sa propre formation – tous seront solidaires en une même évangélisation. Ils seront tous animés d’un même désir de contribuer à ce que l’Église, par sa proclamation du Royaume, devienne sans cesse davantage une amie du monde annonçant le pardon, la réconciliation et la paix. À la suite de Dominique, à la table de l’aubergiste, ou au milieu de ses frères à la table du « miracle des pains », par le signe de la fraternité ils inviteront tous les hommes à prendre place à la même Table du Royaume. Fraternité, là est le signe d’une Église de communion.
Cette Église pour laquelle Dominique désire engager toute sa vie, et appelle ses frères et sœurs à le faire avec lui, est une Église amie et fraternelle, mue par une affection profonde entre ses membres et pour le peuple de Dieu au-delà de ses propres frontières. Le terrain sur lequel est envoyé le prêcheur doit être considéré, disait le Pape François aux frères capitulaires en 2016, comme « terre sacrée », comme lieu de sainteté. Dominique donnait ainsi à la prédication tant l’horizon de la contemplation de la grâce à l’œuvre dans l’histoire du monde, au-delà souvent des limites visibles de l’Église, que l’horizon de la « conversion apostolique ». Cette dernière, en effet, s’enracine dans une solidarité pour laquelle le ministère de la prédication appelle à engager sa vie entière. Ainsi le disait l’apôtre Paul : « Comme une mère qui entoure de soin ses nourrissons (…) Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à nos propres vies » (1Th 2,8). La question est alors que les restructurations dans l’Église aient toujours comme objectif de promouvoir, de cultiver l’affection de la communauté pour tous.
En ce sens, on peut comprendre l’intercession comme une pratique essentielle pour la consolidation de nos communautés fraternelles. L’intercession ouvre vers un double processus d’identification : d’une part, identification à ceux pour qui le Seigneur est imploré ; d’autre part, identification à Celui qui implore pour le monde. C’est aussi dans cette même perspective que l’on peut percevoir la dimension contemplative de la prière de Dominique parlant du monde à Dieu. Il ne cessait de contempler le mystère de miséricorde qui est au cœur du déploiement de la « création continuée ». La prière liturgique, à laquelle Dominique tenait tant, offre alors à la communauté de la « sainte prédication » de se laisser constituer par cet entrecroisement de l’intercession et de la contemplation, fondé dans l’écoute du mystère du salut dans l’histoire humaine tel que la sainte Écriture le révèle.
Plonger dans l’œuvre de la grâce : dans l’engagement de Dieu
« Soumettant la chair à l’esprit et la sensibilité à la raison, il devint avec Dieu un seul et même esprit et s’appliqua tout entier à le rechercher par les saints transports de l’âme, sans manquer jamais à l’amour du prochain, car il sut avec équilibre s’adonner avec zèle aux œuvres de la compassion. » (Grégoire IX, Bulle de canonisation)
Nous aimons parler de Dominique comme du prêcheur de la grâce. Il l’a été en désirant de tout son être vivre de la vie du Christ prêcheur, de sorte qu’il aurait pu reprendre les paroles de l’apôtre Paul : « Ce n’est plus moi qui prêche, mais le Christ qui prêche en moi » (Gal 2,20). Pour cela, Dominique voulait « plonger » dans la Parole, celle qui ravive le désir du cœur parce qu’elle fait entendre l’appel de chacun par son nom. Cette plongée se fait dans la trace de la plongée baptismale, comme vocation à vivre de la joie et de l’espérance de l’Évangile. Mais c’est en même temps un appel qui fait naître au cœur le désir que tous aient la vie. Il s’agit donc à la fois d’une « vocation à soi-même » ayant la teneur d’une expérience de la miséricorde, et d’une vocation à appeler les autres à devenir « amis de Dieu ».
Cette plongée dans la Parole, Dominique l’a vécue comme une plongée en pleine humanité, donnant ainsi à son engagement la densité de la corporéité. Certes, ce terme désigne la corporéité de chacun en laquelle s’incarne cette expérience du cœur : de ce point de vue, se manifeste la portée « globale », « intégrale » de la vocation à l’évangélisation. Mais ce terme désigne aussi la corporéité de l’Église. La communauté est le lieu d’ajustement à cette corporéité de l’Église. C’est ainsi faire l’expérience de la finitude et de l’inachevé, la communauté étant le lieu où chacun peut en faire l’expérience. Chacun peut éprouver sa capacité à laisser sa communauté d’appartenance et de vie être communauté de « passage » : passage de la conversion ; passage à l’homme renouvelé ; passage comme signe de communion (le « désir intime de concorde fraternelle » ). La pauvreté mendiante est peut-être un rappel de la réalité de ces passages à opérer…
Plongée dans la Parole, plongée dans l’humanité : deux chemins vers la sainteté. Un troisième chemin proposé par Dominique est celui de l’intelligence : intelligence comme lieu de l’expérience de la structure eschatologique de la raison (la « vérité ne se transforme pas, elle grandit », disait Lacordaire). L’intelligence est en effet le lieu où l’on peut éprouver comme un champ indéfini de progrès dans la vérité. Elle est aussi cette instance qui permet à chacun de structurer solidement sa foi, évitant de se perdre dans des « opinions de foi » erronées. Au fond, la conviction de Dominique, lorsqu’il accorde tant d’importance à l’étude de la Parole et de la juste doctrine, est que l’effort de l’intelligence – qui cherche la vérité – est chemin de libération des croyances qui aliènent, pour ouvrir à la contemplation de la vérité qui libère. Mais il ne s’agit pas d’une intelligence « figée », elle est sans cesse à la recherche de cette vérité, dans la contemplation de l’économie de la révélation du mystère du salut dans l’histoire. Révélation dans l’histoire, qui dévoile combien, pour le prêcheur, l’histoire est le lieu premier de la contemplation de la grâce, une « terre sacrée » où les prêcheurs sont envoyés pour écouter la Parole… Ce troisième chemin est donc celui où s’installe une sainteté qui fait confiance à l’intelligence parce que, sous la lumière de la grâce, elle fait confiance aux hommes. Elle fait confiance aux hommes dans leur histoire, parce qu’il s’agit de faire naître dans l’histoire une foi plus simple mais ô combien plus éclatante !
Saint Dominique, un saint pour aujourd’hui
Dans sa lettre du 11 février 1218, Honorius III recommandait ainsi l’Ordre : « Nous réclamons donc de votre dévouement et nous vous exhortons instamment, en vous en donnant l’ordre par cet écrit apostolique, de tenir pour recommandés, par égard pour nous et pour le Siège apostolique, les frères de l’Ordre des Prêcheurs, dont nous croyons le ministère utile et la vie religieuse agréable à Dieu ». En ces temps où l’Église est appelée à renouveler sans cesse son zèle pour l’évangélisation et ainsi à vivre de la joie d’être « en état permanent de mission », le témoignage de sainteté de Dominique n’est-il pas un appel pour aujourd’hui ? Au-delà de la mémoire du 6 août 1221, les célébrations de l’année 2021 peuvent être pour l’Ordre un temps favorable pour partager avec l’Église ce trésor reçu de Dominique : s’engager dans l’aventure de l’évangélisation ouvre, pour tout croyant, un chemin sur lequel vivre la joie d’être « ajusté » à Jésus, prêcheur.
C’est en étant prêcheur que Dominique reçut la grâce de la sainteté, et c’est la voie qu’il a ouverte à ses filles et à ses fils. Ainsi la sainteté de Dominique se prolonge dans celle de ses fils et filles, dans les contextes et les lieux où la prédication a porté des frères et des sœurs à proclamer la Parole et à œuvrer pour le bien de l’humanité. Comme Dominique, ils ont été attentifs aux signes des temps et désireux de servir la communion dans l’humanité et dans l’Église. En conjoignant une vie intense de prière pour que le monde ait la vie, engagement généreux pour la fraternité, et quête exigeante de la vérité, ils ont été apôtres comme saint Dominique ou saint Vincent Ferrier, docteurs comme saint Thomas d’Aquin et sainte Catherine de Sienne, martyrs, comme saint Pierre de Vérone.
Ces dernières années, d’autres figures ont été reconnues comme témoins de cette sainteté par la prédication, comme le frère Jean-Joseph Lataste, apôtre des prisons, Pier Giorgio Frassati, « l’homme des Béatitudes », figure si importante pour les jeunes aujourd’hui, le frère Giuseppe Girotti, martyr du nazisme, la Bienheureuse Marie Pousssepin, infatigable apôtre missionnaire de la charité, la Bienheureuse Marie-Alphonsine Ghattas et l’audace de sa fondation en Moyen Orient… Tout récemment, le frère Pierre Claverie, évêque d’Oran, a été reconnu martyr avec ses dix-huit compagnons d’Algérie. Tous ces saints et bienheureux illustrent ensemble le modèle de sainteté, progressivement promu dans l’Ordre depuis la canonisation de saint Dominique en 1234, qui tient dans la triade : prédicateur, docteur et martyr. L’Ordre aimerait proposer prochainement à l’Église le témoignage de sainteté du frère Marie-Joseph Lagrange, de Giorgio La Pira, laïc qui voua sa vie à servir la cité, Bartolome de Las Casas, Girolamo Savonarole…. Mais avec eux, tant d’hommes et de femmes, religieux et laïcs, ont trouvé en saint Dominique l’inspiration qui les fit choisir d’engager leur vie pour l’Évangile, de trouver leur vie en proclamant et témoignant de la bonne nouvelle du Royaume. Saint Dominique, une sainteté pour aujourd’hui !
C’est dans un esprit de profonde action de grâce pour cette voie de sainteté ouverte par saint Dominique que nous célébrerons l’anniversaire de sa mort au cours de l’année qui s’étendra du 6 janvier 2021 au 6 janvier 2022.
Action de grâce pour le chemin qu’il a ouvert devant nous et sur lequel nous désirons qu’être prêcheur soit notre voie de sanctification. Action de grâce pour les témoignages de tant de sœurs et de frères dont la sainteté est accueillie par l’Église comme un don précieux pour tous les fidèles. Action de grâce pour l’intercession auprès de Dieu que Dominique a promise à ses frères qui le pleuraient et qui constitue la force de la sainte prédication aujourd’hui. Et nous rendons grâce avec la conscience vive, une fois encore, que célébrer cette mémoire est en même temps une prière : que par l’intercession de Marie, la Mère des Prêcheurs, et de saint Dominique, les frères et les sœurs de l’Ordre, laïcs et religieux, apostoliques et monastiques, confirment la « sainte prédication » par leur service de l’humanité et de l’Église.
Fait à Sainte Sabine, le 6 août 2018,
Votre frère en saint Dominique,
fr. Bruno Cadoré, O.P.
Maître de l’Ordre des Prêcheurs
« O Spem miram quam dedisti mortis hora te flentibus
Dum post mortem promisti te pro futurum fratribus : Imple Pater quod dixisti nos tuis juvans precibus.
Qui tot signis claruisti in aegrorum corporibus,
Nobis opem ferens Christi, aegris medere moribus. Imple Pater… »
Prot 50/18/480 Letters to the Order
8 août 2020
Saint Dominique, fondateur de l’Ordre des Prêcheurs.
« Ô mon Père, St Dominique, vous savez que je vous aime ! Je suis entré dans votre Ordre avec l’espérance qu’un jour je serai reçu, par vous, à la porte du Ciel et conduit, par vous, aux pieds de Notre-Dame Marie Immaculée. – Accordez-moi cette grâce, à moi et à tous mes parents, d’arriver au ciel sous votre bannière. Je vous demande encore une abondante effusion de votre Esprit dans tout l’Ordre et le noviciat. » (Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel.)
Une lumière se lève
Caleruega n’avait pas un siècle d’existence lorsque Dominique y naquit, entre 1171 et 1173. Spontanément formé par l’extension progressive du peuple de la région, le village s’était installé sur une plateforme, à mi-chemin d’une colline. Il n’était devenu paroisse que depuis trente ou quarante ans. L’église paroissiale romane, toute blanche encore dans ses pierres fraîchement taillées, portait le témoignage de cette jeunesse en plein élan de son essor.
Au plus haut point de la plateforme, sur un léger éperon du terrain, une grosse tour quadrangulaire dominait les routes qui s’engageaient dans un vallon. C’était le torreón, le logis du seigneur, père de saint Dominique. Mais l’enfant ne naquit point parmi les militaires dans l’inconfortable donjon. Un sanctuaire marque à quelque cent mètres de là l’emplacement du logis où l’enfant vit le jour. Une noble marraine le porta jusqu’à la paroisse. Les fonts baptismaux dans lesquels il fut baigné ont été pieusement conservés jusqu’à nous.
La lumière de la grâce qui l’enveloppa dès l’heure de son baptême fut-elle la source de la lumière que plusieurs virent briller sur son front dès l’enfance ? Aux derniers jours de sa vie, « cette sorte de splendeur » qui rayonnait sur son front, ou filtrait entre ses cils baissés pour la prière, « attirait le respect et l’affection de tous ». Transparence du regard d’un enfant au cœur spécialement aimant et pur ? Ou déjà grâce propre d’un saint dont l’unique espérance, à la suite du Christ et des apôtres, serait d’ « illuminer les hommes assis dans les ténèbres à l’ombre de la mort » ?
Sa mère, en effet, l’avait reçu en grand esprit de religion et orienté dès le premier jour en son cœur vers la cléricature. Jeanne, dont l’histoire a conservé le souvenir de beaux traits de miséricorde, lui transmit assurément sa vive sensibilité à la misère d’autrui, à toutes les misères. (Marie-Humbert Vicaire, o.p. – Saint Dominique, DDB, 1957.)
8 août 2020
Saint Dominique par le P. Lagrange
La sainteté consiste dans l’imitation de Notre Seigneur. Mais personne ne peut reproduire entièrement toutes les perfections de ce divin modèle. Il m’a bien fait comprendre ce matin que je devais m’appliquer surtout à retracer en moi les traits de notre Père saint Dominique. De même que Marie est pour tous les chrétiens l’océan des grâces, le seul réservoir qui nous les distribue, saint Dominique est le fleuve qui nous les apporte. Or il eut surtout, en particulier, l’esprit de prière, de pénitence, de dévotion envers la Sainte Vierge par le Rosaire, le zèle des âmes : la contemplation dans la vie active. J’ai cru comprendre aussi comment la vie apostolique avait peut-être moins de danger d’orgueil que la vie érémitique.
Demander bien assidûment l’esprit de saint Dominique.
“Ô mon Père, saint Dominique, vous savez que je vous aime ! Je suis entré dans votre Ordre avec l’espérance qu’un jour je serai reçu par vous à la porte du Ciel et conduit par vous aux pieds de Notre-Dame Marie Immaculée. – Accordez-moi cette grâce, à moi et à tous mes parents d’arriver au ciel sous votre bannière., …
Je vous demande encore une abondante effusion de votre Esprit dans tout l’Ordre et le noviciat. Fiat spiritus tuus in me duplex” [2 R 2,9]. [Que me revienne une double part de ton esprit !]
(Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel.)
Illustration Saint Dominique par Joseph Aubert (19e). Basilique Saint-Étienne. Jérusalem.
6 août 2020
La Transfiguration du Christ sur le mont Thabor
Jésus prend les mêmes disciples [Pierre, Jacques et Jean] au Thabor et au jardin des Olives : c’est par zèle qu’il a voulu les préparer par la Transfiguration.
De même l’instruction qu’il donne après la multiplication des pains : il saisit le moment propice pour augmenter la foi.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, p. 35)
Illustration : Transfiguration. Le Pérugin (15e)
5 août 2020
Souvenir de l’Inauguration et bénédiction de l’avenue du Père Lagrange en ce samedi 21 juillet 2012 à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var)
En ce samedi 21 juillet 2012, veille de la fête de sainte Marie-Madeleine, apôtre des apôtres, a eu lieu à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume l’inauguration et la bénédiction de l’avenue Père Lagrange, dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, en présence du maire de la Ville, du président du Conseil Général du Var et de nombreux amis des frères dominicains.
Mgr. Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, a béni cette nouvelle avenue ainsi que la nouvelle sculpture « Père Marie-Joseph Lagrange », œuvre d’un artiste local, Mathieu Myskowski.
Un lunch a suivi la cérémonie. Des représentants des medias s’y étaient déplacés pour témoigner de cet événement.
Les sœurs moniales dominicaines de Saint-Maximin se sont réjouies de cette démarche de la mairie.
Je vous confie à l’intercession du serviteur de Dieu, le frère Marie-Joseph Lagrange.
Fr. Manuel RIVERO, O.P.
4 août 2020
Fête du saint curé d’Ars 2020
Il y a un an, le 4 août 2019, le pape François écrivait une lettre aux prêtres
Chapelet avec le curé d’Ars, par le frère Manuel Rivero O.P.
L’an dernier, le 4 août 2019, le pape François avait envoyé une « Lettre aux prêtres à l’occasion des 160 ans de la mort de saint Jean-Marie Vianney,
le curé d’Ars ». Très beau message où le Saint Père partage les souffrances et les joies apostoliques des prêtres du monde entier.
Le pape François pointe la tentation subtile qui menace ceux qui ont décidé de mener le combat spirituel pour Jésus : l’acédie, « douce tristesse », attitude de découragement et de lassitude, « le plus apprécié des élixirs du démon » selon l’expression de l’écrivain catholique Georges Bernanos. Le « bof », « je n’ai pas envie », « ça ne me dit rien », « une autre fois ». C’est ainsi que la prière et le service sont renvoyés à plus tard.
Le curé d’Ars appelait le diable ou Satan : le « Grappin », instrument utilisé par les paysans pour arracher les pommes de terre. Le diable cherche à arracher les âmes au Christ Jésus par la tentation du découragement.
La Vierge Marie, Immaculée Conception, a occupé une grande place dans la vie, la prière et la prédication du saint curé d’Ars, patron des curés du monde entier, que l’Église célèbre dans sa liturgie le 4 août.
Nous allons prier les mystères lumineux du Rosaire à la lumière de la vie et du ministère de saint Jean-Marie Vianney, connu comme le saint curé d’Ars.
Né le 8 mai 1786 à Dardilly, le saint curé est parti vers le Père le 4 août 1859 à l’âge de 73 ans. Lors de son arrivée à Ars, village de 230 habitants, le saint curé s’était exclamé : « Que c’est petit ! » Maintenant, Ars reçoit chaque année des centaines de milliers de pèlerins.
Au garçon, Antoine Givre, qui l’avait orienté sur sa route, près d’Ars, le saint curé avait dit : « Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du Ciel ». Un monument commémore aujourd’hui cette rencontre devenue un symbole de la Providence.
Le père Jean-Marie Vianney aimait le rosaire. Dans sa ferveur apostolique, il avait fondé plusieurs Confréries du Rosaire, persuadé dans la lumière de la foi que la prière des membres de la Confrérie contribuait au salut de chacun.
Plusieurs événements le relient à la vie dominicaine. Le père Lacordaire, grand prédicateur de Notre-Dame de Paris, s’était rendu à Ars pour écouter, au bas de la chaire, la prédication de ce prêtre qui avait souffert de ses limites intellectuelles au séminaire. En effet, Jean-Marie Vianney avait eu du mal à faire des études de philosophie et de latin. Ayant pris du retard dans sa formation scolaire pour des raisons étrangères à sa volonté, il faillit être écarté de la prêtrise, mais le discernement spirituel des responsables de l’Église le sauva de cette menace.
Par ailleurs, Élisabeth Falsan, épouse Lagrange, la maman du futur père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, amena son fils alors qu’il était bébé et malade au curé d’Ars qui le bénit. Par la suite, le frère dominicain Marie-Joseph Lagrange se rendit, au cours de ses études théologiques, à Ars pour rencontrer le saint curé. À l’occasion de la pose de la première pierre de l’École biblique de Jérusalem, le père Lagrange choisit d’enfouir un fragment de la soutane du curé d’Ars dans ses fondations, signe de la vocation de l’École à servir la formation des prêtres et le salut des âmes.
Faisons maintenant le signe de la croix qui est le signe de l’amour de Dieu pour nous :
Tous : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Commençons notre prière en récitant le Credo, le Notre Père et trois Ave Maria.
Premier mystère lumineux : le baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain
Commencement de l’Évangile selon saint Marc : « Jean le Baptiste fut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. Et s’en allaient vers lui tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem, et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés.
Jean était vêtu d’une peau de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il proclamait : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint. »
Le baptême chrétien est donné pour la rémission des péchés. Il ne s’agit pas d’un simple rite mais du don de l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, qui lave l’âme des baptisés et la comble de la gloire de Dieu.
Le saint curé d’Ars a voué sa vie à la réconciliation des pécheurs avec le Christ. Le pardon accordé dans la confession des péchés fait briller la lumière du baptême. Véritable recréation de l’homme à l’image de Dieu.
Le père Jean-Marie Vianney passait des journées entières au confessionnal. Des pèlerins, par milliers, en ressortaient libérés de leurs fardeaux : « Le bon Dieu au moment de l’absolution jette nos péchés par derrière ses épaules, c’est-à-dire il les oublie, il les anéantit : ils ne reparaîtront plus jamais. » ; « Il ne sera plus question des péchés pardonnés. Ils ont été effacés, ils n’existent plus ! », disait-il.
À l’exemple de Jésus, le saint curé d’Ars aimait les pécheurs et il combattait le péché, l’orgueil et la haine de Dieu.
Lors du Synode sur l’Europe, les évêques faisaient remarquer que « le défi n’est pas tant de baptiser les nouveaux convertis que de conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile. »
Cet amour envers sa paroisse et ses paroissiens apparaît dans le baiser de sa nouvelle terre de mission. Les prêtres ne se donnent pas les missions ; ils les reçoivent. Le saint curé d’Ars a embrassé la terre d’Ars et sa mission dans un village tout petit. Le saint pape Jean-Paul II, qui a visité Ars en pèlerin, se plaisait à rappeler que jeune vicaire de paroisse imitait le saint curé en s’agenouillant pour embrasser la terre de sa mission ; ensuite, il se rendait devant le Saint-Sacrement et il se présentait au curé. »
Il est impossible d’évangéliser sans aimer. Pour évangéliser et convertir il s’avère nécessaire de prier et d’aimer les personnes comme Jésus les aime.
Le saint curé a reçu sa paroisse des mains de Dieu. « Mon Dieu, convertissez ma paroisse ! », priait-il sachant que seule la grâce de Dieu peut accomplir des merveilles dans une âme. Tout est grâce ! Dieu seul convertit.
Prions pour ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme.
Prions pour la conversion pastorale des paroisses, qu’elles deviennent de plus en plus des paroisses missionnaires !
Prions pour les paroisses, communautés de communautés, qu’elles soient sacrement de la rencontre du Christ avec son Église et avec l’humanité.
Notre Père. Avec Maria. Gloria.
Deuxième mystère lumineux : les noces de Cana
De l’Évangile selon saint Jean : « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. Or, il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
Le saint curé d’Ars ne se lassait pas de prier la Vierge Marie en reprenant le « Je vous salue Marie ». La prière du rosaire évoque les couronnes de roses. Le père Jean-Marie Vianney comparait la prière mariale au parfum qui embaume tout ce qu’il touche. La prière parfume du saint parfum du Christ ceux qui se tournent vers la mère de Jésus.
Deux images bien parlantes illustrent sa prédication sur la Vierge Marie. Marie, invoquée dans les litanies comme la porte du Ciel, est présentée comme « la portière du Ciel », le Christ Jésus étant la porte qui nous introduit dans la demeure du Père.
La mère de Jésus est vue aussi comme « celle qui tient l’échelle pour monter au Paradis ». Seul Jésus conduit au Père : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Le Fils de Dieu est descendu du Ciel pour que nous montions par lui à la gloire du Père. L’échelle, c’est lui ! Et à l’heure de la mort, Marie intercède pour les pécheurs et les accueille à la Porte du Ciel.
Le saint curé d’Ars montre ainsi son sens théologique juste et innovant.
« Chef-d’œuvre de Dieu », « la plus belle des créatures », Marie intercédait sur les besoins de la paroisse d’Ars comme aux noces de Cana. Le saint curé consacra sa paroisse à Marie, conçue sans péché, Immaculée Conception, si aimée des Lyonnais, le 1er mai 1836.
Confions à l’intercession de la Vierge Marie les besoins de l’Église et de l’humanité : « Ils n’ont pas de santé ! » ; « ils n’ont pas de liberté religieuse ! » ; « ils n’ont pas de travail ! » ; « ils n’ont pas d’amour ! ».
Rendons grâce à Dieu pour les merveilles qu’Il accomplit à travers le ministère des prêtres.
Notre Père. Ave Maria. Gloria.
Troisième mystère lumineux : Jésus dans la synagogue de Nazareth
De l’Évangile selon saint Luc : « Jésus vint à Nazareth où il avait été élevé, entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. »
Jésus replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture. »
Aumônier de la prison de Domenjod (Saint-Denis/La Réunion), j’ai évoqué un jour en prédication l’acédie qui peut tenailler et anéantir le moral des personnes détenues. Un jeune m’a demandé des éclaircissements à la fin de la messe : « Si j’ai bien compris « acédie » est le contraire d’ « assidu ». Oui, admirable comparaison dans l’analyse spirituelle de ce jeune condamné qui n’avait pas fait d’études en théologie.
Pour avancer dans le service du Seigneur il faut durer, rester assidus à la prière et aux rassemblements communautaires dont la messe.
Le saint curé d’Ars constatait que « plus on prie, plus on veut prier ». Comme à table, l’appétit vient en mangeant. C’est en priant que le goût de la prière revient après des temps de sécheresse.
Le témoignage évangélique et la catéchèse nourrissent la contemplation et la foi. Le saint pape Jean-Paul II enseignait que « la foi grandit quand on la partage ». Les baptisés et les prêtres se nourrissent de la connaissance de Dieu en annonçant la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.
Il arrive que des personnes me disent avec compassion : « Les gens ne croient plus. Votre mission de prêtre doit être difficile. » Je réponds que les financiers aimeraient avoir le même retour sur l’investissement que je découvre dans l’annonce de l’Évangile. C’est en transmettant et en expliquant le mystère de Dieu, révélé dans la Bible, que les laïcs et les prêtres font leurs les paroles de Jésus dans la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit cette parole. » L’apostolat ne va pas sans fatigue, mais il apporte aussi la joie de contempler les merveilles de Dieu qui fait briller le visage de la lumière du Christ. La contemplation ne se trouve pas uniquement dans la solitude. Les chrétiens voient Dieu en toute chose et ils contemplent toute chose dans la lumière de Dieu.
Le ministère des prêtres ne représente pas une déperdition de l’énergie divine reçue dans la prière et l’étude des saintes Écritures. Tout au contraire, c’est en transmettant la Parole de Dieu que le prêtre assiste aux merveilles accomplies dans les sacrements où Jésus vivant rencontre et sauve les hommes.
Prions pour les prêtres généreux et créatifs, prions aussi pour les prêtres fatigués, déçus et malades.
Prions pour le renouveau de l’évangélisation. Que les prêtres soient remplis du courage et de la force de l’Esprit Saint !
Notre Père. Ave Maria. Gloria.
Quatrième mystère lumineux : La transfiguration de Jésus
De l’Évangile selon saint Luc : « Or il advint, environ huit jours après ces paroles, que, prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, Jésus gravit la montagne pour prier. Et il advint, comme il priait, que l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement d’une blancheur fulgurante. »
Saint Luc est le seul évangéliste à préciser que Jésus s’est manifesté transfiguré, lumineux, tandis qu’il priait. La prière transfigure, illumine.
Pour le curé d’Ars, « la prière n’est pas autre chose qu’une union avec Dieu » ; « la prière est une douce amitié, une familiarité étonnante … C’est un doux entretien d’un enfant avec son Père. »
Le curé d’Ars priait de manière personnalisée pour ses paroissiens. Il avait fait marquer sur un ruban les noms de tous ses paroissiens. Et il avait suspendu ce ruban à la statue de la Vierge Marie, sur son cœur.
Il parlait de Dieu aux hommes, mais surtout, et avant tout, il parlait à Dieu de tous ceux qu’il rencontrait.
Louons le Seigneur pour les prêtres, les catéchistes et les parents qui initient à la prière.
Louons le Seigneur pour les enfants qui ont le bonheur de découvrir la prière dans la Bible et surtout la prière de Jésus dans l’Évangile.
Notre Père. Ave Maria. Gloria.
Cinquième mystère lumineux : La Cène
De l’Évangile selon saint Matthieu : « Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »
« Il n’y a rien de si grand que l’Eucharistie », s’exclamait le curé d’Ars. Le Corps du Christ n’est pas une récompense pour les purs. C’est pourquoi le père Jean-Marie Vianney prêchait : « Ne dites pas que vous n’en êtes pas digne. C’est vrai : vous n’en êtes pas digne, mais vous en avez besoin. »
Les prêtres continuent l’œuvre de la Rédemption : c’est le Christ qui parle et qui baptise par eux, c’est le Christ qui consacre le pain et le vin à travers leurs paroles …
« Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ ne serviraient de rien » , déclarait le saint curé d’Ars.
Au mois de juin dernier, lors de la messe de fin d’année à l’école du Sacré-Cœur, deux enfants sont venus à ma rencontre dans la cour pour me saluer. Une petite fille de 7 ans me dit : « Tu viens à la place de Jésus. » Belle théologie du sacerdoce où le prêtre agit « in personna Christi capitis », c’est-à-dire « dans la personne du Christ, Tête de l’Église ». Le prêtre représente le Christ, il le « rend-présent ». Lieutenant du Christ, le prêtre « tient-lieu » du Christ. C’est le Christ qui consacre comme l’explicite la prière eucharistique : « C’est pourquoi nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons. Sanctifie-les par ton Esprit … ».
En 1990, le cardinal Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, avait enseigné lors du Symposium de Philadelphie sur la mission et la formation des prêtres : « La charge effrayante de l’Eucharistie réside en ce que le prêtre a le droit de parler avec le « Je » du Christ. Devenir prêtre et être prêtre implique un constant mouvement vers une telle identification. »
Prions le Père d’envoyer des vocations presbytérales à son Église.
Prions pour les séminaristes et pour les formateurs dans les séminaires.
Confions au Saint-Esprit les prêtres qui se sentent seuls ou isolés afin qu’ils retrouvent auprès de leur évêque et des fidèles soutien et réconfort.
Prions pour l’amitié entre les prêtres, source de joie et de dynamisme missionnaire.
Notre Père. Ave Maria. Gloria.
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Prière attribuée au curé d’Ars
Acte d’amour
« Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie.
Je vous aime, ô Dieu infiniment aimable, et j’aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer.
Je vous aime, ô mon Dieu, et je ne désire le ciel que pour avoir le bonheur de vous aimer parfaitement.
Je vous aime, ô mon Dieu, et je n’appréhende l’enfer que parce qu’on n’y aura jamais la douce consolation de vous aimer.
Ô mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tout moment que je vous aime, du moins je veux que mon cœur vous le répète autant de fois que je respire.
Ah ! Faites-moi la grâce de souffrir en vous aimant, et de vous aimer en souffrant, et d’expirer un jour en vous aimant et en sentant que je vous aime.
Et plus j’approche de ma fin, plus je vous conjure d’accroître mon amour et de le perfectionner. Ainsi soit-il. »
Bénédiction : Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Saint-Denis (La Réunion), le 30 juillet 2020.
2 août 2020
Et ayant donné l’ordre de faire étendre les foules sur l’herbe et pris les cinq pains et les deux poissons, levant les yeux vers le ciel, il dit la bénédiction, et après les avoir rompus, il donna les pains aux disciples, et les disciples les distribuèrent aux foules. Et ils mangèrent tous et furent rassasiés. (Matthieu 14, 19-20.)
Le père Lagrange commente dans un extrait : Alors Jésus solennellement, car tous les évangélistes ont remarqué qu’il pria, leva les yeux au ciel, prononça la bénédiction et rompit les pains qu’il remit à ses disciples pour être distribués. De même pour les poissons. Tous mangèrent à leur faim. Puis Jésus ordonna qu’on ramassât les restes, consistait à ramasser les miettes de pain tombées de la table.
L’intention de Jésus est assez évidente, de donner à cette réfection improvisée, qu’on aurait pu prendre sur le pouce, le caractère d’un vrai repas. […] Il serait faux de dire que le sacrement de l’eucharistie fut institué ce jour-là en faveur de toute une foule. Mais c’était déjà un prélude que le Maître proposait à la réflexion.
(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège Lethielleux, p. 243-244.)
Ilustration : Le miracle des cinq pains et deux poissons (détail) par Raffaellino del Garbo (1503)
2 août 2020
Le père Lagrange dans l’arène (1904-1911)
Le 4 juillet [1907] un décret du Saint-Office [Lamentabili sane exitu] était publié condamnant soixante-cinq propositions sans nom d’auteur. […] Ainsi mis en éveil, il [Lagrange] avait promptement retrouvé quelques-uns des passages de ses écrits, livres ou articles, dont l’auteur des propositions aurait pu s’inspirer avec plus ou moins de liberté. Le résultat faisait la preuve que l’immense et obscure proposition était composée de mots empruntés au père Lagrange dans une bonne demi-douzaine de passages hétéroclites, arrachés à leur contexte et recousus ensemble au moyen de quelques particules complaisantes : or, car, mais, etc. qui dissimulaient le rapiéçage tendancieux. […] Le R.P. général se contenta de remercier le P. Lagrange de lui avoir fourni cette documentation […] et sans donner le moindre éclaircissement […] lui renouvela les conseils de prudence et de soumission à l’Église.
Mon maître ne devait avoir que longtemps après et tout à fait fortuitement la clef de l’énigme. Sa Sainteté Pie X avait en haute estime le P. Cormier, dont il avait fait, si je ne me trompe, son confesseur. Dans un entretien privé, il lui demanda un jour s’il connaissait vraiment bien le P. Lagrange, ses dispositions religieuses et le caractère de son activité exégétique. Sur la réponse très nettement affirmative que le Général se sentait tout à fait en droit de donner, puisqu’il l’avait lui-même admis à la vie dominicaine, avait suivi toute sa formation et depuis des années contrôlait personnellement ou par des théologiens de son choix toute sa production scientifique, le pape prit dans son bureau un dossier qu’il tendit au P. Cormier en disant : « Alors je désirerais avoir votre avis sur ces propositions, tirées des écrits du P. Lagrange. On m’assure qu’il manque de solide formation théologique et on me presse en ce moment de condamner les théories exprimées ici, qui méritent en effet de l’être. Le P. Cormier prit la liberté de signaler que le père Lagrange avait donné depuis longtemps d’assez sérieuses preuves de son savoir théologique pour que l’Ordre ait pu lui conférer canoniquement la maîtrise. La lecture des propositions le persuada d’emblée qu’elles ne représentaient d’aucune façon les idées du P. Lagrange et il s’en porta garant auprès du souverain pontife. […]
(Nous vous conseillons de lire la suite dans le livre passionnant du fr. Louis-Hugues Vincent : Le père Lagrange. Sa vie et son œuvre. Parole et Silence, 2013.)
Illustration : Bienheureux Hyacinthe-Marie Cormier (1832-1916) et le Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange (1855-1938).
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