26 octobre 2023
« Je suis venu jeter un feu sur la terre ; et combien je désire qu’il soit déjà allumé ! … Mais je dois recevoir un baptême : et combien je suis angoissé jusqu’à ce qu’il soit accompli ! … (Luc 12, 49-50) ».
Le P. Lagrange nous dit : Jésus était aimé, et ceux qui s’attachaient à lui éprouvaient le désir d’aimer Dieu davantage. Il voyait d’avance le feu nouveau de charité qui devait consumer les cœurs. Il s’écria : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et combien je désire qu’il soit déjà allumé ! » Mais, c’est en donnant sa vie pour les hommes qu’il touchera leur cœur ; il voudrait que cette heure soit passée, parce que la partie sensible de son âme répugne à tant de souffrances et parce qu’alors qu’alors seulement se répandra cette flamme, cette effusion d’amour qu’il souhaite si fort. Il compare sa Passion à un baptême : « Mais je dois recevoir un baptême, et combien je suis angoissé, jusqu’à ce qu’il soit devenu un fait accompli ! » […] Ce que Jésus avait déjà annoncé des persécutions qui attendent ses messagers, il l’embrasse d’un coup d’œil sous le côté le plus pénible à son Cœur aimant, une longue suite de dissensions et de querelles. Si du moins elles n’étaient qu’entre ses disciples et ceux du dehors !
(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, (extraits), Artège, 2017.)
Photo : Centro Aletti.
Abbaye Bec-Hellouin
25 octobre 2023
La vérité de la Bible
Un défi passionnant à relever par les étudiants.
Dans son discours d’inauguration de l’École biblique, le 15 novembre 1890, fête de saint Albert le Grand, prénom de son baptême, le père Lagrange écrit :
« Il y a [dans la Bible] en histoire, en philologie, en archéologie, en morale, des problèmes qui ne seront pas de longtemps résolus, et qui nous touchent de si près que leur intérêt ne faiblit pas. Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité. Car ce que j’admire le plus dans la doctrine catholique, c’est qu’elle est à la fois immuable et progressive. Pour l’esprit ce n’est pas une borne, c’est une règle. Elle s’impose à lui, mais elle sollicite son activité ; elle aime être examinée de près parce qu’elle se sait sans reproche : les grandes intelligences qui ont fait éclater le cadre étroit de tant de religions, se trouvent à l’aise dans ses limites, et peuvent se livrer à loisir à leur passion dominante, le progrès dans la lumière. La vérité révélée ne se transforme pas, elle grandit. C’est une évolution, mais une évolution qui a pour cause première le Dieu révélateur, pour point de départ les dogmes, pour appui l’autorité de l’Église. C’est un progrès, parce que les acquisitions nouvelles se font sans rien enlever aux trésors du passé. » [1]
Prions pour les étudiants avides de lumière mais menacés souvent de déception et de scepticisme. Puissent l’exemple et l’intercession du père Lagrange éveiller le meilleur d’eux-mêmes à la recherche critique de la vérité, à l’écoute de la Parole de Dieu et à la mise en pratique – toujours difficile – des enseignements révélés.
[1] Marie-Joseph LAGRANGE, L’Écriture en Église. Choix de portraits et d’exégèse spirituelle (1890-1937). Présentation par M. Gilbert, s.j., collection « Lectio divina » n°142, Paris, Éditions du Cerf 1990, p.104.
24 octobre 2023
Dans l’évangile selon saint Luc (12, 37-38), Jésus dit cette parabole : Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera veillant ! En vérité, je vous dis qu’il se ceindra, et les fera mettre à table et se présentera pour les servir. Et s’il vient à la deuxième ou à la troisième veille et qu’il trouve les choses ainsi, heureux sont ces serviteurs !
Commentaire du P. Lagrange : C’est ce que Jésus exprime tout d’abord par le tableau de la fidélité, et de la récompense vraiment inouïe qui la couronne.
Un maître s’est fait attendre ; il était à une noce, retenu par conséquent jusqu’à une heure avancée. Les serviteurs veillaient, tenant les lampes allumées, et, quand il a heurté à la porte, ils lui ont ouvert aussitôt, prêts à le conduire chez lui à la lumière. Mais lui, ravi de ce zèle, les fera mettre à table, se ceindra et les servira. Hyperbole si l’on s’en tient aux usages, mais propre à indiquer une condescendance infinie de la part de Dieu, car on comprend que c’est lui qui va frapper à la porte. Les choses se passeront de la même façon pour le monde entier à l’avènement du Sauveur, mais ici le sort de chaque âme est en jeu, comme dans le cas du riche insensé ; l’arrivée du maitre, c’est le moment qu’attend le bon serviteur, et c’est le Fils de l’homme qui vient, qui le fait asseoir à son banquet.
(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
18 octobre 2023
Comment lire la Sainte Écriture : Évangile selon saint Luc
Par Marie-Joseph Lagrange, o. p.
Extrait de La Vie dominicaine, Saint-Maximin (Var) Juin-Décembre 1936. L’Écriture en Église, coll. « Lectio divina », n° 142, Éd. du Cerf, Paris, 1990, p. 185-217.
Pendant que Pierre annonçait l’évangile à Rome surtout aux juifs qui y étaient très nombreux, Paul, au moment où il s’apprêtait à anéantir le christianisme naissant à Damas, fût éclairé par Jésus-Christ en personne, converti, destiné à convertir ses coreligionnaires, et plus encore les païens. Antioche était alors la reine de la Syrie, l’intermédiaire du commerce entre l’Orient indépendant de Rome et le grand empire gréco-latin. Elle était aussi le principal foyer de la culture grecque après Athènes et Alexandrie. C’est là que les disciples de Jésus furent nommés Chrétiens. Ces nouveaux convertis se souciaient peu des origines juives de l’évangile : elles eussent été plutôt un obstacle. Ce qu’attendaient les âmes religieuses, mal satisfaites de religions impures, même sous leur forme la plus élevée, c’était un Sauveur, qui leur accordât le pardon de leurs péchés, qui les aidât à pratiquer une vie meilleure. Les juifs leur avaient offert de les initier à leur Loi, mais à la condition d’être incorporés au judaïsme. Ils comprenaient mal que le Dieu créateur du monde n’eût pas disposé en faveur de tous les hommes une religion universelle, embrassant toutes les nations, demeurées libres de rester ce qu’elles étaient dans l’ordre humain.
C’est précisément ce que prêchait Paul, qu’il n’y avait plus ni juifs, ni Grecs, mais seulement des fidèles du Christ, associés par la foi à sa mort et à sa résurrection. Ajoutons que l’élite intellectuelle de ces convertis avait été formée dans le culte des Bonnes-Lettres. Plus le thème du discours était élevé, plus sa composition devait être ordonnée, chaque genre suivant ses règles. Déjà on avait inauguré le genre de la biographie des hommes célèbres. Athènes, et plus encore Rome, avaient le culte de ces grands esprits ou de ces grands capitaines qui avaient inauguré de nouveaux systèmes de philosophie ou de religion, qui avaient défendu et agrandi la patrie. Si Jésus n’avait pas régné par les armes, sa pensée avait inauguré des rapports nouveaux entre Dieu et les hommes, entre tous les membres de l’humanité. Il avait donc droit à une biographie plus conforme au genre historique que la polémique de Matthieu ou les traits épars recueillis par Marc d’après la prédication de Pierre. Précisément Paul avait parmi ses compagnons un médecin qui probablement s’était attaché à lui pour le soigner et avait été associé à son activité apostolique. Sorti de la gentilité avec une culture déjà complète, il se proposa d’adresser à un homme distingué, comme c’était l’usage, une esquisse de la vie de Jésus-Christ qui fixât par écrit ce que savaient pour en avoir été témoins, les premiers apôtres. Sous leur patronage, les chrétiens de l’avenir pourraient garantir la vérité des faits, à peu près dans l’ordre où ils s’étaient passés.
On voit quel programme s’imposait au médecin Luc. Il n’avait pas à exposer la doctrine particulière de Paul postérieure à la prédication de Jésus. Il n’avait pas non plus à rechercher toutes les influences sous lesquelles s’était formée la pensée et la vie religieuse du Christ, puisque, Fils de Dieu incarné, il tenait d’en haut les dons propres à son ministère. Mais la nouveauté même de son enseignement devait mieux paraître en le comparant à celui de ses adversaires ; sa vie devait mettre en scène dans une certaine mesure les Pharisiens et les Sadducéens, Hérode la principale figure d’un petit état, et ses successeurs. Cependant, comme l’évangile s’adresse à toute la terre habitée, c’est-à-dire avant tout à l’empire romain, Luc élargit le cadre palestinien et rattache l’origine de l’évangile aux destinées de l’empire. Avec une hardiesse inouïe, il met au-dessus d’Auguste, tant de fois salué bienfaiteur du genre humain, l’enfant né dans une étable comme le véritable Sauveur. Sa généalogie ne remonte pas seulement à Abraham, elle commence à Adam, le premier père, sorti des mains de Dieu.
À lire saint Matthieu, le Christ était venu pour accomplir la promesse faite par Dieu à Israël. Les Gentils ne pouvaient alléguer ce titre, en quelque sorte légal. Pourquoi donc le Messie des juifs, le Christ, était-il venu les chercher ? Au titre de sa miséricorde pour les pécheurs. De là, dans le troisième évangile, tant de traits où les anciens pères dans leurs homélies, ont vu des appels de la bonté divine, devenue dans l’homme-Dieu une véritable compassion, une souffrance du cœur envers la misère physique et surtout morale. Rappelez-vous Jésus consolant la veuve de Naïm : Ne pleurez pas ! Voyez la pécheresse en larmes à ses pieds, et Lui récompensant ce grand amour par le pardon. Lisez et relisez la navrante aventure du fils prodigue, où éclate la joie du Père qui recouvre son enfant, en face de la froideur du fils aîné, qui n’a jamais eu rien à se faire pardonner, ne se doutant pas que cette protestation contre la miséricorde est une grave offense.
Les Gentils, même l’austère romain saint Grégoire, ne pouvait lire ces histoires sans pleurer, parce que dans le coupable que poursuivait Jésus de son amour, ils croyaient reconnaître leur monde à eux, cette gentilité qui avait vécu sans Loi religieuse, et qui n’avait qu’à croire à un amour éternel pour obtenir son salut.
Naturellement Luc, en quête de témoignages assurés, ne pouvait négliger celui de Pierre, déjà fixé par saint Marc, et il s’est servi du second évangile. Mais sa fidélité envers cette source de premier ordre nous garantit qu’il n’a pas été moins prudent, et, comme on dit aujourd’hui, moins critique dans ses enquêtes auprès des autres, de ceux qui ont tout vu dès le commencement et ont été les ministres de la parole.
Dès le commencement ! Quel témoin a connu le commencement de l’évangile dont Jésus-Christ était le sujet ? Une seule personne, Marie sa mère, dont Dieu a voulu avoir le consentement, avant de réaliser l’œuvre de la bonne nouvelle. Et lorsque Luc souligne par deux fois (Lc 2,19 ; 2,51). que Marie conservait dans son cœur tout cela, paroles et faits, selon le sens compréhensif du terme hébreu, n’est-ce pas une manière délicate de nous dire qu’il reproduit les confidences de Marie, peut-être déjà écrites par un très ancien ami parmi les âmes choisies de Nazareth ou de l’entourage de Zacharie.
C’est donc à saint Luc et par lui à Marie, que les âmes dominicaines doivent les cinq mystères joyeux qu’elles s’attachent à contempler. Une fois entrées en communication avec cet écrivain si éclairé sur ces mystères elles reconnaîtront dans le troisième évangile les mêmes touches émues et délicates qui attendrissent le cœur et le remplissent d’une immense espérance dans son Sauveur.
Et certes voilà un fruit bien suffisant de la lecture de ces pages qui ont leur source dans une âme vierge. Faut-il ajouter, non pour satisfaire le simple goût littéraire exprimé par Renan, qui jugeait ce petit livre exquis, mais pour mieux comprendre sa place dans le chariot sacré des Quatre, que Luc a résolu de la façon la plus heureuse le problème de faire comprendre et goûter aux Grecs une histoire juive, sans altérer en rien son inviolable vérité ? Selon un canon d’élégance reçu chez les partisans des Attiques, il n’entre pas dans des détails qui paraissent superflus, peu dignes de la grande histoire. Il a donc suivi Marc en l’abrégeant, en prêtant quelque élégance aux tournures de ce paysan illettré. Quand un trait était trop propre à la Palestine, il a quelque peu transformé l’image. On ne voit pas chez lui un torrent dévastateur amené par une simple pluie (Mt 7, 25 ; Luc 6, 49), c’est un fleuve qui déborde. Les toits rustiques de Galilée faits de terre tassée (Mc 2, 4 ; Luc 5, 19) sont par Luc, ornés de tuiles. Bien d’autres traits sont caractéristiques par l’exclusion de certains mots, moins goûtés, moins élégants. Luc n’affecte pas, comme plus tard Victor Hugo, de mettre sur le même rang les termes nobles et les termes roturiers.
Amusez-vous, si vous en avez le goût, à poursuivre ces minuties : vous en retirerez du moins ce résultat de vous convaincre de la solidité du fond, garantie parce que les changements ne portent pas sur le sens, tel que Marc par exemple l’avait fait ressortir sous une forme plus vulgaire, probablement plus primitive, même s’il s’agit des paroles de Jésus. Le Maître mesurait avec une condescendance délicate son enseignement à la capacité de ses auditeurs. Son évangéliste a eu la même indulgence pour des goûts plus délicats.
Les trois premiers évangiles annonçaient clairement, de la part de Jésus, et avant que sa génération eût disparu, la ruine de Jérusalem et du Temple. Ce n’est pas, comme les juifs d’aujourd’hui se complaisent à le dire, que leurs ancêtres aient été chassés de leur pays. L’accès de Jérusalem seul leur fût interdit ; le culte du Dieu d’Israël au mont Sion n’existait plus, en attendant qu’il fût remplacé par celui de Jupiter Capitolin. Une saine critique affirme que les trois premiers évangiles sont antérieurs à cet événement capital, car nulle part ils ne font gloire au Christ de sa prophétie accomplie ; elle est plutôt enveloppée dans la perspective de la fin du monde. Cette perspective flottante est l’une des énigmes les plus difficiles que vous rencontrerez en lisant l’Évangile : elle est cependant la preuve la plus solide que les évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc sont antérieurs aux faits et émanent par conséquent de la génération à laquelle a appartenu Jésus.
16 octobre 2023
Sainte Marguerite-Marie Alacoque (+ 1690) à Paray-le-Monial
« Combien la dévotion au Sacré-Cœur dans la vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie est sanctifiante. Quel feu consumant ! » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel.)
Par son arrière-grand-mère, Jeanne Aumônier, le père Lagrange était apparenté à sainte Marguerite-Marie Alacoque. Cette parenté – supposé, mais très vraisemblable – n’est pas l’explication unique à l’intérêt que le P. Lagrange portait à Marguerite-Marie Alacoque. En effet, le nom de celle-ci vient plusieurs fois sous sa plume. Mieux vaut parler de dévotion lorsque le P. Lagrange, le 15 janvier 1935, souhaite auprès de l’assistant français du maître de l’Ordre que le chapitre général introduise la fête de sainte Marguerite-Marie au calendrier des Prêcheurs. « Sa mission dans l’Église, écrit-il, se révèle de plus en plus efficace : il semble que sa fête nous attirerait les grâces du Sacré-Cœur. ». De même quand, le 5 janvier 1936, il recommande au P. Lyonnet, jésuite, qui faisait son troisième an à Paray-le-Monial, de prier sainte Marguerite-Marie pour lui.
(Bernard Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf. 2004).
15 octobre 2023
Mémoire de Sainte Thérèse d’Avila. Vierge et Docteur de l’Église
Ce que le Père Lagrange doit à Thérèse d’Avila
La ferveur thérésienne ne se borne pas aux années de noviciat. La retraite annuelle, au long de la vie active du P. Lagrange, lui permet de se plonger à nouveau dans les écrits de la sainte. Toutes les citations qui suivent ont été écrites durant une retraite.
Au passage, il note « belle doctrine », ou encore « belle pensée » de sainte Thérèse. ».
Il s’exclame : « Mon Dieu, votre lumière est admirable ! Soyez béni de l’avoir prodiguée à votre fidèle servante, Thérèse de Jésus ! »
Il rend grâce ainsi : « Lu les Moradas de ma chère sainte Thérèse : quelle clarté, quelle suavité, quel entraînement d’amour de Dieu. » « Durant cette retraite, j’ai relu les Fondations, qui m’ont rappelé la Providence spéciale de Notre Seigneur pour ceux qui sont consacrés à son service. »
Il invoque Thérèse : « Ma bonne et chère sainte, ma courageuse sainte, donnez-moi quelque chose de votre amour pour Jésus. ».
S’adressant au Seigneur, il confesse : « Je me suis présenté à vous avec cette tiédeur invétérée, vous priant de me guérir. Et je suis monté pour demander des lumières à sainte Thérèse, et sans aucune consolation, j’ai compris que j’abusais de sa doctrine, si j’attendais l’heure de la grâce sans rien faire. »
Une autre fois : « Cette retraite a commencé dans un sentiment de sécurité et de foi, elle se continue sans que je voie autre chose que la bonté de l’oraison, donum optimum. Sont-ce les carmélites [à qui il avait prêché] qui m’ont obtenu ce désir par l’intercession de sainte Thérèse ? »
Il remarque : « Sainte Thérèse devrait m’enseigner le courage. »
Il prend comme résolution de retraite : « Lire souvent sainte Thérèse puisque ses œuvres me font un bien si grand ». Il reconnaît que « la lecture de sainte Thérèse m’a toujours fait beaucoup de bien ».
Et aussi que « la lecture des lettres de sainte Thérèse – toujours elle – me donne beaucoup d’estime du courage, de l’action. ».
Et encore : « L’impression profonde que me font toujours les écrits de sainte Thérèse me persuade que cette chère sainte me veut du bien. ».
À la lecture de sainte Thérèse, 5e demeure, ch. 3, il note : « Une grâce aussi éminente que celle de l’union n’est pas donnée en vain ; si l’âme qui la reçoit n’en profite point, elle tourne au profit des autres. J’ai connu une personne à qui ce que je dis est arrivé. »
Quand il médite sur la souffrance et l’épreuve que Jésus envoie de ses mains percées pour nous, pensée à laquelle il faut toujours revenir, il ajoute : « Les épreuves des pères Déchaussés et de la sainte Mère elle-même sont aussi bien consolantes. »
(Rediffusion) Extrait de Le père Lagrange d’une Thérèse à l’autre par Fr. Bernard Montagnes o.p. http://www.mj-lagrange.org/?p=2106
Photo : Portrait de Ste Thérèse d’Avila
L’Enfant Jésus donnant les attributs de la Passion à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et saint Jean de la Croix
C’est un tableau très rare, il représente l’Enfant Jésus donnant des signes de sa passion à Sainte Thérèse de Jésus et Saint Jean de la Croix. L’enfant porte une robe en tulle transparent avec broderies, qui laisse apparaître tout son corps (1726).
Transverbération de Sainte Thérèse d’Avila
Le tableau est réalisé sur tissu de soie brodé de fil de soie de différentes couleurs avec les parties peintes qui correspondent exclusivement aux incarnations du Saint et de l’Ange. La pièce est véritablement magistrale d’un point de vue technique et esthétique. Le thème central, occupé par les figures de Sainte Thérèse et de l’Ange, l’encrier au sol et le Saint-Esprit au sommet, est enveloppé dans un grand paysage de nuages blancs sur le ciel bleu. Sur la bande inférieure, nous voyons un cartouche de composition rococo avec un texte en majuscules presque perdues, pouvant lire « TERESA DE JESUS » sur la deuxième ligne. Cette pièce répond à la vigueur nouvelle adoptée par la broderie espagnole à l’arrivée des Bourbons, qui dans la seconde moitié du XVIIIe siècle alliaient le style rococo et le goût pour la chinoiserie. Dans le cas présent, les deux concepts sont présents (1750).Source : https://carmelitasalba.org
10 octobre 2023
Jour-Anniversaire en mémoire du Serviteur de Dieu le P. Marie-Joseph Lagrange, o. p.
Notre prière rejoint celle de Fr. Manuel Rivero, o. p., vice-postulateur et président de l’association au cours de la messe célébrée de ce jour. Confions à l’intercession du P. Lagrange nos demandes de grâces. Pour les grâces obtenues, écrire à manuel.rivero @free.fr. Aujourd’hui, prions Notre-Dame de la Paix pour la réconciliation entre les peuples.
Photos : Prière pour demander l’intercession du P. Lagrange.
Notre-Dame de la Paix – source Zenit.
8 octobre 2023
« Au temps du Synode, progresser dans la Vérité »
Homélie pour le 27e dimanche du temps ordinaire, le 8 octobre 2023.
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Jésus dérange, autant l’éliminer. Voilà ce que nous enseigne la parabole de la vigne aimée de Dieu dans l’évangile selon saint Matthieu. Le maître de la vigne, c’est Dieu, la vigne c’est le pays d’Israël, les serviteurs sont les prophètes, les mauvais vignerons sont les chefs du peuple, entêtés et infidèles, le fils, c’est Jésus lui-même, Fils de Dieu.
Cette parabole garde son actualité. Qui est le propriétaire de la terre et la source de la vie sinon Dieu ? Pourtant ses pensées ne sont pas nos pensées. Quand il nous contrarie, nous cherchons aussi à l’éliminer.
Le propriétaire a confié la gestion du vignoble aux vignerons dans l’attente de récolter de bons fruits. Au lieu de présenter de beaux raisins aux envoyés du maître, les vignerons les mettent à mort. Ils en font de même avec son propre fils. Nous trouvons ici un résumé de l’histoire d’Israël qui a tué les prophètes et même le Fils de Dieu envoyé par le Père, Jésus. Mais « la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle », annonce de la résurrection et de la naissance de l’Église, Temple de Dieu.
Dans leur aveuglement, les vignerons ont mis à mort les envoyés. Faute de discernement, dans l’orgueil, les hommes continuent de mettre à mort ceux qui contrarient leurs plans et leur volonté de puissance. Des guerres diaboliques et des avortements pour convenance personnelle montrent la violence sans pitié dont l’humanité est capable.
« Je suis perdu » est une phrase que j’entends souvent. Sans boussole, sans Dieu, l’humanité ne sait plus pour qui elle vit, ni le sens ni le pourquoi. La perte du sentiment d’appartenance désoriente les personnes qui se demandent si elles ont un rôle à jouer ou une mission à accomplir en-dehors des besoins et des loisirs. 45% des Français déclarent n’appartenir à aucune communauté. Nous devenons de plus en plus individualistes dans des systèmes individualisants qui isolent tout en informant. Internet et les réseaux sociaux peuvent donner l’illusion que l’homme n’a pas besoin de faire partie d’une communauté.
Au Synode, l’Église se fait rencontre, conversation, dialogue respectueux et exigeant, dans la recherche de la volonté du Christ ici et maintenant. Le bienheureux évêque dominicain, Mgr Pierre Claverie, martyr en Algérie en 1996, n’hésitait pas à affirmer loin de tout relativisme ou syncrétisme religieux : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Dieu aime tous et chacun. Il peut se manifester à travers des chrétiens et des non-chrétiens.
Nous sommes non seulement dans une époque de changements mais aussi dans un changement d’époque. Comment savoir ce qu’il faut faire ? En qui croire et pourquoi ? L’Église trouve le discernement dans la Parole de Dieu, vécue dans la charité, au cœur de la prière et de la vie fraternelle.
D’où l’organisation du Synode sur la synodalité qui vise à mettre au centre de l’existence Jésus ressuscité, dans l’écoute communautaire de l’Esprit Saint. N’éteignons pas l’Esprit Saint ! Ne le contristons pas ! Il est Amour à l’œuvre, énergie en synergie avec nous, vision donnée pour l’avenir, rendez-vous dans le futur : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).
Unité ne veut pas dire uniformité. L’unité de l’Église trouve son origine et sa force dans l’amour trinitaire du Père et du Fils et du Saint Esprit. Au cœur de la Trinité, l’Esprit Saint représente le « nous » du Père et du Fils, le lien, la mise en commun, le partage, la communion. L’esprit synodal facilite le passage du « je » au « nous » de l’Église ainsi que le passage du « nous » dans la Communion au « je » dans la confession de foi personnelle. L’homme de la modernité se pense à partir de lui-même. Tout n’est pas mauvais dans l’individualisme qui met en valeur la pensée personnelle et la dignité de chacun au milieu des menaces totalitaires qui imposent des formatages massifs.
À la suite de Jésus, la doctrine sociale de l’Église promeut la dignité intégrale de tout l’homme et de tous les hommes dans la solidarité d’une communauté fraternelle.
Dieu a créé la terre pour tous les hommes : destination universelle des biens. Tout est au service de l’humanité ; l’humanité est au service de Dieu. Dieu partage tout avec l’humanité : « Mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi », déclarait le père de la parabole du fils prodigue au fils aîné. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus exprime cela à partir d’un beau fruit de la nature : « Voici une belle pêche, rosée et si sucrée que tous les confiseurs ne sauraient imaginer une si douce saveur. Dis-moi, ma Céline, est-ce pour la pêche que le bon Dieu a créé cette jolie couleur rose si veloutée et si agréable à voir et à toucher ? Est-ce encore pour elle qu’Il a dépensé tant de sucre ?… mais non, c’est pour nous et non pas pour elle. » (Lettre 147, 13/08/1893).
Trois mots structurent la démarche synodale : communion, participation, mission. Nous avons à nous réjouir de ce rassemblement synodal qui comprend des évêques et des laïcs, hommes et femmes. L’étymologie de synode veut dire « marcher ensemble ». Ensemble nous sommes plus intelligents que tout seuls. Tout seuls nous risquons fort de nous tromper et de nous faire illusion. Dans la prière, en Église, nous nous trompons rarement. La démarche synodale diminue notre peur face aux menaces de guerre et aux défis de nouvelles technologies qui appellent des choix de sagesse. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », déclarait Rabelais (+1553).
Des laïcs, membres du Synode sur la synodalité, témoignent de la vigueur de la foi des catholiques aujourd’hui qui vivent le sensus fidei, le sens de la foi, et le sensus fidelium, le sentir théologal des fidèles, expérience de Dieu. Nous pouvons être fiers de la passion de nombreux laïcs pour la théologie. L’Ordre des prêcheurs, dominicains, participe à la formation des leaders laïcs. Plusieurs laïcs, délégués au Synode, ont été étudiants à DOMUNI, notre université numérique. Le but du synode n’est pas de changer la foi mais de grandir dans la foi et dans la connaissance de la Vérité.
Le Synode représente une expérience de communion avec Dieu dans la prière et le dialogue, voire dans le débat contradictoire si apprécié des frères dominicains puisqu’ils sont nés non de la répétition des leçons mais du débat avec les cathares.
Le philosophe Emmanuel Kant définissait la science comme l’organisation des connaissances et la sagesse comme l’organisation de la vie. Le Synode aspire à la sagesse, don de Dieu, en participant à l’organisation de la vie de l’Église au cœur de l’humanité. C’est la mission que le Christ a confiée aux apôtres et aux chrétiens. La foi de l’Église ne change pas mais les dogmes peuvent connaître des développements dans le progrès de la Vérité révélée. Le Christ, chemin, vérité et vie, est présent à son Église « hier, aujourd’hui et demain » et nous le connaissons de mieux en mieux. Le mystère du Christ ne change pas mais il continue de dévoiler sa richesse infinie. Prenons un exemple, un bébé d’aujourd’hui reste un bébé semblable à un bébé d’il y a deux mille ans. Pourtant nous connaissons mieux la génétique et la psychologie du bébé aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. Ce que nous découvrons dans les recherches scientifiques maintenant étaient présentes il y a des milliers d’années mais cachées, inconnues.
Ne nous laissons pas décourager par le rejet de l’Évangile ou par l’abandon de l’Église chez des baptisés. « Seigneur, à qui irions-nous ? » ; s’exclamait l’apôtre Pierre, « tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Choisissons le Christ pour bâtir notre existence sur sa Parole, avec lui : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant » (Psaume 126,5).
7 octobre 2023
Bienheureuse Vierge Marie, Reine du Rosaire
« Reine du Très Saint Rosaire, vous que je désire tant faire connaître et aimer ! » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel.)
Plusieurs écrits ont paru sur le père Lagrange, surtout depuis que Jean-Paul II a introduit sa cause de béatification. Je m’en tiendrai à quelques souvenirs du père Jaussen, qui, pendant trente ans, avait été disciple et collaborateur du père Lagrange à Jérusalem : « La dévotion du père Lagrange envers la Vierge Marie, nous dit que ce frère dominicain, était plein de confiance, je dirai presque « enfantine », comme celle de sainte Thérèse de Lisieux. Je le vois encore récitant souvent le matin, dans une allée du jardin ou sous le cloître, le petit office de la Sainte Vierge ou un chapelet avant de se mettre au travail. Chaque année, la veille de l’Immaculée Conception, il conduisait les novices au sanctuaire de Sainte-Anne à Jérusalem… En juillet, il accompagnait ses étudiants au sanctuaire de la Visitation à Aïn Karim, lieu traditionnel de la visite de Marie à Élisabeth, pour exciter la charité dans les cœurs, à l’imitation de la charité de Marie. Chaque matin, autant que possible, il choisissait l’autel du Rosaire pour célébrer la Sainte Messe. La Vierge Immaculée était honorée comme une Mère bien-aimée sous le regard de laquelle vivait son serviteur. » Albert Enard. Assidus à la prière avec Marie, Mère de Jésus. Parole et Silence 2003.
Photos : P. Lagrange priant, jardin, Jérusalem.
Vierge Marie, Reine du Rosaire, S. Cantarini (1612-1648), Museo di Brescia (Italie).
Le rosaire et les enfants
Fr. Manuel Rivero, o.p.
Prier le chapelet avec les enfants n’est pas une mission impossible ! Que ce soit en famille ou à l’école, des parents et des catéchistes témoignent de l’attachement des enfants à cette prière. Ils trouvent cette prière apaisante et profonde. La récitation d’une dizaine porte du fruit : expression des difficultés à travers les intentions de prière, dialogue avec Dieu en compagnie de la Vierge Marie, apprentissage du silence intérieur grâce à la récitation de la Salutation de l’ange Gabriel à Marie, formation d’une petite communauté de croyants. Les enfants aiment aussi avoir un chapelet dans leur main. Nous ne sommes pas de « purs esprits ». J’ai vu les yeux des enfants briller en recevant et en priant le chapelet. En le priant, ils le touchent et le marquent de leur corps et de leur âme. Leur chapelet devient le témoin de leur histoire, leur compagnon et leur ami.
Le pape Jean Paul II écrit dans sa lettre apostolique « Le rosaire de la Vierge Marie » : « Prier le rosaire pour ses enfants, et mieux encore avec ses enfants, en les éduquant depuis leur plus jeune âge à ce moment quotidien de « pause priante » de la famille, n’est certes pas la solution à tous les problèmes, mais elle constitue une aide spirituelle à ne pas sous-estimer. » (n° 42). Pourquoi ne pas l’essayer ?
4 octobre 2023
Saint François d’Assise (1181-1226), fondateur de l’ordre des Frères mineurs (O.F.M.), patron de l’Italie, patron Céleste des écologistes
« Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité ! »
Comme l’ordre des Dominicains, l’ordre des Franciscains est caractérisé par la pauvreté, la prière et la prédication que l’on retrouve dans la vie du père Lagrange :
Homme de foi en la Providence, mystique sûr de l’action de Dieu dans l’histoire humaine, le père Lagrange a mis sa confiance dans la Providence divine. Les conditions de la fondation de l’École biblique de Jérusalem en sont l’exemple le plus parlant. Il savait que les grandes entreprises de Dieu naissent petites. Loin de se décourager face à la pauvreté matérielle ou d’exiger comme condition sine qua non des instruments de travail performants, le père Lagrange met sa confiance en la Providence, comme le décrit le frère Jacques Loew : « Les Supérieurs du Père l’envoient à Jérusalem : quelle joie ce sera de rechercher les traces de Marie à Nazareth ou à Bethléem et d’être comme dans un pèlerinage perpétuel ! Oui, mais le Père est seul, sans argent, sans livres de travail ! Qu’importe : il fonde l’École biblique de Jérusalem. C’est précisément, dira-t-il plus tard, parce quec’était inhumain et qu’il n’y avait rien que cela valait la peine de l’entreprendre, parce que c’était Dieu qui le réaliserait. » Des professeurs pour enseigner ? Le Père les formera lui-même parmi ses premiers élèves. Des salles de cours ? Un abattoir où les crochets à suspendre les bestiaux se voient au mur. Du matériel scolaire ? Une seule table, un seul tableau noir, une seule carte du pays ! « Notre plus petite école primaire de France est un palais à côté de cette université naissante. Mais, en revanche, quel commencement, dit-il dans son discours, avec l’aide de Madame Sainte Marie et de Monseigneur Saint Étienne, dans la confiance que Dieu le veut ! »
Ceux qui ont connu le père Lagrange témoignent de sa pauvreté manifestée dans les petites choses du quotidien. Dans l’Évangile, Jésus enseigne que celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes, tandis que celui qui se montre malhonnête dans les petites choses l’est aussi dans les affaires d’importance [1].
Le frère Louis-Albert Lassus, o.p., a cité un exemple de l’esprit de pauvreté du père Lagrange prêt à supporter le froid pour favoriser l’économie du couvent : « Je me rappelle aussi qu’en plein hiver, il demanda au père prieur : Croyez-vous qu’il fasse assez froid pour allumer mon poêle ? » (Un religieux fidèle à ses vœux par Fr. Manuel Rivero o.p.)
Photo : Saint François d’Assise et Saint Dominique se rencontrent- Benozzo Gozzoli (1452).
[1] Cf. Évangile selon saint Luc 16, 10. Témoin 31, Rév. Jacques Loew (Cop. Publ., IV, pp. 356-371).
3 octobre 2023
En communion de prières avec tous nos amis participant au Pèlerinage du Rosaire à Lourdes 2023.
1er octobre 2023
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (1873-1897), docteure de l’Église, patronne des Missions
Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897)
Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange
Dans son Journal spirituel[1], le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée…».
L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».
Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque[2] des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne[3] a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complu à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir[4]’. ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’[5] ».
C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.
Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit[6] ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église. Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ » (n° 48).
[1] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.
[2] Synopsis Evangelica. Textum graecum quattuor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.
[3] Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.
[4] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.
[5] Ibidem, chapitre VIII.
[6] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.
Paru sur fr.zenit.org Le 9 septembre 2021.
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