Écho de notre page Facebook : octobre 2024

31 octobre 2024

Éclairage sur l’évangile de ce jour par le P. Marie-Joseph Lagrange O.P.

Les ruses du renard Hérode et le dessein de Dieu (Luc 13, 31-32)

Luc 13. À cette heure même quelques Pharisiens s’approchèrent et lui dirent : « Sors d’ici, et va-t’en ; car Hérode veut te tuer. » Et il leur dit : « Allez dire à ce renard : “Voici : aujourd’hui et demain je chasse des démons, et j’accomplis des guérisons, et le troisième [jour] je suis consommé. 3Cependant, aujourd’hui et demain et le [jour] suivant, je dois être en route, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem.” »

Jésus termina sa réponse sur ces paroles : « Quelques-uns des derniers seront les premiers, et des premiers seront les derniers. » Il était aisé de comprendre que les premiers appelés étaient les docteurs Juifs ; ils s’exposaient à arriver trop tard, par leur refus d’écouter le vrai docteur envoyé par Dieu, tandis que d’autres, d’abord égarés sur des voies trompeuses, seraient admis, ayant fait pénitence, même s’ils avaient appartenu au monde des Gentils.

Cette allusion ne pouvait être agréable aux Pharisiens. À leur ordinaire ils dissimulèrent, et, feignant une inquiétude sympathique, ils dirent à Jésus avec une brusquerie qui trahissait leur secrète pensée : « Sors d’ici et va-t’en ; car Hérode veut te tuer. » On comprend très bien qu’ils se sont faits les complices empressés des désirs du tétrarque. Cauteleux plutôt que violent, celui-ci ne voulait pas d’affaires. Jésus revenu sur ses terres, c’était une nouvelle poussée de l’agitation qui avait secoué la Galilée, plus dangereuse encore sur la frontière des Nabatéens, ses ennemis depuis son divorce avec la fille de leur roi. Faire enlever Jésus et recommencer la tragédie du meurtre de Jean Baptiste eût été une solution extrême, désagréable. Le mieux était d’éloigner l’indésirable par un conseil discret et bienveillant en lui laissant croire qu’il déjouait de la sorte une embûche. Mais Jésus n’avait d’autre règle que la volonté de son Père. Sa mission n’était pas terminée : « Allez dire à ce renard » – cette ruse était digne de la bête artificieuse fertile en bons tours – : « Voici que je chasse des démons et que j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je dois être consommé. » C’est alors seulement qu’il se rendra à Jérusalem où la parole d’un prophète est plus sonore et plus chargée de conséquences, soit qu’on l’écoute ainsi qu’il arriva à Isaïe, soit qu’on le méconnaisse et le maltraite comme ce fut le lot de Jérémie, car il ne convient pas qu’un prophète, surtout tel que lui, périsse en dehors de Jérusalem. Il n’a donc rien à craindre d’Hérode, et Hérode n’a qu’à prendre patience quelque peu : « Aujourd’hui et demain et le jour suivant, je dois continuer ma route. » C’est donc par deux fois que Jésus énonce ce délai de trois jours, manifestement dans une intention prophétique. Ce ne sont pas des jours naturels, la suite l’indique assez. Ce ne sont pas non plus des années, car la Passion est proche. Ce sont donc plutôt des mois. Or si ces paroles ont été prononcées après la fête de la Dédicace, vers la fin de janvier, comme il est très vraisemblable, il restait à Jésus deux mois et demi avant de mourir à Jérusalem.

Nous ne savons comment le tétrarque accueillit cette réponse, qui fut sans doute plutôt envenimée qu’atténuée par les Pharisiens. Elle ne fit qu’exciter davantage cette curiosité, tempérée alors par la prudence politique, que Jésus sut tenir en respect de la même manière lors de la Passion.

Apostrophe à Jérusalem

Lc 13. « Jérusalem ! Jérusalem ! qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés ! Combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants comme la poule sa couvée sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu… Voici qu’on vous laisse votre maison… Or je vous [le] dis, vous ne me verrez plus, jusqu’à ce que vienne [le moment] où vous direz : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! »

[…] Ainsi la justice longtemps suspendue, va frapper. Ainsi le peuple choisi, dont l’élection était figurée par Abel, est entré dans les sentiments de Caïn contre le Messie, frère issu de son sang qui lui était envoyé, et il poursuivra encore de sa haine les messagers du pardon qui viendront après lui. Aucun homme n’est puni que pour ses fautes, mais cette fois la nation va se charger d’un crime qui résume tous les crimes amoncelés depuis l’origine du monde, et son châtiment, longtemps différé, sera définitif : « Jérusalem, Jérusalem ! qui tues les Prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants comme une poule réunit ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ? Voici que votre maison vous est laissée déserte » Et pourtant ! Que parlions-nous d’un châtiment définitif ? La ruine est certaine, mais n’exclut pas l’espérance, la certitude du repentir : « Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.” »

C’est sans doute sur cette parole que saint Paul a fondé sa prophétie du retour des Juifs à leur Messie. L’Église n’en a jamais désespéré : elle attend toujours.

(Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse, Artège-Lethielleux. 2017)

 

25 octobre 2024

 

Dilexit nos : du verbe latin diligo, lexi, lectum, ere (dis et lego), tr., prendre de côté et d’autre, choisir, [d’où] distinguer, estimer, honorer, aimer [d’une affection fondée sur le choix et la réflexion]. (Traduction du Gaffiot)

 

 

20 octobre 2024

Le mois d’octobre est un mois favorable au chapelet nous rappelle Fr. Manuel Rivero O.P.

https://youtu.be/pUDImkAQ830?si=6-8FdN4MWN0RUMJq

Ave Maria Gratia Plena !

 

 

17 octobre 2024

Saint Ignace d’Antioche, Évêque, martyr et Père de l’Église.

https://www.collegedesbernardins.fr/mag-digital/saint-ignace-dantioche-ce-quil-a-apporte-a-leglise

Revoir aussi : https://www.mj-lagrange.org/?p=13036

15 octobre 2024

Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582). Docteur de l’Église.

Une sainte qui représente l’un des sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps (Benoît XVI).

Le premier contact avec l’Espagne dans les jours déjà brumeux de novembre ne fut pas sans mélancolie. Le splendide couvent de San Esteban, abandonné depuis longtemps, n’était guère en état de nous recevoir. C’était plus que la pauvreté, le dénuement. Mais la joie surabondait. À Salamanque nous étions à dix-neuf kilomètre d’Alba de Tormès, où reposait le corps de sainte Thérèse. Dès les premiers jours, la grande sainte, la mistica doctora des Espagnols, nous ouvrit ce grand cœur que l’on croyait voir percé d’épines. Si ces lignes ont pour but principal d’exprimer ma gratitude envers ceux qui m’ont fait du bien, je reconnais ici que le peu de lumières que j’ai eues sur la vie spirituelle m’est venu surtout de sainte Thérèse d’Avila. Mon ordination au sous-diaconat à Avila n’a pu qu’augmenter ma dévotion pour la noble et vaillante sainte. Le couvent lui-même était plein de sa mémoire. On montrait sous le grand cloître un petit guichet par où le P. Bañez entendait sa confession quand elle était dans l’église. S’installer à Salamanque, c’était prendre pied dans la théologie du XVIe siècle, car nulle part saint Thomas d’Aquin ne fut plus étudié et plus admiré, par les Carmes comme par les Dominicains.

(Souvenirs personnels. Fr. Marie-Joseph Lagrange o.p. Salamanque 1880-1884. Cerf. 1967. P. 282).

15 octobre 2024

Belle fête de Santa Teresa de Avila, la mystique espagnole qui a marqué le vie spirituelle du père Lagrange. Le père Marie-Joseph Lagrange aimait se rendre à pied de Salamanque à Alba de Tormes où se trouvent les reliques de la sainte carmélite. Dans les archives du Carmel de Alba de Tormes figure la signature du père Lagrange au coeur du livre des visiteurs. Fr. Manuel.

Le père Lagrange à Salamanque (1880-1886)
Le contexte politique, ecclésial et dominicain de son séjour en Espagne
Fr. Manuel Rivero O.P.
Introduction et problématique
Les frères dominicains de la province de Toulouse ont été expulsés de France à la suite des décrets du 29 mars 1880 par Charles de Freycinet, président du Conseil, et Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique. Ces décrets visaient l’expulsion des Jésuites et l’interdiction de vivre en communauté religieuse. 261 couvents furent fermés et 5 643 religieux expulsés.
Accueillis par les dominicains espagnols du couvent de Salamanque, les frères dominicains du Midi de la France, autour de soixante-dix, sont arrivés dans la ville baignée par le fleuve Tormes le 4 novembre 1880. Ce n’est qu’en 1886 et en 1887 qu’ils sont repartis vers le sud de la France après sept ans de vie religieuse dans le célèbre couvent des maîtres en théologie qui ont marqué l’histoire de l’Église : Francisco de Vitoria, Soto, Melchor Cano …
Quelle était la vie politique, ecclésiale et dominicaine à cette époque en Espagne ? Pourquoi le couvent dominicain de Salamanque était-il presque en ruines ? Quelle était la situation de l’Église espagnole au cours du XIXe siècle ? Pourquoi les frères dominicains avaient-ils abandonné ce prestigieux couvent ?
Il importe de bien connaître cet environnement politique et ecclésial pour situer et comprendre la vie du frère Marie-Joseph Lagrange pendant ces six années espagnoles.
Plusieurs historiens espagnols et français ont étudié le devenir des dominicains français de la Province de Toulouse à Salamanque à partir de documents sur l’histoire d’Espagne ainsi que sur l’évolution de l’Église catholique et de la Province dominicaine d’Espagne, restaurée en 1879 après quarante-cinq ans d’exclaustration. Les archives du couvent de Salamanque et de la province dominicaine de Toulouse fournissent assez de renseignements pour se faire une idée de ce que le frère Marie-Joseph Lagrange a vécu au milieu de ses frères en cette région castillane, Salamanque et Zamora, où il reçut l’ordination diaconale et presbytérale.
La situation politique au XIXe siècle
De l’Ancien Régime au libéralisme
Au cours du XIXe siècle la France passe de l’Ancien Régime au libéralisme. À partir des philosophes anglais dont Thomas Hobbes et David Hume, de la philosophie dite des Lumières, la France connaît une révolution hostile à l’Église catholique. Cette philosophie essaya de remplacer la vision chrétienne par une philosophie fondée uniquement sur la raison, la raison à la place de Dieu. La raison ne supportait aucune autorité au-dessus d’elle-même. En la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Raison fut fêtée comme une déesse alors que cet édifice sacré recevait un nouveau nom : Temple de la Raison et de la Liberté.
Il s’agissait de rompre avec le christianisme considéré comme une superstition, cause d’obscurantisme et de vie malheureuse, pour accéder à un ordre nouveau séculier, fait de progrès et de bonheur. La religion considérée comme un mythe au sens négatif du terme, vide de contenu, incompatible avec la raison, devait disparaître afin que l’homme devienne libre, égal en dignité et fraternel.
Dans l’Ancien Régime, la société était divisée en trois états : le haut clergé, l’aristocratie et le peuple. Au-dessus de tous se trouvait le roi avec son pouvoir absolu. Le haut clergé et l’aristocratie bénéficiaient de privilèges, sans charges fiscales, tandis que le peuple, en particulier la masse des paysans, supportait le poids du travail, des impôts et de la guerre tout en vivant dans la misère.
La Révolution française représenta un essai de dépassement des rapports de domination mais elle n’aboutit pas à la libération escomptée. Encore une fois, l’histoire prouve qu’il ne suffit pas de changer des structures et d’exécuter des personnes pour obtenir la justice et la paix. Sans une conversion des mentalités et des actions personnelles, les révolutions sont vouées à l’échec et appellent d’autres renversements ; l’homme demeure alors un loup pour l’homme et les rapports de domination restent vivants. Les faibles subissent toujours la loi des forts et un nouveau groupe dominant remplace le précédent.
Le positivisme, le matérialisme et le marxisme nuiront pendant le XIXe siècle à l’Église dans son enseignement, dans ses biens et même dans ses personnes. L’Église subira la persécution et le dépouillement de ses possessions. La vie monastique sera considérée comme inutile; les vœux comme allant contre la nature. D’où l’interdiction d’exister pour les moines et les religieux.
La philosophie dite des Lumières et le régime libéral vont séparer le trône et l’autel, l’Église et l’État. Cette séparation ne fut pas sans bienfaits pour l’Église qui retrouva une plus grande liberté.
Parmi les événements de l’histoire de l’Église au XIXe siècle nous pouvons signaler: le dogme de l’Immaculée Conception en 1854, les apparitions de la Vierge Marie à Lourdes en 1858, le Syllabus du pape Pie IX en 1864, le concile Vatican I et la disparition des États pontificaux en 1870 et l’encyclique du pape Léon XIII « Rerum novarum » le 15 mai 1891, texte de référence pour l’action sociale catholique comme l’étaient pour les socialistes « Le manifeste du parti communiste » (1848) et « Le Capital » de Karl Marx.
Les événements politiques en Espagne au XIXe siècle
L’Espagne reçut dans sa politique l’influence des Lumières et de la Révolution française. La politique espagnole au cours du XIXe siècle représente une succession de bouleversements dont l’Église subit les contrecoups: le 2 mai 1808, la Guerre de l’Indépendance contre la France ; le 6 juin 1808, José I Bonaparte, roi d’Espagne ; le 19 mars 1812, la Constitution espagnole avec le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et la monarchie constitutionnelle ; en 1814, le roi Fernando VII retrouve l’Espagne ; le 6 octobre 1833, la Première guerre carliste ; en 1835, Juan Alvarez Mendizabal, président du gouvernement; en 1835, la loi sur l’exclaustration des religieux ; en 1836 la loi sur l’expropriation des biens du clergé (Desamortización) ; en 1851, Concordat de l’État espagnol avec le Saint-Siège (État confessionnel catholique, possibilité pour les religieux d’enseigner dans les écoles et reconnaissance par l’Église des biens expropriés); en 1855, loi sur l’expropriation des biens du clergé de Pascual Madoz ; 1868-1874, six ans de gouvernement libéral ; 1872, Troisième guerre carliste ; 11 février 1873, Première République espagnole ; 1874, Restauration des Bourbons avec le roi Alfonso XII ; 1876, Constitution avec la division du pouvoir politique en deux Chambres : le Congrès des députés et le Sénat. Au gouvernement, alternance des partis conservateur, Antonio Cánovas del Castillo (1828-1897) et libéral, Práxedes Mateo Sagasta (1825-1903) ; 1879, Pablo Iglesias fonde le Parti socialiste ouvrier espagnol ; 1885, après la mort du roi Alfonso XII, sa femme, María Cristina de Habsburg-Lorena, est proclamée reine régente. Son fils, Alphonse XIII, naît le 17 mai 1886.
L’Église espagnole au XIXe siècle
Le pape Grégoire XVI condamna le libéralisme en 1832. En 1835, la loi sur l’exclaustration frappa 31 000 religieux et elle entraîna la fermeture de 1 940 couvents de religieux. L’Église catholique souffrit beaucoup en Espagne pendant cette période : rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement espagnol, absence de nominations d’évêques entre 1834 et 1847, plus de quarante diocèses sans évêques, difficile ministère épiscopal en de nombreux cas sous la pression du gouvernement.
La crise économique nationale étant très grave, le gouvernement chercha à la résoudre en saisissant les biens immobiliers de l’Église avec les lois d’expropriation des biens du clergé par Mendizabal (1836-1837) ; en réalité les biens furent récupérés par des gens riches qui devinrent plus forts et plus riches. Les pauvres restèrent dans la misère et ils perdirent souvent l’aide apportée par l’Église dans les écoles, les dispensaires, les œuvres de charité …
Le concordat entre l’État espagnol et l’Église en 1851 apporta un certain apaisement dans les relations bilatérales mais il ne suffit pas à restaurer les ordres religieux supprimés ni à restituer les biens saisis.
Avec la Restauration des Bourbons à partir de 1874, l’Église retrouve une plus grande liberté.
La restauration de la province dominicaine d’Espagne en 1879: le couvent de Salamanque
La loi d’exclaustration de 1835 avait dispersé les frères dominicains de la province d’Espagne. Quarante-quatre ans plus tard, en 1879, a lieu la restauration officielle de la province dominicaine d’Espagne comme le montre le document du 27 janvier 1879, signé par le vicaire général de l’ordre des Frères prêcheurs, le frère José María Sanvito, et par le ‟socius” espagnol, Provincial titulaire de Grèce, le frère José María Larroca.
Le chapitre provincial fut convoqué le 2 mai 1879 au couvent de formation missionnaire à Corias et il se déroula entre le 2 et le 11 mai 1879 . Le Province dominicaine d’Espagne comprenait à ce moment-là trois couvents représentés au chapitre provincial : Corias, Las Caldas et Padrón. Le frère Martin Clemente y Pulido, élu provincial, évoque dans les actes les décrets de 1834 à 1836 qui provoquèrent la fermeture des couvents .
Le couvent de Salamanque avait souffert des pillages des troupes françaises en 1809 . Le décret d’exclaustration de 1835 avait forcé les frères à quitter le couvent. Il avait servi de caserne, d’hôpital et de musée provincial. Le roi Alphonse XII avait relevé la détérioration du bâtiment lors d’un passage dans cette ville en 1877. En 1879, ce prestigieux couvent menaçait de s’effondrer .
Le frère Martín Clemente y Pulido avait demandé dès février 1878 aux responsables politiques espagnols l’autorisation de fonder un noviciat qui formerait des missionnaires pour l’Asie (Philippines, Tonkin et Chine). Le gouvernement espagnol comptait sur l’apport de l’Église pour renforcer la paix dans les colonies. Les couvents de formation aux missions bénéficiaient ainsi d’un traitement privilégié par rapport aux autres.
Le 6 juin 1878 un Ordre royal, expédié le 26 juin par le Ministère des finances, demanda à la Direction nationale des propriétés de l’État de livrer l’édifice dominicain à l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo, tertiaire dominicain .
Deux ans plus tard, le 9 juin 1880, l’évêque de Salamanque reçut le couvent dominicain qu’il confia aux Dominicains représentés par le frère Andrés María Solla. À cette époque il y avait dans le diocèse de Salamanque plus de cinquante frères prêcheurs exclaustrés.
L’expulsion par la France des dominicains de la province de Toulouse en 1880 poussa le frère José María Larroca, Maître de l’Ordre (1879-1891), à offrir le couvent de Salamanque comme lieu d’accueil au frère Hyacinthe-Marie Cormier, prieur provincial de Toulouse. Le frère Larroca avait subi lui-même l’exil en France entre 1836 et 1844. C’est déguisé en paysan qu’il avait fui le pays basque espagnol pour se réfugier à Saint-Jean-de-Luz et ensuite à Basusarry dans le pays basque français.
Le frère Larroca confia au frère Martínez Vigil la mission d’obtenir du gouvernement espagnol l’autorisation pour les frères dominicains français de s’installer dans le couvent de Salamanque. Les frères Solla et Manovel étaient chargés à leur tour de préparer sur place l’accueil des frères réfugiés.
Le frère Martínez Vigil rencontra le président du gouvernement, Antonio Cánovas del Castillo, et il obtint l’autorisation pour les différents dominicains français de s’établir dans plusieurs villes d’Espagne : Salamanque, Vitoria et Belmonte . C’est ainsi que les frères de la province de Toulouse purent s’installer à Salamanque. Un article de la revue « L’Année dominicaine » en 1886 témoigne de la gratitude des dominicains français envers le frère Martínez Vigil O.P.
Les frères dominicains espagnols étaient peu nombreux au couvent de Salamanque. En 1880, le prieur provincial, le frère Martin Clemente, y résidait accompagné uniquement d’un frère coopérateur, le frère José Barberá. En 1881, trois autres frères y arrivent pour assurer la prédication dans le couvent et dans le diocèse : les frères Cipriano Sáenz de Buruaga, Paulino Alvarez et Inocencio Fernández. Deux autres frères y sont aussi envoyés pour étudier à l’université: le frère Juan Tomás González Arintero, sous-diacre, et le frère Justo Cuervo, diacre. Ces deux frères étudiants atteindront par la suite un grand renom dans la théologie : le frère Juan Tomás González Arintero, dans la mystique, et le frère Justo Cuervo, comme historien.
Les frères de la province de Toulouse au couvent de Salamanque
Les frères de la Province dominicaine de Toulouse arrivèrent à Salamanque le 4 novembre 1880 ; ils furent accueillis par plusieurs dominicains espagnols exclaustrés, par l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo qui deviendrait tertiaire dominicain, ainsi que par des chanoines et des personnalités de la ville.
Le frère Marie-Joseph Lagrange, qui aimait écrire et interpréter les événements, raconte le voyage depuis Saint-Maximin et la vie dans le couvent saint Étienne de Salamanque .
Accueillis chaleureusement, les frères de la province de Toulouse organisèrent à Salamanque leur vie religieuse et intellectuelle de manière autonome, en continuant la formation des jeunes frères. Grâce à cette hospitalité, ils purent vivre en communauté alors qu’en France ils auraient été dispersés.
Sainte Thérèse d’Avila à Alba de Tormes
La proximité du carmel d’Alba de Tormes, où sont vénérées les reliques de sainte Thérèse d’Avila, favorisa aussi la découverte de la « Madre », la grande mystique espagnole, fondatrice de nombreux carmels. Le frère Marie-Joseph Lagrange s’y rendait en pèlerinage à pied, à une vingtaine de kilomètres de Salamanque, comme le montrent ses signatures dans « Le livre des pèlerins et des visiteurs du sépulcre de sainte Thérèse » : deux fois en 1883. En décembre 1883, figurent aussi les signatures de sa mère, Élisabeth, et de sa sœur, Thérèse, qui s’étaient rendues en Espagne pour son ordination presbytérale . Par ailleurs, ce livre de signatures rend compte des pèlerinages communautaires des frères français à Alba. Parmi les signatures de 1883 il convient de relever celle du secrétaire général de l’Ordre, le frère Henri Denifle. Plus tard, le frère Denifle, historien de l’Église, spécialiste de Luther, introduira le frère Lagrange à la connaissance du luthéranisme lors de ses visites à Rome .
Tout au long de sa vie dominicaine, le frère Lagrange reconnaîtra l’influence bienfaisante de sainte Thérèse sur la vie d’oraison et d’union à Dieu: « Il me semble que le résultat de l’étude de St Thomas (de Incarnatione) et de notre pèlerinage d’Albe (Alba de Tormes) doit être de me rapprocher davantage de la Très Sainte Humanité de Jésus. (…) L’amour de Jésus est la racine de la sainteté. » Ce doit être le point principal de la dévotion à Marie Immaculée. Noël m’a donné aussi quelque lumière à ce sujet ; union in persona » .
La sainte d’Avila, docteur de l’Église, manifestera aussi l’influence de son intercession à plusieurs moments importants de la vie du frère Marie-Joseph comme son ordination au sous-diaconat à Avila. C’est aussi le chapitre général d’Avila qui décida, en 1985, le lancement de la cause de béatification du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
Les frères dominicains espagnols et le peuple chrétien admiraient la ferveur des dominicains français notamment dans les célébrations liturgiques et les observances religieuses. Parmi les exemples de sainteté figure le frère Raphaël Célestin Goulesque , novice diacre de la province de Toulouse, décédé à Salamanque, le 26 janvier 1882, qui était souvent donné en exemple de vie religieuse aux jeunes frères espagnols lors de leur formation. Le bienheureux frère Hyacinthe-Marie Cormier contribua en tant que prieur provincial par ses exhortations au sacrifice et à la mission lors des visites canoniques au rayonnement de la sainteté des frères de la province de Toulouse. Alors qu’ils étaient réfugiés et pauvres, ces frères répondirent positivement en 1881 à l’appel de l’évêque de Goïas, au Brésil, Mgr Gonçalves Ponce, pour y enraciner l’ordre des Prêcheurs, ce qu’ils firent en laissant un parfum de sainteté évoqué encore aujourd’hui malgré le passage du temps. Ils donnèrent de leur pauvreté.
L’Académie saint Thomas d’Aquin
Si les frères français trouvèrent à Salamanque un refuge vital, il n’en est pas moins vrai qu’ils apportaient aussi aux frères espagnols et à la ville de Salamanque un beau rayonnement apostolique comme le prouve la création de l’Académie Saint-Thomas d’Aquin au service du dialogue entre la foi et la culture, œuvre du frère Gil Vilanova , d’origine espagnole et plus précisément catalane, qui vit le jour grâce à plusieurs aides : les évêques de Salamanque, Mgr Martín Izquierdo et Mgr Tomás Cámara, des professeurs de l’université de Salamanque et des frères du couvent Saint-Étienne. Les séances avaient lieu deux fois par mois. Cette institution engendra des centres semblables dans d’autres villes espagnoles comme Valladolid et Oviedo. Fondée en 1881, l’Académie Saint-Thomas d’Aquin continue d’organiser à Salamanque des débats sur les relations entre la théologie et la science, entre la foi et la culture, entre la religion et la politique …
Le frère Marie-Joseph Lagrange, étudiant et professeur à Salamanque
C’est au couvent Saint-Étienne de Salamanque que le frère Marie-Joseph approfondira la doctrine de saint Thomas d’Aquin. En 1883, il déclame une poésie française dont il est l’auteur sur la vocation de saint Thomas d’Aquin .
Le frère Marie-Joseph Lagrange reçut à Salamanque l’ordination diaconale et à Zamora l’ordination presbytérale le 22 décembre 1883, en présence de sa mère et de sa sœur Thérèse.
C’est à Salamanque que le frère Lagrange étudie l’hébreu, le syriaque et l’arabe . Il suivit les cours d’hébreu à l’université de Salamanque en compagnie du frère Justo Cuervo. Il était difficile à cette époque de trouver de bons professeurs et de bons manuels d’hébreu : « Le P. Gallais qui savait quelques mots d’hébreu, éprouvant des scrupules à remettre entre mes mains une bible hébraïque, me copiait de sa main quelques versets qu’il me faisait étudier » . Par ailleurs, le frère Marie-Joseph évoque avec délicatesse et humour les classes d’hébreu suivies à l’université de Salamanque qui étaient loin de satisfaire la juste attente des élèves . Le frère Marie-Joseph avait l’habitude de travailler seul et avec méthode. Il aimait suivre les cours mais il était un autodidacte qui réussissait ce qu’il entreprenait. Sa grande capacité de travail lui permit d’apprendre rapidement en consultant les ouvrages des bibliothèques.
La misère économique, la persécution politique et le retard du catholicisme en matière d’exégèse, manque relevé par le pape Léon XIII lui-même, font comprendre cette situation intellectuelle précaire qui ne fera que renforcer la passion du frère Lagrange pour l’exégèse scientifique. Défi qu’il relèvera en fondant l’École biblique de Jérusalem en 1890.
Dans ses « Souvenirs de Salamanque », le frère Marie-Joseph rappelle les tensions politiques et les menaces lors de son séjour en Espagne. Il serait erroné d’imaginer une Espagne majoritairement catholique vivant dans la paix avec une Église forte : « On craignait des troubles révolutionnaires à la mort du roi Alfonse XII. En revenant de la promenade, nous passâmes devant un ouvrier qui effilait un coutelas : ʺFrères, Frères, disait-il avec un geste significatif, on vous a chassés de France ; nous autres, Espagnols, nous ne nous payons pas de cette monnaie, nous exigeons le prix du sangʺ.
Et pourtant la noble Espagne du Cid Campeador fut prise alors d’un scrupule chevaleresque. La reine veuve Marie-Christine était enceinte. L’élite du pays ne consentit pas à se montrer brutale envers cette femme et cette mère. Le calme ne fut pas troublé un seul instant. Et quand Alphonse XIII naquit, on se félicita d’avoir un roi. La fermeté, le sens politique, surtout la bonne grâce de la pieuse souveraine avaient déjà gagné les cœurs.
Nous étions donc assurés de la paix religieuse. Mais enfin, nous étions sur un sol étranger. (…). Et maintenant, chers et cuisants souvenirs, de tant de grâces reçues de tant de grâces rebutées, envolez-vous, mués en prières, vers l’autel du Rosaire sur lequel, pour la première fois, j’ai dit la messe. Daigne la Vierge très pure que les Espagnols ont tant aimée, les sauver par sa toute-puissante intercession » .
De 1884 à 1886, le frère Lagrange enseigna l’histoire de l’Église à Salamanque au rythme de cinq classes par semaine ce qui lui permit d’étudier Origène et saint Augustin : « Les événements avaient pour nous moins d’importance que les idées: ce fut surtout une étude des controverses du premier siècle jusqu’à nos jours en insistant sur la doctrine des premiers Pères » . Le Studium de la province de Toulouse assurait la formation interne des jeunes frères.
C’est au mois d’août 1886 que le frère Lagrange rentra à Toulouse avec la première vague des frères ; la deuxième et dernière vague quitta les rives du Tormes en 1887.
Ce n’est qu’en 1892, que le chapitre provincial de Palencia décida d’installer les études de théologie à Salamanque. En 1897, le studium général de la province d’Espagne sera érigé à Salamanque qui redevint ainsi le couvent le plus important de la province d’Espagne comme jadis.
À Toulouse, le frère Lagrange enseignera la philosophie et la Bible pendant deux ans (1886-1888). Ensuite, il sera envoyé à Vienne pour étudier les langues et les civilisations orientales. La main de la Providence le guidera à Jérusalem pour y fonder l’École pratique d’études bibliques, inaugurée en la fête de son saint patron de baptême, saint Albert le Grand, le 15 novembre 1890.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’association des amis du père Lagrange
Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

10 octobre 2024

Le péché contre la chair
Homélie à la cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 6 octobre 2024.
Fr. Manuel Rivero O.P.

La liturgie de la Parole nous fait voyager dans le temps pour rejoindre la pensée et le cœur de Dieu : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme » (Mc 10, 6) ; « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1,27). Pour comprendre le mystère de l’amour de l’homme et de la femme, nous avons à contempler leur origine : la sainte Trinité. Dieu n’est pas solitaire. Il est relation. Trois Personnes qui sont un seul Dieu dans des relations subsistantes. Non pas trois Personnes, les unes à côté des autres, mais trois Personnes qui demeurent les unes dans les autres. Le Père n’existe pas sans le Fils. Il se donne entièrement au Fils. Le Fils se reçoit du Père et se donne dans l’action de grâce filiale au Père. Le Père fait le Fils et le Fils fait le Père. Il n’y a pas de Père sans Fils ni Fils sans Père. Le va-et-vient entre le Père et le Fils, leur communication, leur partage, leur lien, leur communion, leur Amour, c’est la Personne de l’Esprit Saint qui fait l’unité au cœur de la Trinité.
Créés à l’image de cette relation, sans domination, dans l’égale divinité, l’homme et la femme participent à la circulation d’amour trinitaire. Leur relation manifeste cette relation trinitaire. Façonnés par amour et pour l’amour, l’amour de l’homme et de la femme brille au cœur de la création comme a plus haute épiphanie de Dieu. L’homme et la femme sont les seules créatures que Dieu a voulues pour elles-mêmes. Tout dans la création a été prévu par Dieu pour eux. Mais ils ne sont pas les propriétaires de la Terre. Locataires et gestionnaires des biens confiés, ils doivent rendre des comptes au Seigneur.
Appelés à devenir une seule chair et un seul esprit dans le Christ Jésus, l’homme et la femme participent au mouvement d’amour des trois Personnes divines. La Bible ne dit pas que les animaux deviendront une seule chair. Ils se reproduisent par instinct. L’union de l’homme et de la femme a été voulue comme un accomplissement intégral de leur humanité. Il arrive que les époux parlent de leur conjoint comme leur « moitié ». Cela peut sembler grand et beau mais le mystère de leur union dépasse des moitiés juxtaposées. Dieu le Père n’est pas la moitié du Fils et le Fils ne représente pas la moitié du Père. Ils sont Un.
Dans l’amour conjugal les époux deviennent « une seule chair ». « Le Verbe s’est fait chair », dévoile le Prologue de l’évangile selon saint Jean. La chair, l’humanité dans sa faiblesse, est aimée de Dieu. Le Fils de Dieu est devenu fils d’une femme de notre race. L’époux demeure dans l’épouse ; tout ce qu’il accompli est réalisé en union de cœur et d’esprit avec son épouse ; l’épouse œuvre habitée par son époux. Ils sont un.
Saint Paul parle du péché contre son corps (cf. I Cor 6,18). En effet, le corps étant la demeure de Dieu, l’homme et la femme qui vont à l’encontre de la volonté d’amour pour eux comme dans la prostitution, pèchent contre la vocation du corps, « contre la chair ».
Dans le sacrement du mariage, l’époux reflète l’amour de Dieu pour l’épouse ; l’épouse transmet la grâce du Christ à son époux. Dans l’union conjugale, les conjoints grandissent en grâce et en connaissance de Dieu. Ils deviennent sacrement et visage de Dieu l’un pour l’autre. En s’aimant, ils rencontrent Dieu.
Dans la prière sacerdotale, Jésus a prié : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi qu’eux aussi soient en nous » (Jn 17, 21). Jésus veut cette unité pour tous ses disciples. Dans le sacrement du mariage, les époux s’unissent en Dieu et ils tirent leur union de l’union des trois Personnes de la Trinité sainte.
En ce moment, des laïcs mariés participent au synode sur la synodalité à Rome. Dans la communication conjugale, les époux peuvent vivre « un mini-synode » en marchant ensemble à la lumière de la Révélation divine. Nous pouvons penser à Jésus ressuscité qui a rejoint les disciples d’Emmaüs sur la route. Véritable pédagogie divine où le Ressuscité marche en silence avec deux disciples tristes ; il se met à leur écoute en leur posant des questions ouvertes afin qu’ils expriment émotions et pensées. Ce n’est qu’après ce temps d’effacement et d’humilité que Jésus leur explique le sens de la mort du Messie à la lumière de Loi de Moïse, des prophètes et des Psaumes (cf. Lc 24, 13s). Cette longue catéchèse rend leurs cœurs brûlants.
Des couples avouent souvent s’ennuyer. L’idéal matérialiste du bonheur « argent et sexe » ne comble pas. Les conversations tournent souvent autour des événements extérieurs présentés par les médias : commentaire du commentaire à la place d’oser parler de leur moi profond. D’où l’importance de la Bible pour renouveler le contenu et le niveau des échanges.
Dans les Équipes Notre-Dame , les couples prennent rendez-vous dans une ambiance de calme et de prière pour aborder sans tabou ni agressivité l’invisible de leurs existences et surtout les non-dits présents dans toutes les relations, véritables bombes à retardement, gangrène qui se développe en détruisant l’harmonie, cellules cancéreuses qui se reproduisent jour et nuit et qui finissent par rendre malade le couple.
La synodalité met en lumière l’importance de se réunir avec d’autres personnes. Ce que l’on appelle l’amour se réduit parfois à un égoïsme à deux. Le couple gagne à participer à la réflexion sur leur amour dans des fraternités ou dans des équipes de couples. A l’image des arbres qui poussent mieux et plus vite quand ils sont plusieurs en forêt que tout seuls, le couple progresse davantage en se réunissant avec d’autres couples ou d’autres personnes. De jeunes couples font aussi montre d’audace missionnaire en quittant leur pays pour servir dans des pays pauvres au milieu d’une multitude de dangers.
La prière de bénédiction occupe une place importante dans la vie familiale. Par exemple, les couples peuvent prier ensemble en bénissant Dieu et en se bénissant au nom de Dieu. Ils peuvent prendre le temps pour passer des pensées négatives à dire du bien du conjoint. Parmi les exercices pratiques figure celui de dire dix qualités à son conjoint. Curieusement, il semble plus facile de trouver dix défauts que dix qualités !
Au terme de la journée, plutôt que de couper la télévision avec la télécommande ou d’éteindre l’ordinateur en disant « je suis fatigué », il est bon de prier ensemble avec la possibilité de faire le signe de la croix sur le conjoint et sur les enfants. De même, au réveil, la bénédiction avec le signe de la croix augure une bonne journée vécue en communion avec Dieu et avec les autres.
Tout croyant en Jésus est appelé à devenir comme les enfants dans la confiance en Dieu et la bénédiction envers ceux qui vous font du bien. Si je donne un bonbon à un petit enfant, il ne me dira pas merci mais en se tournant vers sa mère il dira du bien de celui qui lui fait du bien en lui offrant une sucrerie.
Les conjoints ont à se convertir pour sauver leur amour en suivant l’esprit d’enfance de l’Évangile, à ne pas confondre avec l’infantilisme. Parfois les épouses disent : « J’ai quatre enfants à la maison ; trois enfants et mon mari qui est comme un enfant ! ».
Que Jésus qui a embrassé et béni les enfants répande sa bénédiction sur nous tous, enfants de Dieu.
10 octobre 2024
Synodalité, discernement et projets
Fr. Manuel Rivero O.P.

Tradition séculaire et originalité de l’esprit synodal
Le synode sur la synodalité qui se déroule à Rome en ce mois d’octobre 2024 a du mal à susciter l’enthousiasme des fidèles qui ne parviennent pas à saisir le but et l’intérêt de si nombreux débats.
Dès la naissance de l’Église que saint Luc décrit dans les Actes des apôtres, les apôtres se sont réunis pour traiter des sujets qui faisaient l’objet des débats contradictoires dans les communautés (cf. Ac 15). C’est en invoquant l’assistance de l’Esprit Saint que les apôtres ont pris des décisions après avoir écouté les propositions et les arguments des uns et des autres.
Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont organisé des réunions communautaires, des synodes, des conciles et des chapitres dans les ordres religieux.
Quelle est alors l’originalité et l’apport de ce synode sur la synodalité ? Il me semble que la nouvelle méthodologie adoptée aspire à répandre dans la vie de l’Église un esprit de dialogue, de participation dans l’égale dignité baptismale. D’où la disposition des tables rondes où s’expriment des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs dans l’intelligence de la foi et dans le but de parvenir à « un bouquet » d’expériences, des propositions voire des décisions en tant que frères et sœurs de Jésus.
Discerner ensemble
La synodalité repose la dignité baptismale des chrétiens et sur leur vocation à devenir disciples-missionnaires de Jésus le Christ, « Chemin, Vérité et Vie » (Jn 14,6). Habités par le même Saint-Esprit reçu avec le saint-chrême baptismal, les chrétiens pratiquent la méthode bien rodée de l’Action catholique : « regarder, discerner, transformer », en cheminant ensemble selon le sens étymologique du mot grec « synode ».
L’accent est par conséquent mis sur l’agir en commun. Le discernement passe par une recherche commune de la volonté de Dieu à la lumière de la Parole révélée, d’où l’importance de la Bible placée au cœur de la démarche synodale.
La synodalité développe un esprit de participation à l’image d’une ligne de crête en montagne qui évite deux dangers : le cléricalisme d’une part et la passivité de l’autre. Le prêtre demeure un serviteur de la communauté chrétienne. Il n’est pas le seul détenteur de la Vérité ni le seul décideur dans la paroisse. Par ailleurs, il arrive souvent que les laïcs nourrissent le cléricalisme dans une passivité et dans un absentéisme qui les arrangent. La paroisse devient alors l’affaire du prêtre tandis que les laïcs feraient appel à des services du culte selon les besoins.
L’Église, Corps du Christ, a besoin de l’action de chacun de ses membres. La foi grandit dans les rassemblements liturgiques, le partage des responsabilités et la transmission de l’Évangile notamment par la catéchèse.
La synodalité part de l’écoute de la Parole de Dieu dans le silence du cœur, elle se déploie dans la conversation spirituelle, la découverte de l’œuvre de l’Esprit Saint en chacun, la relecture personnelle des événements et l’engagement responsable dans l’Église, Famille de Dieu.
La synodalité se comprend en la pratiquant dans le couple et dans la famille à l’image de cercles concentriques qui partent du cœur et des relations de proximité pour se répandre dans la vie professionnelle et sociale à évangéliser.
Au rythme du cœur, systole et diastole, les chrétiens se rassemblent et ils sont envoyés vers les autres. Ils donnent et ils reçoivent, ils reçoivent en apportant leur expérience et leur connaissance du mystère de Dieu ; ils deviennent meilleurs au contact des autres. Le Fils de Dieu s’est donné aux hommes dans l’Incarnation en se recevant d’eux en la personne de la Vierge Marie, dans la petitesse, le besoin et la vulnérabilité.
Le disciple de Jésus ne fuit pas le monde : « Je ne te prie pas de les enlever du monde mais de les garder du Mauvais » (Jn 17, 15). Si des philosophes stoïciens ont avoué se sentir moins hommes dans les rencontres des hommes, il n’en va pas de même des chrétiens qui vivent les rencontres humaines comme « le sacrement du frère » où le Christ lui-même se rend présent (cf. Mt 25,31s). Dieu se révèle souvent à travers le prochain. L’Esprit Saint répand sa lumière pour discerner la volonté de Dieu aux disciples rassemblés au nom de Jésus. « J’ai besoin de la vérité des autres », aimait à déclarer loin de tout relativisme le bienheureux évêque dominicain Pierre Claverie (+1996).
Exercice de communication et de communion, la synodalité favorise la mise en commun des biens spirituels et matériels, dans le partage des connaissances et des forces.
Démarche d’« extase », c’est-à-dire de sortie de soir, la synodalité permet le dépassement de la peur du changement et de l’innovation. Le chrétien quitte alors sa zone de confort pour ouvrir son intelligence à la nouveauté, son cœur aux expériences des autres et sa volonté dans un lâcher-prise, mort de l’ego frappé d’aveuglement, afin de renaître au-delà des préjugés et des idées toutes faites à la Vie nouvelle que Dieu donne, expérience de résurrection dans le passage des ténèbres du repli sur soi à l’élan de l’annonce joyeuse de l’amour lumineux vainqueur de la mort. Jésus est ressuscité dans le tombeau devenu « le berceau du Premier-né d’entre les morts, prémices d’une multitude de frères ». Jésus le Christ continue de ressusciter dans nos tombeaux : orgueil, désespoir, arrogance. Dieu peut-il faire du neuf dans ma vie ? Oui, par la foi. L’Apocalypse le révèle : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).
Discerner des projets à réaliser : facteur de développement
La synodalité à travers sa méthodologie de discernement en commun favorise la mise en œuvre des projets et du développement.
La prière et l’action se nourrissent mutuellement : « Voir Dieu en toute chose et toute chose en Dieu ». Le dialogue en réunion débouche sur des actions pour le bien commun.
La synodalité peut ainsi devenir source d’innovation, de charité efficace et développer le potentiel de chacun dans une vision d’ensemble.
L’esprit synodal convient aussi à la pédagogie scolaire et à la catéchèse en faisant émerger des valeurs fondamentales : sens de la responsabilité, travail en équipe, confiance en soi, capacité d’adaptation et d’évaluation…
Voici résumé en 12 idées clés les possibilités de relier l’esprit synodal à la pédagogie de projet comme facteur de développement :

1. Changements sociaux et pédagogie de projet : Les changements sociaux commencent à l’école, et la culture du projet favorise le développement personnel, social et économique en valorisant l’innovation et la participation.

2. Concept de projet : Un projet est une vision proactive qui implique des activités visant des objectifs clairs avec un budget et des délais précis, représentant un processus d’apprentissage actif.

3. Types de savoirs : La pédagogie de projet développe divers savoirs (savoir-être, savoir-faire, savoir-vivre, savoir transmettre) en encourageant l’apprentissage par la pratique.

4. Capital humain et capital matériel : Le développement économique repose sur le capital humain autant que sur le capital matériel, nécessitant des compétences, la collaboration, et la planification.

5. Obstacles psychologiques et culturels : Le sous-développement est souvent lié à des facteurs tels que l’individualisme, la corruption, et la faible capacité à travailler en équipe.

6. Projets variés : Les projets peuvent être de nature diverse, allant de la construction d’écoles à l’organisation de pèlerinages, chacun nécessitant une rigueur organisationnelle et budgétaire.

7. Rôle de l’éducation et de la catéchèse : La culture du projet peut être intégrée dans l’enseignement et la catéchèse pour favoriser dès le plus jeune âge un esprit démocratique, participatif, et innovant.

8. Étapes fondamentales de la gestion de projet: La gestion de projet inclut cinq étapes : 1) étude de faisabilité, 2) préparation (planification et organisation), 3) exécution, 4) suivi et contrôle et 5) évaluation.

9. Importance du temps et de la préparation : Une préparation minutieuse est essentielle, incluant la clarification des objectifs, la méthodologie, et les responsabilités au sein de l’équipe.

10. Communication et leadership : Une communication interne et externe efficace, ainsi qu’un leadership clair, sont cruciaux pour la réussite d’un projet.

11. Évaluation post-projet : Chaque projet doit être évalué pour tirer des leçons, que ce soit des réussites ou des échecs, afin de guider les futurs projets. Réussites et échecs font partie intégrante du processus d’apprentissage.

12. Approche spirituelle et collaborative : Le projet se nourrit de la collaboration, de l’intelligence collective, et également de la prière et du discernement, créant ainsi une dynamique d’amélioration continue.

La synodalité peut ancrer le changement en mode de projet de manière à dépasser le refus ou la résistance à l’innovation . Le processus de la synodalité contribue à l’appropriation des projets nouveaux en pastorale dans une pédagogie active et participative.

Saint-Denis/La Réunion, le 10 octobre 2024.

5 octobre 2024

Prière de saint Bernard sur la Vierge Marie pour ce mois d’octobre, mois du Rosaire :

 

« Lorsque vous la suivez, vous ne faites pas fausse route ; lorsque vous la priez, vous ne perdez pas l’espérance ; lorsqu’elle occupe votre pensée, vous êtes à l’abri de l’erreur ; lorsqu’elle vous soutient, vous ne tombez pas ; lorsqu’elle vous protège, vous ne craignez pas ; lorsqu’elle vous conduit, vous ne vous fatiguez pas ; lorsqu’elle vous est favorable, vous arrivez au port du salut. » (Hom.2 super Missus est, n. 17, Pl 183, 71 A).

 

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